Une lecture dumézilienne des surnoms de trois rois de la lignée de Durin

Éric Flieller - décembre 2008
Article théoriqueArticles théoriques : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs.

Tripartition organique, tripartition fonctionnelle

Dans le Rig Veda, l’un des plus anciens textes hindous, l’histoire de la création de la société est rapportée ainsi :

« Lorsque dieu créa l'homme,
Sa bouche devint le brahmane ;
De ses bras on fit le prince ;
Ses jambes ce sont les marchands ;
Le serviteur naquit de ses pieds. » 1)

Cette même origine divine apparaît dans l’épopée sanskrite du Mahābhārata :

« Visnu créa le jour et la nuit, les saisons, les nuages, la terre avec tout ce qu’elle comporte. De sa bouche, il créa cent brāhmanes [« prêtres »], de ses bras cent ksatriya [« guerriers »], de sa cuisse cent vaisya [« commerçants »] et de ses pieds cent sūdra [« serviteurs »]. » 2)

Lyrique ou épique, ces deux récits mettent en scène une tripartition organique des groupes sociaux à travers trois couples d’association : (i) prêtre/bouche, (ii) guerrier/bras, (iii) « producteur »/jambes (et pieds). Symbole de la tripartition fonctionnelle de la société hindoue antique, cette mise en scène souligne l’idéologie qui sous-tend son organisation, perçue comme une ré-partition du corps divin. Dans ce système de représentations où chaque groupe est lié par un contrat sacré, la tête est associée à la fonction sacerdotale et souveraine (I), les membres supérieurs à la force guerrière (II) et les membres inférieurs à la fécondité (III).

Si J.R.R. Tolkien ne connaissait pas la théorie de l’idéologie tripartite des sociétés indo-européennes de Georges Dumézil3), certains archétypes étudiés par ce dernier semblent notablement trouver un écho dans le Légendaire4). Ainsi pourrait-il en être du schème qui semble sous-tendre l’histoire « fonctionnelle » de trois rois Nains qui vécurent en Terre du Milieu à la fin du Troisième Âge et au début du Quatrième. De façon remarquable, une tripartition organique semble en effet ressortir de l’étude des surnoms de Thorin Écu-de-Chêne, Dáin Pied-d’Acier et Thorin Heaume-de-Pierre…

Trois surnoms organiques

Attribut donné et reçu, le surnom est « une appellation que l’entourage donne à une personne, d’une manière constante et publique : il n’est pas choisi par l’intéressé, mais lui est imposé par son milieu »5) . Recevoir un surnom, c’est donc être identifié à et par un groupe. Tolkien utilise ainsi plusieurs expressions qui rendent compte de cet axiome : Durin I fut dit par monts et par vaux l’« Immortel »6) , Gimli fut appelé « Ami-des-Elfes »7) et on raconte comment Thorin II gagna son surnom lors de la bataille d’Azanulbizar8).

Thorin Écu-de-Chêne

L’histoire du surnom de ce personnage est rapportée dans le texte « Le peuple de Durin », inséré dans l’Appendice A du Seigneur des Anneaux. Au cours de la Bataille d’Azanulbizar (2799 T.A.), son bouclier ayant été détruit, Thorin s’empara d’une branche de chêne pour se défendre et s’en servir comme d’une massue contre ses ennemis. L’appellation « Écu-de-Chêne » (Oakenshield), qui apparaît dans Bilbo le Hobbit, reflète ainsi cet exploit guerrier, fondateur d’une partie de son identité. D’un point de vue externe, le surnom de Thorin vient du vieil islandais Eikinskjaldi. Nom d’un nain du Dvergatal9), il signifierait « À l’écu de chêne ». Une autre traduction propose « Celui qui fait rage avec un bouclier »10). Or, si son nom, également issu du Dvergatal, signifie « Celui qui ose », il est parfois traduit par « Taureau »11) – cet animal étant perçu par Hésiode comme une « bête altière à la fougue indomptable »12). Tolkien a-t-il joué sur cette double signification du nom et du surnom de Thorin Écu-de-Chêne pour souligner en filigrane le courage de ce personnage ? Au regard de son goût pour les jeux philologiques, il est permis de le penser. Quoi qu’il en soit, la massue caractérise les guerriers à la force (de bras) redoutable dans de nombreux mythes indo-européens.

