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La composition du Silmarillion

Simon Ayrinhac – Novembre 2014
Articles de synthèseArticles de synthèse : Ces articles permettent d'avoir une vue d'ensemble du thème traité mais ils nécessitent une bonne connaissance des principales œuvres de J.R.R. Tolkien.

Introduction

Le Silmarillion de J.R.R. Tolkien, tel qu’il a été publié en 1977 par son fils Christopher, résulte de l’amalgame cohérent d’un ensemble de textes écrits par Tolkien au cours de sa vie. Ces textes, inachevés ou à l’état de brouillons pour la plupart, ont été publiés dans les Contes et légendes inachevés en 1980, mais surtout dans l’Histoire de la Terre du Milieu (HdTM), une série de 12 volumes publiée par Christopher entre 1983 et 1996. Parmi ces 12 volumes, 6 au moins sont consacrés à la genèse du Silmarillion.

Cet essai est une tentative de détailler les sources du Silmarillion, chapitre par chapitre. Les sources ont été établies principalement en cherchant les passages identiques entre le Silmarillion et l’HdTM. Il est ainsi possible de retrouver la formulation originale de Tolkien, dans le contexte de l’HdTM. Ce travail permet aussi de retrouver les histoires « perdues », celles qui n’ont pas été incluses dans le Silmarillion considéré comme canonique. Par exemple, que devient Rochallor, le cheval de Fingolfin, lorsque celui-ci perd son duel face à Morgoth ?

La composition de chaque chapitre est précédée d’un résumé succinct qui permet de rappeler les éléments importants du récit1). Des commentaires généraux soulignent les liens narratifs entre les différents chapitres, et essaient de donner quelques clefs de lecture, à la lumière des connaissances actuelles sur le Légendaire de Tolkien. La comparaison entre la traduction du Silmarillion en français, la version originale, et les tomes de l’HdTM déjà parus aux éditions C. Bourgois, a permis de mettre en évidence des spécificités propres à la traduction de Pierre Alien. Celle-ci apparaît bâclée par endroits, fait bien connu des tolkienophiles. Pour le lecteur novice, cela rend le texte, déjà difficile à aborder, plus inaccessible encore. Citons pour l’exemple le passage où Húrin enterre Morwen (chapitre 22). Le mot anglais grave (tombe, sépulture) a été traduit par le verbe graver ! Cependant tout n’est pas perdu : le lecteur francophone peut retrouver le lustre du texte originel en se référant aux textes sources de l’HdTM traduits par Daniel Lauzon.

En ce qui concerne la bibliographie et les études, les publications francophones ont été privilégiées. Les abréviations, le jargon et les notes ont été réduites au minimum pour rendre la lecture plus fluide. Le symbole § se rapporte aux paragraphes de l’HdTM, tels que Christopher Tolkien les a numérotés. Que le lecteur pointilleux me pardonne les erreurs ou les approximations ; elles ne sont dues qu’au manque de temps et au souci de concision qui fut le mien lors de la rédaction de cet essai.

Le Silmarillion publié provient de plusieurs sources : « la Quenta » (abréviation de « Quenta Noldorinwa »), écrite en 1930 [IV.76-205], « la Quenta Silmarillion » (QS), écrite en 1937 [V.199-337] et la QS « tardive » post-Seigneur des Anneaux, qui fut révisée en 1951 (QS tardive phase 1) puis en 1958 (QS tardive phase 2) [X.141-300, XI.173-247]. En parallèle, Tolkien entreprit de rédiger ces histoires sous formes d'annales : le Silmarillion provient ainsi en grande partie des « Annales d'Aman » [X.47-138] et des « Annales Grises » [XI.4-170], dont les textes précurseurs sont les « Annales de Valinor » [IV.262-269, V.109-118] et les « Annales de Beleriand » [IV.294-308, IV.327-332,V.124-144] écrites dans les années 30.

Pour plus de détails dans la chronologie des différentes versions du « Silmarillion », voir l’essai sur l’évolution du Silmarillion par Nicolas Peuch et Julien Mansencal.

La composition proposée a été établie grâce aux indications de Christopher Tolkien données dans l’HdTM et à une recherche informatique des passages identiques. Le résultat de cette recherche est présentée dans les images qui illustrent chaque chapitre. Un travail du même type, plus complet, a été effectué dans le livre Arda Reconstructed: The Creation of the Published Silmarillion par Douglas C. Kane, publié en 2009 chez Lehigh University Press. Ayant entrepris la rédaction de cet essai avant d’en avoir connaissance, j’ai décidé de ne pas m’y référer pour proposer un découpage entièrement inédit.

Ces images permettent d’identifier l’origine de certaines phrases du Silmarillion publié. Les bandes colorées représentent les séquences de 15 mots ou plus identiques entre le Silmarillion publié et l’HdTM, un carré de base représentant 1 mot, et une ligne 50 mots. Le code couleur indique de quel tome de l’HdTM provient la séquence (voir figure 1). Chaque séquence est étiquetée par un rectangle dans lequel figurent le tome (en chiffres romains) et la page de l’édition HarperCollins (en chiffres arabes). Par exemple [V.12] signifie page 12 du tome 5 de l’HdTM. Un astérisque (*) devant le tome permet d’identifier les passages du Silmarillion publié qui sont seulement cités par Christopher Tolkien dans l’HdTM. L’image qui illustre le chapitre 4 du Silmarillion est donnée en exemple dans la figure 2 ci-dessous. Le patchwork de couleurs permet ainsi de visualiser clairement le caractère composite du Silmarillion tel qu’il a été édité et publié par Christopher Tolkien.

Figure 1 : Légende des couleurs

Figure 2 : Signification de l’image accompagnant le chapitre 4

Ainulindalë

Résumé : Au commencement, il y a Eru. Il crée les Ainur, et ensemble ils composent la Grande Musique. Melkor est responsable des premières dissonances. Les Ainur descendent en Arda et deviennent les Valar ; ils préparent le monde pour la venue des Elfes.

Composition : Ce chapitre est en grande partie identique à « l’Ainulindalë » écrite vers 1948, dont la version est appelée C [§1-28, X.8-16]. Tolkien a réalisé un très beau manuscrit à partir de C, appelé « Ainulindalë D » [X.30-37]. Ce texte, qui n’a pas été publié dans son entier et qui suit la version C de près, apporte des corrections et constitue la version finale.

Le début du chapitre, jusqu’à la phrase « pour que vous puissiez voir ce que vous avez fait » [S.5], était déjà présent dans la version B de l’« Ainulindalë » qui date du milieu des années 30 [V.156-159]. De même, le paragraphe concernant l’océan, et commençant par « pendant ce temps les autres Ainur » [S.6] apparaît aussi dans cette version B [V.158-159].

Il est remarquable de constater que ce chapitre contient des phrases identiques aux Contes Perdus. En effet l’« Ainulindalë B » provient d’une version A basée directement sur les Contes Perdus, ce qui explique que certains passages dérivent du chapitre 2 du Premier Livre des Contes Perdus intitulé « La Musique des Ainur ». Le premier passage est le paragraphe commençant par « et il fut un jour où Ilúvatar fit rassembler tous les Ainur » [I.52]. Le second passage est celui évoquant les diverses substances « dont Arda était faite, le fer et la pierre et l’or et l’argent » [I.55]. D’ailleurs, la traduction de Pierre Alien évoque l’or puis l’argent alors que c’est l’inverse dans le texte original. Le lecteur francophone pourra s’en assurer en lisant les Contes Perdus dans la traduction d’Adam Tolkien.

Commentaires : L’« Ainulindalë » est originellement introduite comme une histoire racontée par l’elfe Rúmil (remplacé par Pengolodh de Gondolin dans les versions plus tardives) à l’homme Eriol (plus tard renommé Ælfwine), un marin ayant navigué de la vieille Europe jusqu’à l’île de Tol Eressëa. Toute identification d’un narrateur, et du cadre narratif associé, a donc été supprimée dans le Silmarillion publié.

À la fin de sa vie, Tolkien envisageait une refonte complète de sa cosmogonie. Il proposait, par exemple, une terre ronde (et non plus plate) dès la création d’Arda, l’astre solaire était présent aussi dès la création, la lune étant un reliquat de la lutte des Ainur contre Melkor, ainsi que l’absence totale des Deux Lampes [X.43]. Cette refonte constitue la version C* de l’« Ainulindalë » [X.39-44]. Celle-ci ne fut pas retenue, mais quelques détails sont restés, par exemple l’expression « les cercles du temps » [S.8] dans le passage « car l’histoire restait incomplète et les cercles du temps ne s’étaient pas rejoints lorsque la vision leur fut ôtée ».

Valaquenta

Résumé : Les Valar sont sept, et ont sept compagnes, les Valier. Ils sont accompagnés par des déités inférieures, les Maiar, dont font partie Melian et Olórin, plus connu sous le nom de Gandalf. Melkor rassemble autour de lui des Balrogs et son malfaisant bras-droit, Sauron.

Composition : Ce chapitre est essentiellement basé sur le chapitre 1 de la QS tardive intitulé « Des Valar », dont la première phase d’écriture date de 1951 [X.144-149]. Certains passages ont subi une révision dans une seconde phase, en 1958 [X.202-205].

Commentaires : Christopher Tolkien soulève le problème des temps grammaticaux dans les différentes versions de la « Valaquenta » [V.208, X.204], temps qui oscille entre passé et présent.

Traduction : Le mot « Middle-earth » apparaît dans ce chapitre. La traduction « Terres du Milieu » de Pierre Alien est fautive et devrait plutôt être remplacée par « Terre du Milieu » comme l’a fait Daniel Lauzon.

1 - Au commencement des jours

Résumé : Tulkas chasse Melkor d’Arda. Les Valar, installés sur l’île d’Almaren, érigent les deux Lampes Illuin et Ormal. Melkor fonde la forteresse souterraine d’Utumno et renverse les Lampes, mettant fin au Printemps d’Arda. Le monde est bouleversé et les Valar s’installent en Aman, à l’ouest du monde. Ils assistent à la naissance des Deux Arbres : Telperion et Laurelin. Les Valar renoncent à s’occuper de la Terre du Milieu, sauf Ulmo et Yavanna. Ilúvatar prépare l’arrivée des Elfes et des Hommes.

Composition : Le passage concernant Tulkas et Melkor provient de l’« Ainulindalë C » §31 [X.17]. Les Valar mettant en ordre le monde, et les graines de Yavanna, proviennent de l’« Ainulindalë D » §31 [X.32]. La guerre contre Melkor provient des « Annales d’Aman » §16-23 [X.52-54]. La naissance des Deux Arbres provient du chapitre 2 de la QS tardive phase 1 §15-17 [X.154-155]. Le passage allant du début du compte du Temps jusqu’à la description de Manwë est issu de l’« Ainulindalë D » §33 [X.33]. La description de Manwë provient de l’« Ainulindalë C » §36 [X.19]. Celle concernant Ulmo et Yavanna vient de l’« Ainulindalë D » §37 [X.34]. La fin du chapitre concernant les Enfants d’Ilúvatar vient de l’« Ainulindalë D » §37 [X.36-37].

