À l'occasion du centenaire de la Première Guerre Mondiale, en partenariat avec le site JRRVF, nous vous proposons de suivre au jour le jour, le parcours de Tolkien et ses amis sur le front de la Somme, en nous basant principalement sur l'ouvrage Tolkien et la Grande Guerre de John Garth et le volume Chronology du Companion and Guide de Hammond & Scull, ainsi que sur diverses autres biographies publiées en français et anglais. L’article est agrémenté d'images d'illustrations d'époque.
En complément de cet article, vous pouvez utiliser la Carte biographique de J.R.R. Tolkien, où sont indiqués les lieux de passage de Tolkien en France.
Le vendredi 2 juin 1916, Tolkien, alors posté au camp d'entrainement de Cannock Chase dans le Staffordshire, reçoit un télégramme de sa hiérarchie l'informant de sa mobilisation prochaine sur le Front et lui demandant de se présenter à l'officier d'embarquement le 5 juin. Avant d'embarquer, il lui est accordé deux jours de permission qu'il passera avec sa femme Edith. (TGG, p. 147) Ci-dessous, des extraits de son dossier d'engagement en juin 1915 tiré des Archives Nationales Britanniques.
Extraits du dossier d'engagement de Tolkien daté de juin 1915 — Photographies tirées des Archives Nationales Britanniques
Le samedi 3 juin 1916, Tolkien quittait seul le camp de Cannock Chase. Avec sa femme Edith, ils retournent à Birmingham pour passer leurs deux derniers jours ensemble avant longtemps. (Tolkien et la Grande Guerre, p. 147)
En fin de journée, le dimanche 4 juin 1916, Tolkien prenait le train depuis Birmingham pour Londres. Cette fois, il partait pour de bon à la guerre. Se séparer de sa femme fut « comme une mort ». (Tolkien et la Grande Guerre, p. 148)
Le lundi 5 juin 1916, Tolkien embarque dans un train depuis Londres, direction la ville côtière de Folkestone. À son arrivée, il se présente à l'officier d'embarquement et apprend que son départ est prévu le lendemain matin. Il passe la nuit à Folkestone (Tolkien et la Grande Guerre, p. 153).
Des troupes britanniques sur le départ au port de Folkestone — Photographie tirée du site WW1 Centennial Network.
Le mardi 6 juin 1916, Tolkien embarque à Folkestone et traverse la Manche jusqu'à Calais en France. À son débarquement, il est envoyé au camp n°32 de la ville d'Étaples où il est assigné au régiment du 11th Lancashire Fusiliers.
Par manque de chance, son équipement de soldat se perd durant la traversée, ce qui l'oblige à s'en recréer un en urgence. Le même jour, non loin de là sur le front, son ami Rob Gilson s'accorde une pause en dessinant son bataillon, tandis que Christopher Wiseman, engagé dans la Marine, est en mission dans les Orcades et que G.B. Smith est posté à quelques kms, quelque part en Picardie (Tolkien et la Grande Guerre, p. 153-154).
J.R.R. Tolkien en uniforme vers 1916.
Le 7 juin 1916, Tolkien passe du camp n°32 au camp n°25 d'Étaples. Il y séjournera et s'entraînera jusqu'au 27/28 juin. C'est durant cette période qu'il apprendra à respecter les secondes classes et les ordonnances qui lui inspireront le personnage de Sam dans Le Seigneur des Anneaux.
Lire l'article Sam Gamegie et les ordonnances de Tolkien de John Garth.
Le camp britannique d'Étaples, le 25 juin 1916.
Photographie tirée de la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine.
Fonds des albums Valois
Département du Pas-de-Calais - Volume 29 (VAL 311) [CC-BY-NC-SA]
Les soldats britanniques engagés comme Tolkien dans la Grande Guerre, portaient tous l'uniforme “1914 Pattern Leather Equipment”. Parmi les éléments indispensables du “Tommy”, se trouvent le fusil à baïonnette Lee-Enfield, le revolver Webley .455 Mark 6 (ci-dessous, celui ayant appartenu à Tolkien), le casque Brodie plat en métal, les masques à gaz et une pelle pour creuser une tranchée. Tolkien, en tant que responsable des transmissions devait également porter le matériel de communication, comme un téléphone ou des lampes de signalisation.
(1) Soldat britannique équipé, 1915 — © Catalogue des Archives Nationales britanniques ref: ZPER 34/146.
(2) Un deuxième classe des Royal Fusiliers, 1916 — © Paul Reed - Photographie tirée du site Battlefields1418.
(3) Revolver Webley .455 Mark 6 ayant appartenu à Tolkien. — © IWM (FIR 11492).
(4) Équipement de communication filaire britannique, avec téléphone portable D Mark 111 — © IWM (COM 581).
(5) Équipement de signalisation visuelle britannique, lampe à signaux Mark 2 — © IWM (COM 10).
À Étaples, Tolkien ressent vite le mal du pays. Bientôt, cela lui inspire le poème Tol Eressea, L’Île Solitaire, poème qu’il dédie à son pays.
