La mythologie gréco-latine et la mythologie tolkiennienne

François Touchard - décembre 2005
Articles de synthèseArticles de synthèse : Ces articles permettent d'avoir une vue d'ensemble du thème traité mais ils nécessitent une bonne connaissance des principales œuvres de J.R.R Tolkien.

Dans sa mythologie personnelle, Tolkien a élaboré un panthéon complet, à l'image des mythologies antiques, dans lesquelles chaque divinité possède un rôle bien défini. Certes, le professeur s'est énormément inspiré des mythologies nordiques mais son inspiration a dû s'étendre à d'autres traditions. J'ai voulu m'intéresser ici à la source qu'a pu être la mythologie gréco-latine dans son œuvre en observant ce qui rapproche les mythologies classique et tolkiennienne puis ce qui les différencie.

En premier lieu, on remarque des ressemblances entre les deux mythologies dans la structure de leur panthéon. En effet, il existe d'une part et d'autre, un « noyau » formé par les principaux dieux : ce sont les quatorze dieux Olympiens1) pour les Grecs et les Valar pour Tolkien, qui sont du même nombre. Autour d'eux gravite un grand nombre de divinités secondaires aux multiples fonctions : chez les Grecs, on retrouve par exemple les neuf Muses qui président aux arts ou encore les nombreuses nymphes ; Tolkien a nommé sa foule divine les « Maiar », dont le nombre et la diversité sont tout aussi impressionnants que pour la mythologie classique. A l'instar des dieux du panthéon gréco-latin, les dieux tolkienniens possèdent également une hiérarchie bien établie ; un dieu domine tous les autres : c'est Zeus (Jupiter) chez les Grecs, Manwë pour Tolkien . Ils régissent, décident, règlent les problèmes, jugent et on assiste parfois à de terribles colères divines qui sont à l'origine de cataclysmes : c'est le déluge déclenché par Zeus ou l'engloutissement de Númenor demandé à Ilúvatar par Manwë. Ce sont les seigneurs de l'air ; tous les deux veillent du haut d'un sommet sacré : l'Olympe pour le premier, le Taniquetil pour le second, et ont pour animal sacré l'aigle. On retrouve, par ailleurs, d'autres correspondances entre les dieux des deux mythologies, tout comme Zeus et Manwë. La divinité d'Ulmo fait penser au Poséidon (Neptune) grec : tous deux dominent en effet les océans et les cours d'eau. Le dieu Mandos (ou N­ámo) semble faire écho à Hadès (Pluton), le maître des Enfers pour les Grecs. Aulë, maître de la métallurgie, nous renvoie à Héphaïstos (Vulcain), le dieu-forgeron grec ; avec Yavanna, « la féconde reine de la Terre », on pense à Déméter (Cérès) et Tulkas, surnommé le « lutteur », ressemble fortement au demi-dieu Héraclès (Hercule).

Cependant, les deux mythologies présentent aussi des divergences significatives. Une première différence serait l'abscence d'une divinité, telle Melkor2), qui se serait tournée vers le Mal et contre son Créateur : mêmes si les Titans sont les ennemis des Olympiens et que beaucoup ont été envoyés au Tartare (région des Enfers où l'on subit des supplices), les Grecs ne voient pas le mal en eux; par exemple Cronos (Saturne), qui est pourtant un Titan, était même vénéré (c.f. Saturnales chez les Romains). Une autre différence entre les deux mythologies consiste dans le fait que les dieux grecs présentent un caractère humain avec ses qualités comme ses défauts : par exemple, Athéna (Minerve) se montre jalouse d'Arachné, mortelle qui l'égale en couture. On remarque d'ailleurs que les fonctions attribuées aux dieux grecs sont proches des préoccupations humaines - ainsi, Héra (Junon) est déesse du mariage et Aphrodite (Vénus) a pour attribution l'amour - tandis que les Valar ont des attributions plus proches de la nature, presque plus féeriques. On perçoit alors une différence essentielle entre les deux mythologies : elles n'ont pas du tout le même objectif. Alors que la mythologie gréco-latine a un but quasi-éducatif, les mythes étant moralisateurs, celle de Tolkien semble dénuée de cette portée : sa mythologie répond au genre de la fantasy.

Ainsi, bien que la structure des deux mythologies et surtout des panthéons soit proche, il n'empêche que les différences de fond sont énormes. Certes, il ne faut pas oublier que la mythologie greco-latine correspond à un assemblage d'histoires créées au fil des siècles par les peuples3) tandis que la mythologie tolkiennienne représente le travail d'un seul homme sur une période somme toute assez courte, mais la complexité de sa mythologie prouve une fois de plus son génie.

1) On admet souvent le nombre de douze en ce qui concerne les Olympiens : on considère alors Poséidon (Neptune) et Hadès (Pluton) comme n'étant pas Olympiens puisque leur lieu de résidence n'est pas l'Olympe mais le fond des Océans pour le premier et les Enfers pour le second.
2) Melkor ou Morgoth semble lui tirer son origine de Lucifer (de lux, la lumière et ferre, porter en latin), le « Porte-Lumière »,qui était le plus bel archange que Dieu ait crée et qui, imbu de lui-même, s'est retourné contre son maître. Il fut envoyé dans les profondeurs de la Terre où il créa les Enfers.
3) En effet, les mythes se transmettaient oralement de port en port d'où l'existence de plusieurs versions pour de nombreux mythes.
 
essais/influences/mythgreclat.txt · Dernière modification: 06/04/2020 18:47 (modification externe)
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