Combattre la longue défaite : la philologie dans la vie et la fiction de Tolkien

Cinq Anneaux
Tom Shippey — Avril 2007
traduit de l’anglais par Damien Bador
Article théoriqueArticles théoriques : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs.
Cet essai a initialement été publié dans le recueil d’essais Roots and Branches: Selected Papers on Tolkien, publié par Tom Shippey en avril 2007 aux éditions Walking Tree Publishers. Il se fonde sur une lecture portant le même titre, prononcée à l’Université de Géorgie le 5 novembre 2002. L’auteur souhaite ici remercier son hôte, Jonathan Evans, pour y avoir été invité et pour de nombreuses et passionnantes conversations au cours des ans. Le traducteur remercie chaleureusement Tom Shippey et Thomas Honegger, directeur de Walking Tree Publishers, pour avoir autorisé la publication de cette traduction.

Ceux qui ont lu les ouvrages de J.R.R. Tolkien savent qu’ils racontent l’histoire d’une guerre acharnée, « longue et terrible, les ennemis s’affrontant le plus souvent dans les entrailles de la terre », laquelle se termine par une défaite catastrophique. Dans sa fiction, cette description s’applique à la guerre des Nains et des Orques, qui se conclut par la bataille d’Azanulbizar, ou Nanduhirion, « dont le souvenir fait encore trembler les Orques et pleurer les Nains »1). Dans sa vie, toutefois, ces mots décrivent mieux la guerre des philologues et des critiques, ou, exprimé différemment, celle du « langage » et de la « littérature ». Menée avec le plus extrême acharnement dans les Facultés d’anglais de toutes les universités anglo-saxonnes, elle s’est terminée par une totale débandade du côté de Tolkien, les philologues.

De manière moins fantaisiste, je suis sûr que si l’on avait demandé à Tolkien de se décrire en un seul mot, il aurait répondu : « je suis un philologue », ce qu’il aurait pu préciser en disant, comme il l’a fait en au moins une occasion attestée : « je suis un pur philologue »2). Tout au long de sa vie professionnelle, son but fut d’établir un curriculum philologique de qualité dans les universités britanniques. En cela il a échoué ; il n’a même pas réussi à maintenir le curriculum dans l’état où il était quand il a rejoint la profession — et je dis cela sans nulle dérision, car le même reproche pourrait m’être adressé, comme je le sais fort bien. Somme toute, je pense qu’il est désormais très difficile, presque impossible peut-être, de suivre un programme d’étude d’un genre que Tolkien aurait approuvé où que ce soit dans le monde, en particulier dans le monde anglophone et notamment en Angleterre même. Quand Galadriel dit d’elle-même et de son mari Celeborn, qu’« ensemble durant des siècles du monde, nous avons combattu la longue défaite »3), c’est d’une certaine manière ce que Tolkien aurait pu dire de lui, de ses prédécesseurs et de ses successeurs dans le métier : nous avons tous combattu ensemble la longue défaite. Et ce n’est pas la moindre des ironies qu’en dehors du petit monde académique, cette défaite a été très visiblement contrebalancée par la fiction de Tolkien, d’une manière que Gandalf lui-même n’aurait pu prévoir.

On peut constater ce sentiment de défaite en observant trois documents tirés de la vie de Tolkien. Le premier vient de sa candidature à la chaire d’anglo-saxon d’Oxford, rendue disponible par le départ de W.A. Craigie, et datée du 27 juin 1925. Le genre littéraire en question est évident : c’est une sollicitation pour un futur poste qui est aussi une longue vanterie sur les réussites obtenues dans le poste actuel. Tolkien affirme qu’à l’université de Leeds, où il a été maître de conférence depuis 1920 et professeur depuis 1924 :

« J’ai commencé avec cinq timides pionniers sur les soixante membres environ […] de cette faculté. La proportion est aujourd’hui de 43 étudiants en littérature pour 20 en linguistique. Les linguistes ne sont aucunement isolés ou coupés de la vie quotidienne et du travail, et participent à de nombreux cours de littérature et activités de la faculté ; toutefois, leur travail purement linguistique a été dirigé depuis 1922 dans des cours spéciaux et jugé lors d’examens distincts d’un niveau et d’une orientation spécifiques. […] Des cours sont donnés sur la poésie héroïque en vieil anglais, l’histoire de l’anglais, différents textes en vieil et moyen anglais, la philologie en vieil et moyen anglais, la philologie germanique (cours d’introduction), sur le gotique, le vieil islandais […] et le gallois médiéval. […]
« La philologie semble en effet avoir perdu pour ces étudiants sa connotation de terreur, sinon celle de mystère. Un cours de discussion actif a été mis en place […] et a donné naissance à une rivalité amicale ainsi qu’à des débats publics avec l’assemblée littéraire homologue. […]
« Si j’étais élu […] j’essaierais […] de favoriser et développer encore de mon mieux la cohabitation des études de linguistique et de littérature, qui ne sauraient être ennemies à moins d’un malentendu ou sans causer une perte de part et d’autre ; enfin, de continuer dans un domaine plus large et plus fertile à encourager l’enthousiasme philologique parmi la jeunesse. »4)

L’arrière-pensée est tout aussi évidente : notons les remarques : « aucunement isolés […] rivalité amicale […] développer encore de mon mieux la cohabitation » et bien sûr plus de « connotation de terreur ». D’autres éléments suggèrent clairement que la réalité était un peu moins rose, et que philologues et critiques de Leeds étaient habituellement à couteaux tirés. Les Songs for the Philologists, publiées en 1936 contiennent au moins un poème de Tolkien qui se moque cruellement des étudiants littéraires et de la faculté de lettres5). Mais Tolkien savait que le comité de sélection d’Oxford devait chercher quelqu’un qui n’allait pas causer de trouble, qui coopérerait avec ses collègues modernistes et il fit savoir qu’il était juste la bonne personne (comme on le fait dans de telles circonstances). Il ne pouvait vraiment pas s’attendre à être nommé à la Chaire d’Oxford. Il était dans le métier depuis cinq ans seulement, il avait peu publié en-dehors de son édition de Sir Gawain and the Green Knight, co-édité avec E.V. Gordon, et Kenneth Sisam avait aussi postulé : Sisam était plus âgé que Tolkien, avait été son tuteur et était déjà titulaire d’un poste à Oxford. C’est un mystère que Tolkien l’ait emporté, avec un seul vote d’avance6).