Ô île chatoyante esseulée ourlée d’océan […]
Au fond des terres désolées et à l’écart dans l’obscurité
Tu me manques, toi et ta belle citadelle,
Où l’écho d’une cloche sonne le soir par-delà les ormes lumineux :
Ô île solitaire, étincelante, adieu !
— Tolkien et la Grande Guerre, p. 154
Troupes britanniques prêtes à débarquer à Étaples — © IWM (Q 33300).
Pour Tolkien, comme pour beaucoup de troupes britanniques, le mois de juin 1916 est synonyme d’attente. Chacun sent que la Grande Offensive approche et ce temps est mis à contribution pour l’inspection et l’entraînement des troupes. À Étaples, dans le Bull Ring, une arène d’entraînement, les troupes sont formées à la charge à la baïonnette et à la pratique du fusil. C’est également une période de repos pour les bataillons non engagés, qui en profitent pour se détendre en pratiquant des sports ou autres activités.
(1) Troupes britanniques prêtes à l’inspection de leur équipement — © IWM (Q 4026).
(2) Troupes britanniques s’entraînant au tir dans le Bull Ring près d’Étaples — © IWM (Q 33332)
(3) Troupes britanniques s’entraînant à la charge à la baïonnette dans le Bull Ring près d’Étaples — © IWM (Q 33331)
(4) Troupes britanniques jouant un match de football près de Bouzincourt — © IWM (Q 1109)
Communication et transmissions sont les clés de la réussite d’une opération militaire. Pendant la première guerre mondiale, les systèmes en place sont toutefois relativement peu efficaces. Pour un officier de communication comme Tolkien (mission pour laquelle il a été formé pendant ses classes au 13th Lancashire, puis qu’il occupe sur le terrain avec le 11th Lancashire à partir du 21 juillet 1916), les outils à disposition varient des plus sophistiqués (téléphones et télégraphes filaires, postes à galène), au plus rudimentaires (panneaux, fanions, miroirs héliographiques et projecteurs). En première ligne, la réalité de l’état du matériel (fils emmêlés, lignes coupées, pannes, postes encrassés…), la paranoïa des états-majors et la crainte des communications interceptées obligent souvent les officiers de transmission à renoncer aux moyens classiques et à recourir aux messagers (avec les risques que cela comporte) aux fusées, ou aux pigeons. Mais les délais entre l’envoi des messages et les réponses des officiers de l’arrière pouvaient être très longs. Dans l’urgence de la bataille, l’attente se révèle souvent désastreuse…
(1) Officiers britanniques étudiant des cartes et utilisant le téléphone, sur la ligne de front en octobre 1916 — © IWM (Q 1430)
(2) Soldats britanniques utilisant un télégraphe depuis un trou d'obus et (3) Soldats britanniques utilisant les lampes de signalisation — Source
(4) Carte du réseau de communication britannique sans fil entre juillet et septembre 1916 — Source
Une fois postés au front, la communication entre les soldats et leur famille était loin d’être simple. Les lettres envoyées par les soldats étaient systématiquement lues avant envoi et censurées pour éviter des fuites d’information. Pour déjouer cette censure Tolkien invente un code pour sa femme Edith, afin qu’elle puisse suivre ses mouvements en France. Ce code consistait en des points marqués dans ses lettres, qu’Edith repérait et reportait sur une grande carte du Front qu’elle avait affiché chez elle.
Carte des tranchées données aux soldats. Celle-ci appartenait à Tolkien et est datée d'octobre 1916, publiée dans le Tolkien Family Album, p. 40 et conservée à la Bodleian Library.
Le 18 juin 1916, G. B. Smith, de retour en France après une permission, envoie une lettre à Tolkien, dans laquelle il se désole que Tolkien n’ait pas été assigné au même bataillon que lui, le 19th Lancashire Fusiliers (ou 3rd Salford Pals), mais au 11th Lancashire Fusiliers.
G.B Smith (2e rang au centre) et le 3rd Salford Pals — Source.
La Première Guerre mondiale a été l’occasion, pour les différents belligérants, d’inventer et tester de nouvelles armes de guerre plus effroyables les unes que les autres. En préparation de la grande offensive sur la Somme, les anglais mettent au point un gigantesque lance-flamme, le « Livens Large Gallery Flame Projector » (grand lance-flamme de Livens), du nom de son inventeur, l’ingénieur militaire W. H. Livens. L’arme, longue de 17 mètres et lourde d’un peu plus de 2 tonnes, est construite en 4 exemplaires et nécessite des centaines d’hommes pour une installation partiellement enterrée sous le no man’s land. Les deux exemplaires des « Dragons de la Somme » sont utilisés à quelques reprises à partir du 1er juillet 1916. Mais difficiles à mettre en œuvre, vulnérables et très coûteux, l’état-major britannique finit par renoncer assez vite à leur service.
(1) Vue du projecteur Projecteur Livens construit à l’usine en Angleterre. — © Ruston & Hornsby Collection. IWM (Q 55056)
(2) Dessin du projecteur Livens. Les 7 opérateurs nécessaires manœuvraient le Dragon depuis un tunnel spécialement aménagé. — © Andy Gammon
(3) Lance-flammes britannique en action. — © IWM (Q 14938)
Au cours de son séjour à Étaples en juin 1916, Tolkien conçoit un autre poème, Habbanan sous les Étoiles, qui lui est inspiré par ses souvenirs du camp d’entraînement de Brocton où il était en décembre 1915.
