Utilisation d’un thème mythologique dans « Le Seigneur des Anneaux » de Tolkien : l’exemple de la bataille du Gouffre de Helm

Bruno Delorme - avril 2008
Article théoriqueArticles théoriques : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs.
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Résurgence littéraire contemporaine d’un mythème indo-européen.

Introduction

Nombreux sont les commentaires de l’œuvre de J.R.R. Tolkien1) qui décèlent dans Le Seigneur des Anneaux des influences chrétiennes au cœur même d’une écriture s’inspirant des mythologies d’origine païenne2). Plus précisément, et c’est ce que nous nous proposons de montrer dans cet article, l’écriture de Tolkien procède autant par transposition ou par allégorisation que par superposition de deux strates distinctes qui courent sur toute l’œuvre et s’entrecroisent sans cesse pour former la trame structurée d’un récit grandiose :

  • la strate chrétienne, tout d’abord, reconnaissable à ses valeurs éthiques, évangéliques, synthétisées dans les vertus théologales, dont l’espérance3), dans le roman tolkienien, apparaît comme la référence suprême.
  • la strate païenne, ensuite, provenant des mythologies antiques d’origine indo-européenne,et se déploie à partir de sa propre logique basée sur un affrontement entre forces du bien et puissances du mal en vue d’une victoire heureuse4) , aisément identifiable, dans l’œuvre, par les batailles que l’auteur aime à mettre en scène.

Dimension chrétienne et strate antique se croisent ainsi régulièrement, sans se heurter ni s’annuler ou se contredire tout au long d’une œuvre qui narre une épopée sans précédent dans l’histoire de la littérature occidentale, même si elle emprunte à des fonds antiques ou médiévaux.

La symbolique de l’Anneau

En se référant à un modèle littéraire antérieur5), on pourrait définir la trame narrative du Seigneur des Anneaux comme une quête du Graal négative. En effet, au lieu d’être un objet merveilleux et extraordinaire contenant la solution aux problèmes humains et provenant du monde divin, l’anneau, pour « précieux » qu’il apparaisse, ou tel un « trésor »6) pour certains de ses possesseurs, est une malédiction. C’est un objet fatidique, maléfique, provenant du monde des enfers7), et dont il faut se débarrasser à tout prix. On sait la constellation symbolique concentrée autour de tels objets lorsqu’ils apparaissent dans des récits d’inspiration mythique, comme c’est le cas de l’œuvre de Tolkien, où ils sont surdéterminés.

Ainsi, en puisant dans notre propre fond culturel, l’anneau peut évoquer celui de Gygès dont Platon8) fait état dans ses œuvres et qui confère le don d’invisibilité à celui qui le porte à son doigt9) , celui d’Odin, dans la mythologie scandinave, aux capacités merveilleuses10), l’anneau des chevaliers romains signe de leur noblesse, celui que s’échangent les époux lors de la cérémonie du mariage, l’anneau épiscopal… Mais il peut signifier aussi plus que sa forme, devenir un symbole, et par analogie se rapporter à d’autres réalités, telle l’année, entité quasi divinisée dans certaines religions d’origine indo-européenne11). Et du fait qu’il est chargé de significations négatives dans le roman de Tolkien, il peut alors faire naturellement songer au fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal dans la Genèse12), ou au pouvoir politique et à ses excès, ou encore plus près de nous, à une arme puissante capable de susciter bien des convoitises, comme l’arme atomique. Cela ne serait d’ailleurs pas une incongruité, puisque l’anneau, qui a été fondu dans un volcan13), et doit y retourner pour être détruit, diffuse autour de lui un ensemble de malaises terribles et mortels qui finissent par avoir raison de ses porteurs successifs.

Et soit qu’on se réfère à une vision chrétienne, ou que l’on se place dans une perspective contemporaine, on peut lire cette dégradation ou cette consumation des êtres aliénés par le pouvoir de l’anneau comme les conséquences de la chute paradisiaque et du péché originel, ou comme les effets d’une radiation à la fois physique et immatérielle qui détruit le corps et l’âme de son porteur14). Cette lecture du texte, au demeurant très moderne, n’entre pas en contradiction avec le fond mythologique, et interpréterait le roman de Tolkien comme une réécriture des événements liés à la seconde guerre mondiale15) . Mais celle-ci n’est certainement pas le niveau de lecture le plus profond ni le plus riche, le fond mythologique étant, selon nous, et quelque remodelé qu’il fût, le plus intéressant.

Tout en nous inspirant de cette même strate païenne, il est possible de discerner dans l’œuvre de Tolkien un exemple de « mytho-cycle héroïque »16), d’origine antique, unique en son genre.

Le mytho-cycle héroïque dans Le Seigneur des Anneaux

Un « mytho-cycle héroïque » étant défini comme la rédaction d’un mythe mettant en scène un cycle d’aventures engageant des héros17), on peut dès lors appliquer cette définition à plusieurs épisodes de l’épopée tolkienienne. Dans cette geste héroïque, le cœur de l’aventure se coalise autour de la Communauté de l’Anneau18), ce groupe d’Elfes, d’Hommes, de Hobbits et de Nains réunis pour l’occasion, et qui acceptent de porter l’anneau dans la Montagne du Destin pour le détruire19).

Remarquons immédiatement que cette distribution des acteurs de la quête a pour caractéristique de représenter exactement les différents niveaux de l’univers mythique indo-européen dans sa totalité20) : le niveau du ciel, lumineux, représenté par les Elfes et Gandalf21), celui du monde intermédiaire, terrestre, représenté par les Hommes et les Hobbits, enfin, celui des mondes souterrains, représenté par les Nains. La Communauté représente donc à elle seule l’ensemble des êtres des trois mondes ou des trois niveaux de l’univers tel qu’on le concevait dans l’Antiquité indo-européenne. De plus, cette distinction tripartite cosmique se réfère aussi à une distinction sociale et religieuse qui se manifeste par trois couleurs différentes : le blanc pour le monde des prêtres et celui de la fonction de souveraineté royale, le rouge pour le monde des guerriers et des héros, le noir pour le monde des éleveurs-agriculteurs et des forces reproductives22). Celles-ci indiquent, de surcroît, dans le roman de Tolkien, à quel type d’univers appartient le personnage en question, où, au moins, aident le lecteur à voir la provenance des personnages et leur identité première. A ces couleurs correspondent aussi des types de caractères psychologiques reconnaissables presque universellement23).

Or, cette Communauté, initialement unie et indivise, va se séparer très tôt en deux groupes24) : un premier qui se constitue autour des Porteurs de l’Anneau25), comprenant Frodon Sacquet et Sam Gamegie, bientôt rejoints par Gollum, et le second formé par Aragorn, Gandalf, Legolas, et Gimli.

Signification et destinée des deux groupes

Nous n’entrerons pas dans les labyrinthiques périples de chacun des groupes de la Communauté, ni dans les détails de leur itinéraire respectif26), mais nous insisterons plutôt sur le sens de leur voyage à la lumière de quelques mythes antiques27). Car si l’épopée tolkienienne peut se lire à différents niveaux qui s’interpénètrent sans s’opposer, comme nous l’avons énoncé précédemment, l’itinéraire de l’anneau, quant à lui, de sa création à sa destruction, peut se déchiffrer de deux façons différentes, suivant les deux groupes qui partent à sa « conquête »28), et qui dépendent des deux strates explicitées plus haut : la première, qui ressortit à la théologie chrétienne, avec sa logique de la tentation, du péché, de la chute, du pardon et de la rédemption par le sacrifice de soi. La seconde, qui se meut dans l’univers de la mythologie et de ses références païennes.

Deux trajets spirituels distinguent ces deux groupes qui suivent aussi deux itinéraires géographiques différents.


L'un, qui correspond au groupe des Porteurs de l’Anneau, suit un périple dont la finalité, comme les moyens employés, sont essentiellement chrétiens. Frodon et Sam apparaissent comme des fidèles effectuant un long pèlerinage, à l’instar des pèlerins au Moyen-âge, plus ou moins sous-tendu par un esprit de croisade, et qui se fait sur un fond d’horizon apocalyptique. L’idée qui les motive est la recherche d’une rédemption pour eux-mêmes, d’un salut pour l’humanité qu’ils représentent en assumant la charge d’un anneau symbolisant le péché. L’anneau est omniprésent dans ce périple dangereux, comme le péché l’est dans la conscience du chrétien en quête de salut. De plus, cette périlleuse pérégrination ressemble étrangement à un rite d’expiation, tel un sacrifice visant à purifier et à se purifier d’une faute, à en effacer tous les effets néfastes29). Sacrifice qui est aussi un sacrifice de soi. Tout cela confère une coloration plutôt négative à la quête qui se résume dans la volonté de destruction de l’anneau30). Pour les Porteurs de l’Anneau, l’issue adviendra moins comme une héroïsation à l’antique, que comme une entrée douloureuse dans un paradis qui exige un détachement voire un arrachement aux biens périssables de ce monde, après avoir été eux-mêmes touchés par les effets néfastes de l’anneau, c’est-à-dire du péché. Face à ce poids mortel du mal, se trouvent la grâce, évoquée en termes de lumière et de forces inattendues, et l’espérance chrétienne d’un salut31). Ce qui conforte notre hypothèse d’une quête négative, c’est la marque indéniable de la mélancolie qui colore tout le périple de ces Porteurs de l’Anneau du début jusqu’à son dénouement. Mélancolie très moderne, au demeurant, c’est-à-dire très chrétienne32). Frodon et Sam feront le sacrifice de leur vie pour leur patrie, leur « chère Comté », et pour eux, plus rien ne sera comme avant. Il n’y aura pas de retour à la normale33) .