Commentaires : Le cycle de floraison des Deux Arbres est explicité dans un tableau dactylographié inséré dans la section 1 de la « Quenta » [IV.84].

Traduction : le passage concernant le Taniquetil [S.25] a été grandement écorché dans la traduction de Pierre Alien, en invoquant des tribus d’Elfes qui porteraient le nom d’Oiolossë ou d’Elerrína, alors qu’il s’agit de différents noms du Taniquetil. Une traduction plus proche serait « Les Elfes nomment cette montagne sacrée Taniquetil, et Oiolossë l’Éternelle Blancheur, et Elerrína Couronnée d’Étoiles, et d’autres noms encore ; mais les Sindar la connurent plus tard dans leur langue comme Amon Uilos. »

2 – Sur Aulë et Yavanna

Résumé : Aulë crée en secret la race des nains. Il est blâmé par Ilúvatar, et les nains doivent attendre leur heure sous terre. Quant à Yavanna, elle prend sous sa protection les arbres, qui sont sans défense contrairement aux animaux, puis en compagnie de Manwë, ils invoquent les grands aigles qui nicheront dans les montagnes.

Composition : Ce chapitre peut être subdivisé en deux parties, l’une concernant Aulë et l’autre Yavanna.

À l’origine, la description du peuple nain était fusionnée avec ce qui deviendra plus tard le chapitre 17 concernant la venue des hommes en Beleriand, dans le chapitre 10 de la QS intitulé « Des hommes et des nains » [V.272-276]. Puis, cette description a été développée dans le chapitre 13 de la QS tardive, mais elle ne contient pas la création des nains par Aulë. Celle-ci est relatée dans un manuscrit de deux pages, dont le début est donné dans le commentaire du chapitre 13 de la QS tardive [XI.210]. La fin est donnée dans le chapitre publié, jusqu’au passage où Aulë fait reposer les Nains dans des lieux éloignés en attendant leur heure. Ensuite, le passage commençant par « Comme les Nains devaient naître » jusqu’à « ceux de Khazad-dûm» [S.32] est issu de la QS tardive §2-3 [XI.204].

La deuxième partie de ce chapitre [S.32-35], qui concerne Yavanna et qui commence par « Quand Aulë travaillait à créer les Nains », provient d’un texte indépendant, écrit sur le recto-verso d’une feuille. Il est intitulé « Des Ents et des Aigles », « Anaxartamel » ou encore « Anaxartaron Onyalië » [XI.340-341].

Commentaires : Le caractère particulier des nains est ici justifié d’un point de vue mythologique : ils reçoivent leur amour de l’artisanat d’Aulë leur créateur, leur origine tellurique d’Ilúvatar et leur dédain des choses vivantes de Yavanna. Les « Gardes » dont Manwë parle sont évidemment les Ents. Quant aux arbres d’Aulë, ce sont les montagnes.

Selon la tradition, ces récits concernant les Nains proviennent de plusieurs textes : le « Lammas », le « Dorgannas Iaur » et le « Quentalë Ardanómion » [XI.206]. Le « Lammas » est un texte de linguistique écrit par l’elfe Pengolodh, tandis que le « Dorgannas » est un texte de géographie écrit par un certain Torhir Ifant. Voir l’essai Les chroniqueurs d'Arda de Måns Björkman.

Bien que les Nains soient un peuple secret, nous en savons beaucoup sur eux grâce à l’appendice A/III du Seigneur des Anneaux intitulé « Les Gens de Durin », aux brouillons de cet appendice [XII.274-289] et à l’essai tardif intitulé « Des Nains et des Hommes » écrit en 1969 [XII.295-305] et à la lettre n°212 des Lettres de J.R.R. Tolkien [XI.212-213]. De plus, un site web francophone leur est entièrement dédié : Les Chroniques de Chant de Fer.

Enfin, signalons qu’en anglais, le pluriel régulier de « dwarf » est « dwarfs », mais l’influence de Tolkien a peu à peu imposé la variante « dwarves ».

3 - La venue des Elfes et la Captivité de Melkor

Résumé : Les elfes s’éveillent en Terre du Milieu, à Cuiviénen. Ils sont conduits en Valinor par Oromë. Mais les Valar ont peur pour les Elfes, et décident de faire la guerre à Melkor, retranché dans sa forteresse d’Utumno. Ils gagnent la bataille et l’enchaînent.

Composition : Ce chapitre entremêle le chapitre 3 de la QS tardive phase 1 intitulé « De la venue des Elfes » [X.158-164] avec les « Annales d’Aman » §30-64 [X.70-83].

L’éveil des elfes à Cuiviénen est issu des « Annales d’Aman » §38-42 [X.72]. Le §40 concernant les pérégrinations de Melian en Valinor a été écarté. Le passage relatant l’influence de Melkor sur les Elfes est issu des « Annales d’Aman » §43-45 [X.73]. La guerre contre Melkor est tirée des « Annales d’Aman » §48-50 [X.74]. Le passage concernant la Baie de Balar est issu des « Annales Grises » §6 [XI.6]. Le début de la Grande Marche vers l’ouest est tiré des « Annales d’Aman » §58-59 [X.82]. La fin du chapitre publié, concernant les trois tribus (Vanyar, Noldor et Teleri), est issu des « Annales d’Aman » §63-64 [X.83].

Il est remarquable de noter que la structure globale du chapitre publié est très proche du chapitre 3(a) de la QS [V.211-215].

Commentaires : Dans les appendices, il est écrit que Cuiviénen est un lac. C’est en fait une baie de la mer d’Helcar, mer formée après la destruction de la Lampe Illuin. La baie de Cuiviénen et le trajet de la Grande Marche apparaissent très nettement sur la carte IV de l’« Ambarkanta » [IV.248]. Selon Didier Willis, la mer de Rhûn serait en fait la mer d’Helcar, et aurait été formée par un impact météoritique2).

Il est dit que Varda créa de nouvelles étoiles en l’honneur des Elfes. Ce sont en fait les planètes du système solaire, nommées Karnil (Mars), Luinil, Nénar, Lumbar (Saturne), Alkarinque (Jupiter) et Elemmire (Mercure) [X.434-436]. Vénus n’apparaît pas car elle est associée à Eärendil (voir chapitre 24). D’autres particularités astronomiques sont discutées dans le livre Tolkien, le façonnement d’un monde – Vol.1 – Botanique & Astronomie.

On peut remarquer que tous les ambassadeurs Elfes (qu’on peut assimiler à des patriarches) portent un nom avec le suffixe –wë : Ingwë, le roi des Vanyar, Finwë le roi des Ñoldor, Olwë le roi des Teleri d’Alqualondë, et son frère Elwë (plus connu sous le nom de Thingol). Les chefs Morwë et Nurwë ont disparus [X.168]. Lenwë (aussi appelé Dan) est le père de Denethor, chef des elfes d’Ossiriand, les Nandor, et Nowë est un autre nom de Círdan, charpentier de navires (Nowë ressemble phonétiquement à Noé – simple hasard ?).

Dans les textes anciens, Melkor pouvait multiplier par milliers les Balrogs [X.79,165], ces puissants êtres démoniaques enveloppés de feu [S.19]. Mais une note de Tolkien précise qu’ils devaient être entre trois et sept au maximum [X.80].

L’origine des orques (que Tolkien préfère épeler « Ork » plutôt que « orc » [X.165]) pose un problème problème épineux : si ce sont des créatures de Melkor, n’est-ce pas contraire au fait que seul Ilúvatar est capable d’engendrer la vie ? Mais si ce sont des elfes pervertis, que devient le caractère transcendant des elfes ? Tolkien essaya de résoudre ce paradoxe à la fin de sa vie dans plusieurs essais, réunis sous le nom « Mythes Transformés » [X.384,393,408]. Sur le problème de la nature des orques, voir l’essai de Julien Mansencal.

4 - De Thingol et Melian

Résumé : Elwë rencontre Melian la Maia dans la forêt de Nan Elmoth en Beleriand. Il devient Elu Thingol, fonde le royaume du Doriath avec Melian, et devient chef des elfes gris, les Sindar.

Composition : Ce court chapitre est tiré du chapitre 4 de la QS tardive phase 1 [X.172-173]. La fin du chapitre publié mélange le §33 de la QS tardive [X.173] et l’annale 1152 des « Annales d’Aman » §74 [X.86].

Commentaires : À la fin du chapitre, il est question « du plus beau des Enfants d’Ilúvatar » [S.46]. Il s’agit bien sûr de l’elfe Lúthien, fille de Thingol et Melian, qui prendra part à la quête du Silmaril avec Beren (voir chapitre 19).

Les légendes anciennes (et notamment la légende arthurienne) ont inspiré quelques noms: : ainsi l’ancien nom de Melian était Gwendelin [XI.347], Gwendolen étant une reine légendaire de l’île de Bretagne, le Beleriand était appelé Broseliand, nom très proche de la forêt de Brocéliande, et on peut citer aussi le port de Tol Eressëa appelé Avallónë, qui rappelle la mythique île d’Avalon.

La prononciation du nom « Thingol » peut poser problème aux francophones, car le son « th » (qui se note [θ]) dans le mot anglais « thin » n’existe pas. Elle se rapproche toutefois d’un s.

Comme il est précisé dans le chapitre 5, les elfes abandonnés par Elwë sont appelés les Eglath.

5 - Eldamar et les Princes d’Eldalië

Résumé : Les Elfes sont conduits en Valinor où ils fondent différents royaumes. Les Vanyar et les Noldor s’installent dans la ville de Tirion sur la colline de Túna. Les Teleri s’installent sur l’île de Tol Eressëa et fondent le port d’Alqualondë sur la côte est d’Aman au nord de Tirion.

Composition : Ce chapitre est essentiellement tiré du chapitre 5 de la QS tardive phase 1 [X.173-179]. Il contient aussi des passages des « Annales d’Aman », lorsque Ulmo remorque les elfes sur une île (annale 1132, §66) [X.84], et lorsque Finwë se plaint de ne plus revoir Thingol (annale 1151, §73) [X.86]. D’autres passages proviennent des « Annales Grises », concernant l’île de Balar (annale 1132, §11) [XI.7], et concernant Thingol sortant de sa transe (annale 1152, §16) [XI.9].

Commentaires : Il est dit [S.48] qu’un destin funeste attend Thingol. En effet, comme on le verra au chapitre 22, Thingol récupère un Silmaril, entraînant sur lui l’implacable Serment de Fëanor. De plus, hébergeant Túrin dans son palais de Menegroth, il finira par tomber dans les machinations de Morgoth.