En Habbanan sous les cieux
Où toutes route s’achèvent aussi longues qu’elles soient
Il y a un son de faibles guitares
Et les échos distants d’une chanson,
Car là des hommes se rassemblent en cercles
Autour de leurs rouges feux tandis qu’une voix chante —
Et tout autour est la nuit.
— Le Livre des Contes Perdus, p. 111
Le 22 juin 1916, Rob Gilson envoie sa dernière lettre à Tolkien :
« Jamais je n’ai ressenti avec plus de force […] la vérité de tes propos relatifs à l’oasis du TCBSianisme. Pour l’heure la vie est un véritable désert : et un désert embrasé. Le TCBS n’a jamais méprisé l’épreuve du feu […] mais dernièrement, de mon côté, l’épreuve a crû en intensité. Néanmoins […] je ne saurais dire à quel point je suis reconnaissant de toutes les bouffées d’air frais que les divers membres du TCBS m’ont procurées de temps à autre. » — Tolkien et la Grande Guerre, p. 156
Rob Gilson et J.R.R. Tolkien en 1910-1911. © Julia Margretts — Source
« …ces dragons de feu et ces serpents de bronze et de fer […] s’élancèrent vers les tours et les bastions […] Alors ceux du haut s’ouvrirent en leur milieu, et une armée innombrable d’Orcs, les goblins de la haine, s’en déversa… » — Le Livre des Contes Perdus, p. 468-469.
En 1916, les ingénieurs anglais ont mis au point une imposante arme encore secrète, dont le nom de code, « citerne » (« tank », en anglais) est destiné à tromper l’ennemi. Les premiers exemplaires de ces engins automobiles et blindés arrivent en France dans le plus grand secret durant l’été 1916, alors que les combats de La Somme sont déjà engagés.
On distingue alors le tank Mark I « femelle » équipé de mitrailleuses, qui avait un rôle d’appui, et le tank Mark I « mâle » équipé de canons de 6 livres (57 mm), dont le rôle était clairement plus offensif. La première participation aux combats des tanks aura lieu à Flers-Courcelette le 15 septembre 1916. Malgré les pertes, l’effroi des soldats allemands face à l’assaut de ces véhicules blindés achèvera de convaincre l’état-major du bien fondé du déploiement du tank sur le front.
Tolkien assistera à l’attaque de quelques tanks Mark I contre les positions allemandes, notamment à Thiepval. La puissance mécanique et les capacités meurtrières de cet engin le marqueront suffisamment pour qu’on reconnaisse dans les créatures reptiliennes mécanisées de son grand texte en prose « La Chute de Gondolin » (1917), dans Le Livre des Contes Perdus, une métaphore des premiers chars d’assaut de La Somme.
(1) Char d'assaut britannique Mark I durant la bataille de la Somme près de Thiepval, en septembre 1916. — © IWM (Q 2486)
(2) Char d'assaut britannique durant la bataille de Flers-Courcelette en septembre 1916. — © IWM (Q 5577)
Le 25 juin 1916, Tolkien reçoit une lettre de Smith, qui lui souhaite « bonne chance pour tout ce qui pourrait t’arriver ces prochains mois et puissions voir […] des temps meilleurs. Dieu te bénisse et te préserve… » (Tolkien et la Grande Guerre, p. 160)
Le 27 juin 1916, Tolkien est envoyé, avec d’autres soldats, rejoindre son bataillon sur la ligne de front. Il prend le train depuis Étaples direction Amiens, en passant par Abbeville, un trajet qui lui prendra 24 heures. Il entend déjà les échos des bombardements au loin.
Bataillon britannique marchant dans la banlieue d'Amiens, en mai 1916. — © IWM (Q 115347)
Le 28 juin 1916, depuis Amiens, Tolkien rejoint à pied le hameau de Rubempré, à l’arrière d’Ovilliers-la-Boisselle et Thiepval. Là sont rassemblés près de 800 hommes du 11th Lancashire Fusiliers qui attendent d’être déployés.
Les 29 et 30 juin 1916, le temps empêche l’état major de lancer la Grande Offensive. Le 11th Lancashire Fusiliers profite de ce temps pour effectuer ses dernières manœuvres d’entraînement à la baïonnette et à la charge.
Le soir du 30 juin 1916, le 11th Lancashire Fusiliers quitte le hameau de Rubempré et rejoint un cantonnement dans le village de Warloy-Baillon, après une marche de nuit. Au loin, vers l’est, les bombardements anglais sur les lignes allemandes, qui durent depuis une semaine, redoublent d’intensité. La cadence passe à 3 500 obus par minute, faisant trembler la terre, déchaînant un ouragan de feu et poussière si intense que le grondement peut être entendu jusqu’en Angleterre.
Au même moment, à plusieurs mètres sous la surface du no man’s land, les britanniques achèvent le creusement de longues galeries de mines et y entreposent des tonnes de puissants explosifs destinés à affaiblir les défenses de l’ennemi, notamment autour de La Boisselle, dans le secteur où le bataillon de Rob Gilson est cantonné.
