Beorn ou l’origine des capacités exceptionnelles d’un homme

Jean-Yves Stenuick — 2010
Note de lectureNotes de lecture : En tant que présentations ou compilations, ces articles sont les plus accessibles à tous les lecteurs. Aucune connaissance sur J.R.R. Tolkien n'est requise.

Cet élément a été publié dans le magazine
L'Arc et le Heaume n°2 - Les Animaux chez Tolkien.

L'Arc et le Heaume n°2 - Les Animaux chez Tolkien

Introduction

La théorie que je vais tenter de développer dans cet essai n’est qu’une des nombreuses éventualités qu’il est possible de trouver afin d’expliquer les facultés inhabituelles propres à Beorn. Bien qu’elle me semble plus qu’intéressante à approfondir, il faut tenir compte qu’elle n’est basée que sur des spéculations personnelles et qu’aucune citation de J.R.R. Tolkien ne l’authentifie comme étant exacte.

Les arguments présentés ci-dessous seront dans la mesure du possible appuyés par des extraits pertinents de l’œuvre étendue du professeur. Afin de ne pas les dénaturer par une traduction erronée ou hasardeuse, ils seront présentés ici dans leur version originale.

Qui est Beorn ?

Aspect général et caractère

Beorn1) apparaît pour la première fois dans l’œuvre publiée de J.R.R. Tolkien au cours du chapitre 7 de The Hobbit : « Queer lodgings » [Un curieux logis]. Rien que le nom même donné au chapitre, nous informe de la particularité de la demeure de Beorn, mais j’approfondirai ce point un peu plus loin. La première référence à Beorn dans le livre est donc celle-ci :

« Very few people live in these parts, unless they have come here since I was last down this way, which is some years ago. But there is somebody that I know of, who lives not far away. That Somebody made the steps on the great rock-the Carrock I believe he calls it. He does not come here often, certainly not in the daytime, and it is no good waiting for him. In fact it would be very dangerous. »
« Il y a très peu d'habitants dans cette région, à moins qu'il n'en soit venu depuis mon dernier passage par ici, c'est-à-dire depuis quelques années. Mais je sais quelqu'un qui ne demeure pas loin. C'est ce Quelqu'un qui a taillé les marches du grand rocher - le Carrock, l'appelle-t-il, à ce que je crois savoir. Il ne vient pas souvent de ce côté, certainement pas de jour, et rien ne servirait de l'attendre. En fait, ce serait fort dangereux. »

Cette première impression donnée par Gandalf aux nains et à Bilbo donne le portrait d’un Beorn plutôt solitaire, étrange et d’une certaine manière dangereux. Cette dernière caractéristique est confirmée à la deuxième mention de son nom :

« The Somebody I spoke of-a very great person. You must all be very polite when I introduce you. I shall introduce you slowly, two by two, I think; and you must be careful not to annoy him, or heaven knows what will happen. He can be appalling when he is angry, though he is kind enough if humoured. Still I warn you he gets angry easily. »
« Le Quelqu'un dont j'ai parlé, un très grand personnage. Vous devrez tous être très polis quand je vous présenterai. Je ferai lentement, deux par deux, je pense ; et il vous faudra prendre garde à ne pas l'ennuyer, ou Dieu sait ce qui se passera. Il peut être effroyable quand il est en colère, bien qu'il se montre assez bienveillant quand on ne le contrarie point. Mais, je vous en préviens, il se courrouce facilement. »

Dans la continuité du premier extrait, le danger que peut représenter Beorn est encore une fois mis en évidence ici, bien que nuancé. L’accent est aussi posé sur sa taille importante, supérieure à la normale humaine.