A la différence de Thorin, l’origine des surnoms de Dáin et de son fils n’est rapportée dans aucun récit. Seules quelques hypothèses peuvent donc être formulées.

Dáin Pied-d’Acier

Apparaissant également dans Bilbo le Hobbit et dans « Le Peuple de Durin », Dáin est un grand guerrier qui a combattu aux côtés de Thorin Écu-de-Chêne à la Bataille d’Azanulbizar et à la Bataille des Cinq Armées (2941 T.A.)13). Venant des Monts-de-Fer situés loin à l’est de la Montagne Solitaire et plus encore des Monts Brumeux, son armée survient à chaque fois sur le champ de bataille après une marche forcée. Son surnom « Pied-d’Acier » (Ironfoot) soulignerait-il ainsi l’endurance dont il faut faire preuve pour arriver au terme de ces épuisantes manœuvres ? Plus prosaïquement, son surnom pourrait toutefois évoquer une version « martiale » des fameuses bottes de Nains, bien utiles par temps boueux. Son surnom évoquerait-il alors le soleret, pièce d’armure inventée au XIIIe siècle qui protégeait le pied des chevaliers14)? Quoi qu'il en soit, nous savons que les Nains de Dáin sont chaussés de fer, leurs jambes étant « recouvertes de chausses faites de mailles d'un métal fin et flexible »15). D’un point de vue externe, le surnom de Dáin ne semble pas être, a priori, une traduction du vieil islandais. Cependant, son nom, également tiré du Dvergatal, signifie « Trépassé ». Or, depuis l'Antiquité tardive, il était de coutume dans certaines régions du nord de l’Europe de mettre aux pieds des morts des chausses en fer car l’on craignait de les voir revenir dans le monde des vivants16) . Gageons que Tolkien a su jouer de la signification de l’étymologie du nom de Dáin et de sa connaissance de la matière nord-germanique pour lui inventer un surnom qui soit porteur d’un sens philologique. Peut-être a-t-il fait de même pour celui de Thorin III ?

Thorin Heaume-de-Pierre

Seule la « Chronologie des Jours Anciens » de l’Appendice B du Seigneur des Anneaux rapporte quelques bribes de l’histoire de ce personnage, là encore principalement liés à des faits d’armes. C’est en effet dans le cadre de la Guerre de l’Anneau (3019 T.A.) que Thorin Heaume-de-Pierre est cité pour sa lutte héroïque face aux armées des Orientaux alliées de Sauron qui envahissent le Rhovanion septentrional au mois de mars. Décidant de se replier dans la cité d’Erebor après la mort de son père Dáin Pied-d’Acier, il résiste vaillamment aux assiégeants et mène une sortie victorieuse deux jours après la chute du Seigneur Ténébreux. À n’en pas douter, c’est suite à ces événements que Thorin gagna son surnom de « Heaume-de-Pierre » (Stonehelm). Refléterait-il alors ses choix tactiques durant la Bataille de Dale ? D’un point de vue externe, son surnom peut en effet être hypothétiquement rapproché du mot vieil islandais hjálmstofn qui apparaît dans certaines sagas17). Signifiant littéralement « tête », il se compose des éléments hjálm « heaume » et stofn dont l’un des sens convoie l'idée de fondation (notamment en pierres) et se retrouve dans l'expression standa á sterkum stofni « tenir fermement sur ses jambes »18). Ce très hypothétique lien étymologique entre le surnom de Thorin et ce terme poétique pourrait ainsi souligner le rôle stratégique de ce personnage lors de la Bataille de Dale où il a, pour ainsi dire, « tenu fermement » face à ses ennemis. En stoppant l’avancée des Orientaux, Thorin Heaume-de-Pierre a en effet contré les plans de Sauron qui souhaitait ouvrir un second front contre le royaume du Gondor.

