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Tolkien and Wales: Language, Literature and Identity

Titre original Tolkien and Wales: Language, Literature and Identity
Auteur Carl Phelpstead
Publication 2011
Éditeur University of Wales Press

Présentation

Tolkien écrivit une fois : « J'aime le pays de Galles - et spécialement la langue galloise ». Ce livre explore comment cet amour a influencé les idées de Tolkien à propos du langage, plusieurs aspects de son écriture créative et son sentiment d'une identité anglaise. Il décrit plus complètement que précédemment l'importance et la profondeur de ce que Tolkien doit à la langue et à la littérature galloise, et fait valoir que l'amour que Tolkien porte au gallois et au pays de Galles est inséparable de son amour et de son sentiment d'appartenance à l'Angleterre. Le livre accorde une attention détaillée à la fois à la fiction de Tolkien et à ses écrits académiques, y compris des textes relativement négligés. Le pays de Galles et le gallois ont été des influences marquantes pour les écrits de l'écrivain le plus populaire du XXème siècle et ce livre révèle l'étendue et la profondeur de ces influences.

L'avis des lecteurs

Damien Bador (juin 2011)

Cet ouvrage œuvre à corriger une injustice flagrante. De nombreux livres ont étudié (à juste titre) les influences qu’eurent les langues et littératures germaniques ou finnoises sur J.R.R. Tolkien. Toutefois, rien d’équivalent n’avait été effectué pour le Pays de Galles, pourtant une source d’inspiration majeure pour Tolkien, tant dans ses travaux universitaires que dans le cadre de son Légendaire. Le livre de Phelpstead se décompose en trois parties principales, consacrées à la langue galloise, aux littératures brittoniques et à la notion d’identité dans les îles britanniques. D’utiles appendices viennent compléter cette étude : une courte chronologie et une liste des livres sur le gallois que possédait J.R.R. Tolkien, lesquels se trouvent désormais dans les archives des bibliothèques universitaires d’Oxford. La chronologie mentionne les faits les plus marquants de la vie de Tolkien et ceux qui se rapportent plus particulièrement au sujet principal du livre. On peut regretter qu’elle n’ait pas été mise en forme sur deux colonnes, ce qui l’aurait rendu plus lisible. En revanche, l’une des grandes forces de cet ouvrage est l’étude attentive des livres que possédait Tolkien et des annotations qu’il y laissa. Ces notes sont souvent cruciales pour documenter l’intérêt de Tolkien pour le gallois. À ce titre, la description de la bibliothèque galloise de Tolkien est la bienvenue.

La première section du livre s’intéresse à l’étude que fit Tolkien du gallois. Si elle contient peu de faits nouveaux, on ne peut qu’apprécier la manière dont Phelpstead montre que Tolkien mettait à profit sa double expertise en philologie celtique et germanique dans ses travaux universitaires. Une longue analyse est naturellement consacrée à la conférence « L’anglais et le gallois », où Tolkien expose sa théorie des prédilections linguistiques héritées. Selon l’auteur, c’est la finesse du goût linguistique de Tolkien qui le rendit très sensible à l’interaction entre l’histoire des langues, des peuples qui les parlaient et des pays qu’ils habitaient. De fait, Tolkien appréciait immensément le gallois, mais était rebuté par l’irlandais. Il avait ainsi tendance à réfuter les clichés colportés sur les choses dites celtiques, terme trop vague et trop peu scientifique à ses yeux.

C’est aussi ce goût pour les langues qui conduisit Tolkien à inventer ses propres langues elfiques, dont l’histoire se mêla bientôt de façon inextricable à celle de la Terre du Milieu. Phelpstead rappelle que la proximité du sindarin et du gallois fut perçue par Epstein dès 1969. Il fallut cependant attendre la publication d’An Introduction to Elvish (1978) pour que Jim Allan prouve que cette parenté était de nature phonologique et structurelle plutôt qu’un cas d’emprunt lexical. Ce chapitre peut utilement servir d’introduction à la méthode tolkienienne d’invention linguistique. Toutefois, on ne peut que regretter la décision de l’auteur de se cantonner à commenter les publications secondaires antérieures sans apporter d’éléments originaux. En particulier, nulle mention n’est faite des textes linguistiques publiés après I‧lam na‧Ngoldathon, ce qui empêche toute analyse sérieuse de l’évolution de la langue qui finit par devenir le sindarin.

La deuxième partie est de loin la plus intéressante, bien que je m’empresse d’avertir les fans les plus avides qu’ils n’y trouveront aucune information inédite sur The Fall of Arthur. Évidemment, on ne peut reprocher à Phelpstead de ne pas avoir eu l’autorisation de consulter ce manuscrit. Le premier chapitre retrace l’intérêt que Tolkien éprouvait pour la mythologie galloise et pour le texte des Mabinogion, dont il traduisit en partie la première branche, Pwyll Prince de Dyved. Phelpstead résume la manière dont Tolkien s’inspira de la matière galloise, au travers de son Livre Rouge fictif, qui rappelle le Livre Rouge d’Hergest. La proximité entre les Elfes tolkieniens partageant et les tylwyth teg gallois est évoquée, mais n’est malheureusement pas explorée en détail.

