Chasse et biche blanche à Mirkwood

Anne Wipf — 2010
Articles de synthèseArticles de synthèse : Ces articles permettent d’avoir une vue d’ensemble du thème traité mais ils nécessitent une bonne connaissance des principales œuvres de J.R.R Tolkien.
Cet article a été rédigé alors que The History of the Hobbit, de John D. Rateliff, n'était pas encore paru. De nombreux éléments complémentaires sont maintenant disponibles dans cet ouvrage.

Cet élément a été publié dans le magazine
L'Arc et le Heaume n°2 - Les Animaux chez Tolkien.

L'Arc et le Heaume n°2 - Les Animaux chez Tolkien

Dans le chapitre 8 du Hobbit les nains et Bilbo traversent une rivière enchantée et sont bousculés par un cerf noir que Thorin croit tuer d'un trait. Mais Bombur, bousculé par la bête, tombe dans l’eau et sombre aussitôt dans un profond sommeil. Puis quelques minutes après, tandis que la rumeur d'une grande chasse retentit au loin, ils voient une biche blanche et son faon qui semblent invulnérables aux flèches. J.R.R. Tolkien fait alors la réflexion suivante. « S’ils en avaient su plus long à ce sujet et s’ils avaient considéré la signification de la chasse et des cerfs blancs , ils auraient su qu’ils approchaient enfin de l’orée orientale ».

Voilà qui est bien énigmatique. En effet, si la présence d’un cerf noir ne surprend guère au sein de Mirkwood, forêt dans laquelle « les choses sont noirâtres, étranges et sauvages », que viennent faire des animaux blancs ? Le fait qu’on se trouve non loin de l’orée de la forêt n’explique rien non plus : une biche et un faon normaux serait bruns, et non pas « aussi blancs que le cerf précédent était noir ».

Et le son de la chasse lointaine paraît également bien étrange. On pourrait certes penser que J.R.R. Tolkien fait référence aux elfes de Thranduil, dont le royaume est proche et qui chasseraient dans les parages1). Mais cette explication serait incomplète : outre qu’il ne soit, nulle part ailleurs dans le livre, fait mention de chasse menée par les elfes, la manière dont J.R.R. Tolkien introduit son « explication » (« S’ils en avaient su plus long à ce sujet et s’ils avaient considéré signification de la chasse et des cerfs blancs ») nous amène à penser qu’il convient de donner à ces événements un sens beaucoup plus symbolique.

Symbolique du cerf

Dans la mythologie celtique, le cerf incarne souvent le passeur entre le monde des vivants et le monde des morts, le pays divin ou encore le « pays des fées ». On retrouve ce schéma dans le conte gallois « Pwyll Prince de Dyved » dans Les Quatre Branches du Mabinogi, où Pwyll chasse un cerf à la lisière d'une clairière dans un bois et rencontre ainsi Arawn, roi d'Annwynn (ou Annfwn, « L'Autre Monde »)2). On pourrait ajouter à ces exemples la biche du « Lai de Guigemar » chez Marie de France3) ou encore le cerf vainement poursuivi par Gauvain dans Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes4), qui sont aussi des signes de frontières entre l'Autre Monde et la « réalité » de la Cour, encore qu'ils se doublent là d'une symbolique sexuelle absente du texte de Tolkien5). On trouve un symbolisme similaire dans d'autres mythologies (cf. chez les Grecs, Actéon déchiqueté par sa propre meute, après avoir été transformé en cerf par Artémis, qu'il avait surprise au bain lors de l'une de ses chasses ; ou encore le grand cerf Eikthyrnir dans les Eddas, etc.), mais la fonction psychopompe et initiatique du cerf, messager de l'autre monde, est particulièrement importante dans la littérature celtique :

