Måns Björkman — 2005—2006 traduit de l’anglais par Julien Mansencal |
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Articles de synthèse : Ces articles permettent d’avoir une vue d’ensemble du thème traité mais ils nécessitent une bonne connaissance des principales œuvres de J.R.R. Tolkien. |
l existe deux méthodes distinctes pour l’application de l’Usage général à la langue anglaise. La première méthode consiste à suivre l’orthographe utilisée avec l’alphabet latin, translittérant les nombreuses particularités de l’orthographe anglaise avec une fidélité correcte. L’autre consiste à reproduire chaque son de la langue parlée, chaque tengwa représentant un phonème anglais. Les deux méthodes sont parfois appelées orthographique et phonémique, et ce seront les termes employés ici.
Comme l’explique Tolkien, « il n’existait bien entendu aucun “mode” pour représenter la langue anglaise. Mais à partir du système fëanorien, il a été possible d’en déduire un, phonétiquement acceptable. Le bref exemple sur la page de titre1) ne constitue pas une tentative de cet ordre. Cela correspondrait plutôt à ce qu’aurait pu produire un homme du Gondor, hésitant entre les valeurs des lettres qui lui sont familières dans son “mode” et l’orthographe anglaise traditionnelle »2).
Puisque DTS 5 emploie une écriture orthographique, on peut supposer que c’est ce qu’utiliserait « un homme du Gondor », de façon générale. On peut remarquer que la langue maternelle du Gondor, le parler commun, utilisait apparemment une orthographe qui ne représentait pas toujours précisément la prononciation du Troisième Âge. « Of Dwarves and Men » nous apprend que le parler commun « avait été exprimé en caractères fëanoriens dès ses débuts », et que l’écriture en cirth « dépendait des usages déjà établis » en tengwar. Les Nains, qui préféraient les cirth, utilisaient une orthographe qui était volontairement « une transcription de l’orthographe courante du parler commun en termes runiques », mais cette transcription était souvent erronée, car de nombreux mots étaient orthographiés phonétiquement — « par exemple, les lettres qui avaient cessé d’avoir une fonction dans la prononciation populaire de la fin du Troisième Âge étaient parfois omises ». Il s’ensuit que l’orthographe usuelle et correcte – en tengwar – du parler commun comprenait des lettres qui n’étaient plus prononcées. Il s’agit d’un équivalent clair de ce que nous appelons ici « méthode orthographique ».
Si la méthode orthographique correspond à « ce qu’aurait pu produire un homme du Gondor », alors peut-être pouvons-nous supposer que la méthode phonémique, d’un autre côté, est « phonétiquement adaptée » en tant que mode spécialement conçu pour l’anglais ?
Les tehtar vocaliques sont placés sur le tengwa suivant dans DTS 10, 11 et 62. | |
Les tehtar vocaliques sont placés sur le tengwa précédent dans DTS 68. |
a règle de base de la méthode orthographique est que chaque tengwa ou tehta correspond à une lettre (ou séquence de lettres) spécifique de l’alphabet latin. Cependant, le système ne suit pas exactement l’orthographe latine sur certains points. Par exemple, les prononciations voisées de th et s ([ð] et [z]) sont distinguées de leurs équivalents sourds. En outre, le système diverge parfois de l’orthographe en faveur d’une représentation plus précise de la prononciation. Ainsi, le tehta pour i peut représenter la voyelle finale du mot history, et le tehta pour o représenter la voyelle du mot war.
a Figure 1 liste les tengwar et leurs équivalents de l’alphabet latin. Pour chaque tengwa transcrit, un mot au moins dans lequel cette lettre apparaît est cité. Les lettres latines qui correspondent au tengwa dans ces mots sont soulignées. Lorsque le tengwa représente un son spécifique, la prononciation du tengwa est indiquée entre crochets après sa transcription latine. Les transcriptions marquées d’un astérisque ne sont pas attestées.
Figure 1 : Les tengwar pour la méthode orthographique
a Figure 2 liste les marqueurs vocaliques utilisés. Au moins un mot dans lequel ce marqueur a été utilisé est indiqué pour chaque tehta transcrit. Les lettres latines qui correspondent au tehta dans ces mots sont soulignées.
Figure 2 : Les tehtar vocaliques pour la méthode orthographique
Notez que le point sous-jacent est utilisé pour indiquer un « e muet ». Dans DTS 10, les tehtar pour i et e sont inversés.
Les voyelles doubles en alphabet latin (c’est-à-dire, la même voyelle écrite deux fois) correspondent généralement à des tehtar vocaliques doublés. On ne connaît pas d’exemple d’usage du porteur long avec la méthode orthographique. Lorsque deux voyelles (différentes) se suivent en alphabet latin, elles peuvent être transcrites par deux tehtar consécutifs. La seconde voyelle peut également être représentée par un des tengwar listés dans la Figure 1.
