The History of the Hobbit - critique

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L'Arc et le Heaume n°2 - Les Animaux chez Tolkien.

L'Arc et le Heaume n°2 - Les Animaux chez Tolkien

Par Stéphanie Loubechine

Cet article concerne The History of the Hobbit

The History of the Hobbit de John D. Rateliff est une étude majeure sur la genèse de Bilbo le Hobbit, parue l’année des 70 ans de sa première édition. Les deux tomes, « Mr Baggins » et « Return to Bag-End », ont en effet été publiés en Angleterre en mai et juillet 2007.1)

John D. Rateliff est connu des rôlistes pour avoir travaillé pour les éditions TSR et Wizards (en particulier sur des suppléments pour Donjons & Dragons et L’Appel de Cthulhu), mais n’est pas non plus inconnu des tolkiendili. En tant que membre de la Mythopoeic Society, il a notamment contribué au Tolkien’s Legendarium, Essays on The History of Middle-earth de Verlyn Flieger et Carl F. Hostetter (2000) et au The Lord of the Rings 1954-2004, Scolarship in Honor of Richard E. Blackwelder de Wayne G. Hammond et Christina Scull (2006). Entré en contact avec la Tolkien Estate (TE) en 1981 pour travailler sur le recueil Songs for the Philologists (1936), il assiste dans les années 1980 Christopher Tolkien et Taum Santoski (connu pour ses études sur les langues inventées et les illustrations de Tolkien) dans leur travail sur The History of The Lord of the Rings. Il les aide à ordonner et à déchiffrer les manuscrits de J.R.R. Tolkien entreposés depuis 1957 à la bibliothèque de l’Université de Marquette – où il prépare et soutient son doctorat sur Lord Dunsany.

C’est en 1987 que la TE confie à J.D. Rateliff et à Taum Santoski la tâche de travailler sur les manuscrits du Hobbit également archivés à Marquette. Après le décès de ce dernier en 1991, J.D. Rateliff reprend seul le projet en 1992. La publication d’un ouvrage est annoncée dès 1993 par W.G. Hammond dans Tolkien: A Descriptive Bibliography. Mais il faudra attendre encore près de quinze ans avant que ne soit publié le résultat de ses recherches.

Divisé en deux tomes pour des raisons pratiques (car la pagination se poursuit entre le tome un et le tome deux), l’ouvrage présente les premiers brouillons de l’histoire de Bilbo. Mais il ne s’agit pas d’une simple compilation : les brouillons sont commentés, certes (remarques sur l’illisibilité de l’écriture de Tolkien, sur le papier utilisé qui permet d’établir une datation, sur la couleur du crayon…), mais surtout, pour chaque chapitre, Rateliff analyse certains points, approfondit des détails, élargit notre vision de The Hobbit. Ainsi sont étudiés les araignées, les loups, les papillons, les corbeaux, Beorn, Radagast, les Elfes d’Imladris et le Roi Thranduil, le vin du Dorwinion et les phases de la lune… Certains de ces sujets pourraient paraître de simples détails, mais Rateliff montre, en les analysant, tout le travail que Tolkien — qui n’a guère laissé de place au hasard dans ses choix — a pu faire dès les premiers jets de son histoire. Ainsi, le livre peut-être lu de plusieurs façons : en suivant le fil de la narration puis revenant sur les commentaires, ou en lisant le tout de façon linéaire. En tout les cas, la lecture se révélera enrichissante, et éclairante sur l’importance de ce que l’on considère trop souvent comme une petite préquelle au Grand Œuvre, de qualité moindre, et péniblement rattachée à la Terre du Milieu après le succès du Seigneur des Anneaux.