Denethor & Faramir (© Anke Katrin Eissmann)

Quelques années plus tard, Tolkien, désormais assuré de sa place, rédigea un article nettement plus franc dans l’Oxford Magazine du 29 mai 1930, une proposition de réforme de « La Faculté d’anglais d’Oxford ». On verra que Tolkien n’y perd pas de temps sur la « rivalité amicale » ou la « cohabitation », mais admet que la réalité est tout autre :

« Au sein de la Faculté d’anglais, du fait d’accidents appartenant à son histoire, la distinction entre la philologie et la littérature est notablement marquée […] ses branches sont de coutume, mais approximativement surnommées les côtés “linguistique” et “littéraire” — titres qui ne furent jamais exacts, heureusement pour chacun. L’histoire peut expliquer leur émergence, mais ne fournit nulle défense pour leur survivance. Leur bannissement est probablement le premier besoin de réforme de la Faculté d’Oxford ; même A et B seraient préférables […]
« Il y a aussi la “philologie” — le fardeau spécial des langues nordiques, y compris l’islandais classique, et pourtant en réalité l’avantage particulier qu’elles possèdent en tant que discipline. Dans leur étude, la philologie ne peut être éliminée. Elle est essentielle à l’apparat critique de l’étudiant et du spécialiste. Les poèmes et la prose qu’ils étudient — le sens des mots, leur syntaxe, leur idiome, le mètre et les allusions — furent sauvés de l’oubli par les philologues. »7)

Ce qui est ici sous-entendu — que personne, je pense, n’a remarqué à l’époque, et peu depuis — est que Tolkien voulait remplacer le programme d’Oxford par celui dont il avait l’habitude à Leeds, où les « Deux petits schémas » du poème mentionné plus haut étaient en fait appelés « le schéma A » et « le schéma B ». (En 1979, quand je suis arrivé à Leeds en provenance d’Oxford pour occuper la Chaire de langue anglaise et de littérature anglaise médiévale que Tolkien avait tenue plus de cinquante ans auparavant, ils s’étaient transformés en schémas A, B, C et D, et il existait des plans pour un schéma E. J’ai largement contribué à abolir l’ensemble de l’édifice bureaucratique en 1983.) Les opinions diffèrent quant au succès du plan de Tolkien en 1930 : à l’époque où je vins enseigner à Oxford, en 1972, l’option philologique au sein de la Faculté d’anglais (qui correspond à ce que Tolkien semble désigner en parlant du schéma qu’il souhaitait nommer « B ») était de facto moribonde, étant suivie par moins de dix étudiants par an, sur un total de 250. D’un autre côté, Gross (1999, p. 440) suppose que le plan de réforme de Tolkien et Lewis fut en fait accepté, bien que je ne sache pas sur quelles preuves il se fonde. Ce que Tolkien voulait dire en parlant du « fardeau spécial » et de « l’avantage particulier » n’est pas plus clair : l’article entier donne l’impression d’être « codé », avec une signification spéciale destinée aux seuls initiés.

À la fin de sa carrière cependant, Tolkien était en position de parler encore plus franchement, et c’est ce qu’il fit dans son « Discours d’adieu à l’université d’Oxford » — chose typique, il n’avait jamais donné de Discours inaugural — prononcé après avoir pris sa retraite le 5 juin 1959. Il était alors apparemment en assez mauvais termes avec beaucoup de ses collègues enseignant à Oxford et il forgea un mot pour les décrire : ils étaient des « misologues », l’exact opposé des « philologues » ; non pas des « amoureux des mots », mais des « adversaires des mots ». De tels gens ne devraient en aucun cas se trouver dans une université, que ce soit comme étudiants ou enseignants :

« Je ne crois pas qu’il faille la faire avaler de force comme une pilule parce que je crois que si un tel procédé semble nécessaire, les patients ne devraient pas se trouver ici, tout au moins pas à étudier ni à enseigner les lettres anglaises. La philologie est le fondement des humanités ; la “misologie” est un défaut ou un mal disqualifiant.
« D’après mon expérience, il ne s’agit pas d’un défaut ni d’un mal présent chez ceux dont la culture littéraire, la sagesse et le jugement critique les placent au plus haut rang […] Mais il y a d’autres voix […] Je dois avouer qu’au cours des trente dernières années, j’ai parfois été affligé par elles, par ceux qui, atteint d’un certain degré de misologie, ont discrédité ce qu’ils ont coutume d’appeler langue […] La médiocrité est à déplorer, tout au moins je l’espère, étant moi-même médiocre à divers endroits. Mais elle devrait être humblement avouée et j’ai donc ressenti comme une affliction le fait que certains parmi nous prennent leur médiocrité et leur ignorance pour la norme humaine, la mesure de ce qui est bon ; par ailleurs, j’ai aussi éprouvé de la colère lorsqu’ils cherchaient à imposer les limitations de leur esprit à des esprits plus jeunes, en détournant de leur penchant ceux qui ressentaient de la curiosité pour la philologie et en encourageant ceux qui ne s’y intéressaient pas à croire que cette lacune les distinguait comme esprits d’un ordre supérieur. »8)

Bien sûr, il dit (lors de cette occasion publique) qu’il ne visait pas tout le monde, juste « certains parmi nous », ceux qui n’étaient pas « au plus haut rang ». Mais je suis sûr que les personnes visées se reconnaissaient. Nul doute que plusieurs d’entre elles étaient présentes, ce qui explique l’attitude de Tolkien, dont le tact n’est pas très convaincant.