L’autre groupe, quant à lui, entreprend une quête dont le modèle se trouve dans l’univers des mythologies antiques et médiévales. Cette quête raconte l’histoire d’un guerrier héroïque, de noble ascendance, qui tente de reconquérir son royaume avec l’aide d’un magicien, d’un elfe et d’un nain, c’est-à-dire de trois êtres provenant de mondes surnaturels. Des talismans sont envoyés au futur roi pour le soutenir dans son juste combat, telle l’épée appelée « Narsil », puis « Anduril » lorsqu’elle fut reforgée, sorte d’Excalibur34) détruite puis recomposée à l’aide des Elfes. Le but avoué de ce groupe est de s’opposer et de combattre les armées des puissances des ténèbres afin de recouvrer un état de paix généralisé. Aucune idée de rédemption n’apparaît ici , et l’anneau est plus un prétexte, lointain et presque abstrait, qu’un symbole vers lequel tout converge. Les personnages, pour vertueux qu’ils soient, évoluent dans un univers propre aux mythologies.

Ainsi, Aragorn est plus un chevalier ou un futur héros qu’un croisé, Gandalf plus un mage qu’un prêtre ou qu’un moine35), Legolas plus un être lumineux qu’un ange36). Leurs opposants sont des ennemis bien définis sur le plan de leur caractère païen : Saroumane est plus un sorcier dévoyé qu’un prêtre hérétique, et Sauron ne revêt pas les habits du diable mais ceux d’un être démoniaque, proche des Titans s’opposant aux hommes et aux dieux lumineux, comme les Elfes, et usant, dans les combats, de magie et de formules sacrées . Le périple de ce second groupe s’effectue sous un signe éminemment positif, puisque cette quête est une reconquête qui se place sous des auspices royaux. Ce qui l’emporte, ici, est la trame narrative ponctuée de combats titanesques entre forces du bien et puissances du mal. C’est une quête héroïque, comportant des moments mystiques, et menant des figures très typées dans une aventure périlleuse qui participe du processus d’héroïsation des personnages, avec une lutte de la lumière contre les puissances des ténèbres, et qui comporte intrigues, trahisons, retours, dangers multiples à affronter, obstacles à franchir, périls révélant la personnalité de chacun, et victoire finale après un combat aussi grandiose que décisif .

Christianisme et paganisme dans Le Seigneur des Anneaux

On le voit, la dimension chrétienne du récit ne supprime nullement la trame mythologique, et n’opère aucune rédemption ou sursomption37) de celle-ci à des fins apologétiques. Mais les deux se soutiennent mutuellement, exerçant l’une sur l’autre une attraction équilibrée qui est le signe indéniable du génie de Tolkien.

Ainsi, aux vertus chrétiennes, auxquelles s’exercent les candidats à la sainteté que sont Frodon et les Hobbits - êtres à peine dégrossis, pleins de naïveté et d’esprit simpliste qui sont des caractéristiques qui correspondent parfaitement à une description de type évangélique38) -, répondent les qualités héroïques et sublimes d’Aragorn et de ses compagnons . Or, afin que la mémoire des héros puisse se perpétuer et accéder à une forme d’immortalité, leurs actions se voient régulièrement célébrées par des poèmes chantés, comme les bardes ou les aèdes de l’Antiquité le faisaient jadis pour célébrer les hauts faits d’un roi ou d’un héros39).

Un autre trait caractéristique distingue ces deux strates tout en les juxtaposant d’un point de vue narratif, ce qui est extrêmement satisfaisant pour l’esprit du lecteur qui peut ainsi passer de l’une à l’autre suivant ses désirs, ou s’identifier à celle de son choix.

Pour les Porteurs de l’Anneau, il s’agit de trouver par eux-mêmes leur destin qui n’est inscrit nulle part, en se frayant un passage difficile jusqu’au Mordor. Même Gollum ne fait pas office de guide parfait, loin s’en faut, mais d’âme damnée qui se rattache à Frodon pour des raisons ambiguës et qui représente lui aussi un obstacle ou un fardeau40). Cet itinéraire, chaotique, encombré, où leur liberté et leur responsabilité sont sans cesse sollicitées, est une vision très chrétienne de l’existence. Frodon et Sam expérimentent ainsi la rude liberté du chrétien qui doit trouver son chemin par lui-même, dans l’incertitude, la culpabilité, l’espérance et les affres du doute.

Pour l’autre groupe, en revanche, l’itinéraire est tracé d’avance, avec les obstacles qui le ponctuent graduellement . Chacun suit progressivement sa voie, sans jamais la quitter. Elle ressemble à un destin écrit de longue date, et tous finissent par rencontrer le sien à chaque pas décisif. Rien d’arbitraire ni d’inattendu en ce périple héroïque, et seul Gandalf représentera celui qui passe d’un monde à l’autre, le « témoin », en somme, de chaque monde, païen et chrétien, ancien et moderne, le seul qui connaisse le « gué », le lieu mystérieux du passage de l’un à l’autre.

La bataille du Gouffre de Helm : le contexte

C’est au cœur de ce périple extraordinaire qu’un épisode particulièrement significatif a lieu : la bataille du Gouffre de Helm.


Dans ce chapitre41), l’auteur raconte une bataille terrible qui oppose les armées de Saroumane et de Sauron venues depuis l’Isengard, aux forces conduites par Aragorn et le roi Théoden autour d’une forteresse : Fort-Le-Cor. Mais l’épisode que nous voulons analyser commence un peu plus tôt avec la manifestation inattendue de Gandalf à ses compagnons dans la forêt de Fangorn, après sa métamorphose lors de son combat contre le Balrog42). Il serait d’ailleurs sans doute tout à fait plausible d’interpréter cette transformation dans une perspective chrétienne. Et d’émettre l’idée que ce changement, opéré sous les auspices de la mort, et de la mort à soi-même comme dans les récits mystiques43), évoque une métanoia, une conversion du personnage, symbolisée par le passage de la couleur grise, païenne, obscure, terne et archaïque, à la couleur blanche, chrétienne, baptismale, lumineuse, récente. Passage du paganisme au christianisme, mais aussi du monde de la sorcellerie et de la magie à celui de la sainteté et des miracles, qui atteste aussi la fin des temps mythiques et de l’ancien monde. Nous y reviendrons plus loin avec la guérison de Théoden.

Cet ensemble, donc, qui va du chapitre V au chapitre VII du livre III, nous est apparu comme un topos mythique, ou comme la réécriture d’un mythème connu dans certaines mythologies antiques. Pour ce faire, il nous faut nous aider d’une construction mythique propre à cette mentalité aujourd’hui disparue.

Le thème de l’Aurore

Parmi les grandes religions indo-européennes, quelques-unes d’entre elles, et non des moindres44), contiennent, dans leur panthéon et leurs rituels, une figure divine particulière qui n’existe dans aucune autre religion. Cette divinité est celle de l’Aurore45) .

Liée au combat du héros contre les ténèbres, cette divinité est magnifiquement célébrée par les bardes et les aèdes. C’est d’ailleurs dans une grande partie du monde indo-européen que cette déesse est associée à l’œuvre des poètes, apparaissant alors comme Aurora à Rome, Héra ou Eos en Grèce, Usas en Inde, Brigenti ou Brigit en Irlande, Burgundi chez les Burgondes. Ces deux derniers noms correspondent à l’avestique berezaiti et au védique brhatî traduits par : « haute, noble, souveraine »46), qualificatifs qui désignent l’Aurore dans le Rig-Veda47). C’est elle, la « Mère des Dieux »48) qui est la principale source d’inspiration des poètes, lesquels la recherchent sans cesse et l’appellent par leurs hymnes et leurs chants afin qu’elle agrée les sacrifices qui lui sont offerts49). C’est elle aussi que le héros se doit de délivrer, alors qu’elle est retenue captive par un démon ayant apparence de dragon, et qui aidera aussi le guerrier dans son combat contre les ténèbres en enfantant la lumière du soleil à la fin du combat cosmogonique50). C’est elle enfin que le héros doit épouser après la victoire, au moins sous une forme symbolique.

Or, suivant ces mêmes religions, l’année, considérée comme un cycle et formant un cercle qui pouvait porter son nom51), était divisée en deux parties suivant les saisons, et séparées soit par les solstices soit par les équinoxes.

Une partie diurne, qui correspondait au printemps et à l’été, et une partie nocturne, qui comprenait la fin de l’automne et l’hiver52). A ces deux parties s’ajoutaient un terme intermédiaire, représenté par l’Aurore, et placé respectivement au début et à la fin de l’année. Initialement, cette figure de l’Aurore n’était pas associée à nos aubes quotidiennes, mais aux temps forts de l’année, conçue elle-même homologiquement à l’image d’un long jour comprenant une période diurne et une période nocturne53).

L’ensemble est ainsi disposé comme un cercle de trois couleurs54), le blanc pour la période diurne, le noir pour la période nocturne, et le rouge pour les périodes intermédiaires représentées par l’Aurore : aube de l’année au début du printemps, et crépuscule de l’année à la fin de l’automne. L’Aurore possédait ainsi une double caractéristique : ouvrir et fermer le cycle de l’année, à la fois cosmiquement et rituellement. Cette caractéristique se redoublait d’une autre : celle de posséder, en quelque sorte, deux natures opposées55).

Une nature claire, positive, bienheureuse, agréable, à l’image de la jeunesse et du printemps, en tant qu’aube de l’année et de la belle saison annonciatrice de la renaissance et de la vie. Une nature sombre, néfaste, inquiétante à l’image de la vieillesse et de l’automne, en tant que crépuscule de l’année annonciateur de l’hiver et de la mort. Le premier aspect ferait songer, dans nos contes et nos légendes, à la description d’une bonne fée, le second plutôt à celle d’une sorcière ou à l’une de ces sages femmes dont la nature est toujours ambigüe. De plus, la divinité était souvent associée à une figure humaine, telle une princesse, une mère ou une reine. Ainsi personnalisée ou allégorisée, elle prenait place dans les panthéons religieux en tant que figure féminine hautement sacralisée et vénérée.