Un signe net de l'importance du cerf dans la symbolique celtique est la fréquence relative de son apparition dans l'iconographie ou la légende. Une divinité gauloise porte le nom de Cernunnos, « celui qui a le sommet du crâne comme un cerf ». Elle est représentée sur le chaudron d'argent de Gundestrup, assise dans la posture bouddhique, tenant d'une main un torque et de l'autre un serpent, entourée d'animaux les plus divers, et notamment d'un cerf et d'un serpent. Peut-être faut-il voir dans ces bois de cerf surmontant la tête du dieu un rayonnement de lumière céleste. Un autre monument remarquable est celui de Reims où Cernunnos est représenté en dieu de l'abondance. On en connaît plusieurs autres. Cependant, il semble bien que le dieu doive être compris comme le maître des animaux. En Irlande, le fils du grand héros du cycle ossianique, Find (ou Finn, voir ci-après), s'appelle Oisin (« faon »), tandis que Saint Patrick se métamorphose et métamorphose ses compagnons en cerfs (ou en « daims ») pour échapper aux embûches du roi païen Loegaire : il agit ainsi en vertu de l'incantation ou procédé magique appelé feth fiada, lequel procurait normalement l'invisibilité.
Le symbolisme du cerf dans le monde celtique est donc très vaste et il a trait certainement aux états primordiaux. Faute d'une étude d'ensemble, on doit provisoirement se borner à relever le symbolisme de longévité et d'abondance. Les gaulois employaient de nombreux talismans, en bois de cerf, et on a noté, en Suisse, dans des tombes alémanes des ensevelissements de cerfs à côté de chevaux et d'hommes. On a rapproché le fait des masques de cerf dont étaient munis des chevaux sacrifiés dans des kourganes de l'Altaï aux Ve et VIe siècles avant notre ère. En Bretagne armoricaine, Saint Edern est représenté chevauchant un cerf. Comme le renne, le chevreuil, le cerf semble avoir joué un rôle de psychopompe (qui conduit les âmes des morts) dans certaines traditions européennes, notamment chez les Celtes : le Morholt d'Irlande, oncle d'Yseult, occis par Tristan en un combat singulier, est dépeint gisant mort cousu dans une peau de cerf.
La chasse à la biche, dans la tradition mystique des Celtes, symbolise la poursuite de la sagesse qui ne se trouve que sous un pommier, l'arbre de la connaissance. Les légendes celtiques racontent que Sapv, la mère d'Ossian (poète guerrier du IIIe siècle après J.C.) fut transformée en biche par un druide. On raconte aussi que Dahud, la reine d'Ys, traquée en vain par le roi Marc'h, aime courir les bois sous la forme d'une biche blanche6).

Dans le conte « Les deux frères » des frères Grimm, on rencontre encore le même motif : c'est une biche blanche qui attire un chasseur dans une forêt enchantée où se trouve une sorcière malveillante. On retrouve le passage dans l'autre monde, associé ici à l'idée de danger comme dans le Hobbit d'ailleurs puisque les elfes y sont hostiles aux nains. De même, du reste, dans un autre conte des frères Grimm, « Le Cercueil de Verre », où un cerf blanc amène le héros, un tailleur, jusque dans une grotte et, de là, au fond de la terre, où repose une belle princesse dans un cercueil de verre : le passage entre deux mondes (monde des vivants/monde des morts) est une fois de plus clairement lié à un cervidé blanc.

L'iconographie religieuse n'a pas manqué d'exploiter ce symbolisme, comme en témoigne la légende de St Hubert. Celui-ci était parti chasser durant la semaine sainte et il poursuivit un cerf blanc durant cinq jours sans jamais pouvoir l'atteindre. Le vendredi à quinze heures (heure de la crucifixion selon la tradition) le cerf le renversa avec des bois en forme de croix et St Hubert se convertit à cette occasion.

La chasse lointaine

Qu’en est-il de la symbolique de la chasse lointaine ? Que trouvons-nous à ce propos dans la tradition celtique ?

La figure de chasseur la plus marquante dans la mythologie celtique est celle de Finn Mac Cool, ou Finn Mac Cumaill, ou Mac Umail, guerrier et chasseur légendaire de la mythologie celtique irlandaise que l’on peut rattacher à la figure de la mythologie celtique galloise Gwyn ap Nudd (voir plus loin). Le nom de Fionn ou Finn est en fait un pseudonyme qui signifie « blond », « blanc » ou « brillant » (où l’on retrouve la couleur blanche).

« Un jour que Finn Mac Cool, ses compagnons et ses chiens revenaient à la maison, un beau cerf déboucha sur leur chemin, et la poursuite qui s’ensuivit les emmena vers Tara, la capitale de l’Irlande et base des Fianna. A la fin, l’animal exténué s’arrêta et se coucha sur le sol, mais, au lieu d’attaquer leur proie, les chiens se mirent à tourner autour et même à lui lécher la tête et les pattes. Finn Mac Cool ordonna d’épargner ce cerf qui les suivit jusqu’au crépuscule. La même nuit, Finn Mac Cool s’éveilla et trouva la plus belle femme qu’il avait jamais vue, debout près de son lit. C’était Sadb. Elle lui expliqua qu’on lui avait jeté un sort, mais que si Finn Mac Cool pouvait l’aimer, la magie cesserait et elle reprendrait sa forme normale. C’est ainsi que Sadb devint la maîtresse de Finn Mac Cool. Mais celui-ci dut repartir pour chasser des envahisseurs et, à son retour, il ne retrouva pas Sadb qui avait été trompée et emmenée par quelqu’un qui avait pris son apparence physique. Après l’avoir recherchée en vain, il retourna aux plaisirs de la chasse. Un jour, par hasard, ses chiens traquèrent une étrange proie. Finn Mac Cool s’approcha et vit qu’ils entouraient un garçon nu avec une longue chevelure. Celui-ci lui dit qu’il ne connaissait pas son père, mais que sa mère était une gentille biche. A peine le garçon avait-il terminé son récit que Finn Mac Cool l’embrassa comme le fils qu’il avait eu avec Sadb et il le nomma Oisin ou Ossian (petit faon) »7).