Demain s’annonce comme une journée spéciale : la sanglante bataille de la Somme commence…
(1) Artillerie britannique durant la bataille de la Somme. — © IWM Q 5817
(2) Tunnel creusé par les britanniques sous la ligne de front allemande — Source
(3) Un tunnelier britannique travaillant dans la craie de la Somme. — © IWM/Percevel-Maxwell HU 87951
À 7h28, à La Boisselle, l’explosion des 27 tonnes d'ammonal placés dans le tunnel allant jusqu'aux lignes allemandes est déclenchée. L’explosion projette une colonne de terre à 1 300 m de hauteur et crée un entonnoir de 100 mètres de diamètre et 30 mètres de profondeur. Cela signe le début de la Grande Offensive franco-britannique de la bataille de la Somme.
Explosion des 27 tonnes d'explosif sous les lignes allemandes, à La Boisselle, le 1er juillet 1916.
2016 est l’année du centenaire de la sanglante bataille de la Somme. Une immense confrontation dont l’horreur, à l’instar de la bataille de Verdun qui se déroula la même année, est au-delà de toute description.
Entraîné comme des centaines de milliers d’anglais dans la tourmente de la Première Guerre mondiale, le jeune J. R. R. Tolkien a servi dans le Corps Expéditionnaire Britannique en France et a durement connu, à 24 ans, le feu puis la maladie dans les tranchées de la Somme.
Un siècle après ces événements, JRRVF a tenu à se souvenir, par compassion et respect pour les 1 060 000 morts et blessés de cette bataille, et pour rappeler que le spectre de la guerre, malgré le rejet indigné que suscitent aujourd’hui les boucheries absurdes de 1914-1918, couvre toujours le monde de ses grandes ombres.
Le lundi 1er juillet 1916, débute la sanglante Bataille de la Somme. Ce premier jour, l'ami de Tolkien, Rob Gilson, trouve la mort au front comme plusieurs dizaines de milliers de soldats. Il est inhumé au cimetière militaire de Bécordel-Bécourt en France. Tolkien n'apprendra son décès que 15 jours plus tard, par une lettre de G.B. Smith.
(1) Rob Gilson vers 1916, tiré de l'ouvrage Tolkien et la Grande Guerre.
(2) Rob Gilson, en bas à droite, de plein pied regardant la caméra, avec le bataillon du 11th Suffolks © Julia Margretts — Source
(3) Tombe de Rob Gilson au cimetière de Bécourt. — Source
En mai 2016, un documentaire de 40 minutes sur l'expérience de Rob Gilson dans la Grande Guerre fut réalisé par Elliot Weaver et Zander Weaver d'Elliander Pictures, les réalisateurs déjà à l'origine du documentaire sur J.R.R. Tolkien.
Grâce au site Amara, nous vous le proposons accompagné de ses sous-titres en français traduits par nos soins. Le lancement des sous-titres est normalement automatique. Dans le cas contraire, cliquez sur le bouton [CC] et sélectionnez Français dans la liste des sous-titres. En cas de problème dans la lancement de la vidéo, essayez de recharger la page en faisant CTRL+F5. Si le problème persiste, vous pouvez accéder à la vidéo sous-titrée sur la page dédiée du site Amara.
Le soir du 3 juillet 1916, sans qu’il n’ait encore engagé le combat, Tolkien repart sur Bouzincourt avec son bataillon, où il restera en réserve jusqu’au 10 juillet. Il loge dans des baraquements de bois, relativement confortables en comparaison des tranchées où sont enterrés ses compatriotes.
Le 4 juillet 1916, Tolkien débute la rédaction d’un poème dédié à sa femme, A Dream of Coming Home, qui s’inspire du camp de Great Haywood où il était en mai 1916, juste avant d’être mobilisé. Ce poème donnera plus tard le poème An Evening in Tavrobel.
'Tis the time when May first looks toward June,
With almond-scented hawthorn strewn,
The tremulous day at last has run
Down the gold stairways of the Sun,
Who brimmed the buttercups with light
Like a clear wine she spillèd bright ;
And gleaming spirits there did dance
And sip those goblets' radiance.
[…]
C’est l’heure où Mai regarde vers Juin,
Parsemé d’aubépine au parfum d’amande,
Le jour tremblant a finalement coulé
Au bas des escaliers dorés du Soleil,
Qui borde les renoncules de lumière
Comme un vin clair elle coule radieuse
Et les esprits brillants dansent là
Et sirotent de ces coupes l’éclat.
[…]
— An Evening in Tavrobel, Amon Hen 242
Dans l’après-midi du 6 juillet 1916, le bataillon du 11th Lancashire Fusiliers est divisé en deux. Une partie rejoint les tranchées de La Boisselle et l’autre, dont Tolkien fait partie, reste sur Bouzincourt pour ravitailler en munitions et en nourriture. Il y relit les lettres d’Edith et du TCBS (Biographie, p. 99-100). À Bouzincourt, il est rejoint par G. B. Smith, lui aussi relevé du front ; tous deux restent ensemble pendant trois jours.
