Compte-rendu du « colloque Tolkien aujourd'hui »

Deux Anneaux
Laura Martin-Gomez
Colloques Premier colloque international consacré en France à Tolkien. Le colloque ouvert à tous, a accueilli une vingtaine d’auditeurs venus de toute la France. Les actes du colloque Tolkien Aujourd’hui sont en cours d’impression aux presses universitaires de Valenciennes, et paraîtront fin 2009/2010.

Vendredi 13 Juin

« Good dragons are rare » par Thomas Honegger

Le terme de « good » (bon) n'est pas à prendre dans le sens moral ici: un bon dragon est celui qui mêle avec justesse la malignité humaine avec la bestialité. Le draco mythologicus existe depuis toujours et dans toutes les cultures, avec un contraste notable entre les types occidentaux (très variés) et orientaux (modèle presque unique, sauf pour le nombre de griffes). Le draco allegoricus et epicus est une représentation de l'avarice et de l'avidité. Il peut être parfois un être humain transformé (comme Fafnir dans les Volsungs et Eustace dans Narnia). Il est aussi la représentation catholique du mal, vaincu par divers saints: cette figure fait passer le dragon du domaine hagiographique au domaine épique avec l'usage d'armes pour le tuer. Le dragon devient l'ennemi ultime à vaincre cf. Spenser et Beowulf! De façon plus contemporaine, on retrouve un draco domesticus, qui, tout en utilisant la tradition, développe l'aspect comique cf. Kenneth Grahame.

Tolkien ne reprend pas du tout cette dernière facette du dragon (sauf dans Roverandom ou dans le poème « The Dragon's visit » dans The Annotated Hobbit) et s'appuie donc plutôt sur la vision de la littérature norroise du dragon comme créature dangereuse, hors du contact des humains. Ainsi, le draco modernus ferox est une survivance, visible dans la fantasy contemporaine et les jeux de rôle, l'élément de danger et d'obstacle. La question de la présence du dragon dans un texte en tant que personnage se pose alors: pour rester dragon il ne doit pas s'humaniser, prendre un esprit humain (cf. Eragon, Dragonsbane). Chez Tolkien, l'exemple du bon dragon est surtout celui de Chrysophylax dans le Fermier Gilles de Ham : malgré le ton léger accordé au récit se passant dans un monde non-héroïque, le dragon n'est pas ici dompté et il est à la fois peu disposé à endosser son rôle de dragon comme il est opposé au héros du récit. La figure de Chrysophylax n'est donc pas développée du point de vue de l'héroïque mais du point de vue à la fois épique et hagiographique, comme un retour aux premières sources. Dans ce sens, l'épée Tailbiter (nom à référence médiévale) est l'objet d'un héros que n'est pas tout à fait Giles, puisqu'il vainc plutôt par chance (l'épée agit par elle-même). Ainsi, Tolkien a réussi à créer un « bon » dragon, équilibré entre les anciennes références et la modernité adéquate. Il s'agit pour le dragon d'une réintroduction réussie dans le monde sauvage.

  • Interventions :

Peut-on voir Gollum comme le dragon du Seigneur des Anneaux? Dans le sens où il existerait une « maladie du dragon » et où l'essence du dragon serait dans cette monstruosité d'âme, le trésor du dragon se réduirait à l'Anneau. A propos de la question de l'anthropomorphisme du dragon, il convient de préciser que dans les contes de fées, le lecteur attend des créatures qu'elles parlent et pensent.

L'esprit de l'espoir, par Michaël Devaux

La question posée ici est celle de la pertinence de la traduction du terme estel (utilisé dans l' « Athrabeth », p.320 de l'édition HarperCollins de HoMe 10) par « espérance », qui est un terme à forte connotation religieuse (l'espérance est une vertu théologale chrétienne). En anglais, Tolkien transcrit estel par les mots « trust » et « hope », signifiant une croyance et une confiance en Eru. Dans la foi chrétienne, l'être est porté vers la béatitude, l'espérance est fondée sur la bonté. Si l'on procède à une application analogique de ce concept au monde de Tolkien, l'espoir serait ainsi fondé sur l'entrée d'Eru en Arda: toutefois, il s'agirait alors d'un texte de type christique, alors qu'il traite d'Elfes.

L'interprétation de ce texte doit donc se rapprocher de l'écriture même de celui-ci (cf. Kant, Ernst Bloch). Proche de la théologie médiévale, Tolkien s'en distingue toutefois en ce qu'il ne rapproche pas l'estel à une vertu théologale unique. En effet, le texte se passe bien avant l'écriture de la Bible, il ne peut donc y avoir d'espérance catholique suivant la promesse de la venue de Dieu. Y aurait-il là une parodie du christianisme (cf. livre d'Ezéchiel dans l'Ancien Testament) ?

Un autre texte de Tolkien, « Notes sur l'Óre » (publié dans le Vinyar Tengwar n°41) précise la différence entre amdir et estel : l'amdir est un espoir dans le futur, même si l'expérience donne peu de raison d'en avoir. L'estel en revanche doit venir de l'óre, qui est la partie du fëa qui permet de juger, de se décider (c'est aussi la voie des Valar, mais aussi de Melkor, pour parler aux enfants). Il s'agit donc d'un vrai dialogue: Andreth donne de l'espoir aux Elfes sans avoir d'estel, et sans vraiment le dire procède à une annonce de l'incarnation du Christ. L'estel ne correspond à l'espérance catholique en ce sens que l'espérance dépend de la résurrection, mais il peut s'y rapporter en ce sens qu'il préfigure le mythe vrai, même si de façon implicite.