Une telle conception de la déesse Aurore, pour autant que l’on puisse la reconstituer à partir d’éléments épars venus des différentes mythologies indo-européennes, n’est pas sans se retrouver dans un vieux fond légendaire que les contes de fées ont plus ou moins repris, telles les figures des princesses capturées et emprisonnées par des forces obscures qu’un prince charmant doit venir délivrer pour redonner au monde son visage initial et paisible56). Elle a pu aussi, selon nous, réapparaître dans l’œuvre de Tolkien sous la forme des deux princesses qui se partagent le véritable héros du roman57), à savoir le futur roi Aragorn58) .

L’Aurore et les héroïnes du Seigneur des Anneaux : Arwen et Éowyn

Ces deux princesses sont respectivement une Elfe et une Humaine : Arwen et Éowyn. Ce sont elles qui, subtilement et presque incidemment, vont organiser la quête de leur héros et l’attirer à elles pour l’épouser, comme la divinité antique de l’Aurore épousait, symboliquement, le héros vainqueur du combat cosmogonique. Deux princesses illustrant deux visages d’une même divinité antique, donc, et qui sont situées à deux moments clés de l’année ou de la quête.

Arwen, tout d’abord, parce qu’elle est promise ou s’est elle-même promise à Aragorn dès leurs premières rencontres à Fondcombe59), telle une récompense venue du Ciel, un prix de victoire accordé au héros qui sera ainsi légitimement reconnu dans son statut royal.

Eowyn, ensuite, parce qu’elle occupe la place de la princesse captive, en son château, offrant à Aragorn l’occasion de prouver son courage et sa vaillance au combat . L’enjeu n’est pas le même que pour Arwen, mais il est hautement complémentaire.

Les deux princesses sont, selon nous, vraisemblablement les deux faces d’un même visage, ou les deux aspects d’une même divinité allégorisée : l’une plus divine, l’autre plus humaine, l’une plus maternelle, l’autre plus féminine, l’une plus sage, l’autre plus guerrière, l’une plus âgée et d’allure royale, l’autre plus jeune et d’allure princière. Leurs couleurs respectives feraient songer à celles des deux figures de l’Aurore indo-européenne60).

En effet, Arwen est de couleur brune. Elle est associée dans le texte, et de par son nom, au soir et aux étoiles61). Surtout, c’est une Elfe dont le nom dit son origine divine et lumineuse62). Tolkien la décrit ainsi dans son œuvre, d’abord, lors de sa première rencontre avec Aragorn, passage situé dans « l’Appendice » de son roman :

« Et soudain, tandis qu’il chantait, il vit une jeune fille qui marchait sur le gazon parmi les troncs blancs des bouleaux ; il s’arrêta stupéfait, croyant s’être égaré dans un rêve ou bien avoir reçu le don des ménestrels elfiques, qui peuvent faire apparaître devant les yeux de qui écoute les choses qu’ils chantent. Car Aragorn venait de chanter une partie du Lai de Luthien qui parle de la rencontre de Luthien et de Berne dans la forêt de Neldoreth. Et voilà que Luthien marchait sous ses yeux à Fondcombe, vêtue d’une mante bleue et argent, belle comme le crépuscule du Pays elfique ; sa chevelure sombre flottait dans une brise soudaine, et son front était ceint de gemmes semblables à des étoiles. »63)

Les mentions du « crépuscule », des « étoiles » et de la chevelure « sombre », indiquent assez bien, nous semble-t-il, la nature d’Arwen en tant que figure de l’Aurore crépusculaire. Un trait supplémentaire rattache Arwen à la déesse de l’Aurore, et plus précisément à la Brigit irlandaise, inspiratrice des poètes, dans le fait qu’Aragorn découvre Arwen en chantant un lai, et qu’il a l’impression, dans un premier temps, que c’est le pouvoir créateur de sa poésie qui suscite l’apparition d’Arwen telle la figure de l’Aurore pour un poète antique64).

Une seconde description est faite lorsque Frodon l’aperçoit pour la première fois, à Fondcombe :

« Elle était jeune et en même temps pas. Les tresses de ses cheveux sombres n’étaient touchées d’aucun givre, ses bras blancs et son clair visage étaient lisses et sans défaut, et la lumière des étoiles brillaient dans ses yeux, gris comme une nuit sans nuage ; elle avait de plus un port de reine, la pensée et le savoir se révélaient dans son regard comme dans celui de quelqu’un qui a connu maintes choses qu’apportent les années. Au-dessus de son front, sa tête était couverte d’un bonnet de dentelle d’argent, entrelacées de petits gemmes d’un blanc scintillant ; mais ses vêtements doux et gris n’avaient d’autres ornements qu’une ceinture de feuilles ouvrées en argent. C’est ainsi que Frodon vit celle que peu de mortels avaient encore vue, Arwen, fille d’Elrond, (…) et on l’appelait Undomiel, car elle était l’Etoile du Soir de son peuple. »65)

Là encore, la jeunesse d’Arwen reste ambiguë, avec la mention des « étoiles », de la}} « nuit », du « gris » de ses yeux ou de ses vêtements, de son nom d’ « Étoile du Soir », mais aussi son « port de reine », les « années » vécues, l’ « argent » des ornements. Tous ces détails font penser à une représentation très automnale de la princesse elfique66), une sorte de Vénus adulte , une divinité vespérale, pleine de maturité et de sagesse royale. Arwen serait donc plus proche du crépuscule de l’année qu’elle annonce par son aspect comme elle préfigure aussi le crépuscule de ces dieux lumineux que sont les Elfes.

Eowyn, quant à elle, est une jeune femme blonde. Voici la description qu’en donne Tolkien lors de sa première rencontre avec Aragorn :

« La femme se retourna et s’en fut lentement dans la demeure. Comme elle passait les portes, elle fit demi-tour et regarda en arrière. Ses yeux étaient graves et pensifs, tandis qu’ils se posaient avec une calme pitié sur le roi. Son visage était très beau et ses longs cheveux semblaient une rivière d’or. Mince et élancée apparaissait-elle dans sa robe blanche ceinte d’argent ; mais elle était en même temps forte et dure comme l’acier, fille de rois. C’est ainsi qu’Aragorn vit pour la première fois à la pleine lumière du jour Eowyn, Dame de Rohan, et il la trouva belle, belle et froide, comme un pâle matin de printemps, non parvenue à la plénitude de la femme. »67)

Sa jeunesse, son aspect printanier, la couleur d’or de ses cheveux, associent Éowyn naturellement avec l’Aube de l’année. Ailleurs, au moment où le roi Théoden, accompagné d’Éomer, d’Aragorn et de ses compagnons, part pour le Gouffre de Helm, Éowyn apparaît en majesté aux portes du Château d’Or, telle une déesse tutélaire, d’allure guerrière :

« Le Roi descendit alors l’escalier avec Gandalf à son côté. Les autres suivirent. Aragorn tourna la tête au moment où ils allaient vers la porte. Éowynse tenait seule devant les portes de la demeure au haut de l’escalier ; l’épée était dressée devant elle, et ses mains reposaient sur la poignée. Vêtue à présent de mailles, elle brillait au soleil telle une statue d’argent. »68)

Enfin, après les grandes batailles contre le Mordor, Éowyn, blessée, rencontre son futur époux, Faramir qui la découvre ainsi :

« Elle ne répondit pas, mais comme il la regardait, il lui sembla que quelque chose mollissait en elle, comme un gel rigoureux cédant au premier faible présage du Printemps. Une larme jaillit dans l’oeil d’Éowynet coula le long de sa joue, comme une scintillante goutte de pluie. (…) Sa voix était maintenant celle d’une fille jeune et triste. »69)

Les portraits décrits par Tolkien de ces deux princesses, interprétés autrement que comme des détails insérés pour orner le récit romanesque, semblent autant d’indices sinon copiés du moins inspirés par les descriptions mythologiques des divinités antiques aurorales. Sans doute, ne peuvent-elles pas être exactement assimilées aux deux faces de l’Aurore décrites précédemment. Notamment, la nature violente ou néfaste du crépuscule de l’année ne se retrouve pas chez Arwen. Mais son choix en faveur d’Aragorn, choix qui la destine inéluctablement à devenir mortelle, est un signe extraordinairement significatif de sa nature crépusculaire. De plus, toute son histoire avec le futur roi, racontée en « Appendice » du roman70), avec les dialogues échangés entre elle, Aragorn et Elrond d’une tonalité très sombre, sont placés sous le signe d’une indéniable mélancolie qui annonce la fin de tout un univers. Le récit de son deuil, après la mort d’Aragorn, ne laisse aucun doute à ce sujet71).

Par ailleurs, tout le négatif a été monopolisé par le Mordor et ses personnages terrifiants. De ce fait, il était quasiment impossible d’assombrir plus encore la figure d’Arwen, qui est d’origine elfique, comme il eût été difficile de peindre les autres personnages évoluant autour de la Communauté de l’Anneau avec des teintes plus sombres. Même Gollum n’apparaît pas comme un être foncièrement mauvais, et s’il est entraîné dans un processus régressif qui le conduira à sa perte, c’est plus par faiblesse que par méchanceté. Ce qui n’est pas le cas de Saroumane qui a choisi sciemment son camp, transformant l’Isengard en une avancée du Mordor.

D’autre part, si les apparitions de ces deux princesses, évoquant les deux figures de l’Aurore, se succèdent dans le récit, c’est que la bataille du Gouffre de Helm se situe à un moment particulier de l’intrigue.

