The Notion Club Papers

par Julien Mansencal

Date de rédaction1945-1946
PublicationSauron Defeated

Ce texte se présente sous la forme d'un recueil de compte-rendus des réunions d'un certain Notion Club, datant des années 1986-1987, tombés dans l'oubli, puis redécouverts en 2012 et publiés peu après. Tolkien s'amuse à imaginer une querelle d'érudits sur la nature exacte des « Papiers », témoignages exacts pour leur éditeur, canular savamment orchestré par d'autres. Les membres du Notion Club sont presque tous des universitaires oxfordiens au caractère bien trempé1). Le texte est divisé en deux parties, toutes deux centrées autour des événements particuliers qui affectent deux des membres du Club : « Les Divagations de Michael Ramer » et « L'Étrange Cas d'Arundel Lowdham ».

La première partie débute lors de la soirée du 20 février 1987, lorsque Michael Ramer termine de lire sa dernière histoire aux membres du Club. Ce récit de voyage spatial donne naissance à un débat entre Philip Frankley et Nicholas Guildford, le rapporteur du Club, sur la crédibilité des procédés employés par les auteurs de science-fiction pour faire voyager leurs personnages dans l'espace et les faire atterrir sur d'autres planètes. Après une intervention du jeune Wilfrid Jeremy, Rupert Dolbear coupe la discussion en accusant Ramer de s'être bel et bien rendu à l'endroit décrit dans son histoire, et lui demande comment il a bien pu s'y prendre. Ramer s'explique lors de la rencontre suivante du Club : fasciné depuis l'enfance par la science-fiction, il cherche depuis longtemps des moyens de voyager dans l'espace, à la fois pour ses personnages et pour lui-même. Il raconte ses tentatives pour entraîner son esprit à voyager pendant son sommeil et décrit plusieurs expériences oniriques, certaines assez terre-à-terre, d'autres très inhabituelles, comme sa vision d'une Vague verte gigantesque surplombant la terre2), ou bien d'une planète de cristaux animés. Il évoque également ses rêves de l'Atlantide, et termine en décrivant comment, une fois, il découvrit une planète désordonnée et chaotique, dont les habitants se répandaient comme une maladie. Il lui fallut un long moment pour comprendre qu'il s'agissait de la Terre.

La deuxième partie suit directement la première. Après un compte-rendu partiel, où Lowdham agit de façon étrange face à la Camera d'Oxford3), on voit les membres du Club débattre de questions linguistiques : la création de nouveaux mots, le mauvais usage des anciens mots, et la façon dont évoluent les langues. La discussion s'oriente ensuite sur la nature exacte des liens entre histoire et mythe, jusqu'à ce que Lowdham s'écrie subitement, sans raison apparente : « Voyez les Aigles des Seigneurs de l'Ouest qui viennent sur Nūmenor ! » Intrigué, Ramer indique que Nūmenōr est également le nom de l'Atlantide dans ses rêves, et Jeremy ajoute qu'il lui semble également avoir déjà entendu ce nom. Lors de la rencontre suivante, Lowdham explique l'origine de ses étranges prénoms, Alwin Arundel, qui sont en réalité des modernisations d'Ælfwine Éarendel. Il raconte l'histoire de son père, un homme étrange et sombre, disparu en mer en 1947 à bord de son navire, l'Éarendel. Lowdham découvrit par la suite un fragment de son journal, mais ne put déchiffrer l'alphabet dans lequel il était écrit. Il explique qu'après le départ de son père, il commença à faire des rêves étranges, dans lesquels il entendait des mots inconnus, qu'il notait du mieux qu'il pouvait à son réveil. Lorsqu'il commença à étudier l'anglo-saxon, il découvrit qu'une partie de son « vocabulaire onirique » appartenait à cette langue, mais que d'autres termes restaient obscurs. Il les rassembla en deux groupes, appelant le premier avallonien et l'associant au nom Nūmenor, et le second adunaic. Il revient ensuite sur l'anglo-saxon, indiquant que de nombreux mots composés qui lui étaient venus en rêve ne semblaient attestés nulle part ailleurs, de même que les rares phrases et passages entiers à lui être parvenus de cette façon, qui évoquent une voie droite menant vers l'Ouest et le désir de découvrir le pays des Elfes et des Dieux.