Dans les versions antérieures, l’île déracinée au milieu de la mer était en fait Almaren, le premier séjour des dieux [V.221]. Cette île, déplacée par Ulmo, est cassée pour engendrer l’île de Balar et l’île de Tol Eressëa : ces deux îles doivent donc êtres très comparables géo(mytho)logiquement.

Traduction : « Le beau Celegorm » [S.51] est une erreur de traduction pour « Celegorm The Fair », il faut comprendre « le blond » [V.299].

Le mot Elvenhome apparaît non traduit dans le texte [S.47]. C’est en fait la signification du toponyme Eldamar. Elvenhome a été traduit par « la Patrie des Elfes » par Daniel Lauzon.

Pierre Alien a traduit, sans distinction, Hither Lands (la Terre du Milieu) et Outer Land (qui désigne Valinor) par « Terres Extérieures ». La traduction de Daniel Lauzon fait une distinction entre les deux et donne respectivement « Terres Citérieures » et « Terre Extérieure ».

Pour les francophones, le toponyme Calacirya doit se prononcer « Kalakirya » (on retrouve d’ailleurs cette écriture dans les versions antérieures du texte), tout comme les patronymes Círdan ou Celeborn se prononcent avec le son K.

6 - Fëanor et la libération de Melkor

Résumé : Míriel, la femme de Finwë, meurt en donnant naissance à Fëanor. Finwë se remarie avec Indis, une elfe Vanya, et engendre Fingolfin et Finarfin. Fëanor épouse Nerdanel, engendre sept fils, et devient un artisan incomparable grâce à son beau-père Mahtan. La punition des Valar arrivant à terme, Melkor est libéré.

Composition : Ce court chapitre peut être divisé en deux parties, l’une concernant Finwë et Fëanor, qui s’arrête à la phrase « et s’ils n’avaient pas existé l’histoire des Eldar en serait amoindrie » [S.57] ; l’autre concernant la libération de Morgoth.

La première partie est basée sur la QS tardive phase 1 [X.184-185], ainsi que sur l’histoire la plus tardive de Finwë et Míriel (dont le manuscrit est appelé FM4) [X.256-263]. Le chapitre publié a été expurgé du débat sur le statut de Finwë et Míriel, dont le compte-rendu est appelé « Namna Finwë Míriello » [X.258].

La deuxième partie est basée sur la QS tardive phase 1 [X.185-186] et a été révisée lors de la phase 2 [X.271-273]. Le passage concernant la haine de Morgoth envers les Eldar provient de l’annale 1410 des « Annales d’Aman » §91 [X.94].

Commentaires : L’histoire de Finwë et Míriel a été largement développée par Tolkien dans ses travaux tardifs [X.256-263]. La mort de Míriel, la première femme de Finwë, soulève de nombreuses questions théologiques sur les Elfes et leur devenir après la mort. Ces questions ont été traitées par Tolkien dans un long essai intitulé « Lois et coutumes parmi les Eldar » [X.207-253].

On apprend que Finwë et Indis ont aussi eu trois filles nommées Findis, Faniel et Írimë (appelée aussi Finvain ou Írien), en plus de ses deux fils bien connus Nolofinwë (Fingolfin) et Arafinwë (Finarfin) [X.265, XII.343].

Traduction : « Rûmil de Tirion » [S.55] est mal orthographié et s’écrit en fait Rúmil.

Avant d’être libéré, Melkor fut prisonnier pendant « trois siècles » selon la traduction de Pierre Alien [S.57], alors que la version originale, plus vague, donne « trois âges ». Dans le chapitre 10, il est d’ailleurs question de « période » [S.85] pour désigner un « âge ».

7 - Les Silmarils et l’agitation des Noldor

Résumé : Fëanor devient un artisan incomparable et crée les Silmarils, des joyaux somptueux qui renferment la lumière des Deux Arbres. Morgoth convoite les joyaux et attise la querelle entre Fëanor et son demi-frère Fingolfin. Puni par les Valar pour avoir menacé son demi-frère, Fëanor s’exile à Formenos où Melkor vient le retrouver. Mais Fëanor le chasse de chez lui.

Composition : Ce chapitre provient du chapitre 6 de la QS tardive phase 1 [X.186-190], révisée lors de la phase 2 [X.274-280].

Des passages sont issus des « Annales d’Aman », ils concernent la création des Silmarils (§93 en entier) [X.94], la création des armes et boucliers par les Noldor (fin du §97) [X.96] et l’image saisissante de Fëanor claquant la porte au nez de Morgoth (fin du §102) [X.97].

Commentaires : Il faut noter ici que Noldor est en fait écrit Ñoldor dans les écrits les plus tardifs de Tolkien, avec un tilde sur le N et se prononce [ng] comme dans les mots anglais sing ou king.

8 - Le crépuscule de Valinor

Résumé : Les Valar organisent une grande fête pour apaiser les tensions qui règnent entre les Noldor. Pendant ce temps, Morgoth enrôle Ungoliant qui réside en Avathar, au sud d’Aman. Ils tuent les deux arbres de Valinor, puis s’enfuient vers le nord de la Terre du Milieu.

Composition : Ce chapitre provient essentiellement de la QS tardive phase 2 [X.283-289], mais des passages proviennent aussi des « Annales d’Aman » §107-116 [X.97-101]. En effet, les deux textes sont très proches, et Tolkien composa probablement la QS tardive avec les « Annales d’Aman » sous les yeux [X.290].

Commentaires : L’« Aldudénië », un chant qui relate la mort des Deux Arbres, n’a pas d’existence textuelle propre [X.105].

Dans la « Quenta » et la QS, il est précisé que, lors de l’attaque de Morgoth contre les Deux Arbres de Valinor, la lumière de Telperion (antérieurement appelé Silpion) est en train de décroître et que Laurelin commence à luire [IV.91, V.230]. Ce détail a disparu dans le texte publié.

9 - La fuite des Noldor

Résumé : Fëanor est convoqué devant les Valar pour faire renaître les arbres à partir des Silmarils. Il refuse car, au même moment, il apprend l’assassinat de son père Finwë par Morgoth et le vol des Silmarils. Fëanor et ses sept fils jurent de venger leur aïeul et de retrouver les Silmarils à tout prix. L’armée de Fëanor se met en route, suivie par celles de Finarfin et Fingolfin. Poursuivant Morgoth, les Noldor s’emparent par la force des navires des Teleri à Alqualondë, aidé par Fingon et sa suite, alors que Finarfin fait demi-tour. Après ce massacre, Mandos prononce une terrible Malédiction sur les Noldor, les condamnant à la ruine. Arrivé en Terre du Milieu, Fëanor brûle les navires, obligeant Fingolfin à traverser le chaos de glaces de l’Helcaraxë, à l’extrême nord.

Composition : On peut diviser ce chapitre en deux parties.

La première partie de ce chapitre, jusqu’à ce qu’Ungoliant se dévore elle-même [S.72], est tirée de la QS tardive phase 2 [X.292-299]. Certains passages de la QS tardives sont identiques aux « Annales d’Aman » §117-124 [X.106-108]. Le passage sur les trois pics du Thangorodrim est issu des « Annales Grises » §35 [XI.15].

La deuxième partie, jusqu’à la fin, est tirée des « Annales d’Aman » §129-163 [X.110-120], entremêlé au chapitre 5 de la QS [V.233-238].

Commentaires : Le serment de Fëanor a été donné in extenso en plusieurs versions légèrement différentes dans l’HdTM [III.134,217, X.112]. On le retrouve aussi dans le chapitre 19, prononcé par Celegorm, lorsque Finrod annonce qu’il va aider Beren [S.167]. 3)

Finwë, lors du vol des Silmarils, est mort foudroyé et la tête écrasée par la masse de Morgoth [X.248,294,298]. Il est aussi précisé dans la QS que, lors de l’assaut de Formenos, bien d’autres elfes ont été tués [V.232].

Seul Fingon participa à la bataille contre les Teleri d’Alqualondë. Finarfin étant marié à Eärwen, fille d’Olwë, celui-ci fut profondément affecté par l’attaque d’Alqualondë. Il retourna sur ses pas et devint Haut Roi des Noldor en Aman. Thingol et Olwë étant frères, les relations entre Sindar et Noldor en furent envenimées (voir chapitre 15).

Les fils de Fëanor sont appelés les Dépossédés par Mandos car, comme on le verra dans le chapitre 13, le titre de Haut Roi des Noldor échoit à Fingolfin plutôt qu’au fils aîné de Fëanor [S.103].

Une version tardive du récit implique la mort d’un des fils de Fëanor dans l’incendie des bateaux de Losgar [XII.354-355].

10 - Les Sindar

Résumé : Les Nains arrivent en Beleriand, et Thingol profite de leur savoir-faire pour construire le palais de Menegroth et s’armer. Après sa libération, Morgoth retourne en Angband et lance une offensive en Beleriand. La Première Bataille se solde par la mort de Denethor, chef des Elfes Sylvains d’Ossiriand. Une partie des Noldor émigre en Doriath, et Melian dresse l’Anneau de Doriath.

Composition : Ce chapitre suit très fidèlement le texte des « Annales Grises » §18-41 [XI.9-16], avec quelques modifications mineures. Ainsi, le passage des « Annales Grises » §31 concernant Oromë et son cheval Nahar a été supprimé [XI.14].

Le texte des « Annales Grises » est partitionné par les trois sous-titres suivants : De la construction de Menegroth (placé au-dessus de « Melian, comme tous les Maiar, avait le don de prévoyance »), La venue de Denethor (placé au-dessus de « Il a été raconté que jadis, quand les Teleri firent halte halte ») et De la Venue des Noldor (placé au-dessus de « Mais il s’annonçait des événements nouveaux »). Dans le Silmarillion publié, le changement de partition ne coïncide pas forcément avec un saut de ligne.

Le passage sur la description du peuple des Nains provient d’une extension au chapitre 10 de la QS tardive, §7 [XI.206]. Rappelons que le début de ce texte §2-4 a servi à composer le chapitre 2.

Commentaires : Dans une version antérieure de l’histoire, Melian donnait aux nains une gemme blanche aux reflets bleus créée par Fëanor. La gemme a été remplacée par la perle Nimphelos car Melian quitta Valinor avant la naissance de Fëanor [XI.108].

Les créatures sous forme de loups [S.85] sont probablement des wargs, des loups monstrueux distincts des loup-garous dont il sera question dans le chapitre 19.

L’Ossiriand est appelé le Pays des Sept Rivières car sept rivières y coulent : le Gelion et ses six affluents, Ascar, Thalos, Legolin, Brilthor, Duilwen et Adurant [XI.13]. Le nom des sept rivières est donné directement dans le texte des « Annales Grises », alors qu’il faut attendre le chapitre 14 dans le Silmarillion publié pour connaître leurs noms.