  • Interventions :

Il faut prendre en compte le fait que le mot « hope » anglais est faible: le philologue a le pouvoir d'exprimer, de traduire ce que la langue anglaise ne parvient pas à dire.

Des corps épuisés: l 'effort et la fatigue dans le Seigneur des Anneaux, par Sébastien Hoët

Suivant la mise en œuvre de la fatigue dans la littérature abordée par Barthes dans Fragment d'un discours amoureux, il s'agit ici de voir comment la fatigue s'inscrit dans les corps et quelle est la perception qui en résulte. Avec la création de la communauté, avec les neuf marcheurs, l'Anneau est d'emblée perçu comme fardeau; il est une charge physique, un poids objectif qui est supporté par un corps de hobbit. De la question de la marche résulte une certaine lenteur (alors qu'il s'agit au fond de rapidité!). Le sommeil est inquiet, même si les cauchemars en sont absents. La fatigue dû à la blessure du Nazgûl sur Frodon a un intérêt: celui-ci a de nouvelles capacités, son monde est élargi. L'Anneau provoque à la fois une longévité et un épuisement progressif. Ainsi Gollum, dont le corps est déformé, a pourtant une condition physique inégalable (il peut presque se passer de manger et de dormir).

Suivant la théorie de Deleuze qui différencie fatigue et épuisement en tant que l'épuisement est l'incapacité à possibiliser, l'exténuation de la possibilité de l'espace, il apparaît que l'Anneau épuise. Les Elfes, imperméables au pouvoir épuisant de l'Anneau, n'ont pas de fatigue, de surabondance physique. A l'opposé Arachné est l'exemple de l'être épuisé: elle est nuit complète, toute faim (contrairement à Tom Bombadil). Le fatigue est donc un pressentiment qui permet encore la distinction entre le jour et la nuit, le visible et l'invisible. Le roman apparaît alors comme un roman d'apprentissage où la fatigue est le signe d'une surabondance vitale.

  • Interventions :

Il faudrait prendre en compte le fait que l'Anneau est adapté à Sauron, qui lui même est un ange dont le corps épuise.

Ælfwine de Leithian et la Chronique anglo-saxonne, par Leo Carruthers

Il s'agit ici de dresser un parallèle entre le texte historique qu'est la Chronique anglo-saxonne et certains passages ou documents chez Tolkien. Les Annales de Valinor et du Beleriand dans HoME IV sont une traduction partielle d'Eriol. Il faut prendre en compte que la conception du personnage a évolué: Tol Eressea est d'abord l'Angleterre avant l'arrivée des anglo-saxons, puis elle devient l'île des Elfes atteinte par le marin Eriol. Tolkien se présente comme le traducteur du texte écrit en vieil anglais par Ælfwine. La version anglo-saxonne précède la version anglaise et l'influence de la Chronique (composée entre le IX° et le XI° siècle) se fait sentir dans la conception et l'écriture d'annales. De même « The Notion Club Papers » (HoME IX) présente Tolkien comme avatar d'Ælfwine et son style est proche des annales narratives.

Le « Quenta » dans HoME IV présente Ælfwine comme un descendant d'Earendel. Les « Annales de Valinor », dont le style est compact, présentent Ælfwine comme le traducteur d'un texte écrit par Pengolodh. Les « Annales du Beleriand » relatent des évènements précédant de peu l'arrivée des hommes. Tolkien y fait beaucoup usage du terme « her » (> here, ici). Ce n'est plus la même chronologie (temps solaire et non plus valarin) mais elle est encore au stade primitif, présentée comme une traduction du vieil anglais, elle-même traduction de la langue elfique. Christopher Tolkien a émis l'hypothèse que le texte en vieil anglais aurait effectivement été composé par Tolkien avant d'être traduit en anglais !

La Chronique anglo-saxonne n'est pas écrite dans un style homogène et ne présente pas de véritable historiographie car elle est écrite dans une structure d'annales. Les évènements paraissent sans rapports, la chronologie est incertaine et les évènements n'ont pas tous la même importance. 979 semble ainsi être la date de la naissance de la prose historique littéraire qui tendra ensuite vers une prose vernaculaire voire une poésie.

  • Interventions:

Peut-on considérer que la Chronique est un texte ouvert auquel Tolkien aurait rajouté son morceau ? Ressemblance dans la concision de style : parfois 1 seul ligne par année!

La question de l'influence wagnérienne dans l'imaginaire de Tolkien, par Angela Braito

L'œuvre de Wagner est apparue comme une déferlante, une révolution dans le monde de la musique. Tolkien s'est d'emblée présenté comme un anti-wagnériste, se moquant de lui et critiquant son manque de compréhension de l'œuvre originale lorsqu'il adapte Der Ring des Nibelungen. Il rejette donc visiblement Tolkien [sic], mais il existe toutefois une influence souterraine procédant d'une certaine fascination ou parodie.