Une autre différence avec l’être humain est le fait que Beorn ne s’intéresse pas à la richesse :

« They [The dwarves] spoke most of gold and silver and jewels and the making of things by smith-craft, and Beorn did not appear to care for such things […] »
« Ils parlaient surtout d'or, d'argent, de joyaux et de la fabrication d'objets forgés, et Beorn ne semblait pas s'intéresser à ce genre de choses […] »

Un dernier trait de caractère propre à Beorn est la solitude :

« He had very few friends and they lived a good way away; and he never invited more than a couple of these to his house at a time. »
« Il avait très peu d'amis et ceux-ci habitaient assez loin ; et il n'en invitait jamais plus de deux à la fois. »

Origine

Autrement étrange que son aspect et que son caractère, l’origine de Beorn est elle aussi teintée de mystère. Deux hypothèses sont à prendre en considération quant à sa provenance. Elles sont toutes deux présentées par Gandalf :

« Some say that he is a bear descended from the great and ancient bears of the mountains that lived there before the giants came. Others say that he is a man descended from the first men who lived before Smaug or the other dragons came into this part of the world, and before the goblins came into the hills out of the North. I cannot say, though I fancy the last is the true tale. »
« D'aucuns disent que c'est un ours descendant des grands et anciens ours des montagnes qui vivaient là avant l'arrivée des géants. D'autres que c'est un homme descendant des premières hommes qui vivaient avant que Smaug ou les autres dragons ne vinssent dans cette partie du monde et avant que les gobelins n'arrivassent du nord dans les montagnes. Je n'en sais rien, mais je pencherais assez pour la seconde version. »

La première hypothèse affirme la parenté de Beorn avec les ours des montagnes, tandis que la seconde privilégie sa descendance avec les premiers hommes. Déjà Gandalf, même incertain, favorise la seconde possibilité. Cette dernière sera explorée en profondeur un peu plus loin. Le fait que Beorn provienne des montagnes n’est cependant pas exclu :

« That is why I believe he once came from the mountains himself. »
« C'est ce qui me donne à croire qu'il était lui-même venu autrefois des montagnes. »

Cette idée semble être confirmée par J.R.R. Tolkien quelques lignes plus loin :

« You see, in the old days he had known the very part of the mountains that Gandalf was describing. »
« Dans l'ancien temps, il avait connu la partie même des montagnes que Gandalf décrivait, vous comprenez. »

Particularités

Cependant, bien qu’il semble descendre d’hommes des montagnes, la différence entre Beorn et les autres humains ne se limite pas à sa taille, à l’indifférence que lui procure la richesse ou encore à son besoin de solitude. Il possède un certain nombre de qualités surnaturelles dont la première, et non la moindre, est exposée dans cette citation :

« He is a skin-changer. He changes his skin; sometimes he is a huge black bear, sometimes he is a great strong black-haired man with huge arms and a great beard. I cannot tell you much more, though that ought to be enough. »
« C'est un changeur de peau. Il change sa peau : parfois c'est un énorme ours noir, parfois un homme fort et de grande taille avec d'immenses bras et une longue barbe. Je ne puis pas vous dire grand-chose de plus ; cela doit d'ailleurs vous suffire. »

Une autre particularité propre à Beorn, autre que son habileté à se changer en ours, est révélée un peu plus loin dans le récit, il semblerait qu’il puisse parler aux animaux, ou du moins à certains d’entre eux :

« Beorn clapped his hands, and in trotted four beautiful white ponies and several large long-bodied grey dogs. Beorn said something to them in a queer language like animal noises turned into talk. »
« Beorn claqua des mains, et entrèrent en trottant quatre magnifiques poneys blancs et plusieurs grands chiens gris au corps allongé. Beorn leur dit quelque chose dans un curieux langage, semblable à des bruits d'animaux transformés en paroles. »

Ces derniers semblent posséder eux-mêmes quelques particularités et la vie dans la maison de Beorn en est affectée d’où le titre du chapitre « Queer lodgings » [Un curieux logis].

« The dogs could stand on their hind-legs when they wished, and carry things with their fore-feet. Quickly they got out boards and trestles from the side walls and set them up near the fire. »
« Les chiens pouvaient se tenir, quand ils le voulaient, sur leurs pattes de derrière et porter des objets avec celles de devant. Ils sortirent rapidement des murs latéraux des planches et des tréteaux, qu'ils dressèrent près du feu. »

Conclusion

Nous pouvons dès à présent résumer nos connaissances à propos de Beorn. Il s’agirait d’un être humain descendant des hommes des montagnes et possédant des caractéristiques propres, tels sa grande taille, le pouvoir de parler à certains animaux (sinon tous) et celui de se transformer en ours. D’autres traits de caractère peuvent être notés comme le fait qu’il se courrouce facilement, qu’il peut être dangereux et qu’il soit plutôt solitaire, ce qui implique qu’il possède peu d’amis. Beorn habite aussi dans une maison isolée et austère dans laquelle vivent des animaux aux facultés inhabituelles.