Plus tard, Oisin rencontra Niamh, alors qu’il chassait près des rives d’un lac. Celle-ci l’entraîna dans l’autre monde, le Pays de Promesse. Il y accomplit de nombreux exploits, mais lorsqu’il voulut revenir au royaume d’Irlande, tous ceux qu’il avait connus étaient morts depuis longtemps, le temps ne s’étant pas écoulé de la même manière dans les deux mondes.

On retrouvera cette notion de « temps différé » chez Tolkien, dans le Seigneur des Anneaux, où le temps ne s’écoule pas de la même manière dans la Lórien que dans le monde extérieur, cette distanciation temporelle étant l’un des aspects caractéristiques du passage d’un monde à l’autre.

Quant à Gwyn ap Nudd, (Gwyn = 'blond, blanc, brillant' ; le gwyn brittonique et le finn gaélique descendent de la même racine) dans la tradition galloise, il est le souverain d’Annwynn, l’Autre-Monde, le Monde blanc (gaëlique Finn-mag, plaine blanche), le royaume des ombres (souvent indiqué par un petit chien ou un cerf blanc). Il y escorte les âmes des morts accompagné d’une meute de chiens surnaturels.

Un autre grand dieu des chasseurs appartient à la mythologie nordique, il s’agit bien entendu d’Odin, dieu de la guerre et de la puissance, il est surtout le dieu des morts. Chevauchant son coursier à huit pattes avec ses guerriers élus, il est devenu le chef fantastique de la chasse sauvage8).

Conclusion

A la lumière de tous ces éléments, la remarque de J.R.R. Tolkien, « S’ils en avaient su plus long à ce sujet et s’ils avaient considéré la signification de la chasse et des cerfs blancs, ils auraient su qu’ils approchaient enfin de l’orée orientale », semble ainsi pouvoir aussi signifier que nos héros auraient dû réaliser qu'ils ont traversé une frontière — même invisible, « ils ne voyaient aucun changement dans la forêt » — et qu'ils sont entrés dans le royaume de Thranduil, un « pays des fées » hors du temps et de l'espace « profane » (cf. le rêve de Bombur, le festin elfique entr'aperçu, la forêt apparemment sans fin, etc.)9).

« Bombur dormait, un sourire sur sa large face comme s'il ne se souciait aucunement de leurs anxiétés » — Autrement dit, comme son rêve le révèle plus loin, il est tombé sous le charme de l'autre monde et est victime de ses enchantements. A l'inverse, la biche blanche et ses faons ne sont pas agressifs et, comme par magie, « disparaissent aussi silencieusement qu'ils étaient venus ». Rien ne prouve que Thorin ait vraiment tué le cerf noir, « Les ombres l'engloutirent, mais on entendit le son des sabots vaciller rapidement puis cesser » et nos chasseurs sont dans l'impossibilité d'aller chercher le corps de cet étrange cerf…

Bref, nous avons là, de toute évidence, une belle utilisation d'un motif celtique traditionnel par J.R.R. Tolkien pour symboliser les frontières d'un royaume féerique.

Remerciements

Avec la collaboration de Didier Willis, qui avait effectué une première analyse de cette question sur son ancien site Hiswelókë, laquelle était une compilation d'échanges sur le forum JRRVF en 2003 (incluant, outre l'auteur, Aredwin, Céline « Beruthiel », Jean, Laurent « Cirdan » et Sébastien « Fangorn ») a servi de base au présent article, enrichi et complété.

Bibliographie

  • Boyer Régis et Evelyne Lotfalck, Les religions de l’Europe du Nord, Paris : Fayard-Denoël, 1997, 753 p.
  • Brekilien Yann, La mythologie celtique, Paris : Éditions du Rocher, 2007, 444 p.
  • Comte Fernand, Les grandes figures de la mythologie, Paris : Le Grand Livre du Mois, 1998, 256 p.
  • France Marie (de), Le Lai du Rossignol et autres lais courtois, trad. par Françoise Morvan, éd. Librio, Pössnek, 2001, 155 p.
  • Markale Jean, Les Celtes et la Civilisation celtique, Paris : Payot, 1992, 502 p.
  • Troyes Chrétien (de), Le Conte du Graal.