Tous deux ont un héritage commun qui est celui de l'exploitation du genre de l'épopée, de l'utilisation de la métaphore de la guerre. Chez Wagner, il y a une impossibilité de la coexistence du temps mythologique avec le temps historique, menant à une crise des dieux. Chez Tolkien, inspiré d'épique et de romance (quête), la perpétuation du temps mythologique est perturbé par le renoncement à l'amour qu'est le forgeage de l'Anneau, comme le montre le décalage entre le temps des Elfes, ressenti en Lorien et à Rivendell alors que le monde entre dans un nouvel âge.

Chez Wagner, nous sommes au crépuscule des dieux, l'anneau est un déclencheur pour retourner à l'ère mythique . Il amplifie les contradictions internes au monde et pose de la problème de sa possession, jusqu'au meurtre fratricide: ceci est transposé chez Tolkien dans les crises internes aux royaumes (cf. Boromir comme contradiction). Au moment de la création du Ring, Wagner se présente comme un socialiste révolutionnaire: l'unité originelle est brisée par la volonté de puissance, le monde est perverti par l'industrie.

  • Interventions :

A noter que Wagner a une vision très nihiliste, insistant sur la destruction et le chaos.

La postérité de Tolkien en fantasy : fécondités d'un malentendu, par Anne Besson

Il s'agit ici de travailler sur la réception de l'œuvre : l'influence de Tolkien, le statut et le destin de l'œuvre. Malgré le malentendu dans la copie de l'œuvre qui mène à un dépassement et une dénaturation, il ne faut pas négliger la postérité. Tolkien a une place importante dans le genre de la fantasy : il instaure le genre comme étant remarquable (bien que la fantasy exista depuis le XIX°s en Angleterre). Les effets sont produits lentement, ce qui est à rapporter avec la publication progressive des œuvres. Il y a deux versants dans la référence à l'œuvre de Tolkien: la fidélité et la dérive. La fidélité se présente par la présence en 4° de couverture du nom sésame dans une stratégie marketing, même si l'influence est visiblement lointaine. Ainsi, la dérive s'effectue à travers une référence plus lointaine, dans une évolution en cercles concentriques. Cette évolution est possible grâce à la masse de texte, qui est une assise suffisante pour un genre entier. Le sous-genre de la high fantasy, d'inspiration néo-médiévale, est considéré comme canon de la fantasy mais il faut prendre en compte que le genre est bien plus varié, il existe d'autres sous-genres à découvrir.

L'onde Tolkien s'est propagée en plusieurs étapes. Dans les années 60 : principalement aux USA. Années 70-80 : naissance du jeu de rôle, ouverture de modèle de fiction littéraire. Avec la publication du Silmarillion, c'est le début du « Tolkien like » (cf. la série de Shannara de Terry Brooks) et du jeu Donjons & Dragons : l'œuvre est réappropriée par ses lecteurs. Des auteurs issus du jeu de rôle apparaissent: Raymond Feist, Robert Jordan. Années 90 : l'influence est moins systématique, le stock des stéréotypes est renouvelé, il y a un retour à la popularité. C'est aussi le début de la production française. Avec internet, les films, la popularité d'Harry Potter, les générations s'étendent et fusionnent: il y a une convergence médiatique. Aujourd'hui, le genre est plus développé dans le jeu vidéo ou les RPG en ligne. Aujourd'hui le Seigneur des Anneaux n'est plus le point d'entrée en fantasy, mais plutôt l'Everest, il est devenu synonyme d'une exigence supérieure. Le texte en dehors de l'image fait figure de point de fuite.

  • Interventions :

Il est intéressant de constater que dans cette réception, Bilbo le hobbit n'est pas du tout placé sur le même plan que le Seigneur des Anneaux, le rapport n'est ni proche ni systématique.

L'entrée royale d'Aragorn II dans la cité de Minas Tirith, par Mirella Vadéan

Dans « L'Intendant et le Roi » du Livre VI du Seigneur des Anneaux, Aragorn est analysé comme un héros traditionnel et son entrée dans la cité de Minas Tirith est un cérémonial solemnel avec une constante résurgence du passé. Il s'agit d'abord d'un événement, en tant qu'arrêt du temps et dans le temps. Référence à Deleuze et à la temporalité paradoxale : extériorité renvoyant à une intériorité. L'évènement apparaît comme un résumé du passé et il renvoie au futur à venir, il n'arrive qu'une fois. L'évènement renvoie à une fête, il est donc une rupture dans le quotidien : le temps devient ici lieu.

La validation de l'entrée d'Aragorn repose donc sur un rituel. Depuis le Moyen-Age, chaque geste est un symbole. Ici le rituel se divise en plusieurs étapes : la réception hors les murs, la formation du cortège, l'annonce d'entrée, l'offre des clés. Il y a même des signes de sacré et de profane. Le rituel s'inscrit dans une cérémonie urbaine: la ville est transfigurée par le nettoyage et le concept de fête, créant une rupture. Les noms des personnages inscrivent le rituel dans une tradition guerrière. L'annonce de la venue du roi s'effectue en simultané avec le couronnement et allégorise l'union du peuple avec son roi. Le couronnement couvre surtout un sens constitutionnel en anglais « coronation », contrairement au « sacre » français : ici, l'aspect ecclésiastique est couvert par Gandalf, même si l'intronisation est absente. Dans le texte, il y a une mise en abîme de l'entrée royale et une importance avec des liens avec le passé. Le phénomène devient sémiotique avec la croisée de plusieurs disciplines.