La bataille du Gouffre de Helm : les forces en présence

En effet, selon le calendrier établi par Tolkien lui-même, l’action se déroule très précisément le 4 mars72), c’est-à-dire au début de la belle saison qui marque la fin de l’hiver et le retour de la lumière après la traversée des ténèbres hivernales. Tous les combats essentiels de cette vaste épopée, qui s’étend sur des années ou des siècles, se passent au début du printemps, entre le mois de mars et le mois d’avril, jusqu’à la victoire finale73). L’auteur n’aurait pas mieux voulu signifier ce passage des ténèbres à la lumière qu’en l’associant à ces dates symboliques. C’est d’ailleurs tout le calendrier institué par Tolkien qu’il faudrait analyser à nouveaux frais au regard des calendriers antiques et des événements rituels et mythiques qui étaient inscrits et célébrés74).

Certes, toutes les actions du Seigneur des Anneaux n’ont pas été distribuées systématiquement suivant un ancien calendrier et Tolkien a pris les libertés qui lui ont semblé appropriées pour mener à bien son épopée romanesque. C’est ainsi qu’il n’y a pas une seule bataille décisive dans le Seigneur des Anneaux, mais plusieurs qui se déroulent à différents moments, de même qu’il n’y pas un seul commencement ni un unique dénouement. La richesse de l’ouvrage dépasse assurément la simplicité des thèmes mythologiques antiques, excepté peut-être ceux de la mythologie grecque.

Mais d’autres détails confortent notre hypothèse d’un mythème antique sous-jacent à la bataille du Gouffre de Helm. Tout d’abord, les personnages présents à Meduseld, le « Château d’Or »75), un peu avant la bataille. On y retrouve Théoden, roi de la Marche du Rohan, les Rohirrim ou Seigneurs des chevaux, Éowyn et surtout un homme de main de Saroumane au nom caractéristique : « Langue-de-Serpent ». Arrivent ensuite les quatre compagnons, Gandalf, Aragorn, Legolas, et Gimli, qui ne sont pas les bienvenus dans ce château visiblement ensorcelé.

Nous avons donc le tableau suivant, avec deux groupes opposés qui se rencontrent dans ce château maudit.


D’une part, un roi tombé dans l’impuissance et dans une sorte de léthargie - sortilège maléfique qui n’est pas sans rappeler le « sommeil de mort » de nos contes de fées -, lequel est entouré d’une princesse retenue prisonnière et d’un conseiller malveillant qui distille autour de lui une atmosphère lugubre et délétère.

De l’autre, et leur faisant face, les quatre compagnons venus combattre ces forces démoniaques et leurs alliés.


Deux noms retiennent ici particulièrement l’attention : celui du Château d’Or et celui de Grima, dit « Langue-de-Serpent ». En effet, le château contient bien quelque chose d’extraordinaire que son nom indique clairement. Car que représente exactement cet or, celui que l’on retrouve symbolisé par ailleurs par la couleur des cheveux d’Éowyn76) que même son oncle n’a pu défendre contre les puissances du mal, sinon la princesse elle-même ? Ces puissances du mal sont servies par un homme devenu puissant, portant un nom ou un surnom qui signifie sa nature ophidienne, c’est-à-dire fourbe et mauvaise, sa nature malveillante de « serpent ». Or, le serpent, image aussi du dragon, n’est-il pas dans les anciennes mythologies77) le monstre qui capture et retient les princesses dont les noms ou les aspects évoquent une divinité antique : celle de l’Aurore ? De plus, l’or évoque aussi la couleur du soleil, ce bien précieux entre tous qui disparaît, en partie au moins, pendant l’hiver avant de réapparaître au printemps. Enfin, dans l’Antiquité, l’or ne servait pas de monnaie d’échange, mais il était un métal réservé aux oeuvres cultuelles, religieuses, destinées aux défunts et aux dieux . L’or était ainsi un symbole d’immortalité78).

La bataille du Gouffre de Helm : le conflit mythique pour la royauté

Allons plus loin. Il est probable que ce mythe de la captivité de la déesse de l’Aurore en cache un autre : celui lié au drame de la royauté.


Suivant un schéma hérité des mythologies celtique et irlandaise, les deux rois qui conjuguent leurs forces pour lutter contre les armées du Mordor et de l’Isengard symboliseraient aussi le conflit rituel que se livraient annuellement ou régulièrement les prétendants au trône, dans les royautés antiques79) .

Résumons les données fournies par Tolkien : d’une part, Théoden est un roi vieillissant, malade, demeuré longtemps sous l’emprise des puissances du mal et sans héritier80) . Sa succession pose de redoutables problèmes et d’aucuns pensent à Éowyn pour prendre sa place après son départ pour le Gouffre de Helm81) . De plus, lorsque Théoden part pour le Gouffre de Helm, la direction qu’il prend n’est pas l’est, où point normalement le soleil levant, mais l’ouest, là où il se couche82), comme si cela signifiait la fin de sa vie, qu’il pressent , et son départ prochain vers l’Autre Monde, celui des morts et des ancêtres. De fait, un peu plus tard, au moment de mourir, il redira son combat royal en le comparant à une lutte contre un serpent noir qui aurait duré une journée, ayant commencé par un matin morne, puis un milieu de journée plus radieux enfin un couchant splendide83). Il résumera ainsi son existence qui s’achève par une bataille où il meurt pour céder sa place à un autre que lui.

D’autre part, Aragorn est un héritier, et même l’héritier du trône par excellence84). Bien qu’ayant beaucoup vécu, il est d’allure plus jeune que Théoden et il est à la conquête de son royaume. Il est un combattant vigoureux et il sait se servir de son épée de façon redoutable85). Son mariage avec Arwen est à venir, comme sa royauté. Même s’il épouse Arwen qui symbolise le crépuscule de l’année, il est le guerrier des commencements et non des fins. Il porte la vie en lui, et, tel un roi thaumaturge, peut guérir des êtres malades et sauver des blessés86). La guérison d’Éowyn sera le signe de sa puissance royale et héroïque, tel le héros indo-européen chargé de sauver la déesse Aurore au moment du péril annuel. Au moment où s’achèvent les grandes batailles du roman87), les descriptions88) qu’en donne Tolkien rappellent celles, eschatologiques, des fins de royautés celtiques qui se terminent sur fond d’incendies gigantesques et de crépuscules extraordinaires89). C’est le moment critique de l’année où un changement de règne intervient pour les anciens rois, comme il intervient pour Théoden et pour Aragorn.

Même si le texte ne s’étend pas sur ce sujet, c’est Aragorn qui succède à la fonction royale car c’est lui le véritable héros capable de s’opposer aux forces du mal et de les maîtriser. Seul, il possède les qualités requises pour ce combat et était, de ce fait, prédestiné à devenir roi. Éomer, qui ne représente pas un concurrent mais un auxiliaire d’Aragorn, succèdera à Théoden sur le trône du Rohan. Mais le vrai roi reste Aragorn.

D’autres indices textuels peuvent encore étayer notre hypothèse. Nous avons mentionné la direction de l’ouest prise par Théoden au moment où il part du Château d’Or. Cette direction symbolise à elle seule ce moment crépusculaire décisif et dangereux qui en désigne trois autres différents mais reliés par homologie : le déclin du soleil à la fin de la journée, l’achèvement de l’année à la fin de l’automne, l’aboutissement d’un règne et de la vie de son roi à la fin d’un cycle. La couleur rouge leur est associée90). Or, le texte mentionne à plusieurs reprises cette direction. D’abord, lorsque Théoden veut redonner courage à Éowyn avant son départ pour le Gouffre de Helm, il énonce une sorte de prophétie au sujet du retour prochain du Roi, ou de la venue d’un prochain Roi, et mentionne ensuite explicitement la direction de l’ouest :

« - Le Roi reviendra, dit-il. N’ayez point de crainte ! C’est à l’Ouest et non à l’Est que notre destin nous attend. »91)

Puis, c’est Éomer qui compare Gripoil au souffle du vent d’ouest92) avant que l’armée du Rohan se dirige vers l’ouest93), et le texte mentionne juste après, au début du chapitre VII, le soleil se couchant dans la même direction94). L’Isengard se situe au nord-ouest et lorsque l’armée du Rohan bivouaque dans la nuit, Aragorn demande à Legolas de tourner son regard d’Elfe vers cette direction néfaste95) . L’ouest est à nouveau mentionné lorsque Théoden se compare à un vieil arbre ployant sous la neige qu’un vent d’ouest est venu heureusement secouer96).

Un autre indice nous met aussi sur la voie de ce crépuscule de l’année. C’est l’armée de Saroumane qui se dirige à son tour vers le Gouffre de Helm, et qui ressemble à s’y méprendre à une chasse sauvage menée par des êtres venus de l’Autre Monde à la fin de l’année ou avant le retour de la lumière aurorale97). L’arrivée au Gouffre de Helm, dont le nom signifie déjà son caractère sombre , se fait après une traversée de la nuit éprouvante où la couleur noire, l’orage et les ombres menaçantes sont omniprésents et perdurent98). Toute la bataille se déroule la nuit, comme le combat annuel des ténèbres contre la lumière, et chacun attend impatiemment l’aube99). C’est Aragorn qui, au cœur de la bataille et en héros de la lumière, parle de l’aurore aux Orques avant l’arrivée de Gandalf100). Lorsque Théoden fait une dernière sortie, il apparaît lui aussi comme un héros de la lumière, montant son cheval blanc et tenant son bouclier doré101). Enfin, annonçant la venue de Gandalf et de l’armée victorieuse par le son de son cor, c’est un guerrier au bouclier rouge qui apparaîtra en haut d’une colline102), telle une Aube guerrière rougie par le sang des combats.

Symbolique de la bataille et métamorphose des héros : le cas de Gandalf

S’il y eut un travail de transposition mythologique dans l’œuvre de Tolkien, comme nous le pensons, il s’est effectué à la faveur de ce récit de la bataille du Gouffre de Helm dans lequel il a disposé ingénieusement les figures romanesques de telle sorte qu’un lecteur averti ne peut pas ne pas reconnaître, dans ces pages, le topos antique repris et réagencé. Les quatre compagnons guidés par Gandalf prennent ainsi possession des lieux du Château d’Or, délivrent la princesse Éowyn, chassant Grima qui la convoitait avidement, et redonnent au roi Théoden sa puissance et son esprit.

