Table des matières

Tiré du « Schibboleth de Fëanor »

Vinyar Tengwar J.R.R. Tolkien — Juillet 2000
édité et annoté par Carl Hostetter
traduit de l’anglais par Damien Bador
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Cet article est issu du journal linguistique Vinyar Tengwar no 41, daté de juillet 2000 et édité par Carl F. Hostetter. Le traducteur remercie chaleureusement le Tolkien Estate, Carl F. Hostetter et l’équipe éditoriale de Vinyar Tengwar pour avoir autorisé la publication de cette traduction.

Le texte de Tolkien est sous la protection du droit d’auteur. © 1998—2017 The Tolkien Trust

Gondolin (© Ted Nasmith)

Les notes qui suivent proviennent de l’essai « Le Schibboleth de Fëanor », datant d’environ 1968. Elles en furent exclues lorsque Christopher Tolkien le publia dans The Peoples of Middle-earth (voir PM, p. 331). La première note précède immédiatement celle qui est intitulée « Note on Mother-names » dans le texte publié1).

Note 1 : Le changement þ > s en quenya ñoldorin

Ce changement doit avoir été une modification consciente et délibérée qui était acceptée par la majorité des Ñoldor après leur séparation d’avec les Vanyar, quelle qu’ait été la manière dont elle fut initiée. Ce mouvement avait sans nul doute une origine mixte, à la manière des évolutions linguistiques eldarines : en partie inaperçu et inadvertant jusqu’à ce qu’il soit bien avancé, comme pour les langues des Hommes, et en partie, mais à un degré bien plus grand que pour ces langues, effectué consciemment et volontairement. C’était en partie une conséquence de l’amour ñoldorin du changement et de la nouveauté, en particulier dans leurs arts (dont le langage était considéré être l’un des principaux). Cet amour avait été restreint et modifié quand qu’ils vivaient encore dans une communauté linguistique unique avec les Vanyar, conservateurs, dont l’accord devait être obtenu avant qu’une innovation puisse être reconnue comme du quenya authentique. Après la séparation, quoique les deux dialectes demeurassent aisément intelligibles pour les Vanyar ou les Ñoldor, le quenya ñoldorin acquit bientôt maints mots nouveaux et structures grammaticales nouvelles, mais dans le domaine de la phonétique et de la structure des sons la seule divergence sérieuse était ce traitement de þ.

Pour des raisons qui, bien sûr, ne sont plus entièrement comprises désormais, il semblerait que la majorité des Ñoldor ait développé un dégoût envers le son þ. C’était anciennement en quenya, comme cela le resta en vanyarin, une spirante dentale (faite avec l’extrémité de la langue derrière la rangée de dents supérieure, ce qui rend le passage vers s plus facile). De même, la spirante labiale f était bilabiale et demeura telle en vanyarin. Le passage des þ et f dentaux et labiaux à un þ interdental et un f labiodental advint d’abord en telerin. Le f labiodental se propagea bientôt au ñoldorin, probablement parce qu’il aidait à distinguer plus clairement le f et le w sourd (transcrit par hw) du quenya. (N.d.A. 1) La raison pour laquelle les Ñoldor ne vinrent pas à adopter le þ interdental et à clarifier alors la distinction entre þ et s reste incertaine. Certains semblent avoir estimé les nouveaux f et þ trop similaires, moins par le son produit (N.d.A. 2) que par ce qu’ils auraient appelé « aptitude » : l’adéquation phonétique au sens associé. Mais la « théorie » y jouait sans doute une part. Les Eldar avaient une appréhension instinctive de l’ensemble de la structure et du système phonétique de leur langue, laquelle s’accroissait avec l’instruction ; car en un sens toutes les langues eldarines étaient des langues « inventées », des formes artistiques pas seulement héritées, mais aussi des matériaux engageant l’intérêt actif de leurs utilisateurs et stimulant consciemment leur goût et leur inventivité propres. Cet aspect était manifestement toujours proéminent à Valinor, quoiqu’en Terre du Milieu il se soit estompé et que le développement du sindarin fût principalement devenu le produit de changements inadvertants comme les langues des Hommes, longtemps avant l’arrivée des exilés ñoldorins. Ainsi, le rejet de þ pourrait aussi avoir été une tentative de réduire une anomalie apparente : la série T possédait deux spirantes sourdes lui étant associées, le s et le þ dental (relativement similaires), alors que les autres séries n’en avaient qu’une. Si l’une des deux, s ou þ, devait être éliminée, s devait rester, étant le son préféré, le plus fréquent de beaucoup et aussi un son plus « apte » à remplacer le þ dental. Ces raisons, cependant, étaient basées sur des considérations structurelles et phonétiques générales et au début le dommage causé par la fusion de s et þ en s n’avait pas été suffisamment considéré. Il en résultait une grande quantité d’homophonies et une confusion de dérivés tirés de radicaux bien distincts à l’origine. Pour cette raison elle fut déplorée et attaquée par les maîtres du savoir des Vanyar et aussi des Ñoldor. Si ce n’avait été pour des raisons « politiques » et par temps de paix et de calme réflexion, les maîtres du savoir auraient sans nul doute prévalu et le changement en þ interdental été accepté. Néanmoins, le chef des maîtres du savoir était Fëanor et il attaqua « s pour þ » avec un langage sévère et méprisant, de sorte que la question linguistique fut prise dans la dispute entre les fils de Finwë.

