Sur les Pas de Tolkien - Pierre Nicolay

SUR LES PAS DE TOLKIEN
Une nouvelle de Pierre Nicolay

J.R.R. Tolkien (© Pascal Legrand)

Une partie de ma famille est originaire d’une petite ville nommée Evesham, située dans la région des Midlands de l’Ouest qui porte le difficilement prononçable nom de « Worcestershire ». Le tout se trouve dans le pays du pudding et des soldats de rouge vêtu aux chapeaux en poils d’ours, j’ai nommé le Royaume-Uni.

Cela ne dura néanmoins point car, suite à un conflit d’une rare violence, mes grands-parents du côté paternel virent à claquer la porte de leurs maisons respectives pour voler de leurs propres ailes et aller s’implanter dans une ville plus grande : Birmingham. Celle-ci se trouve être actuellement la deuxième ville la plus peuplée des Royaumes Unis, c’est vous dire le changement !

Le commerce de tissus qu’ils avaient établi une fois installés sur place fonctionnant bien, ils payèrent de prestigieuses études à leur descendance, à savoir mon père, afin qu’elle réussisse dans la vie. Cet investissement fut à la hauteur de leurs espérances et même au delà : promu à un poste prestigieux en Afrique du Sud, il travailla dur et gagna beaucoup d’argent. Il en profita pour rencontrer ma Mère, elle aussi Britannique expatriée dans ce pays, et faire deux magnifiques enfants dont je fais humblement parti.

Une bagarre meurtrière entre blancs et noirs sous fond d’Apartheid emmena malheureusement mon père sur son passage, déferlant comme une vague plus sonnante encore que le bruit de leurs simulacres de trompettes remises récemment au goût du jour pour accompagner des manifestations, sportives ou syndicales. Suite à ce drame, ma mère retourna en Angleterre afin de garantir la sécurité de mon frère et de moi-même, s’installant chez mes grands-parents à Birmingham avant de s’implanter un peu en retrait de la ville dans le hameau qui marqua une grande partie de mon enfance.

Cette femme courageuse et dévouée éleva seule ses deux fils, ce qui ne fut pas une mince affaire. Elle m’apprit un tas de langues et langages et me fit lire de nombreux ouvrages de tous styles et genres confondus. Elle tenta de m’enseigner tout ce qu’elle savait, que ce soit en cuisine, couture, botanique ou encore dans le domaine du savoir être afin que je puisse me faire une idée de quelle voie serait la mienne. J’ose vous avouer que ces leçons me servent encore grandement aujourd’hui, bien plus d'ailleurs que toutes celles reçues par la suite. Elles jalonnent ma vie de souvenirs d’apprentissages fondés sur le bon sens et une parfaite maîtrise dans l’exécution de la fessée…

Je profitai de mes moments de temps libre pour faire de longues promenades et explorer les « contrées sauvages », laissant libre cours à mon imagination débordante d’enfant en quête d’aventures. Je connaissais par cœur les environs du hameau, des bois accueillent de mystérieuses cabanes secrètes construites avec quelques planches et clous volés aux champs et plaines qui étaient nos terrains de jeux à base de ballons, cerfs-volants et autres vélos filant comme des taureaux enragés.

Passé l’insouciante jeunesse, je continuai mes études dans une de ces écoles sévères mais justes et réussis à obtenir brillamment mes diplômes avant d’avoir à m’occuper de ma mère qui était tombée gravement malade. Ce fut une période difficile et douloureuse de ma vie, ponctuée d’angoisses et de peurs de perdre celle qui m’avait mis au monde. Malheureusement cette dernière ne se remit jamais de ses maux et mourut quelques années plus tard à la suite d’une longue et lente agonie. Avant de décéder, elle nous confia aux bons soins d’un homme avec lequel elle s’entendait très bien mais n’avait jamais osé se marier, étant restée fidèle à mon père par delà la mort. C’était un brave homme ayant le sens du devoir et fidèle à ses engagements. Il mit tout en œuvre pour que mon frère et moi-même puissions continuer nos études et réussir dans la vie, nous lui en sommes éternellement redevables…

C’est au cours de la poursuite de ces dernières que je rencontrai, lors d’une réunion de voisins, celle qui allait devenir ma femme quelques années plus tard. Je me fis également les amis les plus fidèles au monde et redécouvris le goût prononcé que m’avait donné ma génitrice pour la littérature et les poèmes, auxquels je m’exerçai alors en amateur pour mon plaisir et celui de mes rares lecteurs.

Au cours d’une soirée chez une amie, en discutant avec un fan de Tolkien et lui racontant le tumultueux passé de mes ancêtres, j’appris que mon histoire personnelle collait presque parfaitement avec celle du grand écrivain. C’était à croire que je marchai sur les pas de Tolkien et que je vivais une existence tellement similaire à la sienne que cela en devenait troublant.

Je demandai alors sur le ton de la plaisanterie à ce grand fan du célèbre auteur du Seigneur Des Anneaux et de Bilbo le Hobbit quelle serait la prochaine étape de ma vie. Etant donné que je suivais si bien celui qu’il désignait comme « Le Maître », mon existence devait logiquement être calquée sur celle de ce dernier. Sa réponse me mit très mal à l’aise, sans doute parce qu’elle était prononcée le plus sérieusement possible par l’amateur de l’auteur de Fantasy: la première guerre mondiale et l’engagement de Tolkien dans l’armée britannique…

C’est pourquoi, au moment où je vous parle, je me dépêche de rentrer chez moi en me rappelant tout ce qui a fait ce que je suis et ce qu’à pu me raconter cet homme sur la vie de Tolkien. J’ai pris précipitamment ma veste et m’en suis allé comme un voleur, me ruant vers mon logement au plus vite avec un très mauvais pressentiment, une boule au ventre et la sueur moite et froide de l’inquiétude perlant sur mon front. Ma vie était-elle réellement calquée sur celle de l’auteur ? Pas impossible… Mais il n’y a actuellement plus de guerre où envoyer des hommes… quoique …

C’est en enclenchant la messagerie du répondeur du téléphone que j’eus la désagréable nouvelle. Je m’étais engagé il y’a peu dans l’armée pour financer la suite de mes études. Un ami m’avait accompagné et fait de même. Ce dernier a eut le droit à un poste facile, véritable sinécure qui lui permettra sans doute de préparer sa future année scolaire.

Quant à moi, je partais pour une zone hautement conflictuelle d’Afrique…

Sans doute n’y avais-je pas passé assez de temps…

Après tout, c’est bien de là que venait Tolkien…

(Créé en Juin 2010 )

Annexes

 
arts/nouvelles/nicolay_pierre/sur_les_pas_de_tolkien.txt · Dernière modification: 06/04/2020 18:47 (modification externe)
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