Tel un prêtre ou un thaumaturge, c’est précisément Gandalf qui redonne vie à Théoden, lequel s’éveille à nouveau, tel un moribond ou un malade recouvrant soudain la santé, ou encore tel un enfant qui naît à la vie, et à la vie de l’esprit. C’est d’ailleurs l’air et le vent qui sont associés, dans le récit de l’épisode, à la renaissance de Théoden103). Le prix de cette résurrection et de cette première victoire est le don de Gripoil accordé par Théoden à Gandalf, sans doute le plus beau cheval du Rohan104). Comment ne pas voir dans ce cheval le symbole solaire d’un animal considéré comme sacré dans l’Antiquité, dont le rôle était de permettre de passer de ce monde à l’autre, et que les Grecs, jadis, qualifiaient de « psychopompe »105)?

Le personnage de Gandalf, de par sa profondeur, sa complexité, son originalité aussi, mériterait à lui seul une étude approfondie. Retenons simplement pour notre réflexion que son terrible combat contre le Balrog, monstre venu des enfers, et son passage dans l’audelà, l’auront transformé fondamentalement. Le changement de sa couleur, du gris où il évoluait jusqu’alors, comme dans un paysage terne où il se devait d’être caché, à la blancheur qui le caractérise dorénavant, signifie pleinement cette métamorphose, cette héroïsation. Son nom peut alors parfaitement être lu comme le signe de cette ascension spirituelle. Gandalf fait dorénavant partie du monde des êtres de lumière à l’instar des Elfes106) . Les descriptions données par Tolkien de ce grand personnage sont, à cet égard, sans ambiguïté. D’abord, lorsqu’il apparaît à ses compagnons dans la forêt de Fangorn, son allure est si incroyable que ses compagnons ne le reconnaissent pas immédiatement107) :

« Le vieillard le devança. Il se dressa vivement et bondit au sommet d’un grand rocher. Il se tint là, avec une stature soudain accrue, les dominant de haut. Il avait rejeté son capuchon et ses haillons gris, et ses vêtements blancs étincelaient. Il leva son bâton et la hache de Gimli sauta de son poing et tomba en sonnant sur le sol. L’épée d’Aragorn, dans sa main raidie et immobile, flamboya d’un feu soudain. Legolas poussa un grand cri et tira haut une flèche dans l’air : elle disparut dans un éclat de flamme. (…) Tous avaient les yeux fixés sur lui. Ses cheveux étaient blancs comme neige au soleil, et sa robe d’une blancheur lumineuse ; sous ses épais sourcils, les yeux brillaient, pénétrants comme les rayons du soleil ; la puissance était entre ses mains. »108)

Outre les traits solaires de Gandalf apparaissant soudain à ses amis médusés, ce sont les effets de son éclatante blancheur sur ces derniers et surtout sur leurs armes qui sont à souligner, car elles-mêmes en sont comme imprégnées, et devenues ainsi ignées elles deviennent aussitôt inutilisables.

On retrouve ces descriptions de type solaire à d’autres reprises dans le texte109), mais c’est à la fin de la bataille du Gouffre de Helm qu’elles deviennent encore plus explicites et atteignent leur apogée. Cette bataille n’est évidemment pas la simple réplique de ce qui s’est déroulé au Château d’Or. Mais elle en est à la fois la continuation et le parachèvement. Là, les puissances du mal vont enfin trouver une occasion de se déchaîner, et l’on peut dire que ce combat hyperbolisera, en quelque sorte, toute la symbolique des forces en présence convoquées en un même lieu pour un affrontement décisif. L’issue de la bataille sera à la fois le fait du courage inépuisable du roi Theoden et d’Aragorn, ainsi que de leurs alliés, et celui de l’arrivée inopinée, et quasi miraculeuse, de Gandalf et de son armée. Une fois de plus, Gandalf apparaît, et cette foisci à l’aube, chevauchant Gripoil, tel un soleil matinal chassant de ses rayons les ténèbres de la nuit :

« Là, sur une crête, apparut soudain un cavalier, vêtu de blanc, resplendissant dans le soleil levant. Les cors sonnaient par-dessus les collines basses. Derrière lui, un millier d’hommes de pied descendaient en hâte les longues pentes, l’épée à la main. »110)

Cette chevauchée, qui se déroule sous le signe de la lumière du soleil levant et du son puissant des cors, délivrera tous les habitants du sombre Gouffre de Helm menacés par les armées des ténèbres.

Un autre mythème peut être rattaché à la figure d’Aragorn, placé entre Arwen et Eowyn. Ici, c’est à la mythologie grecque que nous songeons et plus particulièrement aux épopées d’Homère. Les princesses Arwen et Eowyn peuvent, en effet, être identifiées à deux héroïnes homériques : Pénélope et Hélène. Car c’est autour de ces deux figures féminines emblématiques qu’évoluent les deux grands héros grecs par excellence, Ulysse et Achille. Ainsi, Eowyn, princesse guerrière, fait-elle songer à Hélène dont le nom, étymologiquement, consonne avec celui du soleil et de l’Aurore111).

Certes, la bataille du Gouffre de Helm s’engagera pour des raisons qui rappelleront plutôt les grandes guerres du XXe siècle 112) que celles de Troie. Mais la présence d’Aragorn, soutenant Theoden, et d’Eowyn font indéniablement signe vers l’épopée homérique. Un autre trait rapproche le roman tolkienien de l’épopée homérique : la place tenue par les héros. Tandis qu’Achille, le meilleur des Achéens et des guerriers, véritable héros grec dans l’Iliade, n’a pu, malgré sa vaillance et ses exploits illustres, donner son nom à cette épopée, Ulysse, en revanche, donnera le sien à celle qui racontera ses aventures113). De même, des trois grandes parties de l’œuvre de Tolkien, seule la troisième fera mention, dans son titre, d’Aragorn114), alors que le nom de Frodon, héros par excellence du roman, n’apparaît ni dans les parties de l’oeuvre, ni même dans le titre du roman. Enfin, Aragorn, en refusant l’amour d’Eowyn, figure proche d’Hélène , s’unira à la sage Arwen, tel Ulysse retrouvant la vertueuse et patiente Pénélope. C’est en cela qu’un rapprochement entre Ulysse et Aragorn nous semble possible et qu’un autre rapport d’intertextualité se fait jour dans le texte tolkienien.

Récapitulation et Conclusion

Ainsi donc, l’enjeu de la bataille du Gouffre de Helm peut se lire de deux façons différentes qui ne s’excluent pas115) :

  • la plus évidente épouse naturellement le thème brodé par l’auteur dans son récit :

celui de la survie du genre humain, représenté par le groupe qui s’est réfugié à Fort-Le- Cor. Le combat illustre bien cet enjeu, que l’on peut comparer aux grands conflits qui se déroulèrent au XXe siècle. Avec, cependant, une fin qui n’est pas identique à ce qui est advenu historiquement. Ici, Tolkien affirme son opinion politique dans son roman, puisque c’est la monarchie, celle d’Aragorn notamment, qui l’emporte sur la dictature ou le système totalitaire imposé par Sauron et Saroumane, et non la démocratie116) . Cette lecture appelle une vision chrétienne du monde et de l’histoire. Il s’agit, pour l’humanité en question – emprisonnée, mais aussi pécheresse, plongée dans le malheur et la déréliction - d’attendre son salut, non d’un héros ou d’une armée, mais d’un Messie qui est un sauveur et qui écrit, par sa geste très chrétienne, une histoire sainte. Une apocalypse, au sens étymologique, a lieu ici même . Révélation qui ne fait que commencer par cette bataille et s’achèvera avec la destruction totale de l’anneau maléfique.

  • la seconde, plus subtile et comme sous-jacente à tout le récit, expose le thème de la

captivité de la déesse antique de l’Aurore. Retenue prisonnière dans un château puis dans une forteresse assiégée, sous sa forme humaine de princesse , elle devra être délivrée par un héros qui, ensuite, l’épousera. Ce thème se redouble d’un autre, celui de la conquête de la royauté. Ici, il s’agit d’un combat cosmogonique et mythique où le héros se doit de lutter courageusement contre une armée venue des ténèbres, et franchir nombre d’obstacles pour parvenir à délivrer une princesse, symbolisant le retour de la belle saison et de la lumière, et régénérer un royaume tombant en désuétude. Une fois la victoire acquise, le monde recouvrera son aspect paisible, et les choses reprendront leur cours, comme avant. Enfin, dans ce roman plein de récits épiques, la divinité de l’Aurore a pris deux formes humaines différentes conformément au modèle antique. Et le fait qu’Aragorn épousera Arwen plutôt qu’Eowyn117), c’est-à-dire la personnalisation de l’Aurore automnale et crépusculaire, plutôt que celle de l’Aube printanière, est indéniablement le signe, sciemment voulu par Tolkien, que le temps des Elfes, et avec lui celui des temps mythiques et païens, s’achève, laissant place à celui des hommes et de la révélation chrétienne, dont Frodon et Gandalf sont les personnalisations romanesques les plus remarquables.

Une question demeure cependant, au terme de notre enquête. En effet, pour un habitué des mythologies antiques, ce qui fait problème, et ne laisse pas de l’interroger tout au long de cette épopée, c’est l’étonnante absence des Dieux . Or, c’est bien l’une des caractéristiques de la mythologie118), quelle que soit son origine, que de faire apparaître et de mettre en scène des divinités, et non seulement des hommes ou des êtres polymorphes.