Notes de l’auteur

  1. Les Ñoldor, avant qu’ils effectuassent ce changement, accusaient les Vanyar de confondre les deux sons. En fait, si on les avait laissé évoluer sans contrôle, ils auraient probablement fusionné pour donner le hw quenya. Leur rapprochement étroit (en réduisant la friction spirante de f) avant la séparation des Vanyar et des Ñoldor se voit dans le développement de phu- > *hwu- > hu-, comme dans le quenya huine « obscurité », ténèbres absolues (comme une nuit sans étoile ou lune), telerin fuine de même sens, sindarin fuin « nuit ». Plus tard quand la fusion fut jugulée en ñoldorin, il arrivait à Fëanor de plaisanter en déclarant que les Vanyar appelaient son père Hwinwe et lui-même Hwëanáro.
  2. Ils peuvent sembler tels, en particulier pour ceux qui ne sont habitués à þ : voir la substitution russe de F pour Þ (TH) dans les noms grecs. Mais on ne peut supposer que les Ñoldor aient eu des difficultés à distinguer f et þ.
La note écartée qui suit figure précisément à la même place que la note 32 du texte publié2). J’ai ajouté la nécessaire qualification « + w ».

En sindarin, les sons postérieurs k, g, kh, ng (pas n seul) [+ w] avaient tous donné les labiales p, b, ph, mb (comme en telerin) à une époque très ancienne. Mais après d’autres consonnes (pas s, toutefois), lorsque w- devint final à cause de la perte de la voyelle eldarine commune, le w devint vocalique, comme dans Elwe = Elu ; q. kurwe = curu. Dans le dialecte septentrional cependant, en position finale uniquement, eld. com. tw > dw, dw > ðw, thw > þw, nw devinrent b, v, f, m.

Cette dernière explication signifie qu’en sindarin septentrional, en position finale, eld. com. tw > dw > b ; eld. com. dw > ðw > v ; eld. com. thw > þw > f ; et eld. com. nw > m.
Le passage suivant fut omis de la fin de la note 43 du texte publié, PM, p. 363. Le point d’interrogation en regard de la remarque entre parenthèses commençant par « traité comme si… » est de Tolkien lui-même dans le dactylogramme.

Par sa structure, la forme quenya ainsi utilisée pouvait descendre d’*arta- ou d’*arata-, des dérivés sans voyelle médiale ou avec une voyelle brève (tous deux légitimes et réguliers selon le traitement eldarin commun de ce type de radicaux étendus), mais elle comporte plus probablement une syncope secondaire de arata < arāta dans les noms composés longs. En sindarin arod resta d’usage comme adjectif, mais à la fin d’un composé le a- tombait (? traité comme s’il appartenait au mot précédent) : ainsi findarātō serait devenu find-raud > findrod > finrod avec perte du d médial devant un autre d, comme dans le vrai nom sindarin Thinrod « noble membre des Thindrim (Sindar) ».

Le passage suivant et la note qui l’accompagne furent omis de la fin du dernier paragraphe complet en PM, p. 346. Dans la phrase qui précède ce passage, on peut noter que le dactylogramme donne Arothír, avec un í long, là où le texte publié indique Arothir avec un i bref, comme le fait la dernière phrase de la note qui suit.

C’était [Arothír] en fait un vrai nom sindarin dans lequel le voisement médial t > d en eldarin commun avait été entravé par le h qui suivait, tandis que l’aspirée résultante th devint ensuite la spirante þ.*

* Le quenya hēr et le sindarin hîr « seigneur » étaient en fait dérivés de l’eldarin commun *khēr : kh devint une spirante dans toutes les langues eldarines, puis h en position initiale. En quenya et en telerin le χ finit aussi par devenir h dans la plupart des cas, mais en sindarin la spirante (transcrite par ch) demeurait en position médiale — comme par ex. dans i•chír « le seigneur ». Par conséquent, ce nom descendant des jours anciens serait devenu arāt- chír > aratχír avec abrégement de la voyelle devant les deux consonnes et suppression de l’accent sur celle-ci : Aracchír. C’était aussi un nom sindarin. Arothir remontait à une date plus tardive, quand les formes initiales des seconds éléments furent souvent substituées aux médiales dans les noms ou autres composés de signification et de dérivation reconnue.