Frodo & Gandalf (© Anke Katrin Eissmann

Derrière ces documents et au long des quarante ans de la carrière académique de Tolkien, se trouvait une pression constante, dans les Facultés d’anglais des universités britanniques et américaines, voulant se débarrasser de l’anglo-saxon obligatoire, des examens obligatoires sur l’histoire de la langue et sur la littérature médiévale, afin de les remplacer tous par des études plus modernes, plus littéraires et plus critiques. Cela s’est poursuivi pendant cinquante ans de plus et, comme je l’ai dit plus haut, a abouti un succès presque complet dans le monde anglophone. On ne peut s’empêcher de penser que les choses auraient pu tourner autrement. La Terre du Milieu de Tolkien, après tout, a été clairement « vendeuse » auprès d’une énorme audience. On constate une curiosité passionnée et répandue concernant les sources de ce monde, ses idées et ses langues — preuve, comme Tolkien aurait pu dire, qu’un instinct pour la philologie est normal et naturel dans les esprits des jeunes, quoi qu’aient pu en penser leurs enseignants. Qu’est-il donc allé de travers ?

Une des causes derrière « la longue défaite » est un échec à définir le sujet et le mot. La « philologie » est en effet un terme difficile, doté de plusieurs significations, comme j’ai précédemment essayé de l’expliquer en détail9). Je ne dirais ici qu’une chose : l’Oxford English Dictionary (O.E.D.), lui-même une entreprise typiquement philologique, est de peu d’aide. Les définitions qu’il fournit sont les suivantes :

  1. Amour de l’érudition et de la littérature ; l’étude de la littérature, au sens large […] une érudition polie
  2. Amour de la parole, du discours ou de l’argumentation, par opposition à l’amour de la sagesse, la philosophie
  3. L’étude de la structure et du développement du langage ; l’étude du langage, la linguistique (en réalité une branche du sens 1)10)

Rien de tout cela ne correspond à la conception qu’en avait Tolkien. Quoi que puisse être l’« érudition polie » du sens 1, elle n’avait pas d’intérêt pour lui. Les étranges confusions du sens 3, dans lequel la philologie est « l’étude du langage », mais « en réalité » une branche du sens 1, qui est « l’étude de la littérature », ne tiennent pas compte de l’évidente hostilité entre les deux domaines, qui est de plus en plus apparente dans les trois documents cités plus haut. Pour autant, le sens 2 veut que la philologie soit le débitage de la logique, l’amour de la parole par opposition à l’amour de la sagesse, ce qui ne tient pas compte du fait que nous avons tant de journaux académiques avec des titres comme Studies of Philology, Modern Philology, Philological Quarterly, Journal of English and Germanic Philology. Qui fonderait un journal nommé, comme cela semble être le cas si l’on en croit l’O.E.D., « Études de la chicanerie » ou « Casuistique moderne » ? Finalement, aucune des définitions de l’O.E.D. n’explique la caractérisation de la Philologie par Jacob Grimm dans l’alter ego aîné de l’O.E.D., le Deutsches Wörterbuch des frères Grimm : « keine unter allen den Wissenschaften ist stolzer, edler, streitsüchtiger als die Philologie, oder gegen Fehler unbarmherziger », soit « aucune des sciences n’est plus fière, noble et plus conflictuelle que la philologie, ou moins miséricordieuse pour l’erreur »11). Grimm ne pensait absolument pas que la philologie était une « érudition polie ». Il estimait qu’il s’agissait d’une science exacte12).

Le mot que n’utilise pas l’O.E.D. est « comparative ». La philologie était toutes les choses dont parle l’O.E.D. jusqu’à ce qu’elle devienne la « philologie comparative », vergleichende Philologie, un événement signalé par la publication de la Deutsche Grammatik de Jacob Grimm entre 1819 et 1837. Là encore, j’ai discuté ailleurs l’importance de ce livre et la percée intellectuelle qu’il représente, et à plusieurs reprises, aussi je ne me répéterai pas ici13). Mais pour faire court, la philologie comparative était une discipline entièrement nouvelle, inconnue de l’Antiquité et du Moyen Âge. Elle mettait à jour les relations entre les langues, ainsi que l’histoire de ces langues et des peuples qui les parlaient ; elle permettait de décoder des langues mortes, de lire de nombreux textes anciens et oubliés, de redécouvrir des traditions littéraires perdues. Au plan le plus simple, elle expliquait pourquoi il existe deux mots dotés de la même signification en anglais moderne, break et fracture et comment la différence apparut ; elle éclaire en fait des douzaines, sinon des centaines de milliers de mots. Elle permit à Tolkien de considérer la signification du nom de sa tante Jane, Neave, et d’inventer des noms suggestifs dotés de racines profondes, comme Frodo et Baggins ; elle l’aida à créer ou recréer des mots, des noms et des concepts comme wood-wose, hobbit, dwimmerlaik, Saruman, tous discutés par ailleurs dans Roots and Branches14). Plus significativement encore, la philologie comparative ouvrit un nouveau continent à l’imagination, dont la « Terre du Milieu » de Tolkien et la Mark of the Wolfings de William Morris ne sont que deux exemples. Et elle le fit avec un mélange de rigueur et de romance. Je vais m’efforcer d’expliquer cela avec un seul exemple.