Etrangement, celles-ci ne forment, dans Le Seigneur des Anneaux, qu’une pâle et inconsistante référence qu’on ne trouve qu’à l’orée d’un autre roman119), et qui disparaît ensuite. Cette absence des Dieux, que ni les Elfes, ni les êtres démoniaques, ni les Ents ne sauraient remplacer, ferait pencher, selon nous, l’oeuvre de Tolkien vers la catégorie des légendes et des contes plus que du côté de l’univers des mythologies, à proprement parler120). Cette absence se révèle aussi dans le choix qu’a fait Tolkien en inscrivant son œuvre dans le genre littéraire de la Fantasy121). Mais avec cette marque supplémentaire que révèlent, comme sur un négatif photographique, l’absence des divinités, et surtout l’absence évidente de Dieu, c’est-à-dire du Dieu chrétien, unique et transcendant, et qui n’est peut-être pas autre chose qu’une concession accordée par l’auteur aux questions posées par la modernité.

Ce vide religieux ne serait alors que la face contemporaine du roman, celle qui traverse toute son œuvre et dans laquelle le lecteur peut se retrouver plus aisément . Or, nous le savons depuis au moins l’âge des Lumières et surtout depuis les grands auteurs du XIXe siècle122), l’absence de la mention de Dieu, dans une oeuvre, pose, en fait et immédiatement, le problème de l’existence de Dieu. Tolkien le pose d’une autre façon, non pas métaphysique ou théologique, mais romanesque et épique. Car c’est dans le langage de la Fantasy qu’il l’a écrit, mais comme en filigrane. Et c’est sans doute ainsi qu’il faut le lire, tel un silence appelant une réponse, voire un acte, un geste, ou plutôt une geste : celle, héroïque, mythique, chrétienne et fantastique que Tolkien, notamment, a écrite pour ses contemporains et pour lui-même.