La transformation en ours

Comme nous avons pu le constater, Beorn a la faculté de pouvoir se transformer en énorme ours noir2). Cependant, cette métamorphose ne semble pouvoir se réaliser que dans la pénombre. En effet, à chaque fois que ce changement s’opère dans The Hobbit, il fait nuit ou alors l’environnement aux alentours est plongé dans la obscurité.

La première mention de cette limite au pouvoir de Beorn est exprimée par Gandalf lorsque lui, Bilbo et les nains se trouvent au Carrock.

« He does not come here [The Carrock] often, certainly not in the daytime, and it is no good waiting for him. »
« Il ne vient pas souvent de ce côté, certainement pas de jour, et rien ne servirait de l'attendre. »

Gandalf dit l’avoir une fois aperçu en pleine nuit sans préciser cependant sous quelle forme il apparaissait. Néanmoins, il dit l’avoir entendu parler dans la langue des ours, ce qui peut faire penser que c’était la forme qu’il occupait à cet instant.

« I once saw him sitting all alone on the top of the Carrock at night watching the moon sinking towards the Misty Mountains, and I heard him growl in the tongue of bears; 'The day will come when they will perish and I shall go back!' »
« Je l'ai vu une fois assis tout seul, la nuit, au sommet du Carrock, observant la lune qui descendait vers les Monts Brumeux, et je l'ai entendu grogner dans le langage des ours : « Le jour viendra où ils périront et où je retournerai là-bas ! » »

Lorsque Bilbo dort dans la maison de Beorn la première nuit, il croit entendre des bruits d’ours au dehors.

« Yet in the night he woke: the fire had now sunk to a few embers; the dwarves and Gandalf were all asleep, to judge by their breathing; a splash of white on the floor came from the high moon, which was peering down through the smoke-hole in the roof. There was a growling sound outside, and a noise as of some great animal scuffling at the door. Bilbo wondered what it was, and whether it could be Beorn in enchanted shape […]. »
« Il se réveilla toutefois au milieu de la nuit : le feu s'était alors réduit à quelques braises ; les nains et Gandalf dormaient tous, à en juger par leur respiration ; une éclaboussure blanche tombait à la verticale de la lune sur le parquet par l'ouverture ménagée dans le toit pour la fumée. Il y eut à l'extérieur une sorte de grognement et un son semblable à celui de quelque grosse bête en train de piétiner derrière la porte. Bilbo se demanda de quoi il s'agissait, si ce n'était pas Beorn sous sa forme enchantée […] »

Beorn lui-même fait allusion à cette limite de pouvoir lorsqu’il rassure la compagnie de Thorin en leur annonçant que les gobelins n’osent pas s’aventurer dans ses terres car celles-ci sont bien protégées la nuit. Elles sont en effet bien défendues car lui-même sous sa forme d’ours veille à ce qu’elles le soient lorsque le soleil se couche.

« The goblins, Beorn had said, will not dare to cross the Great River for a hundred miles north of the Carrock nor to come near my house – it is well protected at night! […] »
« Les gobelins, avait dit Beorn, n'oseront pas traverser la Grande Rivière à moins de cent milles au nord du Carrock, non plus que s'approcher de ma maison - elle est bien protégée la nuit ! […] »

Sur le chemin menant à la forêt de Mirkwood, Bilbo croit apercevoir un grand ours les suivant à la tombée de la nuit.