La note étymologique suivante se rapporte au nom Russandol dans la discussion du nom Maitimo de la liste numérotée des noms des sept fils de Fëanor3). Une note marginale en regard de cette discussion précise que Nerdanel « elle-même avait des cheveux bruns et un teint vermeil ». Une autre note dans les papiers associés à cet essai nous dit : « Les Elfes n’avaient pas de barbe avant qu’ils n’entrent dans leur troisième cycle de vie. Le père de Nerdanel [cf. PM, p. 365-366 n. 61] était exceptionnel, étant seulement au début de son deuxième. »

L’eldarin commun (u)rus [était] usité pour une nuance de rouge brunâtre entre rouge brique et auburn. D’où le quenya, telerin urus (radical urust-), sindarin rust « cuivre », rustui adj. ; quenya [supprimé : ruska « brun-rouge »] rusko « un renard » (rusku-, pl. rusqui ; ruskuite [adj.] « fauve, roux »). (calarus(t)- cuivre poli, lairus(t) vert-de-gris.) russe une chevelure ou pelleterie rousse, russa rouquin. Sind. rusc renard, ross (russā) rouquin, de couleur cuivre, particulièrement utilisé pour des animaux, comme le renard, le cerf élaphe et [?les espèces similaires].

Une seconde note suit, relative au nom Makalaure. Le radical maka- fut d’abord écrit m(b)aka-, qui dans d’autres notes est aussi glosé « forger le métal ».

Jouer de la harpe s’écrivait tanta- en quenya (une harpe [était] tanta ou tantila). maka- signifiait forger le métal (qui résonnait sous les coups de marteau). Cf. makil une lame d’épée forgée ; une épée coupante aussi makar « forgeur » souvent utilisé plus tardivement pour un guerrier ([?ayant un ?heaume]).

« Les Étymologies » ont les bases ÑGAN-, ÑGÁNAD-, d’où le q. ñanda- « harper, jouer de la harpe » et ñande « une harpe », ainsi que MAK- « épée », aussi « combattre (à l’épée), fendre ».
Immédiatement après la légende de la destinée d’Amrod4) se trouve un ensemble de notes, intitulé « De la sindarisation des noms », indexé à la liste numérotée des noms des sept fils de Fëanor5). Cf. PM, p. 366 n. 65.

1) Maedros combine des éléments du nom de mère de Nelyafinwe Maiti- (eldarin commun magiti- gracieux, sindarin maed) et de l’epesse russandol (eld. com. russā, sind. ross).

2) Makalaure fut simplement converti phonétiquement en sind. maglaur > maglor. Son pur [développement] sindarin aurait été [supprimé : maka-glawar] maka-glaur-. [En] sind. glaware > glawar = q. laure mais comme second élément d’un composé glaware > glaur. magalor-.

3) Sind. celeg (*kelekā) = q. tyelka. La forme était celeg-orm parce qu’en sindarin septentrional le m médial n’était pas ouvert [en v] comme en sindarin [?occidental].

4) Curufin habituellement écrit ainsi = Kurufinwe. Eld. com. kuru- habileté, en particulier pour les ruses et les expédients. Q. kuro (kuru-) une [?ruse] habile. Kurwe habileté de la main. [En] sindarin kurwē > curu-. Finwe aurait en fait donné le sind. Fim mais les Noldor le sindarisèrent en –fin.

5) [En] sindarin carani- > caran + þîr figure (< stīrē) [?substitué] au q. car’ni- stîr(e). D’où Caranthir. [Note marginale : Carastir ?]

6) Amros(1) sindarin pour Ambarussa. Si Amros(2) Ambarto avait vécu, il [c’est-à- dire le nom Ambarto] aurait probablement été [sindarisé] en Amrod, mais si jamais on [?le rencontrait] sous forme sindarine c’était [?] Amarthan Le Destiné. Sind. ambart- > ammarth, amarth destinée = Umbarto.

Maedros, Maglor, Celegorm, Curufin, Caranthir, Amros, Amarthan.

Finalement, une note sur les fils jumeaux de Fëanor, qui s’appelaient l’un l’autre Ambarussa, est citée en intégralité en PM, p. 355, sauf pour la dernière phrase, qui dit : « D’autres les appelaient Minyarussa et Atyarussa », i.e. « Premier-russa » et « Second-russa ».

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) PM, p. 339
2) PM, p. 344
3) , 5) PM, p. 352-353
4) PM, p. 353-355