Smaug (© Anke Katrin Eissmann)

Il existe un problème fameux dans Beowulf : le trésor du dragon est-il maudit, Beowulf lui-même y succombe-t-il, comment la malédiction fonctionne-t-elle, a-t-elle été levée ? Cela commence avec les lignes 3051–3057, qui disent assez clairement qu’il existait une malédiction, mais que Dieu pourrait la lever — quoiqu’il ne soit pas dit qu’Il le fit. Tolkien utilisa la ligne 3052, iumonna gold galdre bewunden « l’or des anciennes gens, embobiné par magie » comme titre d’un poème publié en 1923, réécrit en 1962 et à nouveau en 1970. En parallèle, les lignes 3069 à 3075 disent entre autres que ceux qui enterrèrent le trésor placèrent une malédiction dessus. Je redonne une partie de ces lignes ici, exactement comme sur le manuscrit, i.e. sans accent, sans division correcte entre les mots, en indiquant la fin des lignes du manuscrit par une double barre (//) et écrites comme si ces lignes étaient en prose. La malédiction dit :

Þæt se secg wære synnum scildig […] seðone // wong strade næshe goldhwæte gearwor // hæfde agendes est ær gesceawod

De nombreuses questions se posent ici. Ces lignes disent : « l’homme serait coupable de péché » car le verbe est au subjonctif, wære, pas wæs. Quelques mots plus loin, le texte semble indiquer, cette fois à l’indicatif, næs, qu’« il n’était pas avide d’or », he « il » étant vraisemblablement le même « homme » qu’immédiatement avant. De plus, on pourrait penser qu’agend, au singulier, est « le possesseur », la personne qui a enfoui le trésor, mais quelques lignes plus tôt, c’était « les gens », au pluriel, qui avaient enterré le trésor. Agend avec une majuscule (que les écrivains n’employaient pas de cette manière) pourrait éventuellement signifier « le Possesseur », i.e. « Dieu ». Toutefois, strade n’est pas un mot reconnaissable en vieil anglais. Ce doit être un verbe. Il existe un verbe vieil anglais, strúdan « piller », qui correspond au contexte, mais strade n’en est pas une des formes possibles. Avant Grimm, personne ne se serait soucié de ce dernier point, puisque personne ne savait comment décliner les verbes en vieil anglais. Les spécialistes considéraient généralement que les pauvres barbares ne connaissaient tout simplement pas l’orthographe, de sorte qu’il fallait s’attendre à d’étranges variations (ce qui induit les anciens spécialistes à faire d’étranges erreurs)15). Mais après Grimm, on pouvait déduire que ce verbe était un verbe fort de classe 2 (et si vous ne saviez pas ce qu’était un tel verbe, votre opinion sur cette question n’avait alors aucune valeur)16) ; de sorte que la forme devait soit être stread, 3e personne du singulier au passé de l’indicatif, soit strude, 3e personne du singulier au subjonctif passé. On peut déjà voir qu’on trouve de nombreuses variables dans cette équation, et qu’entre elles, elles déterminent la signification d’un passage hautement important, toute la conclusion de ce poème complexe.

Devons-nous penser que la malédiction tomba sur Beowulf et causa sa mort ? Était-il ou non « avide d’or » ? Sommes-nous supposés le considérer comme « coupable de péché » ? Nous ne savons pas ce que Tolkien pensait de ce passage, ou s’il l’a même atteint dans ses nombreux cours commentant le poème,17) et sa traduction n’a pas été publiée. Pour ma part, je traduirais, sans grande conviction : « [la malédiction disait] que celui qui pillerait [strude] le tombeau [wong] serait [wære] coupable de péché, à moins que [nefne, modification de næs] dans son désir d’or il ait d’abord considéré la faveur de son Possesseur [ultime, i.e. Dieu]. » Il me semble qu’un problème supplémentaire, non résolu par ma traduction, est de savoir si la malédiction était quelque chose d’imposé sur le trésor, comme sur l’anneau d’Andvari, « l’Anneau du Nibelung » et donc quelque chose d’externe, ou si elle était liée au péché d’avidité, quelque chose d’intrinsèque au trésor, quelque chose de psychologique, d’interne. Je soupçonne aussi que Tolkien conclut, comme il le faisait souvent, que cela devait être les deux : la malédiction et le péché d’avidité sont la même chose. C’est la « maladie du dragon » qui affecte Smaug et Thorin Lécudechesne dans le Hobbit, ainsi que le Maître du Bourg-du-Lac qui vole l’or et meurt de faim dans la sauvagerie, comme les personnages successifs du poème Iumonna Gold… aussi appelé le Trésor, qui trace le progrès toujours désastreux du butin d’un elfe à un nain, un dragon, un jeune héros, ce dernier mourant comme un vieux miséreux, son trésor enfoui et perdu à jamais18). Le point culminant du Hobbit, peut-on dire, dépend d’une interrogation dans Beowulf. Mais on peut remarquer que ce n’est pas une malédiction inévitable. Bilbo Bessac y semble assez peu sensible, et il aurait pu en être de même pour Beowulf.