La distance de 150 lieues entre Menegroth et Angband [S.87] n’est pas compatible avec la seconde carte du Silmarillion [V.409]. Doutant de la topographie du nord du Beleriand, Christopher Tolkien préféra donc supprimer Angband de la carte finale [XI.111-112].

Après la Première Bataille, des Elfes Nandor viennent s’installer en Doriath, dans la région appelée Arthórien entre les rivières Aros et Celon. Sur la carte de Tolkien, l’Arthórien peut se confondre avec le Radhrim, toponyme qui provient du doriathrin, la langue de Doriath, qui signifie « marche est » [XI.188-189]. Au cours du Premier Âge, l’arrivée des hommes en Estolad, région limitrophe de l’Arthórien, va entraîner des frictions avec les Nandor d’Ossiriand et ceux réfugiés en Doriath [XI.112]. Le chef des Nandor de Doriath, appelé Ithilbor [CLI.91], a un fils nommé Saeros qui jouera un rôle important dans l’épisode de Túrin à la cour du Roi Thingol [S.200] (voir chapitre 21).

11 - Le soleil, la lune et la disparition de Valinor

Résumé : À la mort des Deux Arbres, les Valar lancent les astres du soleil (Anar) et de la lune (Isil) au-dessus du monde, respectivement conduits par les Maiar Arien et Tilion. Après l’agression de Tilion par Morgoth, le pays de Valinor est fortifié et les Îles Enchantées sont créées et placées devant Tol Eressëa pour entraver la venue des navires ; c’est la Disparition de Valinor.

Composition : Le chapitre publié provient dans sa quasi-totalité des « Annales d’Aman » §164-180 [X.129-134], basées sur le chapitre 8 de la QS [V.239-243]. La fin du §173, concernant l’arrivée de Fingolfin en Terre du Milieu et la réaction de Morgoth, a été réécrite avec une partie de §54-55 des « Annales Grises » [XI.30].

Commentaires : Ce chapitre offre une explication mythologique de l’origine du Soleil et de la Lune, ainsi que des éclipses. En effet, en marge de la phrase « que la nuit arrive au milieu du jour » [S.93] Tolkien écrivit « c’est ce qui provoque les éclipses de lune ? » [X.138]. En ce qui concerne les éclipses, voir l’essai « Astres dévorés – Les éclipses chez Tolkien, motif en quatre temps » de François Augereau, publié dans Tolkien, le façonnement d’un monde, volume 1, pages 217-274.

Il est dit tout à la fin qu’aucun marin ne put jamais atteindre Valinor, sauf un [S.94]. Il s’agit d’Eärendil, portant sur son front le Silmaril de Beren et Lúthien, comme on le verra au chapitre 24 [S.256].

Quant au Narsilion, le Chant du Soleil et de la Lune, il n’a pas encore été retrouvé dans les papiers de Tolkien [IV.170]. C’est probablement dans ce chant qu’on retrouve l’expression Nurtalë Valinoreva qui désigne l’époque de la Disparition de Valinor.

Traduction : à la fin du chapitre, il est dit que « Finalfin gouvernait encore le reste des Noldor » [S.94]. C’est une erreur typographique, il s’agit en effet de Finarfin, qui fit demi-tour après le Massacre d’Alqualondë et devint Roi des Noldor en Aman.

12 – Les Humains

Résumé : Alors que le Soleil se lève pour la première fois, les hommes s’éveillent dans l’est de la Terre du Milieu, en Hildórien.

Composition : L’essentiel de ce chapitre est tiré du chapitre 7 de la QS §81-87 intitulé « Des Hommes » [V.244-248]. Entre §81 et §82 a été inséré un paragraphe supplémentaire, qui provient des « Annales Grises » §56 [XI.30] et qui concerne les Années du Soleil.

Commentaires : La région d’Hildórien, où s’éveillent les hommes, est située loin dans l’est de la Terre du Milieu. Cette région apparaît sur la carte IV de l’« Ambarkanta », jouxtant l’Océan de l’Est [IV.248]. Les hommes entament un périple qui les amène en Beleriand, où ils seront découverts par Finrod (chapitre 17).

Les hommes peuvent être appelés peuple du soleil, car ils s’éveillent en même temps que le Soleil apparaît. Les Elfes quant à eux sont nés sous les étoiles, et n’ont connu que leur lumière (ce qui explique par ailleurs leur vision très performante).

Le surnom de Morgoth, Bauglir, qui signifie « oppresseur », apparaît pour la première fois dans ce chapitre [S.96]. Morgoth avait le surnom Baugron dans des versions antérieures, mais il n’a finalement pas été retenu [X.151].

13 – Le retour des Noldor

Résumé : Fëanor débarque à Losgar, dans la région de Lammoth en Terre du Milieu, et brûle ses navires. Il défait les armées de Morgoth alertées par la fumée de l’incendie, mais les pourchassant avec ardeur il est mortellement blessé. Peu après, son fils Maedhros tombe dans une embuscade et est capturé par Morgoth. Alors que le Soleil se lève pour la première fois, Fingolfin, Fingon et son peuple arrivent en Mithrim après avoir endurés la traversée de l’Helcaraxë. Fingon part sauver Maedhros, mais les tensions demeurent vives entre Noldor. Sur autorisation de Thingol, les Noldor s’établissent autour d’Ard-Galen et assiègent Angband. Pendant cette période de félicité, Turgon et Finrod, entrevoyant un avenir funeste, imaginent des royaumes secrets, à l’abri de Morgoth. Les elfes remportent tous les conflits qui suivent, dont la plus fameuse est Dagor Aglareb, la Bataille Glorieuse, et un siècle plus tard défont le dragon Glaurung tout juste sorti de l’œuf.

Composition : Ce long chapitre entremêle essentiellement les « Annales Grises » [XI.16-47] et le chapitre 8 de la QS intitulé « Du Siège d’Angband » [V.248-255], avec des passages du chapitre 10 de la QS tardive portant le même titre [XI.176,178-179].

Le premier paragraphe de ce chapitre, qui évoque l’incendie des navires, est issu de la QS tardive [XI.176]. Le passage concernant l’arrivée de Fëanor à Losgar jusqu’à sa mort est issu des « Annales Grises » §42-47 [XI.16-18]. L’ambassade et le défi des Noldor sont issus de la QS §89-91 [V.249-250]. L’arrivée de Fingolfin en Terre du Milieu et le début de la quête de Fingon sont issus des « Annales Grises » §58-61 [XI.30-32]. Le sauvetage de Maedhros est issu de la QS §94(milieu)-98 [V.251-252]. L’ambassade en Doriath et le conseil des Noldor en Mithrim est issu des « Annales Grises » §62-71 [XI.32-34]. Le paragraphe concernant Caranthir et ses gens est issu des « Annales Grises » §114 [XI.45]. La Fête des retrouvailles, Mereth Ardethad, et le voyage de Turgon et Finrod sont basés sur la QS §99-100 [V.253]. Le passage concernant Finrod et Galadriel en Doriath est issu du chapitre 10 de la QS tardive [XI.178-179]. Le récit de la fondation de Gondolin et la Troisième Bataille sont issus des « Annales Grises » §76-82 [XI.35-36]. L’attaque par le Nord et la première sortie de Glaurung sont issus de la QS §103-104 [V.254-255]. La fin du chapitre est issue des « Annales Grises » §116 [XI.46-47].

Commentaires : La QS fournit des détails supplémentaires et dresse un portrait moral de Fingon [V.251]. On apprend aussi que le grand aigle Thorondor avait un bec d’or [V.251], que le Beleriand est appelé Ingolondë [V.252] et que Morgoth oblige un Glaurung farouche à sortir d’Angband [V.254].

Dans le Silmarillion, Caranthir méprise les fils de Finarfin et déclare « leur mère est d’une autre race » [S.105]. Caranthir fait ici allusion à l’union de Finarfin et d’Eärwen d’Alqualondë, qui était une Teleri. Mais il est aussi possible qu’il songe à Finarfin comme un demi-frère de Fëanor, dont la mère Indis était une Vanya.

Vers la fin de sa vie, en 1968, Tolkien imagina qu’un des fils de Fëanor périssait dans l’incendie des navires à Losgar [XII.355]. Il imagina aussi que lors de la Bataille de Lammoth, Fingolfin perdait son troisième fils nommé Argon [XII.362].

14 – Les royaumes du Beleriand

Résumé : Le Beleriand est un vaste territoire au nord-ouest de la Terre du Milieu, traversé par les fleuves Sirion et Gelion qui coulent du nord au sud, vers la baie de Balar. Les elfes Noldor se sont installés autour de la plaine d’Ard-Galen au nord : Fingolfin et son fils Fingon à l’ouest en Hithlum, les fils de Finarfin en Dorthonion, et les fils de Fëanor à l’est. Les Noldor coalisés assiègent la forteresse d’Angband. L’arrière-pays est occupé à l’ouest sur la côte par les elfes des Falas et leur chef Círdan, au centre par les elfes Sindar du Doriath et à l’est par les Nandor d’Ossiriand.

Composition : Ce chapitre est basé essentiellement sur le chapitre 9 de la QS intitulé « Du Beleriand et de ses royaumes » [V.258-266]. La QS tardive apporte des passages supplémentaires : concernant Vinyamar et le Nevrast [XI.192], concernant Círdan et les Falas [XI.197] et concernant la sombre vallée de Nan Dungotherb au nord du Doriath habitée par les rejetons d’Ungoliant [XI.193-194]. Le passage concernant Círdan et les Falas est complété par l’annale 65 des « Annales Grises » [XI.40] qui évoque la relation de défiance de Morgoth envers l’eau.

Commentaires : Ce chapitre évoque les royaumes du Beleriand après Dagor Aglareb. À cette époque, Nargothrond vient juste d’être fondée, Turgon et son peuple sont encore en Nevrast, et les Hommes ne sont pas encore arrivés en Beleriand.

La première carte du Beleriand fut dessinée par Tolkien dans les années 30 [IV.219-233]. Elle couvre le bassin versant du Sirion, et présente déjà la topographie de la carte finale. Elle a été complétée par deux extensions est et ouest [IV.228,231]. Tolkien en a tiré une deuxième carte [IV.407-412], qui est la dernière carte de sa main. Celui-ci l’a utilisée et annotée pendant de nombreuses années [XI.182-185]. Christopher Tolkien a redessiné la carte (il avait procédé de même pour la carte du Seigneur des Anneaux) qui est donnée en encart du Silmarillion publié, en couleurs. De plus, il a inséré dans le chapitre 14 une carte noir et blanc avec le nom des seigneurs elfes en rouge. K.W. Fonstad a consacré une partie de son excellent Atlas de la Terre du Milieu au Beleriand4).