Formant une tripartition organique, chacun des surnoms de ces trois personnages semble donc renvoyer à une partie du corps : (i) « Écu-de-Chêne » aux membres supérieurs, (ii) « Pied-d’Acier » aux membres inférieurs et (iii) « Heaume-de-Pierre » à la tête. « Signe qui sert à organiser cognitivement les individus, [qui] informe sur les comportements et les attitudes de chacun, et en même temps […] renseigne sur les formes de sensibilité et les valeurs du groupe »19) , le surnom est souvent le reflet d’un métier, d’une particularité physique, d’un trait de caractère ou d’un acte exceptionnel imputé à l’individu qui le porte. Ainsi, les deux Thorin et Dáin ont certainement reçu leurs surnoms en raison de leurs exploits guerriers (et assimilés). De fait, ces trois personnages sont de grands guerriers, deux d’entre eux ayant survécu au massacre d’Azanulbizar.

Mais cette tripartition organique de leurs surnoms a-t-elle pour autant une quelconque cohérence « trifonctionnelle » interne ? En effet, associés à la deuxième fonction, ces trois chefs de guerre appartiennent par ailleurs à la lignée de Durin et deviennent successivement souverains du royaume d’Erebor. Ils relèvent donc également de la première fonction. Si « le patronyme [est] le reflet de la personnalité et parfois du destin de l’être qui le port[e] »20), ce système onomastique pourrait-il par conséquent éclairer un tant soit peu l’histoire de la royauté de la Maison de Durin à la fin du Troisième Âge et au début du Quatrième ?

Figures du roi et règnes fonctionnels

Dans les sociétés indo-européennes, la souveraineté est souvent double : une face magique et terrible, une autre juridique et pieuse. Elles sont illustrées par les deux figures du roi : le roi gouvernant, lié à la guerre, et le roi prêtre, associé à la paix. Dans les deux cas, le roi peut être extérieur à la structure trifonctionnelle, ou bien être le plus éminent représentant de la première fonction, ou encore être un mélange variable d’éléments pris aux trois fonctions, notamment à la seconde21). Forgés dans la guerre, les règnes de Thorin II, Dáin I et Thorin III illustrent-ils alors des périodes fonctionnelles particulières, comme l’exprimerait la tripartition organique de leurs surnoms ?

Le règne de Thorin Écu-de-Chêne semble lié à la seconde fonction. Une lecture dumézilienne de son implication dans la quête d’Erebor22) montre dans quelles circonstances il commet un péché à chaque niveau de la hiérarchie fonctionnelle, évoquant le thème dumézilien des « heurs et malheurs du guerrier »23). Dans sa version romaine, liée à l’histoire de l’étrusque Lucius Tarquin, ce thème est associé au « péché du roi », la superbia, l’orgueil du souverain24). Or, les deux niveaux fonctionnels de la hiérarchie sociale entretenant des rapports étroits, « autant et plus que le rex, [c’est] le dux qui va s’engager dans la série de péchés »25). Une fois le trône d’Erebor reconquis, la geste de Thorin se transforme ainsi en violentes manifestations d’orgueil souverain26). Guidé par « l’héroïsme de l’orgueil et de la volonté »27), il commet des actes qui conduisent son peuple au seuil d’une guerre inique contre les Hommes et les Elfes. De fait, Thorin « ne [fait] pas bien splendide figure comme Roi sous la Montagne »28). Il tente toutefois d’expier ses fautes par un dernier fait d’armes lors de la Bataille des Cinq Armées où il finit par trouver la mort, menant au couronnement de son cousin.

Le règne de Dáin Pied-d’Acier semble plutôt associé à la troisième fonction, notamment à la fertilité. Il vient en effet à la Bataille des Cinq Armées à la tête d’une troupe forte de cinq cents guerriers – ce qui est un nombre relativement important au regard de la faible démographie des Longues-Barbes. Les Monts-de-Fer sont par ailleurs réputés pour la richesse de leurs minerais, notamment ferreux. Devenu roi d’Erebor, il fait également preuve de largesse en redistribuant une partie du trésor de la Montagne Solitaire aux Hommes de la région qui devient de nouveau riche et fertile. Si son règne est marqué par la paix et la prospérité, il meurt toutefois en raison d’un excès d’héroïsme durant la Bataille de Dale. Il défend en effet le corps du roi Brand tombé au combat devant les Portes d’Erebor, au lieu de se réfugier dans le Royaume sous la Montagne, comme le fait plus sagement son fils.