Tom Bombadil (© Anke Katrin Eissmann)

Le vrai point du paragraphe précédent, cependant, n’est pas de résoudre une question dont on sait fort bien qu’elle est insoluble, mais de montrer que c’est ainsi que les philologues travaillaient : dans leur tête, les subjonctifs et les classes des verbes forts étaient liés avec « des dragons, des gobelins et des géants, des princesses délivrées et des fils de veuves choyés par le sort »19) (selon la phrase de Bilbo). Et ils (ou certains d’entre eux) ne voyaient aucune différence entre les deux. Mais c’est ce qu’ils n’ont pas rendu clair. Au final, et dans les mains de spécialistes plus ternes que Tolkien, les verbes forts et les changements phonétiques et les détails pédantesques (mais vitaux) perdirent leur contact avec les poèmes, les romances, les mythes et les récits, au détriment des deux aspects du sujet. Ce fut le début de « la longue défaite », l’exil du sujet (la philologie comparative et en particulier la philologie germanique comparative) de presque tous les départements universitaires d’anglais, que les premiers philologues avaient eux-mêmes contribué à fonder20). Un des grands avantages de la philologie comparative était pourtant qu’elle pouvait faire émerger la romance de n’importe quoi ou presque, y compris d’un simple mot — comme Tolkien le dit lui-même très clairement. Dans une lettre à son fils Christopher, où il le félicite pour un papier qu’il a lu au sujet d’Attila le Hun, il écrit :

« Malgré tout, j’ai soudain pris conscience que je suis un pur philologue. J’aime l’Histoire, et elle m’émeut, mais ses moments les plus intenses sont pour moi ceux où elle éclaire les mots et les noms ! Plusieurs personnes (et je les rejoins) m’ont parlé du talent avec lequel tu as rendu Attila aux yeux de fouine sur sa couche presque tangiblement présent. Pourtant, bizarrement je m’aperçois que la seule chose qui me fait réellement vibrer est lorsque tu as dit en passant : atta, attila. Sans ces syllabes, le formidable drame de l’Histoire et de la légende combinées perd tout entier sa saveur pour moi — ou perdrait. »21)

L’argument de Tolkien, qu’il n’avait pas besoin d’expliquer à son fils, est qu’en dépit du fait qu’Attila soit devenu un synonyme de sauvagerie, rendu fameux dans les traditions romaines et nordiques comme l’oppresseur des Goths, le nom sous lequel il est connu n’est en fait pas hunnique, mais gotique, et il s’agit d’un surnom affectueux, une forme familière du gotique atta « père », soit « petit père, papa ». Par conséquent, quelqu’un parmi les Goths doit l’avoir apprécié ! Il devait exister une faction pro-Huns chez les Goths et l’interaction entre les deux clans pourrait expliquer des poèmes comme la « Bataille des Goths et des Huns » en vieux norrois, qui a finalement été éditée par Christopher Tolkien deux ans après avoir lu le papier mentionné ci-dessus (1960). Un seul mot peut ainsi ouvrir une vue entièrement nouvelle sur des possibilités historiques, et générer des réflexions sur un ensemble de poèmes et de chroniques. Et cela serait vrai de nombreuses centaines, voire de milliers de mots, de noms, d’allusions et aussi bien dans le monde moderne que dans l’Antiquité. Le nom d’épouse de la tante Jane de Tolkien et l’adresse du bureau de ce dernier à l’Université de Leeds étaient potentiellement aussi remplis de romance, aux yeux de Tolkien, que le nom d’Attila22) ; il pensait que c’était potentiellement aussi vrai pour tout un chacun. Le sujet était littéralement inépuisable et l’on peut fort bien sentir quel désastre ce fut pour les humanités qu’il ait été autorisé à tomber dans l’oubli. Mais pour ouvrir le coffre aux trésors, vous aviez besoin de la clef philologique. Et bien trop souvent, quand un spécialiste avait difficilement forgé cette clef après des années d’études, il avait oublié le trésor.

Cadeau de Galadriel à Frodo (© Anke Katrin Eissmann)

Existe-t-il une possibilité de renverser cette vague intellectuelle, qui dans le monde académique s’est déversée depuis un siècle dans la mauvaise direction ? Une tentative a été faite dans les années 1990, par un groupe de spécialistes appartenant essentiellement aux départements de français — ce qui aurait bien sûr immédiatement hérissé le poil de Tolkien. Ceux-ci ont proclamé la venue de « la Nouvelle Philologie »23). L’argument des Nouveaux Philologues (typiquement difficile à comprendre à moins d’être capable de suivre le jargon académique moderne) est que « la philologie médiévale a été marginalisée par les méthodes cognitives contemporaines […] tandis qu’au sein de la discipline elle-même, une conception très limitée de celle-ci, désormais fort anachronique, demeure bien trop courante. »24) Selon cette vue, ce que les philologues avaient l’habitude de faire était :

  • Établir une vue standard de la langue, en particulier des langues anciennes ;
  • Éditer des textes médiévaux qui correspondaient à cette vue ;
  • Éliminer tout ce qui n’y correspondait pas ;
  • Et au cours de ce processus (a) détruire les variations et les variantes caractéristiques de la culture des manuscrits et
  • (b) créer une image entièrement fausse et probablement phallocentrique des Grands Hommes et des Grands Poètes qui écrivirent les textes dont nous ne disposons plus, jusqu’à ce qu’ils aient été reconstruits par les éditeurs.

La devise de ce mouvement est « l’écriture médiévale ne produit pas de variantes, elle est variance. »25)