Sur la deuxième carte, les rivières Aros et Esgalduin prennent leur source exactement au même endroit (appelé la Source Ombreuse) [III.221], contrairement au tracé qui a prévalu sur la carte publiée dans le Silmarillion. Quant à la rivière Teiglin, son nom devrait plutôt être Taeglin suivant les dernières indications de Tolkien [XI.309-310].

Le « désert couvert d’immondices » devant les portes d’Angband [S.111] n’est pas nommé, il s’agit très probablement de Dor Daedeloth. La QS propose une description de la région par delà le fleuve Gelion [V.261], région qui se trouve hors de la Carte du Silmarillion.

15 – Des Noldor en Beleriand

Résumé : Guidé par Ulmo, Turgon quitte la région côtière du Nevrast et fonde le Royaume Caché de Gondolin. Galadriel demeure en Doriath auprès de Melian et Thingol et plaide la cause des Noldor. Mais les frères de Galadriel, accablés par la rumeur qui enfle, révèlent le vrai motif de leur présence en Beleriand ainsi que le massacre des parents de Thingol, les Teleri d’Alqualondë. Les relations entre Thingol et les Noldor se durcissent.

Composition : La première partie de ce chapitre est issue du chapitre 12 de la QS tardive, intitulé « De Turgon et la construction de Gondolin » [XI.198-199]. Le passage relatant l’apparition d’Ulmo à Turgon, à partir de « Et Turgon s’apprêta à quitter Nevrast » jusqu’à « furent refermées derrière lui », est issu des « Annales Grises » §111-113 [XI.44-45]. Ensuite, le passage allant de « Après cela, pendant de nombreuses années » jusqu’à « demeura vide et désolée jusqu’à la chute du Beleriand » provient de la QS tardive [XI.199-200]. Une phrase omise du Silmarillion nous apprend que le Nevrast, désormais désert, resta vierge de tout mal, « alors que partout ailleurs l’ombre de Morgoth étendait son emprise depuis le Nord » [XI.200]. La suite du chapitre, de « Pendant que la ville de Gondolin » jusqu’à la fin, est issue des « Annales Grises » §91-109 [XI.40-44].

Commentaires : À la fin du chapitre, Finrod fait part à Galadriel de ses mauvais pressentiments. En effet, il a entrevu sa fin dans les cachots de Tol Sirion lors de la Quête du Silmaril [S.171], accomplissant le serment fait à Barahir pendant la Dagor Bragollach [S.147]. Il a aussi entrevu le funeste destin de son royaume : le dragon Glaurung défait l’armée de son frère Orodreth à Tumhalad et détruit Nargothrond [S.215].

On apprend aussi que Finrod avait une femme, issue du clan des elfes Vanyar, nommée Amárië (le deuxième a accentué ayant disparu par erreur dans le Silmarillion). Il est dit dans le Silmarillion [S.124] « qu’elle ne l’avait pas suivi dans son exil », sans en préciser la raison. Le passage original des « Annales Grises » §109 [XI.44] dit « qu’elle ne fut pas autorisée à le suivre dans son exil ». Cependant Finrod finit par la retrouver après son trépas, car, « relâché par Mandos, il vint à Valinor et réside là avec Amárië » [XI.67].

16 – De Maeglin

Résumé : Aredhel, la sœur de Turgon, souhaite rendre visite aux fils de Fëanor et voyage hors de Gondolin. Elle échoue dans la vallée ombragée de Nan Elmoth ou réside Eöl l’Elfe Noir. Celui-ci la retient et de leur union naît Maeglin. Mais le temps passant, Aredhel se sent étouffée et, souhaitant retrouver son frère Turgon, retourne en secret à Gondolin avec Maeglin. Elle est poursuivie par Eöl qui désire récupérer son fils. Eöl et Aredhel meurent à Gondolin dans des circonstances tragiques, tandis que Maeglin devient un seigneur de la ville, enveloppé d’une ombre funeste.

Composition : Le chapitre publié est issu de trois sources dont le texte complet n’est pas connu : un manuscrit appelé ‘A’ constitué de douze feuilles manuscrites datées de 1951, un document dactylographié appelé ‘B(i)’, et la copie carbone de B(i) appelée ‘B(ii)’. Ces trois sources ont servi à composer le chapitre publié [XI.316-330].

Ce chapitre apparaît de manière condensée dans les « Annales Grises » §117-120 [XI.47-48], accompagné par une note éditoriale qui inventorie les versions antérieures apparaissant dans le Légendaire [XI.121-122].

Commentaires : L’atroce fin d’Eöl et Aredhel amène Idril à perdre confiance dans le peuple de Gondolin. Le terrain est donc préparé pour l’arrivée de Tuor (au chapitre 23), qui va s’imposer dans le cœur d’Idril car il est vaillant et d’une autre race.

On découvre dans ce chapitre que l’escorte d’Aredhel à son départ de Gondolin était composée de trois seigneurs elfes : Egalmoth, Echtelion et Glorfindel [XI.328]. Cependant cette escorte, bien que prestigieuse et aguerrie, fut largement échaudée par les périls de Nan Dungortheb au nord de Doriath [S.126].

Une erreur s’est glissée dans le texte publié, dans la phrase « jusqu’aux territoires qui s’étendent derrière la colline d’Himring » [S.126], le mot « territoires » doit être remplacé par « forêts » [XI.318].

Traduction : « Dark Elf » a été traduit par Elfe Noir [S.130]. Thingol est aussi appelé Elfe Noir dans la traduction de Pierre Alien [S.105]. Rappelons que dans l’œuvre de Tolkien il n’existe pas de « vrais » Elfes Noirs, c’est-à-dire des elfes maléfiques et/ou à la peau noire. Les elfes Noirs sont les elfes « sombres » qui n’ont jamais vu la lumière des deux arbres, et les elfes capturés par Morgoth finissent comme des esclaves, et non comme des servants.

17 – La venue des Humains dans l’ouest

Résumé : Lors d’un voyage dans l’est du Beleriand, Finrod découvre les hommes. Il les invite en Beleriand. Les peuples de Beör et de Marach s’installent en Estolad. Le peuple de Haleth, harcelé par les orques, fuit la région de Thargelion et s’installe dans la forêt de Brethil. Plus tard, la Maison de Hador, issue du peuple de Marach, est invitée par Fingolfin à habiter en Hithlum.

Composition : Le texte de ce chapitre est issu du chapitre 14 de la QS tardive [XI.215-225]. Entre les §9 et §10 du texte original [XI.217] a été inséré le §80 des « Annales Grises » [XI.37] qui concerne la venue de Morgoth parmi les hommes et ses tentatives de corruption. De même, entre les §16 et §17 ont été insérés les §130-131 des « Annales Grises » [XI.49] qui concernent l’interdiction des hommes à venir en Doriath édictée par Thingol. Dans les « Annales Grises », il est précisé que les seules terres du nord autorisées pour les hommes sont le Hithlum et le Dorthonion.

Commentaires : Melian évoque un homme que l’Anneau de Melian ne retiendra pas [S.140]. Il s’agit de Beren, qui amène indirectement la destruction du Doriath (voir chapitre 22). Cependant, l’interdiction de Thingol, émise à l’encontre des hommes qui veulent s’installer en Doriath (il finit par donner Brethil au peuple de Haleth grâce à son amitié pour Finrod), n’empêche pas la prophétie de Melian de s’accomplir.

Ce chapitre est accompagné de trois arbres généalogiques très détaillés qui viennent compléter les arbres beaucoup plus sommaires du Silmarillion [S.321-322] : les maisons de Beör [XI.231], de Hador [XI.234] (qui descend du peuple de Marach), et celle des Haladin [XI.237].

Traduction : Pierre Alien a traduit « Men » par « Humains », alors que Daniel Lauzon l’a traduit par « Hommes ».

18 – La ruine de Beleriand et la chute de Fingolfin

Résumé : Morgoth attaque les Noldor par surprise lors de la Bataille de la Flamme Subite, appelée Dagor Bragollach ; les Elfes essuient leur première grave défaite. Durant la bataille, Finrod est sauvé par Barahir, et pour le remercier lui fait serment d’assistance. Fingolfin, désespéré, provoque Morgoth en duel et périt devant les portes d’Angband. Peu après, les hommes Orientaux arrivent en Terre du Milieu et s’installent sur les terres des fils de Fëanor. Dans les années qui suivent, les armées de Morgoth progressent vers le sud. Lors de la bataille de Brethil, Húrin et Huor s’échappent d’une embuscade et sont recueillis en Gondolin. Après la mort de Galdor lors du siège de la forteresse d’Eithel Sirion, Húrin prend la tête de la Maison de Hador.

Composition : Ce chapitre est essentiellement basé sur le chapitre 11 de la QS [V.279-289], corrigé dans la QS tardive [XI.238-240].

À noter que le texte de la QS contient trois sous-titres : La mort de Fingolfin (placé juste avant « Hithlum reçut alors l’annonce de la chute de Dorthonion » [S.148]), Des Hommes Bistrés (placé avant « Morgoth montrait aux humains une fausse miséricorde » [S.152]), et Siège d’Eithel Sirion et chute de Gumlin (placé avant « Quand sept ans eurent passé depuis la Quatrième Bataille » [S.156] – Gumlin est l’ancien nom de Galdor).

Par ailleurs, quelques passages sont issus des « Annales Grises » [XI.50-59] : Fingolfin traversant Anfauglith [§155, XI.55], la fuite de Barahir et de ses proches en Brethil [§159, XI.55], Húrin et Huor en Gondolin [§161-166, XI.57-58]. Ce dernier passage a été inséré juste après le §153 de la QS [V.287]. Huor et Húrin ne révèlent pas à Galdor qu’ils sont allés chez Turgon, conformément au texte des Contes et légendes inachevés concernant Túrin [XI.169].

Le dernier paragraphe de la QS [§156] a été modifié et complété par deux épisodes pris des « Annales Grises » [§171-172, XI.60] : l’arrivée des navires de Círdan et la description de Húrin.

Commentaires : Il est dit que Fingolfin chevauche Rochallor lorsqu’il se rend devant les portes d’Angband. Mais que devient l’animal après la mort de son maître ? Son destin est évoqué dans les « Annales Grises » [XI.56] : le cheval est assailli par des loups pendant le combat, puis il fuit vers le Hithlum jusqu’à s’en rompre le cœur.

Après la Dagor Bragollach, la verte plaine d’Ard-Galen devient couleur de cendre, et elle est appelée Anfauglith. Quant au Dorthonion ravagé, il est appelé Taur-Nu-Fuin. Cette sombre forêt inspira la fameuse forêt de Mirkwood qui apparaît dans le Hobbit, comme en attestent certaines illustrations de Tolkien.

Dans le texte publié, Gil-galad apparaît comme le fils de Fingon. Cette généalogie provient d’une addition manuscrite de Tolkien au §157 des « Annales Grises » [XI.56, 243], mais qui ne constitue pas son avis définitif sur la question. En effet, dans les versions plus tardives, Gil-galad devient le fils d’Orodreth et le petit-fils d’Angrod et d’Eldalótë [XII.351]. Voir l’essai de Julien Mansencal sur L’ascendance de Gil-galad.

