La complainte de Gollum

LA COMPLAINTE DE GOLLUM


Un texte de Annalia

oO§Oo

Je vivais l'un de ces rêves que l'on déteste. J'étais si proche du but et si loin en même temps. Cauchemar que tout ceci, mais que pouvais-je faire pour y remédier, mon précieux ? Les deux Hobbits marchaient non loin de nous, emmenant mon précieux dans un endroit qui le détruirait à jamais, et nous nous y refusions corps et âme. Mais qu'était-ce mon âme sinon…

Gollum ! Gollum ! Gollum !

Le Hobbit gros, gras et joufflu encourageait l'autre que j'avais appelé Maître par amour et désespoir. Je l'avais aimé tout autant que je le haïssais aujourd'hui.

Voleur ! Voleur ! Ils nous l'ont volé !

Mon précieux !

J'avais renvoyé l'Autre, celui qui m'accompagnait et me protégeait depuis si longtemps que j'en avais oublié comment il était arrivé. Ou peut-être pas, mais rien ne m'importait plus que mon précieux. Lui seul guidait mes pas, lui seul me gardait en vie et lui seul pouvait me rendre le bonheur. Il faisait chaud sur la Montagne du Destin, nos pieds nous brûlaient, mais nous n'en avions que faire. Tout ce que nous voulions, ce que nous désirions ardemment au-delà de tout, même de notre propre vie, était à notre portée. Il fallait que nous les suivions, mais surtout qu'ils ne nous voient pas.

Chut !

Derrière un rocher, caché bien à l'abri, nous les observions, pauvres petits Hobbits à l'agonie. Plissant les yeux, nous fomentions une vengeance qu'ils ne seraient pas près d'oublier.

Le maître, ce traître de la pire espèce, geignait comme un enfant, le regard fou et hanté. Lui aussi le voulait.

Mon précieux.

Il était à moi. À moi !

Non.

À… « Nous ».

Parfois j'oubliais qu'il était là, tapi non loin, dans l'ombre de ma conscience qui ne m'appartenait plus.

Gollum ! Gollum ! Gollum !

Me mordant les lèvres pour ne pas émettre le moindre bruit, nous nous remîmes en route, rampants plus que nous ne marchions. Un seul but nous animait. Il fallait être prudent et ne pas éveiller les soupçons.

Chut !

Plus nous avancions et plus la chaleur suffocante nous donnait le tournis. Heureusement, mon précieux, que nous étions habitués à la souffrance. Avoir mal était une de ces choses que nous avions appris à supporter, à oublier.

— Courage, Maître ! hurla l'autre Hobbit joufflu à l'intention du traître qui venait de franchir la grande porte presque sur les genoux. Vous y êtes presque.

Un accès de rage intense s'empara de mon âme.

Gollum ! Gollum ! Gollum !

Nous étions furieux. Il fallait faire vite et frapper fort ! Oui ! Vite, mon précieux, car sinon nous serions perdus à jamais.

Observant les environs, nous vîmes une faille par laquelle passer sans être vu. Un large sourire anima mon visage. L'autre jubilait, ce qui me procura un bien-être intense. Nous allions récupérer notre… Précieux !

Nous allions les surprendre ! Mais… Chut !

.

C'est sur le ventre que nous franchîmes à notre tour, les portes de la Montagne du Destin, passant entre deux cailloux sans être vus. Le gros Hobbit avait rejoint le traître, l'ancien maître. Ce dernier ne tenait plus debout. Nous nous dîmes que s'il avait été seul, nous aurions eu une chance de le récupérer par la force. Avec l’autre gros hobbit, ce serait autre chose. Il nous faudrait agir avec vigilance et surtout avec intelligence. L'autre l'était plus que moi. Mais…

Chut !

Comme si nous avions été entendus, seul le traître s'avança vers le pont qui se terminait par un précipice rempli de lave en fusion. Il ne parlait pas et semblait en pleine réflexion.

Mes yeux s'agrandirent quand nous le reconnûmes.

— Mon… Précieux ! murmurai-je doucement, la voix rendue suraigüe par l'excitation.

— Allez ! Maître, il faut en finir ! Jetez-le, détruisez-le une bonne fois pour toutes !

Non ! Tout, mais pas cela ! Allions-nous arriver trop tard ?

C'est alors que le regard du maître, cet usurpateur traître, changea. Il observa un instant l'autre Hobbit avant de sourire à demi.

— Il est à moi, murmura-t-il le regard fou. Je n’accomplirai pas ce pour quoi je suis venu.

Il passa alors son doigt dans l'anneau !

Mon précieux !

C'en était trop ! Nous ne pouvions plus nous taire ni nous cacher plus longuement.

Fous de rage, ne nous préoccupant plus d'être vus ou pris, nous nous précipitâmes vers celui qui nous l'avait volé et qui le portait impunément.

Il était à nous ! À nous !

À NOUS !

Il avait beau être invisible aux yeux des mortels, nous le voyions parfaitement. Sans attendre, nous sautâmes sur son dos, le harponnant comme un gros poisson frétillant. Il tenta de se débattre, mais jamais nous ne le lâcherions ; c'est que nous étions bons pêcheurs. Tant qu'il ne nous le rendait pas, il resterait à la merci de notre rage, de notre rancœur et de ma douleur.

Ma terrible douleur. Mon fardeau et mon espérance.

Gollum ! Gollum ! Gollum !

… — À nous ! Mon précieux, rend-le-nous, sale petit voleur !

Il se mit à se débattre avec l'énergie du désespoir, mais la fatigue le consumait et nous n'avions plus rien à perdre. Voyant que le Hobbit joufflu arrivait pour aider son ami, nous nous jetâmes sur la main du traître et sans attendre, je le mordis jusqu'à l'os, arrachant ainsi de mes dents aiguisées la phalange entourée du précieux !

Nous le lâchâmes entre les mains du gros Hobbit et nous nous éloignâmes, le sourire aux lèvres.

— Il est à nous ! m'écriai-je fou de joie !

IL…

EST…

À …

NOUS !

Ma voix stridente se répercuta dans toute la caverne tandis que le traître gémissait une nouvelle fois, mais de souffrance.

Débarrassant mon précieux du bout de chair usurpatrice qui avait osé le revêtir, nous l'admirâmes pendant un moment avant de sauter de joie. Enfin ! Enfin, il est à nous ! À moi, non, à nous ! Nous sautions de plus en plus fort, de plus en plus haut. Nous hurlions de joie, d'allégresse et de soulagement. Il nous était enfin revenu. Il était enfin à nous !

À NOUS !

Mon Précieux Trésor.

Le bonheur était d'une telle intensité que nous mîmes un moment à nous rendre compte que nous étions tombés… dans la lave brûlante. Étrangement, nous n'avions pas mal. L'autre, Gollum ! Gollum ! Gollum !

Il me disait que la douleur n'existait plus, seul l'anneau existait, mon Précieux. C'est la joie au cœur, le sourire aux lèvres que nous nous enfonçâmes à jamais dans les limbes brûlants de la Montagne du Destin. Nous étions enfin réunis, mon Précieux et moi, et ce pour une éternité infinie…

…Jusqu'à ce que nous ne ressentions plus rien, puis ce fut le trou noir et enfin JE m'affolai… Trop tard.

oO§Oo

Annexes

 
arts/nouvelles/annalia/la_complainte_de_gollum.txt · Dernière modification: 06/04/2020 18:47 (modification externe)
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