Cela n’est pas dépourvu d’une certaine vérité. Les Anciens Philologues comme Tolkien n’hésitaient pas à émender les textes pour qu’ils correspondant à ce qu’ils considéraient être une grammaire et une signification correctes26), mais ces conceptions se fondaient très souvent sur un rejet des langues standardisées modernes et une fascination positive (fortement partagée par Tolkien) pour les formes non-standards comme les dialectes27). Ils étaient des philologues comparatifs et leur métier était de comparer les formes des langues. Dans la Nouvelle Philologie se trouve en outre beaucoup de politique académique : les spécialistes concernés ont peur de se retrouver en marge de leurs départements, ils ont prétention à faire partie des « méthodes cognitives contemporaines » ou de la théorie à ce sujet, et ils donnent une image classique d’excitants jeunes modernistes écartant les vieux barbons ennuyeux. En d’autres termes, ils ne veulent pas prendre part à « la longue défaite » et espèrent inverser la situation. Il me semble cependant que les Nouveaux Philologues sont si passionnément concernés par les moyens de se différencier des échecs du XXe siècle (les perdants de l’université, comme Tolkien) qu’ils ont en fait oublié les succès du XIXe (les gagnants de l’université, comme Grimm). Ils ont aussi oublié ce que c’était avant que la vraie « Philologie Nouvelle » vienne sur scène avec Jacob Grimm, quand les variations régissaient réellement la scène éditoriale et que les spécialistes supposaient tacitement que vous ne pouviez vous attendre à tirer quantité de bon sens ou de grammaire des pauvres barbares qui écrivaient des poèmes comme Beowulf. Ce n’est probablement pas un hasard si s’introduit dans la Nouvelle Philologie un vieil élitisme : les manuscrits sont importants et leur étude devrait être réservée aux spécialistes des grandes université de recherche qui y ont seuls accès, comme c’était le cas à Oxford, Cambridge et Londres au XVIIIe siècle. Cela n’offre un moyen de progresser qu’à une poignée de chercheurs28). Rien ne pourrait être plus étranger aux vulgarisateurs naturels et engagés qu’étaient Tolkien, les frères Grimm ou Lewis, l’ami de Tolkien.

Tuor (© Anke Katrin Eissmann)

Existe-t-il alors des indications qu’une meilleure façon de progresser existe ? En conclusion, je vais m’efforcer de faire trois choses. Je vais d’abord conclure sur la vie et la fiction de Tolkien. Je vais ensuite, comme Milton « à l’occasion, prédire la ruine de notre clergé corrompu, actuellement à son pinacle » et prononcer la Malédiction de la Philologie sur les Études critiques. Finalement, je passerai du rôle de Cassandre à celui de Merlin et imaginerai, sans le prédire, un futur plus radieux.

Il nous faut d’abord admettre que la vie professionnelle de Tolkien fut une « longue défaite », qui continua après sa mort. Le schéma B de Leeds, qu’il aimait tant, ce schéma philologique, perdura jusqu’en 1983, quand les huit derniers étudiants (dans une promotion de 150) reçurent leur diplôme, et fut alors, comme je l’ai dit plus haut, arrêté par mes soins. Si mon fantôme rencontre un jour celui de Tolkien, ce dernier lui dira, j’espère : « Je sais que vous deviez le faire » et je répondrai : « Mais je leur ai fait payer un prix pour cela. » C’était une action d’arrière-garde que j’ai menée, et c’est ce que l’on fait dans ce genre d’actions, sauver ce qui peut l’être. Mais comme Churchill le disait si sagement, des retraites comme celles de Dunkerque peuvent être fort admirables, mais elles ne permettent pas de gagner une guerre. Sur la durée, au cours de la vie de Tolkien et de la mienne, la littérature et le modernisme, puis le post-modernisme et sa théorie ont bousculé la pauvre Dame Philologie et l’ont piétinée.

La contrepartie de cela est cependant qu’en dehors du monde académique, la vie de Tolkien a été un succès triomphal, qui a continué avec encore plus de force après sa mort. Je ne dirai rien ici de sa propre popularité ou de celles des films de Jackson, aussi incroyables qu’elles soient. Je n’évoquerai même pas la quantité de romans de fantasy qui sont désormais publiés chaque année, dont peu échappent à l’empreinte de Tolkien, comme on peut en juger rien que par leurs titres : la Confrérie du Talisman (angl. The Fellowship of the Talisman) ; le Joyau du halfelin (angl. The Halfling’s Gem) ; la Mallorée (angl. The Malloreon) ; The Weirdstone of Brinsingamen ; The Defenders of the West ; Halflings, Hobbits, Warrows and Weefolk, et ainsi de suite. Une raison, bien sûr, tient à un pur opportunisme commercial, mais cela vient globalement des éditeurs, non des écrivains : souvent, les écrivains veulent juste s’immerger dans la Terre du Milieu. Et s’il y en a qui se sont efforcés de se distancer de Tolkien, ils doivent savoir que leurs chances de publication ont beaucoup dépendu d’une audience déjà sensibilisée à la fantasy. Toutefois, le vrai argument que je souhaiterais émettre porte sur ce que les auteurs ont appris de Tolkien. Cela peut être exprimé en un mot, et bien que ce ne soit pas « philologie », ce fut pour Tolkien un produit de la philologie. Tous les auteurs de fantasy savent désormais qu’une œuvre doit avoir de la « profondeur ». Vous devez disposer d’une carte, comme celle de Terremer chez Ursula Le Guin. Vous devez avoir une méthode pour générer une suite de noms qui sont à la fois étranges et cohérents, comme le fait Stephen Donaldson et plus encore, le grand Jack Vance29). Vous pouvez baser des œuvres entières sur l’étymologie, comme l’a fait Avram Davidson — le seul auteur que j’ai jamais vu citer d’authentiques fragments osques (ou peut-être ombriens) dans une œuvre populaire, son roman Peregrine: Secundus (1981). En compétition pour l’étrangeté, Philip José Farmer utilise du moyen yiddish dans son ouvrage de fantasy ou de science-fiction le Faiseur d’univers (1965, trad. 1969). En outre, il est toujours envisageable de revenir en arrière, quand on le peut, aux sources originelles des contes folkloriques. Je soupçonne Michael Swanwick, auteur de The Iron Dragon’s Daughter (1993) — une œuvre brillante — d’être allé par-delà Tolkien pour lire le traité du XIXe siècle qui utilise pour la première fois le mot « hobbits », The Denham Tracts : Swanwick obtient sa liste d’étranges espèces d’elfes et de gobelins à partir de la même source que ses « hobbits ». Les écrivains, sinon les « misologues », comprennent désormais fort bien que la philologie donne de la profondeur, et que la profondeur fait vendre.