« As the light faded Bilbo thought he saw away to the right, or to the left, the shadowy form of a great bear prowling along in the same direction. But if he dared to mention it to Gandalf, the wizard only said: 'Hush! Take no notice!' »
« Comme la lumière s'évanouissait, le Hobbit crut voir, tantôt vers la gauche et tantôt vers la droite, l'ombre vague d'un grand ours qui rôdait, suivant la même direction qu'eux. Mais s'il se risquait à en parler à Gandalf, le magicien se contentait de répondre : « Chut ! N'y faites pas attention ! » »

Gandalf annonce cet événement au reste de la compagnie en insistant sur le fait que ces apparitions se sont produites chaque nuit depuis leur départ de la maison de Beorn.

« Beorn is not as far off as you seem to think, and you had better keep your promises anyway, for he is a bad enemy. Mr. Baggins' eyes are sharper than yours, if you have not seen each night after dark a great bear going along with us or sitting far of in the moon watching our camps. »
« Beorn n'est pas aussi loin que vous semblez l'imaginer et vous feriez mieux de tenir vos promesses de toute façon, car c'est un ennemi redoutable. Les yeux de M. Baggins sont plus perçants que les vôtres, si vous n'avez pas vu tous les soirs, la nuit tombée, un grand ours qui nous suivait ou qui, assis au loin sous la lune, observait nos campements. »

La dernière apparition de Beorn sous sa forme d’ours avant que la troupe ne s’engage dans la forêt de Mirkwood se produit sous l’ombre des arbres.

« As they went away Bilbo could have sworn that a thing like a bear left the shadow of the trees and shambled off quickly after them. »
« Comme il s'éloignait, Bilbo aurait pu jurer que quelque chose comme un ours quittait l'obscurité des arbres et s'en allait d'un pas lourd mais rapide derrière eux. »

Lors de la bataille des Cinq Armées, Beorn apparaît encore une fois sous sa forme d’ours. Il devait déjà faire sombre au dehors car il apparut à la dernière heure de la bataille et celle-ci s’acheva juste avant la tombée de la nuit.

« In that last hour Beorn himself had appeared – no one knew how or from where. He came alone, and in bear's shape; and he seemed to have grown almost to giant-size in his wrath. […]Victory had been assured before the fall of night […] »
« En cette dernière heure, Beorn lui-même avait apparu - nul ne savait comment ni d'où il avait surgi. Il était venu seul, sous sa forme d'ours ; et dans sa colère, il semblait avoir pris des proportions gigantesques. […] La victoire avait été assurée avant la tombée de la nuit. »

Tous ces éléments tendent à faire penser que Beorn ne peut prendre l’apparence d’un ours que la nuit tombée ou du moins, qu’en cas de forte obscurité. Cependant rien ne permet d’affirmer que cette transformation lui est obligatoire en ces instants de noirceur, à l’instar des loups-garous les nuits de pleine lune. En effet, si cela avait été le cas, Bilbo l’aurait sans aucun doute remarqué lors de son voyage de retour alors qu’il l’accompagnait, lui et Gandalf.

« […] but he [Bilbo] was well guided and well guarded - the wizard was with him, and Beorn for much of the way - and he was never in great danger again. »
« […] mais il était bien guidé et bien gardé - il avait avec lui le magicien, et Beorn pour la plus grande partie du trajet - et il ne fut plus à aucun moment en grand danger. »

L’apprentissage de ses facultés

Un homme comme les autres

Malgré ses étranges pouvoirs, Beorn n’était néanmoins qu’un homme et sa longévité ne fut probablement pas supérieure à celle d’un autre.

« Beorn is dead; see vol. I p. 241. He appeared in The Hobbit. It was then the year Third Age 2940 (Shire-reckoning 1340). We are now in the years 3018-19 (1418-19). Though a skin-changer and no doubt a bit of a magician, Beorn was a Man. » 3).
« Beorn est mort : voir vol. 1, p. 241. Il apparaît dans Bilbo le Hobbit. C'était alors l'année 2940 du Troisième Âge (1340 selon le comput de la Comté). Nous nous trouvons à présent en 3018 - 3019 (1418-1419). Même s'il pouvait changer d'apparence et était sans aucun doute un peu magicien, Beorn était un Homme. »

Le passage auquel renvoie J.R.R. Tolkien semble être celui-ci :

« Frodo learned that Grimbeorn the Old, son of Beorn, was now the lord of many sturdy men, and to their land between the Mountains and Mirkwood neither orc nor wolf dared to go. » 4)
« Frodo apprit que Grimbeorn l'Ancien, fils de Beorn, était à présent le seigneur de nombreux hommes forts et que dans leur pays, situé entre les Montagnes et la Forêt Noire, ni orque ni loup n'osait pénétrer. »

Beorn est donc bien décédé entre 2940-41 (moments où on le retrouve dans The Hobbit) et 3018 (instant où Frodon apprend que son fils lui a succédé).