Figure 3 : Les voyelles doubles pour la méthode orthographique
Les tehtar vocaliques sont placés sur le tengwa suivant dans DTS 36, 37, 47 et 56. | |
Les tehtar vocaliques sont placés sur le tengwa précédent dans DTS 39, 58 et 70. |
a méthode phonémique a l’inconvénient de réclamer une compréhension assez détaillée de la phonologie anglaise. C’est aussi la convention d’écriture la plus susceptible de varier entre les locuteurs des différents dialectes de l’anglais, la rendant plus difficile à comprendre pour le public général.
a Figure 4 liste les valeurs phoniques des tengwar pour la méthode phonémique anglaise. Pour chaque tengwa transcrit, un mot au moins dans lequel cette lettre apparaît est cité. Les lettres latines qui correspondent au tengwa dans ces mots sont soulignées. Les transcriptions marquées d’un astérisque ne sont pas attestées.
t return | p Spanish | *tʃ march | k king |
d deal | b backing | *dʒ just | *g gift |
*θ forth | f for | ʃ Spanish, nationalist | *x loch |
ð this | v Rivendell | ʒ azure | *ɣ |
n Spanish, return | m Yomo | nj new | ŋ king |
ɹ for, return | w shadows | j praise, Yomo | — |
r praise, return | — | l nationalist, deal | — |
s Spanish, nationalist | *s | *z | z praise |
*h | ʍ where | — | — |
Figure 4 : Les tengwar pour la méthode phonémique
a Figure 5 liste les marqueurs vocaliques utilisés. Au moins un mot dans lequel ce marqueur a été utilisé est indiqué pour chaque tehta transcrit. Les lettres latines qui correspondent au tehta dans ces mots sont soulignées.
Figure 5 : Les tehtar vocaliques pour la méthode phonémique
Les échantillons indiquent que les voyelles brèves inaccentuées étaient parfois ignorées. Ainsi, dans DTS 39, le o de for est ignoré, et dans DTS 58, il en en de même pour la deuxième voyelle de Rivendell.
Écriture alternative du « o » et voyelles longues dans la méthode phonémique
Dans DTS 36 et 37, la courbe ouverte vers l’avant est utilisée pour le o et non pour le u. Aucun u n’apparaît dans ces deux échantillons, mais il est probable qu’il aurait été écrit avec une courbe ouverte vers l’arrière.
Seules quelques voyelles longues apparaissent dans nos échantillons. L’unique /i:/ long attesté est écrit avec un porteur long. Un /u:/ long est indiqué par un tehta doublé. Les échantillons écrits avec d’autres modes et en d’autres langues suggèrent que le porteur long pouvait servir pour toutes les voyelles, mais que /u:/, /o:/ et /e:/ étaient souvent doublées à la place.
Les échantillons anglais écrits avec la méthode phonémique attestent les diphtongues /ej/, /aj/ et /ow/. On peut en déduire que les diphtongues pré-fermées antérieures (se terminant par /j/) s’écrivent avec un tehta vocalique et un anna, et que les diphtongues pré-fermées postérieures (se terminant par /w/) s’écrivent avec un tehta vocalique et un vala. On ignore comment pouvaient s’écrire les diphtongues centrales (se terminant par /ə/) ; elles ne jouaient sans doute par un rôle essentiel dans le dialecte anglais écrit en tengwar par Tolkien.
ne ligne horizontale placée au-dessus du tengwa indique qu’il est précédé d’une nasale de la même série. Une consonne double en alphabet latin est indiquée (uniquement dans la méthode orthographique) par une ligne placée sous la base du tengwa.
Un crochet placé sous le tengwa indique que la lettre est suivie d’un s. On peut indiquer qu’un w suit le tengwa à l’aide du tehta labial. Ce dernier est uniquement attesté dans le cadre de la méthode orthographique, mais on peut concevoir qu’il pourrait également servir pour la méthode phonémique.
es formes étendues de la troisième série servent parfois comme lettres variantes optionnelles. Les exemples attestés sont très rares, mais ces rares occurrences semblent suggérer que les formes étendues étaient privilégiées en début de mot.
Il existe des abréviations pour les mots anglais courants the [le/la/les], of [de], of the [du / de la] et and [et]. Les abréviations de the et of se basent sur les formes étendues de la quatrième série. Une barre sous le tengwa pour of signifie of the.
Dans DTS 36 et 37, le o de of est écrit. Il ne s’agit peut-être pas du tout d’une abréviation, mais plutôt de la forme étendue de ampa utilisée pour le son /v/. L’abréviation pour and s’écrit simplement en omettant le signe vocalique du mot. Dans l’Appendice E, Tolkien décrit l’abréviation avec le point sous-jacent comme représentant un and « inaccentué ».
En utilisant soit la méthode orthographique soit la méthode phonémique, il est possible d’écrire les textes anglais suivants :
Méthode orthographique | Méthode phonémique |
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« For the less even as for the greater there is some deed that he may accomplish but once only; and in that deed his heart shall rest. »3)
Fëanor, dans le « Quenta Silmarillion ».