Couronnement d’Aragorn (© Anke Katrin Eissmann)

Nous ne pouvons donc nous empêcher de voir un gouffre entre la défaite professionnelle et le triomphe populaire de Tolkien. Si l’on se tourne maintenant vers le triomphe académique du modernisme, du post-modernisme, etc., on peut constater qu’en dépit de son succès dans l’université, il a été marqué par un échec populaire équivalent. Aux États-Unis, le nombre d’étudiants s’inscrivant dans les humanités a précipitamment chuté à un peu plus d’un tiers de ce qu’on aurait pu anticiper si les humanités avaient gardé la même proportion d’étudiants qu’elles attiraient l’année de la mort de Tolkien30). La chute est tout aussi considérable dans les Études anglaises et il y a là le potentiel d’un désastre encore plus grand. Aux États-Unis, les départements universitaires d’anglais dépendent pour leur budget du grand nombre d’étudiants qui prennent des « cours de base » sur la façon d’écrire, habituellement appelée « Rhétorique et composition ». Mais le point faible de presque tous ces cours est qu’ils sont donnés par des étudiants de deuxième ou de troisième cycle — lesquels sont tous des produits des études de premier cycle en anglais — qui ne savent rien d’utile sur le langage, qu’il s’agisse de la langue ancienne ou moderne. Ils passent beaucoup de temps à inculquer des notions du XVIIIe siècle comme l’« anglais correct », avec des règles comme éviter de commencer une phrase par une conjonction et ne pas en terminer une par une préposition, et ainsi de suite31). Leur seule méthode analytique, bien trop souvent, est la notion archaïque de « visualisation des phrases », que Grimm et Tolkien aurait observée avec incrédulité, et que la plupart de ces étudiants est de plus incapable de mettre en pratique. Un jour, un président d’université dira en substance : « il n’y a pas la moindre “valeur ajoutée” ici, j’ai regardé les “évaluations de résultat” ; je vais attribuer l’enseignement de base à quelqu’un qui peut mieux le faire » — comme le département des Sciences de la communication. Si cette réattribution a du succès et est suivie, les Études anglaises, ou comme Tolkien l’aurait dit, la « littérature », seront ravalées au statut diminué qu’ont maintenant, par exemple, les Études classiques32). Elles paieront le prix d’avoir exilé de leur curriculum toute forme sérieuse d’étude du langage. La malédiction posthume de Dame Philologie, ou peut-être du grand dragon Philologie Comparative, aura alors pris effet.

Si l’on se tourne maintenant vers le futur, je dirais que si nous devions reprendre les Études anglaises, la première exigence serait d’inclure à l’intérieur de la Rhétorique et composition élémentaire une grammaire structuraliste moderne de l’anglais contemporain : cela serait réellement utile aux étudiants dans leur vie et leur carrière. Cela fournirait les fondations nécessaires à une histoire philologique de l’anglais (et des langues apparentées) de toutes les périodes, ce qui serait réellement intéressant. Et qui sait, si la profession va aussi loin, elle pourrait alors être capable d’approcher l’étude de la littérature avec une théorie qui prendrait en compte les œuvres de fantasy — et même les œuvres populaires auprès du grand public ! Mais pour l’heure, j’ai peur de regarder dans le Miroir de Galadriel, ou peut-être dans celui des sorcières de Macbeth. Et ce miroir montre de nombreuses choses, comme nous le savons, y compris celles qui ne seront jamais.

Bibliographie

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  • Tolkien J.R.R., Gordon E.V. et al., Songs for the Philologists, impr. au Department of English, University College of London, 1936, 30 p.