Le règne de Thorin Heaume-de-Pierre apparaît ainsi lié à la première fonction, plus spécifiquement dans son rapport à la souveraineté. En effet, à la différence de Dáin Pied-d’Acier (mais aussi de Thorin Écu-de-Chêne), il fait non seulement preuve de bravoure (« fortitudo ») mais aussi de sagesse (« sapientia »)29) lors de la Bataille de Dale, ses choix tactiques menant à la déroute des armées orientales. De fait, il apparaît en rupture avec son père et son grand cousin qui, par orgueil ou excès, agissent inconsidérément au regard des responsabilités qui sont les leurs en tant que rois. Thorin III est cependant lui-même associé à la guerre, accédant au trône dans des circonstances violentes et tragiques. Après la défaite des Orientaux, il réaffirme toutefois son lien particulier avec la première fonction en envoyant une ambassade au couronnement d’Elessar en signe d’amitié politique. Il devient alors le vassal du Roi d’Occident, son royaume entretenant de bonnes relations avec celui du Gondor.

La succession de ces trois rois gouvernants se conclurait donc par le règne d’un souverain lié à la plus haute fonction dans la hiérarchie tripartite indo-européenne. Cette tripartition fonctionnelle dans le temps attachée au trône du royaume d’Erebor n’est pas sans évoquer l’histoire des origines de la fondation de Rome étudiée par Dumézil. Perçue par les Romains comme une croissance régulière en quatre temps, la première période de la « carrière » de Rome voit se succéder quatre rois liés chacun à une fonction répondant au besoin du moment. Ce système conduit au synécisme de Rome, c’est-à-dire à la constitution d’une société complète et unitaire : « le synécisme [a] pour résultat de constituer une société propriétaire d’une promesse spéciale du plus grand dieu et pleine de vaillance, […] mais aussi riche et féconde »30). Dans le cadre de l’histoire des rois de la lignée de Durin, ce processus préfigurerait-il une royauté « complète » avec l’avènement d’un roi prêtre ?

Royauté en Terre du Milieu et règne de(s) Durin

Une crise du politique semble se cristalliser en Terre du Milieu autour de la figure du chef, et plus particulièrement du roi, dont la faillite serait notamment le résultat de son hybris31). L’excès ou l’orgueil caractériseraient ainsi des personnages comme Thingol dans Le Silmarillion ou Denethor dans Le Seigneur des Anneaux. À ce premier type de souverain, largement représenté dans les écrits fictionnels (et critiques) de Tolkien, s’oppose un autre genre de roi qu’incarne Elessar, à la fois roi guerrier et « chef religieux ». À l’instar de la figure royale du Moyen Âge, il incarne en effet la relation entre le roi et la divinité, notamment dans son rapport à la religion. La figure du roi est donc double en Terre du Milieu, comme dans plusieurs sociétés indo-européennes. C’est ce qu’exprime Tolkien quand il écrit à propos d’Elessar : « On peut présumer qu’avec le renouveau de la lignée des rois-prêtres […], le culte de Dieu allait renaître »32).

C’est ce rapport au divin que semble également exprimer l’histoire des règnes des différents Durin. Certaines légendes des Nains, notamment celles des Longues-Barbes, rapportent en effet que les sept Pères se réincarneront à six reprises au cours des différents âges de la Terre du Milieu :

« Les Nains affirmaient que les esprits des Sept Pères de leurs races renaissaient de temps en temps parmi leurs progénitures. C’était en particulier le cas de la race des Longues-Barbes dont le premier ancêtre s’appelait Durin, un nom qui fut repris à intervalles réguliers par l’un de ses descendants, seulement et uniquement par ceux qui descendaient en ligne directe de Durin I. […] De ces Durin, les Nains rapportaient qu’ils retenaient la mémoire de leurs anciennes vies de Rois, aussi naturellement réelle et incomplète que s’il s’agissait des années consécutives de la vie d’une seule personne. »33)

Chaque Durin, dont le nom signifie « roi »34), conserverait ainsi en mémoire certains souvenirs de ses prédécesseurs remontant jusqu’à l’Aîné, conçu par Aulë. De fait, le règne d’un Durin semble se caractériser par un rapport particulier au divin, faisant de ce souverain un probable représentant de la royauté sacrée. Il correspond en effet à une période particulièrement faste dans l’histoire des Longues-Barbes – même s’il ne s’achève pas toujours de façon heureuse comme dans le cas de Durin VI, tué par le Balrog de la Moria (1980 T.A.). Né au Quatrième Âge, Durin VII serait peut-être ainsi retourné à Khazad-dûm, la cité fondée par le premier Durin : « Et il y eut de nouveau de la lumière dans les salles profondes, et le tintement des marteaux et le son des harpes, jusqu’à ce que le monde devienne vieux et que les Nains dépérissent et que les jours de la race de Durin s’achèvent »35).