Rapports avec Radagast

Si Beorn était donc bien un homme, comment se fait-il qu’il soit doté du pouvoir de parler aux bêtes et celui se transformer en ours ? Une réponse plausible peut être trouvée dans ses rapports avec Radagast.

Radagast est le nom d’un des Istari envoyé par les Valar sur la Terre du Milieu.

« Curunír was the eldest and came first, and after him came Mithrandir and Radagast, and the others of the Istari who went into the East of Middle-Earth, and do not come into these tales. » 5)
« Curunír, le plus vieux, passait en premier, puis Mithrandir et Radagast. Il y eu d'autres Istari qui restèrent à l'Est de la Terre du Milieu et qui n'entrent pas dans ce récit. »

Il est particulièrement compétent dans les domaines qui nous intéressent ici, en effet, c’est un maître des formes ainsi que des changements de teintes et il possède une grande connaissance des animaux.

« Radagast is, of course, a worthy Wizard, a master of shapes and changes of hue; and he has much lore of herbs and beasts, and birds are especially his friends. » 6)
« Radagast est un digne Magicien, bien sûr, un maître des formes et des changements de teintes ; et il a une grande connaissance des herbes et des bêtes, et les oiseaux sont particulièrement ses amis. »

Il se fait justement que Beorn et Radagast entretiennent des rapports amicaux.

« 'I am a wizard,' continued Gandalf. 'I have heard of you, if you have not heard of me; but perhaps you have heard of my good cousin Radagast who lives near the Southern borders of Mirkwood?' 'Yes; not a bad fellow as wizards go, I believe. I used to see him now and again,' said Beorn . » 7)
« - Je suis un magicien, poursuivit Gandalf. J'ai entendu parler de vous, si vous, vous n'avez pas entendu parler de moi ; mais peut-être connaissez-vous mon bon cousin Radagast, qui habite aux lisières sud de Mirkwood ?

- Oui ; il n'est pas si mal pour un magicien, il me semble. Je le voyais autrefois de temps à autre, dit Beorn. »

L’homme et le magicien peuvent en effet se voir sans trop de problèmes car ils habitent non loin l’un de l’autre. La maison de Beorn se trouvant près de la route de la vieille forêt à l’entrée de Mirkwood, tandis que la demeure de Radagast, Rhosgobel, se trouve elle aussi aux abords de la forêt noire, bien que plus au sud. 8)

« It was Radagast the Brown, who at one time dwelt at Rhosgobel, near the borders of Mirkwood. » 9)
« C'était Radagast le Brun, qui habitait à un moment à Rhosgobel, à l'orée de la Forêt Noire. »
« Those who had climbed the pass at the sources of the Gladden had reached the old home of Radagast at Rhosgobel 10).
« « Ceux qui avaient gravi le col à la source des Iris avaient atteint l’ancienne demeure de Radagast à Rhosgobel »

En outre, le rapport entre Beorn et Radagast était d’autant plus facilité que Beorn est plus rapide qu’un homme sous sa forme d’ours.

« […] you can guess that he could travel quickly, in bear's shape at any rate. » 11)
« […] ce qui vous donne à comprendre qu'il pouvait voyager à vive allure, en tout cas sous sa forme d'ours. »

Conclusion

Beorn et Radagast entretiennent donc bien des liens d’amitié et se voient de temps en temps grâce à la vitesse rapide que peut atteindre Beorn sous sa forme d’ours ainsi qu’au fait qu’ils habitent non loin l’un de l’autre.