Voir aussi sur Tolkiendil

1) Pour une bibliographie sur l’œuvre, on consultera V. Ferré, Tolkien : sur les rivages de la terre du milieu, Paris, Christian Bourgois, 2001 ; L. Carruthers (dir.), Tolkien et le Moyen Age, Paris, CNRS Editions, 2007.
2) Cf. V. Ferré, op. cit., p. 259-264 ; M. Devaux (éd.), Tolkien, les racines du légendaire, Genève, Ad Solem, 2003, Coll. « La Feuille de la Compagnie. Cahiers d’études tolkieniennes N°:2 », p. 122-123 ; C. Bouttier-Couqueberg, Clés pour Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien, Paris, Pocket, 2002, p. 195-201 ; S. Caldecott, D. Rance et G. Solari, Tolkien. Faërie et Christianisme, Genève, Ad Solem, 2002.
3) Il s’agit plus exactement de l’espoir, sentiment qui est à la croisée des vertus antiques, païennes, et des vertus théologales, chrétiennes. Et, avec l’espérance, la liberté, celle du choix personnel et celle recouvrée après la lutte. Pour des références à l’espoir, dans l’œuvre même, voir, J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux. Tome I. La Communauté de l’Anneau, [trad. F. Ledoux], Paris, Ch. Bourgois, 2002, Coll. « Pocket » N°: 2657, p. 472, 568; Tome II. Les Deux Tours, Coll. « Pocket » N°: 2658, p. 26, 153, 224, 499 ; Tome III. Le retour du Roi, Coll. « Pocket » N°: 2659, p. 197, 498-499 (traduction que nous prendrons désormais comme référence). Sur cette notion dans l’œuvre de Tolkien, voir V. Ferré, op. cit., p. 207-209, et S. Caldecott, « les Cors de l’Espérance », S. Caldecott, D. Rance et G. Solari, op. cit., p. 23-50.
4) On notera l’absence quasi-totale de référence à un Dieu ou à des divinités dans l’œuvre de Tolkien, quand bien même celui-ci a repris en les transformant nombre de mythes et de légendes antiques et médiévales. Voir notre réflexion en fin d’article.
5) Cf. C. Jardillier, « Les échos arthuriens dans Le Seigneur des Anneaux », L. Carruthers (dir.), op. cit., p. 143- 173.
6) Cf. J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux. Tome II, op. cit., p. 353.
7) Contrairement aux autres Anneaux forgés par les Elfes, l’Anneau que porte Frodon, l’ « Unique », a été forgé par Sauron lui-même qui a versé en lui une part de sa puissance démoniaque. Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit. Tome I. La Communauté de l’Anneau, p. 96-98.
8) Cf. G. Droz, Les mythes platoniciens, Paris, Le Seuil, 1992, Coll. « Points – Sagesse » N° : 43, p. 191-196.
9) Cette invisibilité rend le porteur de cet Anneau vulnérable aux tentations les plus diverses, il est donc néfaste. Transposé à l’époque contemporaine, ce thème deviendra la légende de l’homme invisible. On peut évidemment songer aussi à l’anneau des Nibelungen, « chargé », en quelque sorte, négativement et qui rend invisible son porteur.
10) Mythe de l’anneau « dégouttant » d’Odhinn appelé « Draupnir » qui serait en rapport direct avec le titre du livre de Tolkien. Cf. P. Guelpa, Dieux et mythes nordiques, P.U.S., 1998, p. 33 : « L’anneau d’or Draupnir (« le dégouttant »), duquel dégouttent, toutes les neuf nuits, huit anneaux du même poids que lui. Cet anneau est le symbole de sa (= Odhinn) puissance. »
11) Voir, ici, plus bas, p. 9-11. Pour Rome, au sujet de la divinité de l’année, Anna Perenna, voir A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, Klincksieck, 1932, p. 52. Dans le brahmanisme, il s’agit de la divinité Prajâpati associée à l’année.
12) Cf. Genèse, 2, 15 – 3, 23. Nulle gnose, cependant, n’affleure dans cette épopée romanesque. La connaissance de l’Anneau est un savoir négatif qui n’apporte aucun salut, aucune rédemption.
13) Ce lieu mythique où le feu est le plus destructeur sur terre, évoque aussi, par analogie, une centrale nucléaire où ont lieu fusion et fission de l’atome. Cf., C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p.164.
14) Il ne faudrait pas pour autant s’arrêter sur cette double entrée qui se propose d’emblée au lecteur dans la symbolique de l’Anneau, du fait surtout de son signe négatif. D’autres interprétations, plus subtiles encore, selon nous, sont possibles. Comme celle d’une éventuelle ou probable mise en scène d’un sacrifice antique. L’Anneau représenterait alors la forme symbolique d’un objet considéré comme le plus « précieux » au monde – tel de l’or forgé par des mains surnaturelles (celles des Elfes puis de Sauron) -, objet consacré entre tous qu’il faudrait alors offrir à une divinité pour se la propitier (et non plus « surplus » symbolique négatif, encombrant et malsain, dont il faut se débarrasser). La « chute », spirituelle puis physique, de Gollum pourrait alors se lire comme une héroïsation en creux, dont le plongeon dans le volcan, accompagné de l’Anneau, évoquerait son incroyable succès… Sur la question du sacrifice religieux des objets antiques, des agalma grecs, voués à être jetés au feu, brûlés ou immergés dans l’eau au profit de divinités, voir J. L. Henrion, La cause du désir. L’agalma de Platon à Lacan, Cahors, Point-Hors-Ligne, 1993, ch. I.
15) Ainsi, serait-il possible d’interpréter les forces en présence en les identifiant à celles de la guerre : les Ents pourraient être assimilés aux Russes, les Elfes aux Américains, les hommes aux Français (avec les divisions reconnaissables des deux camps), les Nains aux peuples d’Europe centrale ayant résisté aux forces fascistes, les Hobbits aux Anglais. Pour Sauron, Saroumane et les armées du Mordor, il n’est pas difficile de voir en eux les forces de l’« Axe ». Cf. S. Caldecott, « les Cors de l’Espérance », op. cit., p. 26-30.
16) Cf. Ch. Vielle, Le mytho-cycle héroïque dans l’aire indo-européenne. Correspondances et transformations helléno-aryennes, Louvain-la-Neuve, Peeters, 1996.
17) « On appellera mytho-cycle héroïque l’ensemble des mythes héroïques et de leur groupement en gestes (…) », Ch. Vielle, op. cit., p. XIII.
18) Appelée aussi « Compagnie de l’Anneau » dans la traduction de F. Ledoux aux Ed. Ch. Bourgois, 2002, Tome I, p. 472.
19) Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 132.
20) Voir, par exemple, Ph. Jouet, L’Aurore celtique. Fonctions du Héros dans la religion cosmique, Paris, Ed. du Porte-Glaive, 1993, p. 24-25.
21) Dont le nom (Alfe = Elfe) se rapproche de celui des Elfes, voir, R. Boyer, Yggdrasill. La religion des anciens scandinaves, Paris, Payot, 1981, p. 55-57 ; P. Guelpa, op. cit., p. 23-26 ; V. Ferré, op. cit., p. 20-21, où Gandalf est défini comme un « elfe magicien.»
22) Comme on l’aura reconnu, il s’agit de la trifonctionnalité mise en évidence par G. Dumézil. Cf. G. Dumézil, Les dieux souverains des Indo-européens, Paris, Gallimard, 1986, Introduction, et plus particulièrement la p.39. Nous y reviendrons par la suite, plus bas, p. 10-12.
23) On pourrait même spécifier ces caractères et leurs qualités par des vertus spirituelles correspondant aux couleurs indo-européennes, et montrer, par exemple, comment, dans Le Seigneur des Anneaux, les Elfes sont des êtres quasi divins qui ignorent les passions humaines et vivent dans une semi-éternité. À eux revient donc la couleur blanche (même le cas d’Arwen ne représente pas une anomalie, car son union avec Aragorn permettra à celui-ci de s’héroïser et donc de s’élever, passant du monde humain à un monde plus éthéré où il pourra exerce sa fonction royale. Voir plus bas, pp. 12-15). Ou encore, comment les Hommes et les Hobbits sont sans cesse les jouets d’émotions et de passions qui se cristallisent dans la couleur rouge évoquant le sang, et les comment Nains sont caractérisés par une rusticité qui ressortirait bien au monde paysan, avec la couleur noire, celle de la terre et des grottes où ils demeurent.
24) Il est intéressant de noter qu’après la disparition de Gandalf, c’est la décision de Frodon de s’embarquer avec son fidèle compagnon Sam dans la traversée d’un fleuve qui est le signe de cette séparation, cf. J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux. Tome I, p. 692-696. Le fleuve ou la mer (les marécages aussi), lieux dangereux à traverser, sont tous des symboles forts du passage dans l’Autre Monde dans les mythologies indo-européennes.
25) Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 140.
26) Cf. V. Ferré, op. cit., pp. 66-73
27) Une autre lecture de la formation de la Communauté de l’Anneau, comme de sa dissolution et de sa fragile et éphémère existence, s’inscrirait dans une conception négative de la communauté en tant que telle, comme le suggèrerait l’étymologie du terme lui-même (lat. communitas), et se référerait à la strate chrétienne en insistant sur l’aspect négatif de la communauté, par une allusion à la faute, au péché originel, à la dette… En ce sens, la communauté de l’Anneau ne serait pas le lieu de la mise en commun, du bien, du partage, de la communion, de l’amitié, de l’entraide, de la solidarité dans le malheur ou l’épreuve, du positif…, mais de la faute, de la dette, du mal, de la division, de la solitude, de l’incommunicabilité, du négatif…, symbolisés par l’Anneau lui-même. La communauté comme lieu de l’impossible, en quelque sorte, et que rien ne peut rédimer ou sauver, pas même le sacrifice de Frodon ou les hauts faits d’Aragorn … Pour une réflexion approfondie sur ce sujet qui mériterait d’être traité pour lui-même, je renvoie à l’excellent ouvrage de R. Esposito, Communitas. Origine et destin de la communauté, Paris, P.U.F., 2000, p. 13-34.
28) Conquête toute négative, bien évidemment. Il faut entendre ce terme dans le sens d’une conquête sur le pouvoir de l’Anneau, et sur l’Anneau lui-même et l’esprit du Seigneur des Anneaux qui le hante et l’a forgé.
29) En ce sens, le meurtre de Déagol par Gollum fait immédiatement penser à celui de Caïn et d’Abel dans la Bible. La déchéance de ce dernier se manifeste par des signes évidents, comme sa solitude extrême, son dépérissement physique, ses longs monologues, sa culpabilité, et ses habitudes alimentaires régressives qui le séparent des autres Hobbits.
30) Et, de même qu’il est possible d’interpréter l’idée de communauté de l’Anneau comme une réalité négative, comme nous l’avons vu plus haut (voir, note 27), de même il est possible de comprendre l’Anneau lui-même comme un don négatif et le sacrifice qui lui correspond comme un contre-don tout aussi négatif ou « disjonctif ». Et ceci du fait que tout sacrifice ne vise pas nécessairement à opérer un lien, une conjonction, une communion, une harmonie, mais au contraire à établir une distance, une séparation, à éloigner de soi ce que l’on considère comme redoutable et dangereux, à s’en préserver. En ce sens, le don de l’Anneau (et des autres anneaux aussi) est un cadeau empoisonné qui corrompt la vie des petites sociétés mises en scène par Tolkien et dont celles-ci doivent se débarrasser pour n’être pas entrainées dans les abîmes de destruction qu’il ouvre devant elles. L’aspect positif de la présence de l’Anneau, le seul sans doute, c’est de révéler à chacun ce qu’il est ou peut devenir malgré lui dans l’épreuve qu’il doit traverser, épreuve dont aucun des personnages ne reviendra indemne… Sur la notion de sacrifice négatif, voir C. Tarot, Le symbolique et le sacré. Théories de la religion, Paris, La Découverte, 2008, p. 806-826.
31) Sur la notion d’espoir dans l’œuvre de Tolkien, voir V. Ferré, op. cit., p. 207-209.
32) Cf. V. Ferré, op. cit., pp. 262-263.
33) Ibid. p. 265.
34) Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 170.
35) Au moins dans une première partie de son existence. La complexité du personnage de Gandalf, le seul à subir une transformation totale de son être pendant le grand périple, exigerait à lui seul une étude. Nous y reviendrons plus loin. Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 198.
36) Encore que l’ange ou l’archange soient des figures provenant des religions antiques, mésopotamienne et iranienne, que la Bible et le christianisme ont reprises à leur compte.
37) Du verbe sursumer, néologisme inventé pour traduire l’ « aufheben » de la philosophie hégélienne. Ce terme signifie à la fois la suppression et le dépassement d’une chose ou d’une détermination qui se transforme en un élément autre ou une réalité supérieure. Cf. A. Jacob (dir.), Encyclopédie philosophique universelle. Paris, P.U.F., 1990. Tome II, « Les notions philosophiques. Dictionnaire », tome 2, p. 2511. Dans le cadre de l’épopée tolkienienne, cela désignerait le fait que la strate mythologique païenne, s’opposant à la strate chrétienne, se supprime en celle-ci après être transformée par l’écriture de Tolkien en une autre strate littéraire. Ce faisant, elle n’apparaîtrait plus comme mythologie antique mais uniquement comme « fantastique », ce que l’on retrouve parfois dans la science-fiction.
38) Cf. C. Jardillier, « Les échos arthuriens dans Le Seigneur des Anneaux », L. Carruthers (dir.), op. cit., p. 154- 155.