Traduction : Les « Hommes Bruns » de Pierre Alien (« Swarthy Men » en anglais) deviennent les « Hommes Bistrés » pour Daniel Lauzon.

Une erreur s’est glissée dans la traduction du Silmarillion par Pierre Alien. On peut lire, « Ils [les orques] prirent ensuite le fort construit sur le versant oriental du Mont Rerir et dévastèrent Thargelion tout entier ». Cependant, il est étrange que Caranthir construise une forteresse sur le versant oriental, alors que le danger vient constamment d’Anfauglith, à l’ouest. Et en effet, le texte original donne « west slopes », c’est-à-dire les pentes occidentales du Mont Rerir.

Une erreur de typographie s’est glissée à la fin du chapitre [S.252], car il est écrit « Thorondol » au lieu de Thorondor.

19 – De Beren et Lúthien

Résumé : Beren devient un hors-la-loi en Dorthonion après la mort de ses proches, provoquée par la trahison de Gorlim. Errant en Doriath, il tombe amoureux de Lúthien, la fille de Thingol et Melian. Son beau-père lui promet la main de sa fille en échange d’un Silmaril de la Couronne de Fer de Morgoth. Beren s’en va à Nargothrond quérir l’aide de Finrod, lié à son père Barahir par serment. Finrod abandonne sa couronne à Orodreth et escorte Beren vers Angband. Dans le Val du Sirion, ils sont capturés et torturés par Sauron, mais Beren est sauvé par Finrod qui se sacrifie. Au même moment arrive Lúthien qui l’aide à s’évader puis l’accompagne dans les tréfonds d’Angband, après avoir croisés Celegorm et Curufin en chemin. Lúthien hypnotise Morgoth qui s’endort, et Beren parvient à déloger un Silmaril de sa couronne. Mais lorsqu’ils reviennent en surface, le grand loup Carcharoth dévore la main de Beren et le Silmaril. Beren retourne en Doriath où il présente sa main coupée à Thingol, cependant que Carcharoth pénètre en Doriath et ravage la région. Après une poursuite dans les bois, Huan achève le grand loup, mais Beren est mortellement blessé dans le combat. Lúthien, intercédant auprès des Valar, choisit de devenir mortelle et ramène Beren à la vie.

Composition : Ce chapitre du Silmarillion est composé à partir de tous les textes en prose écrits pour le conte de Beren et Lúthien. En simplifiant au maximum, trois manuscrits ont été essentiels à l’écriture de ce chapitre, ils sont appelés QS(A), QS(I) et QS(II) [V.294-295]. QS(A) est un brouillon qui présente une version très développée de l’histoire, mais rapidement abandonné. QS(A) a servi à écrire QS(I), lui aussi abandonné à mi chemin. QS(II) est une version plus concise qui a été menée jusqu’au bout de l’histoire.

Le premier paragraphe est issu du manuscrit QS(II) [V.296]. Dans le deuxième paragraphe, le passage à partir de «Les forêts de Dorthonion s’élevaient vers le sud », jusqu’à « pour en finir avec eux », est tiré des « Annales Grises » §167 [XI.58-59]. Le récit de la trahison de Gorlim, que Christopher souhaitait intégrer, est tirée de QS(A). Ensuite, le texte publié, jusqu’à « bien que le temps des amants soit mesuré » [S.162] est issu de QS(I) et QS(II) entremêlés. Ensuite, le texte publié jusqu’à « souriaient en sortant du palais » [S.168] est issu de QS(I) seul. Puis, jusqu’à la fin du chapitre, le texte provient de QS(II) uniquement.

Plusieurs passages proviennent des « Annales Grises », par exemple le serment de Finrod à Galadriel [§191, XI.65].

Les lais du Beleriand ont directement fourni du matériau pour ce chapitre. En effet, il contient deux extraits du « lai de Leithian ». Le premier passage [S.168] est extrait des vers 2173-2205 [III.230-231] ; le second extrait [S.176] est extrait des vers 3322-3334 [III.276].

Commentaires : Ce conte, pierre angulaire du Légendaire, tire son originalité stylistique de la présence de nombreux éléments inédits par ailleurs : des loup-garous, un chien de chasse doué de parole, des chauve-souris, une magie omniprésente, l’art du déguisement, etc.

Christopher Tolkien confesse que plusieurs omissions n’auraient pas dû être faites. Par exemple, lorsque Thorondor vient en aide à Beren et Lúthien [S.180], il est aidé par d’autres aigles dont les noms ont été omis. Il s’agit de Gwaihir et Landroval, que l’on retrouve aussi dans le Seigneur des Anneaux [V.300], « quelque soit l’interprétation qu’il faille donner à cela » selon les mots de Christopher Tolkien.

Il y aussi des ajouts éditoriaux, par exemple lorsque Finrod meurt dans Tol-in-Gaurhoth, la phrase « qu’il avait lui même construite » est un ajout éditorial [V.300].

Traduction : Lorsque Finrod meurt dans Tol-in-Gaurhoth, il est dit que celui-ci est de la « Maison d’Enwë » [S.171], il s’agit de la Maison de Finwë.

La phrase commençant par « Ceux qui attendent là » [S.187] est une phrase sans verbe qui pourrait être traduite par « Il y a ceux qui attendent assis dans l’ombre de leurs pensées ».

20 - La cinquième bataille : Nirnaeth Arnoediad

Résumé : Les fils de Fëanor, galvanisés par la faiblesse de Morgoth qui vient de perdre un Silmaril, s’unissent et organisent une attaque. Mais la bataille tourne au fiasco, en partie à cause de la trahison des hommes orientaux. Le massacre est immense sur la plaine d’Anfauglith. Húrin aide l’armée de Turgon à s’échapper, mais il est capturé vivant par Morgoth et enchaîné au Thangorodrim, d’où il assiste à la fin tragique de ses enfants.

Composition : Ce texte provient de trois sources [XI.165] : le chapitre 16 de la QS, les « Annales Grises », ainsi qu’un document dactylographié très proche des « Annales Grises » [XI.165-167]. Certains éléments qui n’étaient pas dans les « Annales Grises » ont été pris du long texte publié dans les Contes et légendes inachevés, parfois sommairement appelé Narn [XI.168].

Le premier paragraphe, concernant le destin de Beren et Lúthien, est un « amalgame » [V.305] du chapitre 15 de la QS [V.305] et des « Annales Grises » §214 [XI.70]. Le passage concernant l’Union de Maedhros est tiré du chapitre 16 de la QS §2,5-6 [V.306-308]. Le passage où Maedhros reçoit l’aide des Naugrim provient des « Annales Grises » §212 [XI.70]. Le début de la bataille provient du document dactylographié [XI.166]. Morgoth appelant ses traîtres est issu des « Annales Grises » [XI.71] et du document dactylographié [XI.167]. La fin du chapitre provient essentiellement des « Annales Grises » [XI.73-78]. Le passage du triomphe de Morgoth provient de la QS §19-20 [V.311-312]. Juste après a été inséré le passage sur l’attaque des ports et le voyage des marins de Gondolin, alors que l’action a lieu l’année suivante, dans l’Annale 473 [XI.79-80].

Commentaires : Dans une version antérieure du texte, Maedhros et Fingon arrivent dans un premier temps à chasser totalement les orques d’Anfauglith. Mais ce passage, qui apparaît à la fois dans la QS §3 [V.306] et dans les « Annales Grises » §213 [XI.70] a été supprimé. Dans le chapitre publié, c’est simplement le Dorthonion et les régions nord du Beleriand qui sont libérées, et Morgoth est ainsi averti que quelque chose d’important est en train de se tramer.

21 - Túrin Turambar

Résumé : Túrin, fils de Húrin, fuit le Hithlum désormais asservi par les orientaux. Il est accueilli en Doriath par Thingol qui le prend sous son aile. Mais la mort de Saeros, proche conseiller du roi, l’oblige à devenir un hors-la-loi. Túrin est blanchi, et l’elfe Beleg est envoyé le récupérer. Alors qu’il est sur ses traces, Beleg croise un elfe échappé d’Angband, Gwindor. Pendant ce temps, Túrin est capturé par les orques, mais par mégarde il tue Beleg venu le secourir. Túrin ramène Gwindor en Nargothrond. Il y devient un seigneur respecté et puissant. À ce moment, le dragon Glaurung descend vers le sud en faisant des ravages. Le dragon défait l’armée d’Orodreth à la bataille de Tumhalad, puis s’empare de Nargothrond. Túrin est ensorcelé par le dragon, et part vers le nord retrouver sa mère et sa sœur. Il les cherche en vain, car elles sont parties se réfugier en Doriath quelques temps plus tôt. Il réside alors en Brethil, où il épouse une jeune fille perdue et amnésique appelée Níniel. Il ourdit un plan pour tuer Glaurung, et le transperce dans les gorges de Cabed-en-Aras. Libérée du sortilège du dragon, Níniel se tue après avoir appris être la sœur de Túrin. Túrin, comprenant toute la portée de la malédiction de Morgoth, se suicide à son tour en se jetant sur sa lame Gurthang.

Composition : Ce chapitre peut être divisé en deux parties, qui proviennent de deux sources différentes. La première moitié provient d’un manuscrit non publié. La deuxième moitié de ce chapitre (à partir de la bataille de Tumhalad) prend principalement sa source [XI.144] dans les « Annales Grises » §268-349 [XI.83-103].

Commentaires : L’histoire tragique de Túrin Turambar a été reprise maintes fois par Tolkien. Elle a d’abord été imaginée sous la forme du « Conte de Turambar et le Foalókë » dans les Contes Perdus [II.69-116]. Elle a ensuite été l’objet d’un long poème, paru dans les Lais du Beleriand [III.6-127]. Elle a aussi fait l’objet d’un long développement en prose, paru dans Contes et légendes inachevés [CLI.69-167]. Finalement, ce texte a été supplanté par le livre les Enfants de Húrin, paru en avril 2007, et traduit en français peu de temps après, qui propose un récit continu et cohérent. Mais ce dernier texte n’a rien de « définitif », et reste une création littéraire au même titre que le Silmarillion5).

On apprend dans le texte « Quendi et Eldar » [XI.360-417], qui est un essai de Tolkien sur les langues elfiques, que l’elfe Nandor Saeros attise la colère de Túrin en traitant sa mère Morwen de Morben, c’est-à-dire alliée de Morgoth [XI.409]. Dans les Enfants de Húrin, Christopher Tolkien avoue qu’il n’a pas retenu le nom que son père avait finalement donné à Saeros : Orgol.