Un bataillon chargé du ravitaillement en bombes dans le secteur de La Boisselle, le 6 juillet 1916. — © IWM Q 780
Les 7 et 8 juillet 1916, Tolkien écrit un poème intitulé A Memory of July in England, poème toujours inédit à l’heure actuelle.
Le 10 juillet 1916, le bataillon de Tolkien est envoyé à Senlis-le-Sec pour être rééquipé et réorganisé en fonction des pertes subies.
Le 12 juillet 1916, le bataillon de Tolkien est envoyé dans la ville d’Albert, pour libérer de la place à Senlis-le-Sec pour les autres régiments. Néanmoins, il est rappelé très rapidement à Senlis. Ce jour, Tolkien reçoit une lettre de Smith lui indiquant qu’il va très bien (Tolkien et la Grande Guerre, p. 177).
Basilique Notre Dame de Brebières à Albert, en juillet 1916 après avoir été pilonnée par les Allemands. — © IWM Q 53148
« Tous morts, tous pourris. Elfes, Hommes et Orques. Les Marais Morts. Il y a eu une grande bataille il y a longtemps […] Des grands Hommes avec des longues épées, et des Elfes terribles, et des Orques qui hurlaient. Ils se sont battus sur la plaine pendant des jours et des mois, devant les Portes Noires. Mais les Marais se sont étendus depuis ce temps, ils ont englouti les tombes ; toujours, toujours ils s’étendent. » — Les Deux Tours, livre IV, chap. 2
Le soir du 14 juillet 1916, Tolkien arrive à La Boisselle, où il reste jusqu'au 16 juillet. Arrivé dans les tranchées, il trouve le système de communications dans un état déplorable, mais le pire « c’étaient les morts dont les cadavres étaient dans tous les coins […]. Ceux qui avaient encore des visages vous regardaient d’un œil terrible. » (Biographie, p. 100).
(1) Soldats britanniques occupant une tranchée allemande capturée en juillet 1916 à Ovillers-la-Boisselle. — © IWM Q 3990
(2) Troupes britanniques creusant des tranchées de communication à Ovillers, en juillet 1916. — © IWM Q 3986
(3) Les Marais Morts dans le Seigneur des Anneaux. — © Anke Katrin Eißmann
Le 15 juillet 1916, la section A du 11th Lancashire Fusiliers dont Tolkien fait partie est envoyé à l’attaque sur Ovillers-La Boisselle. En tant qu’officier des transmissions, Tolkien ne monte pas à l’attaque, mais l’observe depuis sa tranchée, dans laquelle il s’occupe des communications et où il passe la nuit.
(1) Tranchée de communication britannique dans le village d'Ovillers en ruines, en juillet 1916. — © IWM Q 889
(2) Deux soldats britanniques cuisinant dans une tranchée à Ovillers en juillet 1916. — © IWM Q 3993
Le 16 juillet 1916, les forces britanniques continuent d’essayer de prendre la ville d’Ovillers. Ce n’est qu’à 20 h que la ville est finalement capturée après la reddition des Allemands. Tolkien combat toute la journée jusqu’à ce qu’il soit relevé dans la nuit et que son bataillon soit renvoyé sur Bouzincourt.
(1) Soldat britannique recouvrant un soldat allemand tué, dans une tranchée d'Ovillers en juillet 1916. — © IWM Q 3991
(2) Les ruines du village d'Ovillers capturée aux Allemands le 16 juillet 1916. — © IWM Q 3992
Arrivé dans la nuit du 17 juillet à Bouzincourt, le bataillon prend du repos avant de repartir en milieu d’après-midi direction Beauval. Ils bivouaquent à Forceville pour la nuit. Ce même jour, il reçoit une lettre de G.B. Smith lui annonçant le décès de leur ami Rob Gilson, le 1er juillet :
« Rob a été tué. Je suis sain et sauf mais est-ce que ça compte ? […] Je suis très fatigué et terriblement déprimé par cette nouvelle des plus pénibles. Face à tout ce désespoir, personne ne mesure ce qu’était réellement le TCBS. » (Tolkien et la Grande Guerre, p. 177)
Troupes britanniques se reposant en bord de route à Forceville, en 1918. — © IWM Q 366
Le 18 juillet 1916, ils parviennent à Beauval où ils restent en repos jusqu’au 21 juillet. Le 20 juillet, Tolkien accède au grade d'officier de signalisation, suite à la promotion de son supérieur.
Le 21 juillet 1916, la troupe de Tolkien quitte Beauval pour Bus-les-Artois, où ils séjournent jusqu’au 23 juillet 1916, dormant dans des huttes en bois.
Tolkien en uniforme en 1917 dans un baraquement (Tolkien Family Album, p. 38).
Le 24 juillet 1916, la brigade dont fait partie Tolkien est envoyée au camp de Mailly-Maillet. De là, le 11th Lancashire est guidé jusqu’aux tranchées de Beaumont-Hamel où il relève le bataillon en place.
Camp de Mailly-Maillet, en juillet 1916; — © IWM Q 726
Le 25 juillet 1916, Tolkien reçoit une lettre de G.B. Smith. Son ami a lu le poème « L’Île Solitaire » écrit le 11 juin à Étaples et le considère comme l’un des meilleurs.
