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Mais la langue natale de la plupart des Númenóriens restait leur ancestrale langue humaine, l’adûnaïque, et à celle-ci retournèrent leurs rois et leurs seigneurs aux jours tardifs de leur orgueil, abandonnant le parler elfique, excepté les rares d’entre eux qui maintinrent leur ancienne amitié avec les Eldar. »
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ans l’univers de fiction où se déroulent les récits de la Terre du Milieu, l’adûnaïque (que Tolkien orthographiait adûnaic ou adunaic sans accent) est la langue des Hommes de Númenor pendant le Deuxième Âge. Ceux-ci désignaient leur langue sous le nom d’adûnayân2), ce qui signifie simplement « Langue de l’Ouest »3).
ers la fin de la seconde guerre mondiale, Tolkien s’attela pour un temps à un nouveau récit, The Notion Club Papers4). Repartant des idées qu’il avait ébauchées dans son roman inachevé la Route perdue5), Tolkien développa l’histoire de l’île de Númenor et de sa chute sous la domination du maléfique Sauron. Il conçut alors les premiers éléments de l’adûnaïque, une langue dont la structure trilitère rappelle légèrement les langues sémitiques6)7). En marge du récit où apparaît brièvement cette nouvelle langue (par le biais de rêves effectués par l’un des personnages, dénommé Lowdham), Tolkien en donna un compte rendu assez détaillé, bien que lui aussi inachevé, dans un « rapport » prétendument écrit par Lowdham (Lowdham’s Report on the Adunaic Language)8).
omme souvent dans ce domaine, les conceptions de Tolkien sur ses langues construites étaient changeantes. Un peu moins d’une dizaine d’années plus tard, alors qu’il travaillait à la rédaction des appendices du Seigneur des Anneaux, Tolkien hésita sur l’idée9) que les Hommes de Númenor auraient en fait abandonné leurs langues premières pour adopter une langue elfique, le sindarin10). Mais finalement, il conserva néanmoins l’adûnaïque et cita plusieurs noms de rois de Númenor dans les appendices. La publication du Seigneur des Anneaux figea donc dans le marbre cette dernière position. D’autres textes de cette période ont été publiés dans les Contes et Légendes inachevés11), et « La Lignée d’Elros » vient compléter la liste des mots adûnaïques connus.
Contrairement aux autres langues inventées par Tolkien, qui firent l’objet de constantes révisions tout au long de sa vie (en particulier le sindarin et le quenya), il semble bien que Tolkien n’ait travaillé sur l’adûnaïque que pendant ces deux phases. Les données du Lowdham’s report ne semblent pas entièrement compatibles avec les informations provenant des appendices du Seigneur des Anneaux. Nous ne connaissons cependant pas l’ampleur des changements que Tolkien aurait apportés à sa présentation de l’adûnaïque s’il avait cherché à en donner une version plus définitive.
’adûnaïque dérive des langues des peuplades humaines qui s’établirent sur l’île de Númenor au début du Deuxième Âge, et plus particulièrement de celle du peuple de Hador. Il semble que dans un passé lointain, les hommes aient été en contact avec le peuple des Nains et que leurs idiômes alors naissants aient été influencées par la langue de ces derniers12). Comme pour le khuzdul des Nains, le vocabulaire adûnaïque se base sur des racines consonantiques trilitères, ou parfois bilitères. Plus tard, l’influence des langues elfiques, en particulier du quenya et du sindarin, se fit aussi sentir13).
Au cours du Deuxième Âge, les Hommes de Númenor établirent plusieurs colonies en Terre du Milieu. Il s’y développa une langue véhiculaire mêlant l’adûnaïque aux langues locales, à l’origine destinée au commerce et à l’inter-compréhension avec les autochtones. Ce pidgin se répandit et évolua vers ce qui devint ensuite le « parler commun » de la Terre du Milieu, l’occidentalien14).
Après la submersion de l’île de Númenor, les Númenóriens en exil formèrent les royaumes de Gondor et d’Arnor en Terre du Milieu. L’adûnaïque disparut au profit du parler commun. On notera cependant que les habitants de Dol Amroth, qui étaient de souche númenórienne mais dont l’établissement en Terre du Mileu datait d’une colonisation antérieure, continuèrent apparemment à se donner des noms en adûnaïque15), même s’ils n’usaient plus probablement de cette langue au quotidien.