Car il n’y a plus de doutes à avoir : The Hobbit fait bien partie intégrante du Légendaire. Effectivement, Tolkien avait bien à l’esprit l’ensemble des histoires qui formeront plus tard le Silmarillion : dès le premier chapitre de l’histoire de Bilbo sont mentionnés Beren et Lúthien et leur combat contre Sauron. Si la référence a été supprimée par la suite, il n’en demeure pas moins que les récits épiques du Légendaire étaient connus dans le monde de Bilbo. De même, Tolkien laissa longtemps quelques indices dans le récit pouvant permettre d’affirmer que Thranduil serait en réalité Elu Thingol, réincarné et ayant changé de nom (avant d’abandonner l’idée, jugeant improbable que Thingol ait envie de revenir en Terre du Milieu après avoir perdu et sa fille, et sa femme, et son royaume). En abandonnant l’idée, il gomma aussi l’avidité de Thranduil, en en faisant l’image d’un roi sage et bon — et il transposa cette avidité sur Gandalf.2)

The History of The Hobbit présente aussi, outre tout le matériel inédit que constituent les brouillons, quelques cartes et illustrations encore inconnues du grand-public, de même qu’un fac-simile en tengwar de la lettre que Thorin et Compagnie laissèrent à Bilbo, un certain matin… Le premier tome de The History of The Hobbit va du départ de Thorin et compagnie jusqu’à leur arrivée à la ville du Lac ; le second depuis ce moment jusqu’à la fin de l’histoire. Le deuxième tome présente aussi la réécriture du chapitre sur Gollum en 1944/1947, ainsi que la réécriture, en 1960, des trois premiers chapitres (accompagnés qu’un calendrier et un itinéraire) du Hobbit dans le style du Seigneur des Anneaux — ce qui aurait donné lieu à une troisième édition si Tolkien l’avait terminée.

Quelques critiques — qui n’enlèvent rien au formidable travail effectué — peuvent cependant être faites. L’index, notamment, n’est pas de très bonne qualité : si Rateliff aborde bien le personnage de Radagast, par exemple, impossible de retrouver où à partir de l’index… D’autre part, il faut bien garder à l’esprit que les études fournies par Rateliff sont avant tout une base de travail, mais ne présentent pas toutes l’intégralité de ce qu’il y a à trouver ou à dire sur les sujets. Dans son compte-rendu, Jason Fisher3) relève par exemple quelques insuffisances sur l’étude au sujet des corbeaux : Rateliff se contente de trouver les noms « Carc » et « Roäc » onomatopéiques, alors qu’on peut lier les noms au Vieux Norois krakr « corbeau ou corneille » et hrokr « freux ». On peut regretter aussi qu’il n’y ait pas de bibliographie à proprement parler : les textes cités en référence ne sont indiqués que dans l’index, mêlés aux noms propres de personnages… Cependant, on peut apprécier que Rateliff n’hésite pas à citer des sources Internet au fil du texte.

Ces quelques bémols ne doivent cependant pas noircir le tableau : The History of the Hobbit peut figurer sans honte à côté de The History of Middle-Earth, et la masse de travail accomplie est remarquable. Un ouvrage que je ne peux que conseiller à ceux qui n’ont pas peur de lire 900 pages en anglais — d’autant moins que le style de Rateliff est fluide, et qu’il n’hésite pas à être humoristique.

Enfin, la lecture de The History of the Hobbit n’est pas substituable à celle du Annotated Hobbit : ce dernier s’attache aux changements depuis la première publication, alors que le premier s’intéresse aux changements avant la publication. Cette œuvre se trouve donc justement étudiée, et doublement mise en valeur.

Bibliographie

1) Un coffret collector est maintenant disponible, comprenant à la fois The History of the Hobbit et une nouvelle édition du Hobbit, avec un avant-propos de Christopher Tolkien, un texte corrigé et toutes les illustrations de Tolkien, dont une de Mirkwood assez rare.
2) Nom initial de Thorin. Le Magicien s’appelait alors Bladorthin, nom qui a ensuite été utilisé pour un roi mystérieux et passablement oublié.
3) FISHER Jason, The History of the Hobbit. Part One: Mr. Baggins; Part Two: Return To Bag-end, Mythlore, 22 mars 2008. (Consulté le 01.08.2008).
 
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