Entre le 25 et le 29 juillet 1916, Tolkien demeure dans les tranchées entre Auchonvillers et Beaumont-Hamel. La mission principale de son bataillon consiste à remettre en état les tranchées et le système de communication.
Troupes dans les tranchées de Beaumont-Hamel en juillet 1916. — © IWM Q 739
Le 30 juillet 1916, le bataillon de Tolkien est finalement relevé et retourne à Mailly-Maillet pour se reposer. Tolkien notera avoir dormi dans le bois du village jusqu’au 4 août.
Du 30 juillet au 4 août, le bataillon est de réserve à Mailly-Maillet, aidant au forage et à la réparation des tranchées et à l'entraînement. Le séjour est aussi marqué par la célébration de la Bataille de Minden du 1er août 1759, une fameuse victoire britannique contre la France lors de la Guerre des Sept Jours.
Le 4 août 1916, Tolkien reçoit une lettre de Smith joignant un mot de Christopher Wiseman après qu’il a appris la mort de leur ami Rob Gilson. Tolkien annotera la lettre et la renverra à Wiseman qui est alors engagé dans la Marine à bord du HMS Dreadnought.
(1) Christopher Wiseman en 1916 (Tolkien et la Grande Guerre).
(2) Le navire britannique HMS Dreadnought sur lequel servait Christopher Wiseman. — © U.S. Navy (U.S. Naval Historical Center) [Public domain], via Wikimedia Commons.
Le 5 août 1916, le 11th Lancashire est relevé et envoyé dans un camp entre les villages d’Acheux et de Bertrancourt. Tolkien dormira dans une tente.
Camp britannique dans le bois d’Acheux. — © IWM Q 14762
Le 7 août 1916, le bataillon est renvoyée dans les tranchées, du côté du village de Colincamps. Tolkien passera les deux nuits suivantes dans les ruines d’une sucrerie de Colincamps, site devenu par la suite un cimetière militaire.
Ruines de la sucrerie de Colincamps. — Source
Le 10 août 1916, les Gardes Gallois viennent relever le 11th bataillon dont fait partie Tolkien. Il est envoyé en repos à Bus-lès-Artois jusqu’au 15 août dans les mêmes baraquements dans lesquels ils ont séjourné du 21 au 23 juillet.
Le 11 août 1916, Tolkien reçoit une lettre de Smith à laquelle il répond le lendemain :
« …mon impression dominante est que quelque chose s’est rompu. Mes sentiments envers vous deux n’ont pas du tout changé […] mais je ne me sens plus maintenant le membre d’un petit corps complet. Je pense honnêtement que le TCBS a pris fin. » — Tolkien et la Grande Guerre, p. 186.
Le 14 août 1916, Robert Cary Gilson, le père de Rob Gilson répond à la lettre de condoléances de Tolkien. Dans cette lettre, il espère que « Dieu veuille que nous les hommes qui avons “passé l’âge du service militaire” puissions partir nous charge de cette besogne au lieu de vous, jeunes gens. Nous avons bien profité de l’existence… » (Tolkien et la Grande Guerre, p. 191-192). Dans cette lettre, Tolkien apprend également que son ami Rob lui a légué plusieurs livres et dessins.
Le 19 août 1916, Smith écrit à Tolkien, en réponse à sa lettre du 12 août, exprimant son désaccord sur le fait que le T.C.B.S. n’existe plus depuis la mort de Rob.
L’idée que le T.C.B.S. a cessé est pour moi tout à fait impossible […] Le T.C.B.S. n’est pas tant une société qu’une influence sur l’état de l’être. Qu'une telle influence sur l'état de l'être puisse prendre fin avec la perte de Rob est pour moi une idée saugrenue […] Le T.C.B.S. n’est pas fini et ne le sera jamais. […] Nous sommes sûrs de nous rencontrer à brève échéance, ce dont je suis extrêmement impatient. Je ne sais pas trop si je vais te serrer la main ou te saisir par la gorge… (Chronology, p. 88)
Ce même jour Smith et Tolkien se retrouveront et passeront les trois jours suivants ensemble.
Le 22 août 1916, Tolkien, G.B. Smith et H.T. Wade-Gery se retrouvent à Bouzincourt pour un repas. Au cours du repas, ils sont bombardés par les Allemands. C'est la dernière fois que Tolkien et Smith se verront.
Le 24 août 1916, Tolkien laisse Acheux derrière lui et rejoint son régiment dans le Bois de Thiepval. Sur la route, il débute un poème, The Thatch of Poppies (La Chaume de Coquelicots), inédit à l’heure actuelle. Les deux nuits suivantes, il dort dans les tranchées.
Vue des alentours du Bois de Thiepval, en septembre 1916. — © IWM Q 1076
Le 25 août 1916, Tolkien débute un second poème alors qu’il se trouve dans les tranchées de Thiepval. Intitulé The Forest Walker (Le Randonneur de la Forêt), ce poème inédit est une réminiscence des sentiments ressentis les 10 et 11 août précédents, lorsqu'il alla marcher dans le bois de Bus-lès-Artois après la mort de son ami Rob Gilson.