Tolkien aurait-il un temps envisagé la « tripartition fonctionnelle » du règne successif des trois souverains du royaume d’Erebor comme la condition du synécisme de la fonction royale de la Maison des Longues-Barbes au Quatrième Âge ? Dans la deuxième copie du brouillon de l’arbre généalogique du « Peuple de Durin », Tolkien décide en effet de faire de Durin VII le fils de Thorin III36). Or, les surnoms « Heaume-de-Pierre » et « Pied-d’Acier » apparaissent également dans cette version : une succession de trois rois gouvernants, dont les règnes sont marqués par leur rapport particulier à une fonction, conduit ainsi à l’accession à la royauté du dernier Durin. Avec l’introduction de la filiation directe entre Thorin III et Durin VII, les conditions d’un ultime cycle « trifonctionnel » semblent donc réunies, marqué par l’avènement d’un dernier roi prêtre à la tête du peuple des Longues-Barbes. Si dans Le Seigneur des Anneaux, Thorin III n’apparaît plus comme le père de Durin VII, cette idée semble toutefois demeurer sous-jacente : dans l’arbre généalogique publié, des pointillés séparent ces deux personnages37), comme si les blancs laissés entre Thorin III et Durin VII n’avaient que peu d’importance38)

Des surnoms porteurs de sens ?

Cette lecture de l’histoire de la royauté de la lignée de Durin à la fin du Troisième Âge et au début du Quatrième est à prendre pour ce qu’elle est : un simple « jeu de l’esprit ». Avec pour seul plaisir la comparaison de certains aspects de l’œuvres foisonnante de ces deux grands philologues du XXe siècle (qui ont puisé une partie de leur inspiration dans les mêmes textes), d’aucuns pourront trouver les hypothèses avancées dans ces quelques lignes bien hasardeuses. On peut néanmoins se demander si nous sommes si loin que ça d’une certaine « vérité ». L’introduction des surnoms de Dáin II et de Thorin III dans la seconde version préparatoire de l’arbre généalogique de la lignée de Durin montre en effet la volonté de Tolkien d'imprimer en filigrane une cohérence interne, si ce n’est une profondeur historique, à une lignée de rois Nains dont l'histoire se résume pour beaucoup à un simple nom – à l’image de celle de Durin VII. De fait, à l’instar des prénoms des Hobbits, les surnoms des rois d’Erebor « n[’ont] pas [été] choisis au hasard et forment, à leur façon, une pierre supplémentaire au complexe édifice qu’est le « monde secondaire » imaginé par J.R.R. Tolkien »39).