Le Narn i Hîn Húrin (souvent abrégé Narn dans l’HdTM), le « Conte des Enfants de Túrin » en sindarin [S.199, CLI.69], était originellement écrit Narn i Chîn Húrin. Mais Christopher Tolkien décida de remplacer le « Chîn » pour éviter une mauvaise prononciation [V.322].

Traduction : « Glaurung the Úrulóki » dans la version originale a été traduit par « Glaurung Urulóki » [S.215], soit deux fautes dans une seule expression car il manque à la fois l'article the et l'accent sur le U.

Traduction : « Brandir fils de Handin » [S.222] est une coquille pour « Brandir fils de Handir ».

22 - La ruine de Doriath

Résumé : Húrin est enfin libéré après vingt-huit ans de captivité en Angband. Il retourne en Hithlum puis tente de rejoindre Gondolin, mais en vain. Il se rend ensuite en Brethil où il recueille le dernier soupir de sa femme Morwen. Suivant les traces de son fils, il se rend dans les ruines de Nargothrond où il récupère le collier du Nauglamír, le rapporte à Thingol puis disparaît. Thingol assemble le collier avec le Silmaril, mais il est tué par les orfèvres Nains. Désormais seule, Melian quitte le Doriath et l’Anneau protecteur est dissous. Les nains s’emparent du trésor de Menegroth, mais Beren les intercepte lors de la bataille du gué de Sarn Athrad et s’en retourne à Tol Galen. Plus tard, Dior devient roi de Doriath et hérite du Silmaril. Mais le Serment des fils de Fëanor court toujours ; ils tuent Dior et sa famille. Cependant des elfes fuient jusqu’aux Havres du Sirion, emportant avec eux le Silmaril et Elwing, la fille de Dior.

Composition : Le début du chapitre, jusqu’à l’évocation de l’île de Tol Morwen [S.236], est issu de l’ensemble de textes intitulé « Les Errances de Húrin » [XI.251-310]. Cet ensemble de textes comporte les dernières annales (500-501) des « Annales Grises », le synopsis du Narn sous forme d’annales concernant le destin de Húrin et un long texte en prose datant de la fin des années 50 qui concerne le voyage de Húrin en Brethil.

Le début du chapitre, de « Ainsi prit fin » jusqu’à « caché ou déformé », provient du début du long texte des « Errances de Húrin » [XI.259]. Ensuite, le passage allant de « Morgoth cherchait surtout à éclairer d’un jour funeste » jusqu’à « un allié honoré par Morgoth » est tiré de l’Annale 500 [XI.252]. Cette annale raconte le passage de Húrin en Hithlum. Rejeté par son propre peuple asservi par les Orientaux, et laissé libre par leur chef Lorgan, il recrute sept hommes, dont le dénommé Asgon. L’histoire se poursuit ensuite dans le début des Errances. La petite compagnie descend vers le sud par les gorges du Lithir et arrive en Dimbar. À la faveur de la nuit, Húrin atteint seul les parages de Gondolin, pendant que Asgon et ses hommes se font capturer par les gens de Brethil.

Dans le texte publié, le passage concernant Húrin appelant Turgon à l’aide, et la mort de Morwen, est composé avec le début des « Errances » [XI.271-274]. Le passage évoquant l’île de Tol Morwen, allant de « Il se leva et alla graver » jusqu’à « suivi par l’Ombre», est tiré de la fin des « Errances » [XI.296]. On apprend dans les « Errances » que le « voyant de Brethil qui jouait de la harpe » [S.234], en chantant le caractère inviolé de la sépulture de Morwen, s’appelait Glirhuin [XI.296]. Le passage de Húrin en Doriath n’a pas d’origine claire, tandis que sa fin pathétique dérive du chapitre 14 de la « Quenta » [IV.132].

Dans le récit original des « Errances », il s’écoule un grand laps de temps entre le moment où Húrin recueille les dernières paroles de Morwen et son inhumation. En effet, après le Dimbar, Húrin se rend en Brethil, où il est pris à parti dans la lutte de pouvoir de deux seigneurs de Brethil, Manthor et Hardang. L’issue de son séjour est tragique, puisque Hardang et Manthor meurent, entraînant la fin de la lignée des Haladin. Entre-temps, aidé par Manthor et ses partisans, Húrin a donné une sépulture digne à Morwen. Ce récit, qui constitue la partie centrale des « Errances » [XI.274-295], a été supprimé par Christopher Tolkien, qui ne souhaitait pas simplifier la narration et altérer l’image de Húrin [XI.298].

En ce qui concerne la fin du chapitre publié, il est impossible de connaître son origine exacte car la prose de Tolkien a été altérée. En effet, on sait que ce chapitre a fait l’objet de nombreux ajustements éditoriaux pour rendre le récit cohérent. Le texte est probablement dérivé du « Conte des Ans » [XI.342-354], qui raconte la fin du premier âge sous la forme de courtes annales. Ainsi le passage où Dior reçoit le Silmaril dérive de l’annale 503 [XI.348]. L’histoire a évidemment été composée à partir d’autres sources telles que les Contes Perdus ou la « Quenta » [XI.354].

Commentaires : Les récits laissés par Tolkien demeurant contradictoires, Christopher Tolkien a dû faire certains choix éditoriaux, choix qu’il regrette a posteriori [XI.354-356]. L’histoire textuelle de ce chapitre est évoquée dans l’essai de Cédric Pietrus intitulé Of the ruin of Doriath.

Húrin peut apparaître à première vue comme un personnage secondaire, victime des machinations de Morgoth. Il est en fait un des plus grands guerriers du Premier Âge, aux côtés de son fils Túrin, et ses aventures, juste ébauchées dans le Silmarillion publié, forment une geste sombre dont les textes des « Errances de Húrin » laissent deviner l’ampleur.

La vengeance de la maison de Hador, prononcée par Beleg à l’encontre de Mîm le petit-nain après sa trahison [S.209], se trouve réalisée lorsque Húrin tue celui-ci devant les portes de Nargothrond.

Les elfes et les nains se vouent une haine légendaire, qui découle d’une série de conflits sanglants qui prennent leur racine dans le meurtre de Thingol par les artisans nains de Menegroth. L’emprisonnement de Glóin dans les geôles de Thranduil raviva ce contentieux lors du Conseil d’Elrond, pendant lequel Gandalf eut ce bon mot : « si tous les griefs entre Nains et Elfes doivent être ressortis ici, autant abandonner tout de suite ce Conseil ». Une haine moins connue mais tout aussi profonde divise les nains et les ents, par nature, car ce sont des choses vivantes [S.34] issues de Yavanna. De plus, les Gardiens des Arbres participèrent activement à la bataille de Sarn Athrad aux côtés des Elfes et de Beren [Lettre n°247, XI.353], et ils firent ensuite des ravages dans les rangs nains lors de leur fuite vers le mont Dolmed [S.240].

Il est à noter que, au moment du Second Fratricide, la petite Elwing n’a que trois ans. Elle est donc prise en charge par les survivants, qui ont aussi récupérer le Silmaril enchâssé dans le Nauglamír.

Traduction : De manière étrange dans le texte publié, il n’est pas dit que Húrin enterre Morwen, laissant le corps à la merci des animaux sauvages. La traduction de Pierre Alien est particulièrement fautive à cet endroit. En effet, il a confondu le mot anglais grave signifiant « tombe » avec l’action de graver, et il a rajouté sans raison les termes « au-dessus du gouffre ». Une meilleur interprétation du texte original donnerait « Ensuite il se leva, et il creusa une tombe pour Morwen au-dessus de Cabed Næeramarth sur le côté ouest de la Pierre [sous-entendu la Pierre des Infortunés sur laquelle ont été déjà été gravés les épitaphes de Túrin et Nienor] ; et il grava ces mots : ci-gît également Morwen Eledhwen. »

Un paragraphe entier a été oublié lors de la traduction ! Ce paragraphe doit s’insérer entre les mots « de la maison de son père » et « Il arriva donc que ». Le voici : « Alors des rumeurs parvinrent aux Elfes d’Ossiriand qu’une grande cohorte de Nains portant les armes étaient descendue des montagnes et avaient passé le Gelion au Gué de Pierres. Ces nouvelles parvinrent bientôt à Beren et Lúthien; et à ce moment un messager vint de Doriath racontant sa chute. Puis Beren se prépara et quitta Tol Galen, et amenant avec lui son fils Dior ils allèrent au nord de la rivière Ascar ; et avec lui vinrent de nombreux Elfes verts d’Ossiriand ».

23 - Tuor et la chute de Gondolin

Résumé : Tuor, le cousin de Túrin, grandit en Mithrim puis devient un hors-la-loi. Il se rend alors à Nevrast, inspiré par Ulmo. Il y retrouve les armes laissées par Turgon longtemps auparavant, et un compagnon, Voronwë. Celui-ci le guide jusqu’à la cité cachée de Gondolin. Tuor y devient un grand seigneur et épouse Idril, la fille du roi Turgon. Trahie par Maeglin, la cité est attaquée par Morgoth. Tuor, Idril et leur fils Eärendil s’échappent vers le sud par un passage secret et atteignent les Bouches du Sirion.

Composition : Le début du chapitre semble contenir des bribes des « Annales Grises », et plus particulièrement l’annale 495 §299 [XI.91], mais l’origine exacte de la majorité du texte est inconnue. En ce qui concerne le récit proprement dit, celui-ci a été fortement développé dans le texte « De Tuor et de sa venue à Gondolin », publié dans les Contes et légendes inachevés [CLI.27-64]. Notons que dans les versions précédentes de l’histoire, Tuor rencontre Ulmo aux bouches du Sirion [IV.141,305] plutôt qu’en Nevrast, ce qui allonge considérablement son voyage ! De plus son compagnon de route Voronwë est un ancien esclave de Morgoth au lieu d’être un marin rescapé des flottes de Turgon.

Le récit de l’attaque de Gondolin par Morgoth, de « Enfin, quand Eärendil eut sept ans » jusqu’à « sous l’ombre de la main d’Ulmo », est issue du chapitre 16 de la « Quenta » [IV.143-146]. L’attaque de Gondolin, très condensée dans le Silmarillion, donne lieu à un développement très important dans le récit « la Chute de Gondolin », livre deux des Contes Perdus [II.212].

Les deux derniers paragraphes, qui concernent la supplication d’Ulmo et la disparition de Tuor en mer, sont tirés de la deuxième version du chapitre 17 de la « Quenta » [IV.150-151]. Cette deuxième version, appelée Q(II), est simplement une réécriture postérieure de la première version, appelée Q(I) [IV.135].

Commentaires : Voronwë est un rare rescapé de la flotte de navires affrétée par Turgon [S.156, 195] pour demander le pardon des Valar en Valinor. À noter que le même récit apparaît deux fois, en deux circonstances différentes : après Dagor Bragollach [S.156], et après la destruction d’Eglarest et de Brithombar [S.195].