  • Interventions :

Dans le film, le fait d'associer le mariage au reste de la cérémonie du couronnement créé une surcharge de symboles.

Les Hobbits dans le Seigneur des Anneaux, par Aurélie Brémont

Les Hobbits sont les créatures les plus marquantes par leur rôle prépondérant et leur originalité dans l'œuvre de Tolkien. Ils apparaissent d'abord dans Bilbo le Hobbit, qui, en tant que conte pour enfants, présente des personnages caricaturaux, sans lieux véritables (noms communs) et avec un narrateur à la fois familier et irritant. L'originalité de Tolkien est qu'il a appris en écrivant: le conte suit d'abord un schéma très classique puis il y a un décalage puisque la tâche est trop importante pour Bilbo (d'où le fait que ce soit Bard qui tue le dragon). Le moment où Bilbo devient héros est quand il renonce à l'Arkenstone, car il fait preuve de courage pour une cause qui le dépasse. Dans le fond du récit, il y a une volonté de combattre la désillusion du monde moderne et de redonner de l'importance aux valeurs comme le courage par exemple. La transformation du monde vague effectuée, comme avec les objets anglais permet de faire le lien avec le Seigneur des Anneaux.

L'entrée dans le monde des mythes des hobbits est progressive: ils ne sont pas présents aux Premier et Deuxième Ages et passent ensuite du plus familier au plus inquiétant ou fantastique. Frodo et Sam peuvent être considérés au début comme deux types de lecteurs possibles : Frodo est la continuité de l'histoire avec Bilbo, tandis que Sam ne connaît pas l'histoire mais est avide de fantastique. La question de l'héroïsme de ces hobbits se pose : Gandalf pose comme état de fait qu'ils ont une force intérieure, forçant ainsi leur image. Ils sont ainsi déclarés héros par tous les gens qui les rencontrent.

Frodo a des caractéristiques christiques, tandis que Sam est associé au service. Merry et Pippin deviennent tous deux écuyers mais avec des motivations différentes: ils symbolisent l'amour et la dévotion, s'attachant aux personnages; Théoden puis Eowyn pour Merry, et Faramir pour Pippin, qui doit d'abord s'accepter lui-même avant de pouvoir servir un autre. Le peuple des hobbits est donc important car il est un médiateur entre le lecteur et l'auteur et il justifie l'attrait pour des êtres de Faërie.

  • Interventions :

Frodo et Sam comme différents lecteurs offrent ainsi une double dynamique. Le cycle général du roman est l'aller-retour, malgré des fractures. Pourquoi les Hobbits ont-il abandonné leur langage? La dévotion pour Frodo de Sam est un élément d'incompréhension du lecteur, de différence avec Sam et l'identification ne peut s'effectuer qu'à la fin.

Le jeu de rôles et l'héritage de la Terre du Milieu, par Antoine Dauphragne

La réception est parcellaire et féconde et instaure des figures imposées comme canoniques.

  • Tolkien et la fantasy ludique : d'abord avec Donjons & Dragons : vulgarisation de la Terre du Milieu avec l'idée d'accumulation de richesse et de pouvoir; le jeu s'est diffusé rapidement même si de façon confidentielle. Les éditions en sont complexes, le choix marketing de 3 manuels obligatoires se comprend au vu de l'importance de sa part du marché: 80% des ventes en jeu de rôles. Le jeu a eu un impact important sur d'autres jeux ludiques, comme le Munchkin par exemple, qui faisant référence à un fond commun, peuvent ainsi utiliser le second degré.
  • Survol de la Terre du Milieu en jeu de rôles : entre autres, jeu de rôles à cartes JRTM en 1984 puis adaptations avec produits dérivés du film.
  • La Terre du Milieu revisitée : une matrice de mondes: Les Royaumes oubliés, Warhammer (entre Terre du Milieu et une Europe de fin du Moyen-Age avec menace du chaos), Shadowrun, Midnight (uchronie sur la Guerre de l'Anneau, si Sauron avait vaincu).
  • La Terre du Milieu, la référence structurante : produit d'exportations avec les races qui sont des variations du point de vue de l'être humain.

Il y a donc une pluralité avec une imbrication des influences mais Tolkien reste le maître incontesté dans le développement d'un univers.

Samedi 14 Juin

Les Chemins de la Terre du Milieu, par Sébastien Marlair

Il s'agit ici de procéder à une critique de la lecture de l'œuvre de Tolkien selon les échos et les perspectives créées. Ce sont ici des échos de mots. Prenons par exemple l'incipit de Tuor dans les Contes et Légendes Inachevés : des éléments nous échappent témoignant d'un réseau enchevêtré. Il y a donc un double visage lié pour la lecture: connaître le légendaire avant de lire ou lire sans connaître le légendaire. Le récit est dès lors intensifié par les noms propres, comme pour le Seigneur des Anneaux avec des cartes, des généalogies…D'où sens symboliques: rituel et religieux avec une convocation d'éléments et de forces qui nous échappent (des perceptions, des émotions subtiles auquel le texte renvoie). Ainsi à travers les échos le signe fait sens.