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) SdA, App. A, III.
2) L, no 205.
3) SdA, II/7.
4) Version originale : « I began with five hesitant pioneers out of a School […] of about sixty members. The proportion today is 43 literary to 20 linguistic students. The linguists are in no way isolated or cut off from the general life and work of the department, and share in many of the literary courses and activities of the School, but since 1922 their purely linguistic work has been conducted in special classes, and examined in distinct papers of special standard and attitude […] Courses are given in Old English heroic verse, the history of English, various Old and Middle English texts, Old and Middle English philology, introductory Germanic philology, Gothic, Old Icelandic […] and Medieval Welsh. […]
« Philology, indeed, appears to have lost for these students its connotation of terror if not of mystery. An active discussion-class has been conducted […] which has borne fruit in friendly rivalry and open debate with the corresponding literary assembly […]
« [If elected] I should endeavour to advance, to the best of my ability, the growing neighbourliness of linguistic and literary studies, which can never be enemies except by misunderstanding or without loss to both; and to continue in a wider and more fertile filed the encouragement of philological enthusiasm among the young. » L, no 7.
5) Cette collection fut publiée à titre privé à l’Université de Londres par un ancien étudiant de Tolkien qui avait gardé des copies du temps où il était à Leeds. Ce poème est intitulé Two Little Schemes « Deux petits schémas » dans la table des matières, mais Lit. and Lang. « Lit[térature] et lang[age] » dans le corps du texte.
6) Pour un bref compte-rendu des discussions, voir Carpenter 1977 (V.O., p. 108 ; V.F., p. 106).
7) Version originale : « In the English School, owing to the accidents of its history, the distinction between philology and literature is notoriously marked […] its branches are customarily but loosely dubbed the ‘language” and ‘literature” side — titles which never were accurate, fortunately for both. History may explain their arising, but provides no defence for their retention. Their banishment is probably the first need of reform in the Oxford School, even A and B would be preferable […]
« There is also ‘philology’ — the special burden of Northern tongues, even of classical Icelandic, yet in fact the special advantage they possess as a discipline. From their study philology cannot be eliminated. It is essential to the critical apparatus of students and scholar. The poems and prose they study — the senses of their words, their syntax, their idiom, metre, and allusion — were rescued from oblivion by philologists. » Tolkien, « The Oxford English School », The Oxford Magazine, 29 mai 1930, p. 778–782.
8) Version originale : « I do not think that [Philology] should be thrust down throats as a pill, because I think that if such a process seems needed, the sufferers should not be here, at least not studying or teaching English letters. Philology is the foundation of humane letters; ‘misology’ is a disqualifying defect, or disease.
« It is not, in my experience, a defect or disease found in those whose literary learning, wisdom, and critical acumen place them in the highest rank […] But there are other voices […] I must confess that at times in the last thirty odd years I have been aggrieved by them; by those, afflicted in some degree by misology, who have decried what they usually call language […] Dullness is to be pitied. Or so I hope, being myself dull at many points. But dullness should be confessed with humility; and I have therefore felt it a grievance that certain professional persons should suppose their dullness and ignorance to be a human norm, the measure of what is good; and anger when they have sought to impose the limitation of their minds upon younger minds, dissuading those with philological curiosity from their bent, encouraging those without this interest to believe that their lack marked them as minds of a superior order. » MC, p. 225–226 ; M&C, p. 278–279.
9) Shippey 2003, p. 6–13.
10) O.E.D., 1ère édition de 1933, VII:778, répétée avec une légère amplification de la définition 3 dans la deuxième édition de 1989, XI:684.
11) Grimm 1999 : XIII, coll. 1829.
12) Henry Gee, un vrai scientifique, souligne que la nouvelle science de la « cladistique » est par essence identique à l’ancienne pratique philologique de « stemmatique ». Les deux veulent déduire l’ordre des choses à partir d’« informations dégradées » (voir Gee 2004, p. 36–39, 152–153).
13) Voir les essais sur « Grimm, Grundtvig, Tolkien » et « History in Words » dans Roots and Branches, et plus en détail dans Shippey 2005.
14) Voir les essais « Tolkien and the Gawain-Poet », « Heroes and Heroism » et « History in Words », op. cit.
15) Le premier éditeur de Beowulf, Grimur Thorkelin, ne comprit pas que le poème commençait par des funérailles, en partie parce qu’il avait lu le nom propre Scyld comme étant le verbe vieil anglais sceolde « devrait ». Il supposa que la différence d’orthographe n’était qu’une variation aléatoire.
16) Smaug est aussi un verbe fort de classe 2, son nom étant le passé du vieux norrois smjuga « ramper, pénétrer », ce qui donne « il rampa ». S’il avait été un dragon vieil anglais, son nom aurait été Sméah, du verbe v. angl. smúgan. Le vrai nom de Gollum, Sméagol, vient de la même racine, mais pourrait dériver du verbe faible apparenté, sméagan « enquêter » : donc soit « Sournois » (la perception de Sam Gamegie), soit « Fouineur ». Voir aussi les Lettres, no 25, où Tolkien donne le verbe sous sa forme « germanique commune », i.e. sous la forme à l’origine des verbes vieil anglais et vieux norrois.
17) Des indications orales de personnes qui y assistèrent suggèrent qu’il allait rarement, voir jamais aussi loin.
18) Voir l’essai « The Versions of “The Hoard” », op. cit.
19) Version originale : « dragons and goblins and giants and the rescue of princesses and the unexpected luck of widows’ sons » ; le Hobbit, chap. 1.
20) Comme Tolkien semble l’indiquer sous forme allégorique, au travers des reproches d’Alf à Nokes dans Smith de Grand Wootton (V.O., p. 57 ; V.F., p. 296). Voir l’essai « Allegory versus Bounce » dans Roots and Branches.
21) Version originale : « All the same, I suddenly realized that I am a pure philologist. I like history, and am moved by it, but its finest moments for me are those in which it throws light on words and names! Several people (and I agree) spoke to me of the art with which you made the beady-eyed Attila on his couch almost vividly present. Yet oddly, I find the thing that thrills my nerves is the one you mentioned casually: atta, attila. Without those syllables the whole great drama both of history and legend loses savour for me — or would. » L, no 205 — traduction corrigée.
22) Voir les essais sur « Heroes and Heroism » et « Tolkien and the Gawain-Poet » dans Roots and Branches.
23) Voir Nichols 1990 ; Bloch & Nichols 1996. Il est évidemment juste de dire qu’il y eut une prompte résistance d’autres spécialistes du français ; voir Busby 1993.
24) Nichols 1990, p. 1.
25) N.d.T. : En français dans le texte.
26) Voir « A Look at Exodus and Finn and Hengest », dans Roots and Branches.
27) Comme on peut le constater dans le Foreword « Avant-propos » laudatif de Tolkien pour A New Glossary of the Dialect of the Huddersfiled District, de Haigh (1928) ; voir aussi l’entrée à ce sujet dans Drout 2007.
28) Pour plus de mercuriales et d’ironies, voir Shippey 1997.
29) J’éprouve une admiration particulière pour sa trilogie du Cycle de Lyonesse : le Jardin de Suldrun (1983, trad. 1985), la Perle verte (1985, trad. 1986) et Madouc (1989, trad. 1990).
30) Voir Menand 2001 pour les chiffres. Delbanco 1999 considère la situation pour les doctorats d’anglais.
31) J’ai suivi une longue discussion entre enseignants d’anglais à ce sujet la veille du jour où j’ai écrit ce texte, en octobre 2006. Elle était cependant viciée par le fait qu’aucun des intervenants ne savait distinguer une préposition d’une conjonction.
32) Un statut diminué fort bien discuté et expliqué dans Hanson et al. 2001.
 
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