Le rapport ambigu de Tolkien à la littérature arthurienne suscite manifestement l’intérêt de l’auteur. Celui-ci note le soin avec lequel Tolkien souligna l’origine celtique de Sir Gauvain et le Chevalier Vert dans son édition du texte médiéval. Il s’intéresse aussi aux incursions littéraires de Tolkien dans le monde arthurien, résumant ce que l’on connaît du poème allitératif qu’il consacra à la chute d’Arthur. Phelpstead traque également les quelques échos arthuriens qu’on peut déceler dans le Seigneur des Anneaux, comme le départ de Frodo pour Tol Eressëa. Il montre comment la figure de Merlin se voit diffractée dans les trois Istari, faisant ainsi pendant à la démarche de Geoffrey de Monmouth, qui avait agrégé plusieurs personnages légendaires pour former son Merlin Ambrosius. Phelpstead revient enfin sur les causes d’insatisfaction de Tolkien à l’égard du mythe arthurien. Il fait l’hypothèse que c’était parce qu’il s’agissait de légendes où les Anglo-Saxons sont présentés comme des ennemis que Tolkien jugeait ce mythe « imparfaitement naturalisé » par les Anglais.

Le dernier chapitre de cette section se consacre à l’intérêt porté par Tolkien aux légendes bretonnes et à son poème narratif « The Lay of Aotrou and Itroun ». Celui-ci s’inspire en effet de la ballade « Aotrou Nann hag ar Gorrigan », publié par Théodore Hersart de La Villemarqué dans ses Barzaz-Breiz : chants populaires de la Bretagne (1839). Phelpstead signale l’usage archaïque des termes Britons et Britain dans le poème de Tolkien pour désigner le peuple et la terre de Petite Bretagne, soulignant par là même leurs liens avec les Cornouailles et le Pays de Galles. La réutilisation du nom légendaire breton Meriadoc dans le Seigneur des Anneaux est mentionnée, mais l’auteur omet de signaler le parallèle entre la colonisation de la Petite Bretagne par les Corniques et celle du Pays de Bouc par les gens du Maresque.

Dans la dernière partie, Phelpstead s’efforce d’explorer plus avant la notion d’identité chez Tolkien. Les nombreux commentaires de celui-ci montrent qu’il distinguait non seulement les différents peuples celtiques les uns des autres, mais faisait de même vis-à-vis de l’Angleterre, mentionnant volontiers ses racines merciennes. Il s’inscrit ainsi dans une conception du pays découlant du haut Moyen-âge, quand chaque royaume anglo-saxon maintenait son indépendance et son identité propres, tout en étant ouvert aux influences extérieures. À ce titre, la référence à la Mercie, la « marche » anglo-saxonne aux frontières du Pays de Galles montre bien que la passion de Tolkien pour le gallois était indissociable de son identité anglaise.

Le style de Phelpstead peut parfois paraître un peu scolaire, mais cela est amplement compensé par le sérieux de sa documentation. Les notes sont d’ailleurs particulièrement copieuses, représentant 40 pages sur les 183 que compte l’ouvrage. En revanche, quelques erreurs laissent à penser que l’auteur est plus familier de la littérature galloise que des écrits de Tolkien. Ainsi il est affirmé à tort que l’ensemble des Hobbits passèrent par l’Angle entre Fontgrise et Sonoronne (p. 19), alors que seuls les Forts allèrent dans cette région au cours de la migration vers l’ouest des Hobbits. Plus loin, Phelpstead semble mélanger les différentes tribus des Teleri et attribue le retour des Noldor en Terre du Milieu à un exil imposé par les Valar pour leur désobéissance, ce qui constitue un contresens regrettable (p. 44). Heureusement, ces inexactitudes sont sans influence sur le propos principal du livre.

Au final, c’est un livre qui ravira sans doute les amateurs de Tolkien qui souhaitent en savoir plus sur les sources d’inspiration galloises du Professeur. L’influence réciproque de la littérature et de la linguistique dans les œuvres de Tolkien est particulièrement bien mise en valeur et confirme l’utilité d’une telle approche. L’étude des travaux universitaires de Tolkien est particulièrement bien menée et leur influence sur ses œuvres fictionnelles documentée avec précision. Toutefois, on aurait pu souhaiter que l’auteur étudie plus en détail ce dernier aspect, qui donne l’impression d’avoir été parcouru un peu trop superficiellement.

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