Aux fontaines d’Ivrin, il est dit que Tuor et Voronwë aperçoivent « une silhouette qui se hâtait vers le nord » [S.245, CLI.50]. Il s’agit de Túrin qui se dirige vers le nord après le sac de Nargothrond par le dragon Glaurung [S.219]. Celui-ci est envoûté par le dragon, et tente de retrouver sa mère et sa sœur en Dor-lómin.

Lorsque Maeglin est capturé, Morgoth connait déjà l’emplacement de Gondolin. En effet, au sortir de sa captivité, Húrin désespéré souhaita retrouver Turgon, et hurlant dans les terres désolées se trouvant au pied des Crissaegrim, il en révèla l’emplacement aux espions de Morgoth [S.233]. Une note de Tolkien relate cet événement de manière plus explicite [XI.302] : « Plus tard quand Maeglin fut capturé et qu’il souhaita racheter sa libération par la traîtrise, Morgoth dut répondre en riant, disant : des informations périmées ne rachètent rien. Je le sais déjà, je ne suis pas si facilement dupé ! Donc Maeglin fut obligé de proposer plus – de saper la défense de Gondolin et de précipiter la mort de Tuor et d’Eärendil s’il le pouvait. S’il faisait cela il gagnerait Idril (disait Morgoth) ».

Maeglin meurt de la même manière que son père, précipité du haut des remparts, comme son père le lui avait annoncé avant de mourir [S.134].

La mort de Glorfindel lors du sac de Gondolin et sa réapparition au Troisième Âge dans le Seigneur des Anneaux met en lumière un des aspects particuliers de l’immortalité elfique. Tolkien aborde ce sujet dans un texte intitulé « De Glorfindel » écrit dans les dernières années de sa vie, vers 1972-1973 [XII.375-384]6).

24 - Le voyage d’Eärendil et la guerre de la Grande Colère

Résumé : Aux Havres du Sirion, désormais prospères grâce au Silmaril de Beren, Eärendil épouse Elwing. Mais les fils de Fëanor mettent à sac les Havres pour récupérer le joyau. Au cours du sac, Maglor enlève Elrond et Elros et les élève. Pendant ce temps, Eärendil a pris la mer et atteint Valinor. Né de l’union d’un homme et d’une elfe, il plaide la cause des Hommes et des Elfes auprès des Valar. Ceux-ci entendent son message et assaillent Morgoth lors de la Guerre de la Grande Colère. Le conflit est si violent que le Beleriand, brisé, sombre sous les flots. Eärendil emporte avec lui le Silmaril de Beren sur son navire céleste, tandis que Maglor et Maedhros récupèrent enfin les Silmarils mais connaissent une triste fin, consumés par leur propre serment. Ainsi se terminent le Premier Âge et les récits de la « Quenta Silmarillion ».

Composition : Le début de ce chapitre est tiré de la « Quenta » §17-QII [IV.151-153]. La suite du chapitre, à partir de « Ils purent apercevoir Tol Eressëa… », est tirée de la conclusion de la QS [V.323-333].

La conclusion du chapitre publié (qui forme la conclusion de l’Histoire des Silmarils dans son ensemble) est issue de la QS tardive au chapitre « Valaquenta » [X.203]. Cette conclusion a été considérablement amoindrie, car expurgée de la deuxième prophétie de Mandos qui évoque la fin des temps pendant laquelle Túrin tue Morgoth, Fëanor rend les Silmarils à Yavanna, etc.

Commentaires : Certains motifs qui apparaissaient dans la « Quenta » et la QS ont disparu dans le chapitre publié : Eärendil tuant Ungoliant, l’avenir de Tuor, des Elfes des Havres du Sirion se joignant à Maedros, deux dragons arrivant à s’enfuir dans l’est [IV.160, V.328], le devenir de Sauron, la présence de Eriol/Ælfwine et la Deuxième Prophétie de Mandos [V.333].

Après la submersion du Beleriand, seuls subsistent une partie du Thargelion, d’Ossiriand (et notamment Tol Galen), et des îles au large du Lindon : Tol Fuin, Tol Himling et Tol Morwen [S.236]. Subsistent aussi les monts Dolmed et Rerir ainsi que les ruines des cités naines de Nogrod et de Belegost. Pour plus de détails, voir l’article Du Beleriand aux confins de Rhûn – Collages et reconstructions géographiques de Didier Willis, dans Tolkien, le façonnement d’un monde – Vol. 2, pages 197-230.

La Guerre de la Grande Colère est connue avec peu de détails. On peut glaner quelques informations dans les « Nouvelles Annales du Beleriand » (le manuscrit est appelé AB2), qui est une version antérieure des « Annales Grises », écrite dans les années 30 [V.143-144]. Le manuscrit des « Nouvelles Annales » fut mis à jour après la composition du Silmarillion [V.124], elles n’ont donc pas servit à la composition de celui-ci.

Il est dit que, après le sac des Havres du Sirion, Maglor capture et élève Elrond et Elros [S.255]. Or il semblerait logique que ce soit plutôt Maedhros qui sauve les deux frères, souhaitant racheter l’abandon dans les bois des fils jumeaux de Dior, Eluréd et Elurín, et qu’il rechercha en vain [S.241]. Il est fort possible qu’il y ait eut une inversion entre Maglor et Maedhros dans le Silmarillion publié.

Akallabêth

Résumé : À la fin du Premier Âge, les Edain s’installent sur l’île de Númenor, gouvernés par Elros. Leur civilisation grandit peu à peu, mais Sauron infiltre l’île et distille un esprit de revanche contre les Valar. Ar-Pharazôn, le dernier roi de Númenor, arme une flotte et débarque en Valinor. Ses navires, son île et sa reine sont engloutis à jamais. Seuls survivent Anárion et Isildur, qui fondent des royaumes en Terre du Milieu.

Composition : Les trois cinquièmes de ce chapitre [XII.142] sont issus du second texte de « la Submersion d’Anadûnê » [IX.360-374], entremêlé avec d’autres textes. Au début du chapitre, la troisième version de « la Chute de Númenor » [IX.331-334] a été utilisée. Dans la partie finale du chapitre, c’est la forme finale de « la Submersion d’Anadûnê » [IX.389-396] qui a été utilisée. De plus, quelques passages proviennent de la deuxième version de « la Chute de Númenor » [V.23-24].

Christopher Tolkien est revenu en détail sur la composition du chapitre publié ainsi que sur ses choix éditoriaux dans le texte « l’Histoire de l’Akallabêth » [XII.140-165].

La composition de ce chapitre a été étudiée par Julien Mansencal dans l’essai « L’Ombre d’une ombre : De l’« Akallabêth » rédigée par J.R.R. Tolkien à celle lisible dans le Silmarillion », paru dans le magazine l’Arc et le Heaume n°3 de mai 2012, numéro spécial Númenor, pages 94-101.

Commentaire : Le mot « Akallabêth », qui donne le titre du chapitre, est un mot de la langue adûnaique signifiant « celle qui a sombré ». La traduction en langue quenya est Atalantë, mot qui évoque fortement l’Atlantide de Platon.

Le nom du dernier roi de Númenor, Ar-Pharazôn, rappelle le « pharaon » de l’Ancienne Égypte. Et en effet, Númenor contient nombre de références qui s’inspirent de la civilisation égyptienne. À ce sujet, voir l’essai « Númenor : une inspiration égyptienne ? » de Vivien Stocker paru dans l’Arc et le Heaume n°3, pages 70-74.

Les « Sept Pierres » [S.283], qu’emportent avec eux les Fidèles, sont les palantíri, les fameuses Pierres Clairvoyantes [CLI.444-453] qu’on retrouve à plusieurs reprises dans le Seigneur des Anneaux.

Les anneaux du pouvoir et le troisième Âge

Résumé : Durant les années du Second Âge dominées par les Dúnedain, des anneaux magiques sont forgés par Celebrimbor et les Elfes d’Eregion. Sauron revient en Mordor après la submersion de Númenor. En secret, il aide les forgerons elfes et par devers eux forge l’Anneau Unique. Il est défait lors de la Grande Alliance des hommes et des Elfes, mais l’Anneau Unique est perdu peu après dans le fleuve Anduin. Sauron reconstitue ses forces, d’abord à Dol Guldur, puis à Barad-dûr. Il est à nouveau défait à la fin du Troisième Âge avec l’aide des plus humbles et pacifiques habitants de la Terre du Milieu, les Hobbits. L’Anneau Unique finit par être détruit dans le feu du volcan Orodruin, et avec lui le royaume de Sauron. Dans les années qui suivent, les derniers anneaux prennent la mer et disparaissent à l’Ouest.

Composition : Ce chapitre est issu d’un manuscrit qui n’a pas été publié dans l’HdTM.

Commentaires : Ce texte fait évidemment le lien entre la « Quenta Silmarillion » et le Seigneur des Anneaux. Pendant longtemps, Tolkien souhaita publier en même temps le Silmarillion et le Seigneur des Anneaux, avant de renoncer.

Traduction : Le nom de la forêt de Mirkwood n’a pas été traduit par Pierre Alien. Dans la nouvelle traduction du Hobbit, Daniel Lauzon a proposé « forêt de Grand’Peur ». De plus, Fondcombe (traduction de Francis Ledoux) est devenue Fendeval.

L’index et l’appendice linguistique

Cet index a été inspiré par celui écrit pour le Seigneur des Anneaux par Tolkien [CLI.22]. L’entrée Felagund est inspirée par une longue note de Tolkien sur l’étymologie [XII.352].

L’index et l’appendice linguistique contiennent un nombre important de fautes de traduction. Pour plus de détails, lire l’article Les coquilles de la version française de l’appendice linguistique sur le site JRRVF.

Du point de vue de la connaissance des langues elfiques, l’appendice linguistique n’est pas très utile car il mélange indistinctement deux langues, le quenya et le sindarin.

Bibliographie

Les références sont données au fil du texte, entre crochets :

Sur Tolkiendil

1) Le résumé complet du Silmarillion est disponible sur Tolkiendil.
2) Voir l’essai Du Beleriand aux confins de Rhûn dans Tolkien, le façonnement d’un monde – Vol. 2, pages 221-230.
3) Voir le lien suivant pour le détail des versions du serment de Fëanor : http://www.tolkiendil.com/arts/traductions/poemes_de_history_of_middle-earth#le_serment_de_feanor
4) Pour plus de détails, voir l’Index des cartes de la Terre du Milieu et d'ailleurs de Julien Mansencal & Vivien Stocker. Pour un complément à l’atlas de K.W.Fonstad, voir Un atlas géopolitique du Beleriand publié en mai 2014 sur JRRVF.
5) Voir la critique dans le numéro 2 de la revue L’Arc et le Heaume, pages 12-19.
6) Voir aussi l’essai de Julien Mansencal intitulé Le cas Glorfindel, d’août 2006.