Sur Tolkiendil

1) À noter que l’on trouve un autre exemple de « chasse elfique », aussi évanescente et presque voilée, dans Le Livre des Contes Perdus, II, 6 (p. 368 dans la version française) : « Comme des filaments des vents, comme des demi-transparences mystiques, Gilfanon Seigneur de Tavrobel chevauche ce soir accompagné de son peuple, et donne la chasse à la biche elfique sous le ciel pâlissant. Une musique de pas oubliés, une lueur des feuilles, des herbes qui se courbent subitement, des voix nostalgiques qui murmurent sur le pont, et ils sont partis. »
2) « Tandis qu'il écoutait les aboiements de sa meute, voici qu'il entendit les cris d'une autre meute, qui n'aboyait pas de la même façon, et qui arrivait à la rencontre de ses propres chiens. Il vit alors dans le bois une clairière, un terrain plat, et lorsque sa meute atteignit la lisière de la clairière, il aperçut un fuyant devant l'autre meute. Vers le milieu de la rivière, la meute qui le poursuivait le rattrapa et le fit tomber à terre. », Lambert Pierre-Yves, Les Quatre Branches du Mabinogi et autres contes gallois, ed. NRF, Millau, (1993), 2002, 419 p.
3)
« A l'aube il est dans la forêt :
La chasse plus que tout lui plaît.
Voici un grand cerf dépisté :
Les chiens ont été découplés.
Les veneurs courent en avant ;
Le damoiseau s'en vient, tardant,
Avec, portés par un valet,
Son arc, sa dague et son chien prêts
Au cas où il pourrait tirer
Avec que de devoir rentrer.
Au fond d'un taillis buissonnant,
Il voit une biche et son faon.
Et toute blanche était la bête,
Portant ramure sur la tête. »,
France Marie (de), Le Lai du Rossignol et autres lais courtois.
4) « Messire Gauvain passe la nuit dans une bonne abbaye, et le lendemain dès la pointe du jour, il est déjà en selle, poursuivant sa route, quand à la lisière d'une forêt qu'il longeait, il aperçoit des biches qui paissaient. […] Après bien des détours et bien des ruses, il réussit à en surprendre une près d'une ronceraie et par le travers lui allonge la lance sur le col. Mais la biche fait un saut de côté et s'enfuit après les cerfs. Il la chasse ardemment et l'aurait prise, si son cheval ne s'était déferré d'un pied de devant. », Troyes Chrétien (de), Le Conte du Graal.
5) Symbolique sexuelle classique que l'on retrouve cependant ailleurs chez Tolkien en filigrane, notamment dans la Valaquenta, §1, « Elle [= Nessa] affectionne les cerfs et les biches qui la suivent dans les régions sauvages, et elle peut les distancer, rapide comme une flèche et les cheveux au vent » ; et dans l'histoire de Túrin : « Les Orcs la [= Nienor] suivirent, mais les Elfes leur coururent après, les rattrapèrent et les tuèrent avant qu'ils lui eussent fait du mal. Nienor n'arrêta pas sa course, elle fuyait comme une biche affolée de terreur en arrachant ses vêtements, jusqu'à être nue. » — La métaphore est filée, on la retrouve plus loin : « (…) comme un animal traqué et elle gisait comme une bête mourante. C'est là que la trouva Turambar. »
6) Références collectées par Guillaume Roussel, « Le symbolisme des animaux », entrées cerf et biche, sur son site web l'Arbre celtique (Dépôt IDDN FR.010.0097674.000.R.P.2002.035.42000).
7) Informations collectées sur le site de Johnny Le Saulnier.
8) Le thème de la chasse-galerie (ou Mesnée d'Hellequin), équivalent français de la Wild Hunt, est un thème récurrent des pays ayant eu une influence germanique (ou celtique : on le retrouve même dans l'Ouest de la France, et le chasseur est parfois associé au roi Arthur).
9) Sur un motif semblable, Aragorn et l'Armée des Morts provoquent la terreur chez les habitants lorsqu'ils quittent le Chemin des Morts pour s'engouffrer dans la vallée du Morthond :
« (…) les gens qui se trouvaient dans les champs poussèrent des cris de terreur et s'enfuirent follement comme des cerfs poursuivis. Le même cri s'élevait partout dans la nuit grandissante : “Le Roi des Morts ! Le Roi des Morts est sur nous !”.
Des cloches sonnaient dans le fond de la vallée, et tous les hommes fuyaient devant le visage d'Aragorn ; mais la Compagnie Grise, dans sa hâte, courait comme des chasseurs jusqu'à ce que les chevaux bronchassent de fatigue » (SdA, V, 2, p. 845)
On retrouve là une même sorte de « chasse sauvage » au passage entre les deux mondes des vivants et des morts. A noter cependant que la chasse de Thranduil, toute mystérieuse et inquiétante qu'elle soit, éveille plutôt l'espoir que la terreur chez nos aventuriers.
 
essais/influences/chasse_et_biche_blanche_mirkwood.txt · Dernière modification: 20/04/2021 11:35 par Elendil
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