Or, Radagast est d’une qualification hors pair dans les formes ainsi que dans les changements de teintes et il possède une grande connaissance des animaux.

Tandis que Beorn lui, un simple homme, possède la capacité de se transformer en ours dans l’obscurité et connaît le langage des bêtes.

Tous ces éléments me permettent d'énoncer l'hypothèse que les facultés qu'à Beorn de se transformer en ours et de parler le langage des animaux lui ont été enseignées par Radagast, ce qui expliquerait pourquoi JRR Tolkien le considère comme un peu magicien :

« Though a skin-changer and no doubt a bit of a magician, Beorn was a Man . » 12)
« Même s'il pouvait changer d'apparence et était sans aucun doute un peu magicien, Beorn était un Homme. »

De plus, il me semble que Christopher Tolkien lui-même ait pensé à cette idée. En effet, on retrouve ce texte dans The Treason of Isengard :

« Radagast the Grey […] is of course a master of shapes and changes of hue, and has much lore of beast, bird, and herb… » 13)

Cet extrait est à peu près identique à la version donnée dans le Seigneur des Anneaux, mais la note qui s'y rapporte est plutôt intrigante…

« Can this have been suggested by Beorn's acquaintance with Radagast ? » 14)

Je penserais plus facilement que Beorn n’a en fait qu’imité Radagast et non appris directement ses facultés du magicien. Il aurait pu l’observer attentivement lors de leurs visites respectives et apprendre ainsi peu à peu à maîtriser ce pouvoir de transformation. Quoi qu’il en soit, il semble que Beorn ait appris à son peuple cette étrange faculté, les introduisant ainsi aux portes de ce domaine si particulier pour les hommes qu’est la magie.

« Beorn indeed became a great chief afterwards in those regions and ruled a wide land between the mountains and the wood; and it is said that for many generations the men of his line had the power of taking bear's shape, and some were grim men and bad, but most were in heart like Beorn, if less in size and strength . » 15)
« En fait, Beorn devint par la suite un grand chef dans ces régions, et il gouverna une vaste étendue entre les montagnes et la forêt ; et l'on dit que, durant bien des générations, les hommes de sa lignée eurent le pouvoir de prendre la forme d'un ours ; s'il en fut quelques-uns de mauvais et sinistres, la plupart ressemblèrent de cœur à Beorn, bien qu'ils fussent moins grand et moins forts. »

Remerciements

Je tiens à remercier tous les participants à la discussion qui a eu lieu sur le forum de Tolkiendil au sujet de Beorn, elle m’a motivée dans mes recherches et a éclairé des chemins obscurs auxquels je n’aurais pas pensé sans leurs interventions. Merci aussi à Belgarion et Zelphalya sans qui cet essai n’aurait jamais vu le jour, ainsi qu’à tous ceux qui m’ont encouragé dans ce projet.

Bibliographie

Sur Tolkiendil

1) Toutes les citations relatives à cette partie sont issues de The Hobbit, Chapter 7 - « Queer lodgings »
2) Toutes les citations relatives à cette partie sont issues de The Hobbit, Chapter 7 - « Queer lodgings », exceptées les deux dernières, issues du Chapter 19 - « The Return Journey ».
3) Letters, Letter n°144 - To Naomi Mitchison.
4) The Lord of the Rings, The Fellowship of the Ring, Book II, Chapter 1 – « Many Meetings ».
5) Unfinished Tales, Part Four, « II - The Istari ».
6) , 9) The Lord of the Rings, The Fellowship of the Ring, Book II, Chapter 2 - « The Council of Elrond ».
7) , 11) The Hobbit, Chapter 7 - « Queer lodgings ».
8) The Treason of Isengard, Chapter XV - « The First Map of the Lord of the Rings ».
10) The Treason of Isengard, Chapter VIII - « The Ring Goes South ».
12) Letters, letter n°144 - To Naomi Mitchison.
13) The Treason of Isengard, Chapter VI - « The Council of Elrond (1) », Fourth version.
14) The Treason of Isengard, Chapter VI - « The Council of Elrond (1) », note 27.
15) The Hobbit, Chapter 19 - « The Return Journey ».