Voyez les Aigles des Seigneurs de l'Ouest qui viennent sur Nūmenor ! (© Ted Nasmith)

Le Club se réunit à nouveau le 12 juin 1987, et Lowdham explique avoir entendu quelque chose de bien plus long que d'ordinaire dans ses deux langues oniriques : une lamentation sur la chute de Nūmenor, qu'il analyse brièvement. Alors qu'il affirme que la clé du texte se trouve sans doute dans les noms Zigūr et Sauron, Jeremy commence à agir étrangement à son tour : il appelle Lowdham Nimruzīr4), qui répond en lui donnant de l'Abrazān5), et tous deux semblent revivre, sous le regard médusé des autres membres du Notion Club, la destruction de Nūmenor. Finalement, tandis qu'une tempête d'une violence extrême éclate au-dehors, tous deux quittent brutalement l'appartement de Ramer, où se tenait la réunion. Deux semaines plus tard, lors d'une petite réunion du Club dont les membres se remettent tout juste des suites de la tempête, Guildford leur lit une lettre élusive de Lowdham et Jeremy dans laquelle ces derniers affirment être en bonne santé. Ramer, quant à lui, explique avoir récupéré le fragment du journal du père de Lowdham, que celui-ci avait apporté et perdu lors de la soirée du 12 juin, et en fournit une transcription et traduction, réalisée avec l'aide du professeur Rashbold6), qui a identifié la langue employée comme étant du vieil anglais avec un fort accent mercien. Le texte se révèle être une nouvelle relation de la chute de Nūmenor.

Ce n'est qu'en septembre qu'a lieu la réunion suivante du Club, après le retour de Lowdham et Jeremy. Elle s'ouvre avec la lecture d'un poème de Frankley, « La Mort de Saint Brendan », qui explique s'être réveillé quelques jours plus tôt avec le poème en tête. Les autres membres tentent d'expliquer ses étranges allusions à un volcan, un arbre et une étoile, sans grand succès. Lowdham décrit ensuite son excursion avec Jeremy le long de la côte occidentale de l'Angleterre, puis de l'Irlande, où ils entendirent d'étranges rumeurs sur des vagues fantômes qui auraient été vues loin à l'intérieur des terres et n'auraient pourtant commis aucun dommage. Après avoir retraversé la mer d'Irlande, ils firent un rêve tout à fait singulier : ils se virent tous deux au Xe siècle, à l'époque du roi Édouard l'Ancien, respectivement sous les noms d'Ælfwine et Tréowine. Tous deux appelés pour distraire le roi et ses hommes, rassemblés pour combattre les Danois, Ælfwine déclama des vers sur son languir de la mer, puis Tréowine récita l'histoire du roi Sheave. Lowdham termine ici son récit, promettant d'en dire plus lors de la rencontre suivante, mais Tolkien ne poursuivit jamais l'écriture du texte. Tout au plus trouve-t-on quelques fragments dans lesquels il est dit qu'Ælfwine et Tréowine échappèrent à une attaque des Danois en dérobant un petit navire, à bord duquel ils firent voile droit vers l'Ouest. Ils en eurent un bref aperçu, mais Jeremy explique que leur rêve direct s'achève là. Un autre fragment évoque un passage à Númenor avant et après sa chute, où Lowdham et Jeremy seraient devenus Elendil et Voronwë, fuyant l'orage des Aigles.

1) L'idée d'origine du texte semble avoir été de parodier les Inklings, mais Tolkien effaça entièrement cet aspect au fil des réécritures, ne laissant subsister que quelques clins d'œil.
2) Un rêve également fait par Faramir dans Le Seigneur des Anneaux, ainsi que par Tolkien lui-même.
3) La Radcliffe Camera est un bâtiment du XVIIIe siècle surplombé d'un dôme caractéristique, qui évoque à Lowdham le temple de Sauron à Númenor.
4) Elendil en adûnaïque.
5) Voronwë en adûnaïque.
6) Tolkien se dépeint non sans ironie sous les traits de ce « vieil ours grognon ». Le nom même de Rashbold est une traduction de l'allemand Toll-kühn, « téméraire ».