Le 28 août 1916, après une journée de repos passée à Bouzincourt, le 11th Lancashire est envoyé à Ovillers La Boisselle. Là, jusqu’au 31 août, ils s’affairent à consolider les tranchées faisant face au Saillant Leipzig allemands, tout cela sous les bombardements et la pluie incessante. Tolkien, en tant qu’officier de communications, supervise la mise en place du câblage de communications.
Soldats occupant une tranchée allemande à Ovillers la Boisselle. — © IWM Q 3990
Le 1er septembre 1916, les soldats du 11th Lancashire sont relevés et quittent la ligne de front pour les tranchées de secours à l’arrière. Tolkien supervise toujours la pose de câbles de communications. Il séjourne à Ovillers La Boisselle jusqu’au 6 septembre.
Le 6 septembre, Tolkien et son bataillon sont relevés et sont envoyés à Bouzincourt. Durant ce séjour, Tolkien, en tant qu’officier, est chargé de répondre à des lettres des familles des soldats de son bataillon tombés au combat.
À partir du 7 et jusqu’au 13 septembre, le 11th Lancashire se rend, en plusieurs étapes, jusqu’à Franqueville où ils doivent recevoir un entraînement. Tolkien passera ainsi ses nuits en bivouac ou en caserne à Léalvillers, Puchevillers, Beauval, Candas avant d’arriver à destination.
Du 13 au 24 septembre, Tolkien séjourne à Franqueville, pour l’entraînement. Durant cette période, il révise notamment son poème intitulé The Mermaid's Flute, La Flûte de la Sirène, la seconde moitié du long lai sur Eärendel qu’il avait débuté en mars 1915. Il débute également un nouveau poème intitulé Consolatrix Afflictorum ou Stella Vespertina, dont le premier vers est « Ô Dame Mère trônant au milieu des étoiles ».
Le 16 septembre 1916, Smith écrit à Tolkien en joignant une lettre de Christopher Wiseman qui revenait notamment sur leurs relations au sein du TCBS.
« [Rob] comprenait mieux [le TCBS] ; car il comprenait mieux JR. […] Toi et JR serez indissolublement liés à toute grandeur à laquelle j’accéderais, parce que je ne crois pas que je pourrais avancer sans vous. Je ne crois pas que nous avancions désormais sans Rob ; nous avançons pour lui. » — Tolkien et la Grande Guerre, p. 193-194
À partir du 25 septembre 1916 et jusqu’au 27, Tolkien et le 11th Bataillon sont renvoyés de Franqueville vers le Front de Thiepval. Le 25 septembre, la bataille de la crête de Thiepval venait de débuter pour reprendre la ville aux Allemands. Le soir du 27, Tolkien dort dans une tranchée et est mobilisé les deux jours suivants.
Vue aérienne de Thiepval et des tranchées, le 25 septembre 1916. — © IWM (HU 91109).
Le 28 septembre 1916, suite à la bataille de la crête de Thiepval, des soldats allemands sont faits prisonniers. Tolkien est sollicité pour traduire les propos d’un officier allemand, qui lui corrige sa prononciation.
Prisonniers allemands lors de la bataille de Thiepval. — © IWM (Q 1336)
Le 30 septembre 1916, le 11th Lancashire est relevé et est envoyé en repos à Englebelmer. Le lendemain, le 1er octobre 1916, ils paradent jusqu'à Bouzincourt pour un entraînement de 5 jours.
Vue du camp d’Englebelmer en septembre 1916. — © IWM (Q 4518)
Entre le 06 et le 12 octobre 1916, le 11th Lancashire Fusiliers est posté près la Ferme du Mouquet, entre Thiepval et Pozières, dans les tranchées de Zollern et Hessian prises aux Allemands. Ces derniers leur font maintenant face, postés dans les redoutes Stuff et Schwaben.
La Ferme du Mouquet, avant la Première Guerre mondiale. — © IWM (Q 33981)
À partir du 16 octobre 1916, le 11th Battalion est relevé. Le soir du 17 octobre, ils sont envoyés à Ovillers. Le commandement britannique commence à envisager un assaut d’importance pour prendre la tranchée Regina.
Le 18 octobre 1916, le 11th Lancashire reçoit l’ordre de bataille pour la prise de la tranchée Regina qui doit avoir lieu le lendemain. Ils passent la nuit près de la tranchée Zollern, mais sont renvoyés à Ovillers le 19 octobre, l’attaque ayant été retardée de 48h du fait des intempéries.
Le 21 octobre 1916, Tolkien et son bataillon prennent position dans la tranchée Hessian en prévision de l’assaut sur la tranchée Regina. Peu après midi, les hommes montent à l’assaut et prennent les Allemands par surprise. En quelques heures, l’objectif est capturé. Le lendemain le 11th Lancashire est relevé et envoyé à Albert. Pour Tolkien, la fin du calvaire approche à grands pas.
Carte illustrant la position des différentes tranchées autour de la redoute Stuff. — Publiée dans The Great War The British Campaign in France and Flanders, Vol. III, de Arthur Conan Doyle.