Voir aussi sur Tolkiendil

1) The Rig Veda, traduction de Ralph T.H. Griffith. En ligne sur le site The Internet Sacred Text Archive : http://www.sacred-texts.com/hin/rigveda/index.htm (page consultée le 06 février 2008).
2) The Mahabharata, traduction de William Buck. En ligne sur le site Geocities : http://www.geocities.com/Tokyo/Bridge/1771/Desh/Mb/mb.html (page consultée le 06 février 2008).
3) Cf. Laurent ALIBERT, Imaginaire médiéval et mythologique dans l'œuvre de Tolkien, Mémoire de maîtrise, sous la direction d’Anne STRUBEL, Paris X – Nanterre, 2002. En ligne sur le site JRRVF : http://www.jrrvf.com/essais/imaginaire/introduction.html (page consultée le 21 décembre 2008). Du même auteur : « L’influence indo-européenne en Arda et ses limites », in Vincent FERRÉ (sous la direction de), Tolkien, Trente ans après (1973-2003), Paris, Christian Bourgois Éditeur, 2004, 393 p., p. 117-136. Sur Georges DUMÉZIL, cf. la page du site Wikipedia qui lui est consacrée : http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Dum%C3%A9zil (page consultée le 04 janvier 2009).
4) Lire par exemple l’article de Jean CHAUSSE sur les Heurs et Malheurs de Túrin. En ligne sur le site JRRVF : http://www.jrrvf.com/essais/dumezil.html (page consultée le 21 décembre 2008).
5) Philippe MALAURIE, Les Personnes, les incapacités, Paris, Répertoire Defrénois, 2005 (2e édition), 330 p., p. 33.
6) « There he lived so long that he was known far and wide as Durin the Deathless », cf. « Durin’s Folk », in J.R.R. TOLKIEN, The Lord of the Rings, 50th Anniversary Edition, London, HarperCollins Publishers, 2005 [1954-1955], viii-xxv, 1 178 p., p. 1 071. Désormais abrégé LoR.
7) « He was named Elf-friend because of the great love that grew between him and Legolas, son of King Thranduil, and because of his reverence for the Lady Galadriel », LoR, p. 1 080.
8) « It is said that Thorin's shield was cloven and he cast it away and he hewed off with his axe a branch of an oak and held it in his left hand to ward off the strokes of his foes, or to wield as a club. In this way he got his name », LoR, p. 1 074, note 1.
9) « Liste des Nains » qui apparaît dans la Voluspa, récit cité par Snorri Sturluson dans la Gylfaginning, cf., L’Edda, Récits de mythologie nordique par Snorri Sturluson, traduit du vieil islandais, introduit et annoté par François-Xavier DILLMANN, Paris, Gallimard, « L’aube des peuples », 1991, 231 p.
10) Hans M.E. ROSS, Norsk Ordbog, Tillaeg til « Norsk Ordbog » af Ivar Aasen, Kristiania, Cammermeyer, 1895, 997 p., entrée « eikja ». Document de l’auteur.
11) Lotte MOTZ, « New Thoughts on Dwarf-Names in Old Icelandic », Frümittelalterliche Studien, n°7, 1973, p. 100-117. Document de l’auteur.
12) HÉSIODE, Théogonie, Les Travaux et les Jours, Le Bouclier, texte établi et traduit par Paul MAZON, Paris, Les Belles Lettres, 1986 [1928], 158 p., v. 832.
13) Dáin Pied-d’Acier peut même être considéré comme le parangon de la jeunesse guerrière, puisqu’il n’est âgé que de 32 ans à la bataille d’Azanulbizar (alors que Thorin en a 53). Il y accomplit un haut fait d’armes en tuant en combat singulier Azog, le chef des Orcs des Monts Brumeux et père de Bolg, qu’affrontera Thorin à l’âge de 195 ans.
14) Quant à l’hypothèse d’une prothèse en acier, elle n’est pas convaincante : rien n’est dit d’une éventuelle amputation d’un membre de Dáin – à la différence de Thráin qui devient borgne suite à Azanulbizar.
15) J.R.R. TOLKIEN, Bilbo le Hobbit, traduit de l’anglais par Francis LEDOUX, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 1995 [1969], 309 p., p. 282. Merci à Vivien Stocker, alias Druss, d'avoir attiré notre attention sur ce détail qui nous avait jusqu'alors échappé.
16) Claude LECOUTEUX, Fantômes et revenants au Moyen Âge, Paris, Imago, 1996, ii-x, 253 p., p. 38-40.
17) Hymiskviða, Krákumál, Lausavísur et Sturlunga saga.
18) En ligne sur le site Germanic Lexicon Project : http://lexicon.ff.cuni.cz/corrections/txt/cv_b0595.txt (page consultée le 07 février 2008).
19) Françoise ZONABEND, « Pourquoi nommer ? (Les noms de personnes dans un village français : Minot-en-Châtillonnais) », in Claude LÉVI-STRAUSS, L’identité, Paris, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2000 (1983), 344 p., p. 257-286.
20) Jean-Rodolphe TURLIN, « Les prénoms des HobbitsComment Tolkien déclinait ses talents de poète jusque dans l’onomastique »