Perspectives: il s'agit d'un rapport à la cosmogonie, à l'espace et au temps (la cartographie dessine l'espace). A chaque fois, c'est une tonalité spécifique qui se crée, avec l'exemple de la harpe de Tuor toujours dans Les Contes et Légendes Inachevés, le passage mène à une élévation de cœur et à la création du cours d'eau. Des échos sont crées par la répétition variée de formules comme le terme de « rustle » qui intervient trois fois dans le Seigneur des Anneaux comme une image, faisant écho de sensations et mentionnant celui qui disparaît et dont il reste toutefois quelque chose. Ainsi se dessine le thème très fort du passage: Terre des milieux. Il n'y a pas d'ellipse temporelle dans le livre I du Seigneur des Anneaux mais plutôt des passages d'un état à un autre (sommeil, évanouissement), de lieu à un autre construisant le récit à travers des seuils. Cette vision est aussi observable dans les illustrations: il s'agit d'une ville en devenir, une différenciation, et non la déchéance. De même, Frodo a un corps catalyseur, en devenir. Le Seigneur des Anneaux devient le lieu de métamorphoses, sans avoir besoin d'un monde; il existe des possibles à l'intérieur de ce monde.

  • Interventions:

Beowulf, Monstres et Critiques et Lettre 96 (du 30 janvier 1945 pour Christopher Tolkien). Le texte est bien trop précis et trop différentiel pour appartenir à un monde simple. Cette explication pose la question de la complétude et de l'incomplétude des mondes fictionnels cf. livre d'Anne Besson.

Tolkien et Lewis: deux approches du thème de la tentation, par Annie Birks

Les deux auteurs et amis étaient tous deux chrétiens engagés mais ont eu une approche littéraire différente: Lewis usait de références explicites, tandis que Tolkien les rendait implicites. Nous travaillerons ici à partir de l'ouvrage Screwtape Letters de Lewis où le diable Screwtape doit faire l'éducation de son neveu Wormwood.

Une vision commune du mal, l'infection et la défiguration: le mal est incapable de créer. Chez Tolkien, le « diable » est un esprit agissant et malicieux; chez Lewis, ce sont des anges dépravés devenus démons par abus de libre-arbitre. Les choix que nous faisons de transgresser ou non les lois font de nous des créatures infernales ou bénéfiques. Les conceptions du mal sont issues de Saint Augustin (cf.désir de discordance). Les facettes multiples de la tentation se voient en ce que Satan tente les hommes et que Dieu les éprouve.

L'Anneau Unique amplifie les zones d'ombre des personnages, il est une force terrible (de domination, pouvoir, peur) mais identifiable à laquelle il faut résister: le mal est ainsi identifié chez Tolkien. A l'opposé, Lewis pense que là est la diffculté dans le monde primaire cf.atrocités de bureaucrates de XX°. La difficulté est dans l'interprétation, comme le montrent Denethor et Saruman: seuls des fragments de réalité sont vus. Pour Screwtape, la vie ordinaire est une voie vers le mal, le désespoir (péché et erreur chez Tolkien) est une arme privilégiée. Denethor et Saruman représentent ce désespoir commun dans le monde primaire, Boromir est alors la rédemption dans ce désespoir même. Screwtape crée le désir d'échapper à l'épreuve et de décourager l'attente cf.les elfes qui abandonnent.

Finalement, c'est la sollicitude bienveillante du créateur qui est démontrée. L'on peut espérer la providence mais il ne faut compter sur elle que sur notre propre participation. Le but est d'éloigner la créature de son créateur pour s'en nourrir: mener à l'aveuglement intellectuel et moral de l'individu. La vision n'est donc pas manichéenne et le libre-arbitre est respecté car le personnage choisit. D'une liberté offerte à une liberté vécue.

  • Interventions:

Tolkien pourrait être dit plus pédagogique dans ses écrits, tandis que Lewis serait plus immédiat. Plus qu'un risque de manichéisme, il y aurait un risque de pessimisme cf.Saint Augustin La tentation repose sur une question de temps: la tentation est immédiate, tandis qu'on ne peut que tendre à la vertu par une effort constant. Screwtape signifie vis, écrou et vers intestinal, il est donc une représentation du serpent diabolique.

Narcissisme et spiritualité dans la poétique du sujet J.R.R Tolkien, par Christian Chelebourg

Dans Faërie, Tolkien procède à une défense d'une fantasy proche du fantastique dans une volonté blessante de hiérarchie universitaire face à Lewis Carrol. Il veut réaliser un monde autonome et différent selon la théorie de subcréation dans l'imagination. Cette réalisation correspond à la fonction d'écriture littératire d'épithétisation du monde. Le sous-créateur doit qualifier le bien et le mal dans un raisonnement allégorique.

La noblesse de l'allégorie est montrée dans les lettres 71 et 109, mais Tolkien dit à la fois qu'il ne faut pas en user (utilisation de guillemets pour le terme « allégorie »). Allégorie de l'arbre: image qui forme des liens: à la fois développement naturel de l'homme, histoire de maturation; une histoire qui joue le rôle de situation cf.lettre 306; la croissance de l'arbre dans Feuille de Niggle: de feuille à graine, cf. Sylvebarbe, Bombadil.

Pourquoi écrire ? Lettre 94. Littérature comme lieu de constat du mal et comme rempart contre lui. Toujours persévérer dans la foi, l'écriture est comme une prière ou une communion. Importance du prénom John justement comme association à Jean l'Evangéliste, auteur de l'Apocalypse.