39) Cf. V. Ferré, op.cit., p. 269 : « Tolkien fais sien un topos (qui présente chez lui un réel intérêt, puisque c’est par la musique qu’Iluvatar crée le monde, au début du Silmarillion) : s’il n’y a pas de poète pour les chanter, les héros disparaissent, la parole et l’écriture, gardiennes du passé, offrant la victoire ultime sur l’oubli et la mort. »
40) Gollum représenterait ainsi l’âme damnée ou la double âme de Frodon, son négatif en quelque sorte, ce qu’il pourrait devenir s’il se laissait tenter par la puissance de l’anneau.
41) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit. Tome II, Chapitre VII, du livre III.
42) Ibid. Ch. V, p. 152-153.
43) Ibid. p. 165-168. Thème antique, dans l’héroïsation, de la catabase suivie d’une anabase, c’est-à-dire d’une descente aux enfers suivie d’une renaissance glorieuse, divine, ou d’une résurrection. Ainsi, Gandalf commence par tomber dans un gouffre sans fond en combattant le Balrog, ce « double » diabolique et infernal, qui surgit des enfers tel un ange déchu. Le récit mentionne tous les éléments (feu, eau, terre…) jusqu’à la ténèbre où Gandalf se retrouve nu, tel un enfant dans le sein de sa mère. La transformation s’opère alors, la temporalité change, et le vent emporte Gandalf comme une « plume de cygne ». Puis, le soleil luit à travers son être, et, enfin, il renaît « vêtu de blanc ».
44) Comme la religion védique, en Inde, mais aussi la religion romaine, la religion celtique et la religion grecque.
45) Cf. B. Sergent, Les Indo-Européens. Histoire, langues, mythes, Paris, Payot, 1995, p. 325. Chez les Celtes, voir Ph. Jouet, op. cit., p. 25-26 ; pour l’Inde védique, L. Renou, Études védiques et paninéennes, Paris, Collège de France, Tome III ; à Rome, G. Dumézil, La religion romaine archaïque, Paris, Payot, 1966, p. 60-71.
46) Cf. X. Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Paris, errance, 2001, p. 75, art. « brigantion< brigant-, éminence, élevé ».
47) Voir Rig-Veda, I, 113, 19 : « Mâtâ devânâm, aditer anikâm, brhatî vi bâhi » : « O Mère des Dieux, visage d’Aditi, puissante, élevée, étends ton éclat ! ». Dans la traduction de L. Renou, Études védiques et paninéennes. Tome III, p.44 : « Mère des Dieux, visage d’Aditi, signal du sacrifice, resplendis toi qui es haute ! » Et dans celle de A. Langlois, Paris, Maisonneuve, 1984 (1ère éd. 1872) : « Mère des dieux, œil de la terre, messagère du sacrifice, noble Aurore, brille pour nous (…) ».
48) Cf. Ph. Jouet, op. cit., p. 176 ; J. Schmidt, Dictionnaire de mythologie grecque et romaine, Paris, Larousse, 1993, p. 80.
49) Cf. Ph. Jouet, op. cit., p. 199 : « « Brigit la poétesse, c’est-à-dire la femme-poète, ou la femme de sagesse que les poètes adoraient, parce que sa protection était grande et célèbre. C’est la raison pour laquelle on appelle de ce nom la déesse des poètes (…). La mention expresse des poètes est révélatrice : c’est l’Usas védique qui annonce le sacrifice et le bon moment pour entamer (…) la louange matutinale (…). »
50) Cf. B. Sergent, op. cit., p. 325.
51) Cf. plus haut, note 11.
52) Cf. B. Sergent, op. cit., p. 341-344 ; F. Le Roux et Ch. Guyonvarc’h, La civilisation celtique, Rennes, Éd. Ouest- France, 1990, p. 160-163 ; Ph. Jouet, op. cit., p. 26 : « L’année indo-européenne comporte deux parties : diurne et nocturne. Ainsi constituée, elle est porteuse de vie et de mort. ». Cette conception de l’année, qui va du mois de Mars à celui de Décembre, laissant les mois sombres dans une autre forme de périodicité, recouvre bien l’ancien calendrier romain et ses dix mois.
53) Cf. Lois de Manou, I, 67 : « Une année des mortels est un jour et une nuit des Dieux ; et voici quelle en est la division : le jour répond au cours septentrional du soleil, et la nuit à son cours méridional. » [trad. d’A. Loiseleur- Deslongchamps], Paris, Garnier, 1939, p. 14.
54) Cercle comme le triskèle. Ces trois couleurs sont celles de la trifonctionnalité dumézilienne que nous avons vues plus haut (p. 4), et qui symbolisent l’année en sa totalité. Voir, J. Haudry, La religion cosmique des Indo- Européens, Paris, Archè, 1986, p. 5-10.
55) Voir Ph. Jouet, op. cit., p. 175-178. Pour une approche plus ésotérique, mais que nous partageons peu, voir A. K. Coomaraswamy, La doctrine du sacrifice, Paris, Dervy, 1997, ch. II : «La face obscure de l’Aurore ».
56) Nous songeons plus particulièrement aux contes de Grimm comme « Blanche-Neige », personnage qui possède les trois caractéristiques de l’année avec ses trois couleurs : « peau blanche comme la neige, lèvres rouges comme le sang, cheveux noirs comme l’ébène », où la « Belle au Bois Dormant », appelée si justement parfois la princesse « Aurore ». Voir, Grimm, Contes, [trad. M. Robert], Paris, Gallimard, 1976. Cf. aussi Ph. Jouet, op. cit., p. 251 : « Les trois couleurs sont celles de la jeune fille aimée, sans qu’il l’ai jamais vue, par Peredur/ Perceval. Elles se retrouvent aussi chez la Schneewittchen allemande. A ce propos, nous pensons que nombre de contes européens s’interprètent parfaitement par la « religion de l’année » indo-européenne dont ils présentent la thématique avec une très grande netteté. Tels sont La Belle au Bois dormant, Cendrillon, Ariane, qui dépeignent les malheurs de l’Aurore ou de (la Belle saison de) l’année. Les matériaux des traditions orales sont à étudier en ce sens. »
57) Frodon possède plutôt les caractéristiques du anti-héros, comme nous l’avons vu plus haut, si adéquates à la sainteté chrétienne, ou proches de celles des prophètes de l’Ancien testament, comme Jonas.
58) Cf. V. Ferré, op. cit., p. 202-204.
59) Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 149-150. J.R.R. Tolkien, op. cit. Tome III. Le retour du Roi, p. 490- 498.
60) On pourrait élargir l‘interprétation en allant jusqu’à attribuer aux deux princesses les qualités de l’Aurore védique pour Éowynet de la déesse de la Nuit pour Arwen. Nous songeons à quelques versets d’hymnes du Rg- Veda que nous reproduisons ici pour en donner une image plus concrète. Ainsi, par exemple, en Rg-Veda I, 62, 8 : « Jeunes filles de teinte différente dont le devenir est renouvelé suivant la nature propre de chacune, la Nuit avec ses beautés sombres, l’Aurore avec ses beautés radieuses, elles ont avancé l’une après l’autre autour du Ciel et de la Terre depuis les temps jadis.», ou encore I, 113, 3 : « Ce sont deux soeurs qui poursuivent sans fin la même route ; elles y apparaissent tour à tour, dirigées par le divin Soleil. Sans se heurter jamais, sans s’arrêter, couvertes d’une douce rosée, la Nuit et l’Aurore sont unies de pensées et divisées de couleurs.» (trad. A. Langlois).
61) Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 149.
62) Nous renvoyons à la note 21 pour l’étymologie de ce terme.
63) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., Tome III, p. 492. A noter le pouvoir poétique, créateur, prêté aux ménestrels elfiques qui correspond bien à celui des bardes et aèdes antiques.
64) Cf. Ph. Jouet, op. cit., p. 198-199.
65) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., Tome I, p. 391-392.
66) Ou même très proche de la nuit védique dont nous avons donné une idée, plus haut, en note 60.
67) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., Tome II, p. 188-189.
68) Ibid. p. 203.
69) Ibid. Tome III, p. 374.
70) Ibid. p. 490-502.
71) p. 502: « Mais Arwen sortit de la Maison ; la lumière de ses yeux étaient éteinte, et il parut à son peuple qu’elle était devenu froide et grise comme la nuit qui vient en hiver sans une étoile. »
72) Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 37.
73) Ibid. p. 37-39.
74) Quelques indices : la traversée des marais en octobre par Frodon et les Hobbits l’accompagnant vers Fondcombe avec la rencontre des Cavaliers Noirs. La traversée périlleuse de la Moria, telle une catabase, une descente aux enfers, précisément pendant les mois d’hiver les plus sombres, et les confrontations avec les orques et le Balrog, créatures des ténèbres… Voir, pour un tableau synoptique des événements le résumé établie par V. Ferré, op. cit., p. 299-304.
75) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., Tome II, Livre III, ch. VI.
76) Ibid. Tome II, p. 188: « Son visage était très beau et ses longs cheveux semblaient une rivière d’or. »
77) Cf. J. Chevalier et A. Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont, 1982, art. « Dragon » p.366-369 ; Ph. Jouet, op. cit., Première partie, ch. V : « Cosmologie : le soleil et les vaches aurorales. »
78) Cf. C. Eluère, L’or des Celtes, Paris, Office du Livre, 1987. Reste à savoir pourquoi, dans le roman de Tolkien, les Anneaux forgés le furent dans l’or ? C’est ici qu’intervient la vision chrétienne qui considère l’or comme un objet de tentation, donc malsain. En effet, les Anneaux ne sont ni des objets de culte, ni des reliques, ni des symboles religieux, mais des signes de pouvoir.
79) Cf. C. Ramnoux, Le Grand Roi d’Irlande, Editions de l’Aphélie, 1989, ch. XI « Le drame du Grand Roi et le cycle des fêtes. »
80) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit. Tome II, p. 184, 202.
81) , 121) Ibid.
82) Ibid. p. 203, 206.
83) Ibid. Tome III, p. 178.
84) Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 138.
85) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit. Tome II, p. 219; Tome III, p. 186-187.
86) Ibid. Tome III, p. 214-225, 366.
87) Dans le troisième Tome, ch. VI du Livre V.
88) Ibid. p. 209 : « A présent, comme le soleil descendait, Aragorn, Éomer et Imrahil approchaient de la Cité avec leurs capitaines et leurs chevaliers; et quand ils furent devant la Porte, Aragorn dit : - Voyez le Soleil qui se couche dans un grand incendie ! C’est le signe de la fin et de la chute de bien des choses, et d’un changement dans les fortunes du monde. »
89) Cf. C. Ramnoux, op. cit., p. 100-103, 140-141, 148, 174.
90) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit. Tome II, p. 208.
91) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit. Tome II, p. 203.
92) Ibid. Tome II, p. 204.
93) Ibid. Tome II, p. 205.
94) Ibid. Tome II, p. 206.
95) Ibid. Tome II, p. 207.
96) p. 209 : « - Vous croyiez que je demeurais à Meduseld, courbé comme un vieil arbre sous la neige de l’hiver. Il en était ainsi lors de votre départ en guerre. Mais un vent d’ouest a secoué les branches, dit Théoden. »
97) p. 208, 213, 216, 218. Cf. Ph. Jouet, op. cit., p. 84-90. Sur les chasses sauvages, voir C. Lecouteux, Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au Moyen Age, Paris, Imago, 1999.
98) p. 207-209, 208 : « - Et derrière nous vient un véritable orage de Mordor, dit Gandalf. La nuit sera noire. », et p. 213, 217 : « Il était à présent minuit passé. Le ciel était totalement noir, et l’immobilité de l’air lourd annonçait l’orage. »
99) p. 228.
100) p. 229.
101) p. 231.
102) , 110) p. 232.
103) Ibid. Tome II, p. 188-189. A noter la présence d’Éowyn dans ce récit, telle la déesse de l’Aurore qui préside discrètement à cette renaissance. On peut aussi interpréter cet épisode à la lumière des Évangiles, et regarder Gandalf comme un être christique, un prophète transfiguré qui, par un miracle, guérit le malade Theoden, ou chasse les démons qui le hantaient par un exorcisme. Nous songeons plus précisément à la résurrection de Lazare. Voir Évangile de Jean, chapitre 11.
104) Ibid. p. 170 et 205.
105) Cf. J. Chevalier et A. Gheerbrant, op. cit., art. « Cheval », p. 223-233.
106) Voir, plus haut, note 21 et 43.
107) Dans un contexte chrétien, comment ne pas songer, ici, à l’apparition du Christ à ses disciples incrédules après sa mort et sa résurrection ? Voir, Évangile de Marc ch. 16.
108) J.R.R. Tolkien, op. cit., Tome II, p. 153.
109) Ibid. p. 205 et 209.
111) Cf. J. Haudry, op. cit., p. 93-94.
112) La patrie, la liberté, la solidarité entre les peuples opprimés…
113) Cf. S. Klimis, Archéologie du sujet tragique, Paris, Kimé, 2003, p. 354-355. Réflexion intéressante sur l’opposition et la complémentarité d’Hélène et de Pénélope chez Homère.
114) Intitulée : « Le retour du Roi ».
115) Avec cette différence entre les deux strates que nous avons repérée dans l’oeuvre : là où Aragorn doit successivement traverser des épreuves qualifiantes qui le destinent à son futur rôle de roi, Frodon, quant à lui, est assailli de tentations dignes de celles du Christ ou de saint Antoine, et qui le poussent presque malgré lui vers la sainteté chrétienne à laquelle il n’aspirait guère au commencement.
116) Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 183.
117) Qui deviendra l’épouse d’un autre héros : Faramir. Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 154-158.
118) Autre chose est la question du ou des mythes, analysés depuis Platon, Aristote, et jusqu’à des auteurs comme Eliade, Lévi-Strauss…
119) Le Silmarillion. Cf. C. Bouttier-Couqueberg, op. cit., p. 17-20.
120) Cf. V. Ferré, op. cit., p. 92-95.
122) Nous songeons, bien sûr, à des penseurs comme Nietzsche ou à des auteurs comme Dostoïevski…
 
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