Le 23 et 24 octobre 1916, le bataillon parcourt la distance entre Albert et Beauval.
Le 25 octobre 1916, Tolkien commence à se sentir mal, mais ne se fait pas porter malade pour pouvoir assister à l’inspection de son bataillon par le General Sir Hubert Gough, ainsi qu’à celle du Field-Marshal Sir Douglas Haig, commandant en chef, du lendemain.
(1) General Sir Hubert Gough — © IWM (Q 35825D)
(2) Field-Marshal Sir Douglas Haig — © IWM (Q 23636)
Le 27 octobre 1916, Tolkien se présente au médecin avec une fièvre de 39,5 °C. On lui diagnostique la fièvre des tranchées, une maladie infectieuse transmise par les poux, qui se traduit notamment par des douleurs musculaires et par des périodes de rémission et de rechute. Le lendemain, il est envoyé à l’hôpital des Officiers à Gézaincourt.
Le 29 octobre 1916, Tolkien est placé dans un train sanitaire à Candas pour être envoyé au Touquet. Là, il est admis à l'hôpital de la Croix Rouge anglaise. Il y restera en soins jusqu’au 7 novembre 1916.
L'hôpital de la Duchesse de Westminster (ou de la Croix Rouge britannique) au Touquet. — © IWM (Q 29769)
Le 7 novembre 1916, toujours en soins à l'hôpital du Touquet, Tolkien écrit le poème Morning Tea, Thé Matinal, encore inédit. Dans la nuit du 7 au 8 novembre, il voyage entre Étaples et le Havre, où il doit rembarquer pour l’Angleterre.
Le 8 novembre 1916, Tolkien embarque au port du Havre sur le navire hôpital HMHS Asturias, qui quitte la France dans la nuit du 8 au 9. Pour Tolkien, c’est la fin de sa carrière de soldat durant sur les théâtres d’opération de la Grande Guerre, même s’il ne le sait pas encore. Devant lui, se profilent de longs mois de rémission de sa fièvre des tranchées.
Le navire hôpital HMHS Asturias. — © IWM (Q 58311)
Le 9 novembre 1916, Tolkien débarque à Southampton, puis rejoint Birmingham où il est admis en soin au 1st Southern General Hospital, où il restera jusqu’au 9 décembre.
La Grande Salle de l'Université de Birmingham, utilisée comme salle principale de soins du 1st Southern General Hospital - Source
Le 10 novembre 1916, Tolkien informe Smith et Wiseman qu’il est de retour au pays et à l’hôpital. Durant la période de convalescence au 1st Southern General Military Hospital, il révise le poème La Ville des Rêves et la Cité du Chagrin Présent, publié dans les Contes Perdus et en écrit un nouveau, inédit, intitulé The Lonely Harebell, La Campanule Solitaire.
Il existe une cité qui repose à grande distance
Et une vallée creusée en des jours oubliés —
Là plus large était l'herbe, et les ormes élevés plus rares ;
Le sentiment de la rivière était pesant dans l'air du bas-pays.
Là de nombreux saules changeaient l'aspect de la terre et des cieux…
— Le Livre des Contes Perdus, tome 2.
Et si les cartes de la Terre du Milieu imaginées par Tolkien lui avaient été inspirées par les cartes britanniques éditées durant la Grande Guerre ? Simon Ayrinhac étudie cette hypothèse dans son essai La représentation cartographique chez J.R.R. Tolkien.
Le 29 novembre 1916, alors que G.B. Smith, devenu adjudant-major quelques semaines plus tôt, organise un match de football avec les hommes de son bataillon au cantonnement de Souastre, les allemands procèdent à un bombardement au mortier. G.B. Smith est touché par des éclats d’obus. Légèrement blessé, il ne s’inquiète pas de son état et profite de ce repos forcé pour écrire une lettre rassurante à sa mère.
Troupes britanniques jouant un match de football près de Bouzincourt — © IWM (Q 1109)
Le 2 décembre, une commission médicale militaire examine Tolkien au 1st Southern General Hospital. Tolkien, dont la fièvre est tombée, est jugé apte à reprendre le service d’ici six semaines, malgré son état général encore faible. Il reste hospitalisé durant toute la semaine suivante. Au même moment, au poste de secours de Warlincourt-lès-Pas, près de Souastre, G.B. Smith est au plus mal. Malgré leur superficialité, ses blessures se sont infectées et une funeste gangrène gazeuse s’est installée.
Le 3 décembre 1916, malgré l’intervention d’un chirurgien pour enrayer la progression de la gangrène, G.B. Smith, 22 ans depuis le 18 octobre, succombe à ses blessures avant l’aube.
G.B. Smith en 1916, photographie tirée de l'ouvrage Tolkien et la Grande Guerre.
Tolkien est autorisé à quitter l'hôpital pour rejoindre sa femme Edith à Great Haywood.
Le 16 décembre 1916, après 13 jours, Tolkien apprend finalement le décès de son ami G.B. Smith, par une lettre de Christopher Wiseman. Pour honorer leur ami, tous deux publieront ses poèmes sous la forme du recueil A Spring Harvest, Une moisson de printemps.