  • Interventions:

Oeuvre de Tolkien comme acte de foi (contrairement au catéchisme de Lewis ?): façon d'imiter Dieu dans la subcréation, tout comme l'homme est l'image de Dieu (mais tentation de l'hybris). Vision prise ici est celle de la production et non la perspective de la perception, réception.

Gandalf the Wiser, par F.Guglielmo Spirito

L'histoire nous fait désirer d'être de véritables êtres humains, véritablement en vie, authentiques. Gandalf s'apparente ainsi au peuple copte du III-IV° siècle, comme des serviteurs du feu secret. Gandalf n'est pas seulement la figure d'un errant associé à Odin.

Gandalf, en tant qu'ange incarné, peut être proche, il peut nous rappeler des gens que nous connaissons. Il nous rappelle ce qu'il est nécessaire de connaître mais que les gens oublient. Ses caractéristiques distinctives sont la barbe, la vieillesse, la force, des éléments qui se retrouvent dans des icônes coptes.

La tâche de Gandalf est de raviver les cœurs des différents peuples: il doit ramener l'espoir (ce qui se passe bien dans le cœur cf. saint du V° siècle, Saussime) et rappeler les bonnes choses dans nos cœurs. Ce qui est nuisible c'est de de s'attacher à des choses et de ne pas les avoir: la difficulté est bien d'être libre et de résister aux tentations cf. Oscar Wilde. Chez Dostoievsky, un ancien retire la moitié de la faute des personnes ; de même Gandalf aide même lorsqu'il est loin (voire mort). Il peut même procéder à des guérisons, des ténèbres à la lumière cf. Théoden. Nous préférons une maladie familière à une santé étrangère cf. Pippin qui doit ouvrir son cœur.

Gandalf apparaît comme figure paternelle aussi, avec Bilbo, Frodo, Faramir; il aide à la mise au monde. Sa sagesse ne lui appartient pas: le pouvoir que nous sentons passe à travers lui, mais ne provient pas de lui. Il fait perdurer la vie à travers la maturité, il est un guide spirituel transitoire. Une « Gandalfitude » est possible dans le monde réel, sa sagesse existe.

  • Interventions:

NNous sommes capables de cette vie ou joie mais ce n'est pas un droit. L'équilibre avec la réalité est crée avec l'humour et l'anglais, les hobbits. Le couronnement d'Aragorn apparaît donc ici comme l'accomplissement, la réalisation finale de cette paternité.

La réflexion sur l'héroïsme dans Farmer Giles of Ham, par Laurent Alibert

Gilles de Ham apparaît d'emblée comme un personnage atypique. Le ton nuancé du conte mêle critique et éloge de l'héroïsme. Le terme lui-même est très peu utilisé dans les œuvres de la Terre du Milieu, il est présent 8 fois dans Giles of Ham (contre 5 fois dans le Seigneur des Anneaux).

L'œuvre est toutefois satirique cf. périphrase en oxymore « heroe of the countryside », rappelant les héros picaresques avec leur acharnement à survivre et leur origine modeste (mais le versant de l'escroquerie est absent de la Terre du Milieu).

Gilles de Ham est lui plus picaresque que les autres héros tolkieniens: il est appâté par le gain, alcoolique. Ton hybride du texte : le contraste entre les insultes au chien et le langage de Chrysophylax par exemple. De même les relations avec le public et les voisins changent en même temps qu'il prend un autre nom, qui n'est plus vernaculaire: Gilles n'est d'ailleurs pas indifférent à ce changement de considération. Les effets comiques (rapport à l'alcool) évitent le surplus de sérieux des aspects héroïques: rapprochement aux figures de picaros.

Absence d'idéalisme sur le rapport à l'argent cf. cupidité de roi, du dragon et aussi de Gilles!. cf. Beornoth et Tree and Leaf « too foolish to be heroic »: faut-il réfléchir pour être héroïque ? Non d'un point de vue diachronique, il faut juste la furor/menos ; ce que n'a pas du tout Gilles: il évite tout contact cf. chevaliers, alliance avec dragon. L'épée Tailbiter lui vient en aide comme étant un vestige de l'héroïsme.

Héroïsme et poésie: critique de la chevalerie et du monde courtois (en particulier du modèle français) avec une hiérarchie des valeurs préférant l'héroïsme à la chevalerie. Derrière la satire, il s'agit d'exorciser la critique. Dans le Seigneur des Anneaux, l'équilibre entre poétisation et critique de l'héroïsme est délicat. Gilles de Ham et le Silmarillion en sont plus proches. Dans les textes médiévaux (de plusieurs cultures), il y a une peur de la mauvaise chanson de sorte que la recherche du lai héroïque passe avant les acte mêmes. Ainsi sous le règne de Gilles, les poètes qu'il n'aime pas sont empêchés de s'exprimer, et le poète qui s'exprime aime la flatterie: la poésie passe avant l'héroïsme. La tonalité critique existant ainsi, aussi dans le Seigneur des Anneaux, crée un schisme entre propagande et protestation.

Dimanche 15 Juin

Les femmes du Seigneur des Anneaux, de Tolkien à Jackson, par Marie Burkhardt

Partant de la difficulté d'une telle adaptation, un infléchissement du rôle des femmes est net dans les films, modifiant les symboles.