21) Georges DUMÉZIL, Mythes et dieux des Indo-Européens, Paris, Flammarion, coll. « Champs-L’Essentiel », 1992, 319 p., p. 113.
22) Cette quête a pour objectifs de tirer vengeance de la mort de Smaug et de récupérer le trésor de la Montagne Solitaire – mais aussi, par conséquence, de restaurer le royaume d’Erebor.
23) Lire à ce sujet notre Heurs et Malheurs de Thorin Écu-de-Chêne. En ligne sur le site Chroniques de Chant-de-Fer : http://chroniqueschantdefer.free.fr/v4_universite/thorin_plan.php (page consultée le 10 février 2008).
24) Georges DUMÉZIL, Heur et malheur du guerrier, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2e édition remaniée, 1985 [1969], 236 p., p. 105.
25) Ibid., p. 108.
26) Tout d’abord, en refusant de redistribuer le trésor de la Montagne Solitaire, il rompt les règles de la fertilité qui assuraient les échanges entre son ancêtre le roi Thrór et les Rois de Dale (III). Ensuite, il pêche contre l’éthique attachée à la morale (tacite) entre belligérants en substituant la surprise aux moyens directs de l’idéal guerrier lors des pourparlers avec les Hommes et les Elfes (II). Enfin, il enfreint l’ordre du droit lorsqu’il renie les serments échangés et contractualisés avec Bilbo en refusant de verser au Hobbit la part des bénéfices qui lui revient sur le trésor (I).
27) J.R.R. TOLKIEN, Faërie et autres textes, traduit de l’anglais par Francis LEDOUX, Elen RIOT, Dashiell HEDAYAT et Céline LEROY, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 2003 [1974], 431 p., p. 44.
28) J.R.R. TOLKIEN, Bilbo le Hobbit, op. cit., p. 281.
29) Pour une étude de ces deux termes, voir le mémoire de David LEDANOIS, « La Guerre dans The Lord of the Rings ». En ligne sur le site JRRVF : http://www.jrrvf.com/articles/Guerre_SdA/Guerre_SdA.html (page consultée le 10 février 2008).
30) Georges DUMÉZIL, Mythes et dieux des Indo-Européens, op. cit., p. 64.
31) Vincent FERRÉ, « Tolkien, retour et déroute du roi : lectures politiques d’Arthur », in Anne BESSON (sous la direction de), Le roi Arthur, au miroir du temps. La légende dans l’histoire et ses réécritures contemporaines, Dinan, Terre de Brume, 2007, 239 p., p. 83-105.
32) J.R.R. TOLKIEN, Lettres, Édition et sélection de Humphrey CARPENTER avec l’assistance de Christopher TOLKIEN, Traduit de l’anglais par Delphine MARTIN et Vincent FERRÉ, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 2005, 710 p. , lettre 156, p. 293.
33) « For the Dwarves asserted that the spirits of the Seven Fathers of their races were from time to time reborn in their kindreds. This was notably the case in the race of the Longbeards whose ultimate forefather was called Durin, a name which was taken at intervals by one of his descendants, but by no others but those in a direct line of descent from Durin I. […] Of these Durins the Dwarves reported that they retained memory of their former lives as Kings, as real, and yet naturally as incomplete, as if they had been consecutive years of life in one person », in J.R.R. TOLKIEN, The History of Middle-earth, volume 12, The Peoples of Middle-earth, Edited by Christopher TOLKIEN, London, HarperCollins Publishers, 2002 [1996], vi-xiii, 482 p., p. 382-383. Désormais abrégé HoMe 12.
34) « It [Durin] appears to have been simply a word for ‘king’ in the language of the Men of the North of the Second Age », HoMe 12, p. 304.
35) « [A]nd there was light again in deep places, and the ringing of hammers and the harping of harps, until the world grew old and the Dwarves failed and the days of Durin’s race were ended », HoMe 12, p. 278.
36) HoMe 12, p. 277, sqq.
37) Par un curieux hasard, la version française de ce tableau comporte une bien surprenante coquille : la filiation directe entre Thorin III et Durin VII y est rétablie !
38) Une autre trace de la conservation de cette idée subsiste peut-être dans cette phrase : « Quand Dáin Pied-d’Acier devint roi en 2941 du Troisième Âge (après la Bataille des Cinq Armées), il fut prophétisé (par les Nains) que dans sa lignée directe apparaîtrait un jour un Durin VII – qui serait le dernier » » (« It was prophesied (by the Dwarves), when Dáin Ironfoot took the kingship in Third Age 2941 (after the Battle of Five Armies), that in his direct line there would one day appear a Durin VII - but he would be the last »), HoMe 12, p. 383.
39) Jean-Rodolphe TURLIN, op. cit.
 
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