Dans le roman, le nom d'Arwen n'est cité que 12 fois; ce sont bien des raisons commerciales qui donnent à Liv Tyler et Arwen une telle place dans les films (et le fait que les scénaristes soient des femmes ?). Pour le mariage dans Le Retour du Roi, il est justifié par Semprini sur JRRVF. La seule description que nous avons d'elle est à Rivendell: c'est une femme immobile (contrairement à ses frères), localisée et paisible. Dans le film, la caméra est focalisée sur elle pendant cinq minutes, elle surpasse Aragorn (cavalière, médecine, surprise) et porte un aspect guerrier supplémentaire: elle incite à reforger Anduril et le passage du tissage de l'étendard (la faisant passer dans le régime diurne).

Dans le livre, le personnage de Galadriel est complet, illustrant la dualité or/argent. Dans le film, elle devient un narrateur intradiégétique, elle est puissante même dans l'antre de Shelob (évanescente dans le roman). Elle a donc une implication bien plus concrète dans le monde, comme pour évincer la sédentarité qui est un archaïsme dans le livre. Mais à la fois, cette sédentarité est ce qui fait la stabilité et la protection de l'ancien.

Eowyn est décrite dans le livre comme celle qui reste, qui assiste aux départs. Elle est immobile, décrite comme un statue; elle disparaît même du récit pendant 250 pages pour ne réapparaitre que pour contre le Nazgul. La virginité et la blancheur sont très importantes. Elle n'accepte la sédentarité qu'après son ouverture à l'amour. Dans le film, elle est active, séduisant, elle devient la suivante des hommes et elle passe pour une jeune fille, vêtue de brun et à pied! De femmes cachées et protectrices, garantes de la paix par leur sédentarité dans le livre, elles deviennent mobiles dans le film, illustrant leur fragilité!

Évolution et permanence de la figure des nains dans le Légendaire, par Eric Flieller

Les Nains apparaissent comme une étrangeté dans l'œuvre de Tolkien, ils représentent la figure de l'autre. Leur altérité évolue au fil des écrits de Tolkien, ils passent d'une altérité radicale à une altérité relative.

Des années 10 à 30, les Nains sont les ennemis des Elfes, ils appartiennent même aux Uvanimor d'où leur laideur. Figure du nain comme un fléau pour la société cf. meurtre de Thingol + cf. Beowulf, Monstres et Critiques : ils sont les bornes externes du monde. Dans le conte de Nauglafring, ils n'accordent aucun intérêt aux autres, ils sont neutres. Ils sont étranges dans leur comportement, presque asexués cf. sans pères, Mîm. En 1918-9 dans une chaîne des êtres et créatures (suivant le modèle de Paracelse ou du Moyen-Age), ils sont placés après les hommes, qualifiés d'« être de la terre » : ils sont liés aux profondeurs terrestres ; comme mort-esprit ou mort-matière cf. Boyer. Lien avec le symbolisme de l'œuvre ; Nauglath comme transposition poétique des morts: la montagne est associée aux morts dans les sagas islandaises. Êtres trompeurs « perfides », « déloyaux ». Les Nains ont donc un rapport avec les trépassés; ils se distinguent des dieux et des Orcs. Ils s'inscrivent dans la fonction productive et sont pourtant stériles, rappelant que la mort est au masculin dans le Nord. Passage à une altérité relative peu à peu dans les écrits, les Nains ne sont plus comparés aux enfants de Melkor.

Dans Bilbo, ils sont des ennemis des Orcs: l'image évolue mais ils restent étrangers, ni apparentés aux Hommes, ni aux Elfes, ni aux Orcs… Ils sont en dehors de la connaissance de la musique. Dans le « Lhammas » (HoME V), ils n'appartiennent pas aux Valar. Dans les dernières version du « Quenta Silmarillion » de 1958, ils sont les enfants d'Aulë, et ont donc une proximité avec les enfants d'Eru ; ils ne sont habités par un esprit uniquement par la volonté d'Eru. Dans l'acte de création d'Aulë, il s'agit d'une imitation, à la fois caricature et inspiration des enfants d'Eru cf. Mythopoeia et Faërie : Vala le plus humain.

Le Khuzdûl apparaît comme le stigmate de l'altérité : l'apprentissage qu'en font Curufin et Pengolodh est rare, ce sont des Noldor donc proches d'Aulë. Il y a un rapport aux Juifs: l'usage d'une langue secrète et séparée; le paradigme de l'étranger ; le Khuzdul a effectivement été inspiré de l'hébreu. Symbole du juif errant: rapport au temps différent, le Nain a une forte longévité et leur corps est conservé. Rapport différent à la mort donc avec la réincarnation des Sept Pères comme témoins de la faute d'Aulë. Les Nains semblent être placés hors du temps ou dans une atemporalité en Arda marrie. Leur finitude n'est qu'en Arda guérie. Les Nain sont innovateurs, ils ont « la joie de fabriquer » en plus de leur fierté et malgré leur inachèvement cf. « Naugrim ». Les Nains se présentent donc comme co-agents de la guérison d'Arda.

De défaite à une victoire au-delà du temps. La relation amicale de Gimli et de Legolas se présente comme une acceptation de l'autre, une présence de Dieu. Cette vision est donc non raciste et étonnante de modernité. Le Légendaire procède à une anthropologie d'êtres fictifs, pour une ouverture vers l'autre.

  • Interventions :

L'immaturité morale des Nains peut-être issue de l'immaturité physique ? Gimli serait alors l'achèvement, puisqu'il part vers l'Ouest. Gimli devient amoureux d'un autre or, qu'est Galadriel.

Tolkien, ancêtre de lui-même ?, par Anne Larue

Les traditions nordiques et celtiques sont passés de l'oral à l'écrit au moyen d'un seul « collectionneur » cf. Kalevala, Celtic revival (Yeats…). Importance pour l'image nationale des mythes fondateurs. Le grandiose projet original de Tolkien était « absurde » selon lui-même. Par la création d'un monde mythique, il y a un double fait d'éloignement et de nostalgie ce qui place Tolkien comme un ancêtre pour le futur. Les textes sont posés comme fondateurs. Le Seigneur des Anneaux devient lui-même mythe puisqu'il intervient dans une chaîne, comme un maillon modifié.

Par l'étude des langues, il y a une dimension de résistance nationale cf.adaptation de langue du VI° siècle. Le lecteur ignorant a l'impression de profondeur. Tolkien n'oublie pas que la poésie est le creuset des cultures cf.nombreux poèmes dans ces textes.

De la même génération mais peu connu, il y a eu Gerarld Gardner qui défend les éléments culturels cachés à sauvegarder, aussi érudit et avec la même vision de l'Histoire mais avec un fantasme du retour à la religion païenne. Socle de vision avec Dumézil. C'est ainsi une réponse narrative au doute de l'Histoire, donnant une certaine grandeur aux Archives, créant un flottement de l'Histoire. L'imagination et le mythe suppléent à la connaissance.

  • Interventions :

Le paradigme de Tolkien est une prise de conscience plus importante du monde nouveau (contrairement au romantisme). Il faut prendre des pincettes avec l'expression « mythologie pour l'Angleterre » : la prise de recul et une critique du premier sens est à effectuer. Tolkien conçu comme une « grande aire du jeu » : puissance de la lecture, pas besoin de l'universitaire.

Tolkien et l'histoire littéraire: l'aporie du contexte, par Isabelle Pantin

Le film effectue une politique de collage, contrairement au livre, en faisant des citations directes. Chez Tolkien, il n'y a pas d'éléments étrangers reconnaissables. Le développement malaisé de la genèse de l'œuvre s'explique par le fait qu'il est biologique et non mécanique. Tolkien peut être vu comme un « somnambule » ayant une nouvelle vision du cosmos. L'adaptation en film révèle la fragilité de la littérature: la lecture approfondie devient secondaire. Et même, le Seigneur des Anneaux est devenu bien commun d'où les transferts sont possibles; étant d'abord un roman avant d'être un roman, il est peu protégé par un statut particulier.

L'œuvre de Tolkien pose un problème d'histoire littéraire; avec une certaine condescendance envers l'œuvre existante. Le fait qu'il soit un best-seller n'est plus un obstacle puisqu'il y a ainsi un pendant sociologique. Dans des Histoire de la littérature anglais, Tolkien est toujours placé dans des parties sans difficulté comme « Modernités et Limites » ou « Genre ». La fantasy reste considérée comme un marketing ou une littérature pour enfants cf. Lewis.

Pour Tolkien, l'approche interne est nécessaire sinon le risque est d'être un universitaire littéraire ne lisant pas le texte! La génération de l'auteur est identifiée mais pas celle de l'œuvre puisqu'elle se place entre les années 20 et 50, créant un attachement chronologique important (guerre, manichéisme, post-modernisme). La question de matrice linguistique et d'invention d'un espace-temps n'est pas étudiée! Risque de propriété publique et de prolifération des lieux communs.

  • Interventions:

Points de repères différents selon origine du lecteur cf. Sur les Rivages de la Terre du Milieu. Le texte se place monde du cinéma et du jeu. Le film a au moins le mérite de prendre Tolkien au sérieux, ce qu'il craignait de ne pas être.

Courte bibliographie

Références

  • La Chronique anglo-saxonne
  • Kalevala
  • Kant, Critique de la raison pure, « Que m'est-il permis d'espérer ? »
  • Saint Augustin, La Cité de Dieu ou Les Confessions
  • Régis Boyer, Histoire des littératures scandinaves (entre nombreux autres ouvrages et éditions)
  • Les ouvrages de Georges Dumézil (sur la trifonctionnalité), et de Gilles Deleuze.
  • Edmund Spenser, The Faerie Queene, 1590
  • Yeats et autres auteurs du mouvement du Celtic Revival.
  • Gerald Gardner, Le Livre des ombres
  • C. S. Lewis, Les Chroniques de Narnia et The Screwtape Letters
  • Kenneth Grahame, The Reluctant Dragon, 1898
  • Barbara Hambly, Dragonsbane, 1986

Sur Tolkien

  • Tolkien's Shorter Works, Walking Tree Publishers.
  • The Annotated Hobbit, Douglas Anderson
  • Tolkien, Faërie et Christianisme, Editions Ad Solem
  • Le chant du monde, Charles Ridoux, Encrage
  • Feuille de la Compagnie n°3 (à paraître)
  • Tolkien et le Moyen Age, sous la direction de Leo Carruthers, CNRS Editions
  • Actes du Colloque du Crelid, Anne Besson, White-Le Goff, Editions Bragelonne.
 
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