Tolkien : trente ans après (1973 - 2003)

9782267017380.jpgTolkien : trente ans après (1973 - 2003)

Titre original Tolkien : trente ans après (1973 - 2003)
Auteur Vincent Ferré (dir.)
Publication 2004
Éditeur Christian Bourgois

Quatrième de couverture

Ce recueil, comprenant une quinzaine d'articles et des entretiens avec Christian Bourgois et John Howe, est destiné aux lecteurs désireux de mieux comprendre l'univers de Tolkien, ainsi qu'aux étudiants et aux chercheurs intéressés par une œuvre encore peu étudiée en France. Des auteurs venus d'horizons divers (littérature, histoire, études cinématographiques, etc.), dont trois des meilleurs spécialistes actuels (Tom Shippey, Verlyn Flieger, Thomas Honegger), proposent des analyses sur l'histoire de l'œuvre de Tolkien en France, sur le réseau des langues inventées par l'auteur, sur des épisodes-clés (la Moria, le miroir de Galadriel, les énigmes de Bilbo le Hobbit) ou sur des textes moins connus (L'Histoire de la Terre du Milieu ou Feuille, de Niggle) ; d'autres articles examinent la question du Mal (ses représentations, ses frontières) et le rôle des monstres dans le Seigneur des Anneaux, la place de Tolkien dans le genre de la fantasy moderne, anglaise et française, ou encore la transposition du texte en images - par Peter Jackson, pour son adaptation cinématographique, ou par John Howe, le célèbre illustrateur.

Ces articles, regroupés en quatre parties, « Confluences », « L'arbre et ses branches », « L'Ombre noire », « Tolkien et les arts », peuvent être lus séparément ou vus globalement comme un état actuel des études en langue française sur l'œuvre de J.R.R. Tolkien.

Sommaire

  • Introduction
  • La réception de J.R.R. Tolkien en France, 1973 - 2003 : quelques repères (Vincent Ferré)
  • Entretien avec l'éditeur français de J.R.R. Tolkien (Christian Bourgois)
  • I. Confluences
    • « … un concours avec nous, mon trésor ! » : étude du tournoi d'énigmes entre Bilbo et Gollum (Jean-Philippe Qadri)
    • Du cycle de l'Anneau au Seigneur des Anneaux (Charles Delattre)
    • La chute de Gandalf dans la Moria (Paul Airiau)
    • L'influence indo-européenne en Arda et ses limites (Laurent Alibert)
  • II. L'arbre et ses branches
    • De l'occidentalien à l'anglais moderne : le traducteur et le réseau de langages tolkienien (Thomas Honegger)
    • Rétablir le mythe : le statut des textes de l'Histoire de la Terre du Milieu (Michaël Devaux)
    • Feuille, de Niggle, image dans le tapis de la Faërie ? (Jérôme Bouron)
  • III. « L'Ombre noire »
    • Orques, Spectres de l'Anneau et Êtres-des-Galgals : les représentations du Mal chez Tolkien (Tom Shippey)
    • Les frontières du Mal dans le Seigneur des Anneaux (Fabienne Claire Caland)
    • Frodo et Aragorn : le concept du héros (Verlyn Flieger)
    • Tolkien et le racisme (Guido Semprini)
  • IV. Tolkien et les arts
    • Puissances de la grisaille et enfance perdue. Allers et retours entre Tolkien et son adaptation par Peter Jackson (Hervé Aubron)
    • La Communauté de l'Anneau, de J.R.R. Tolkien à P. Jackson : Une exécution ratée ? (Jean Cléder)
    • Entretien avec John Howe
    • La Terre du Milieu et les royaumes voisins : de l'influence de Tolkien sur les cycles de Fantasy contemporains (Anne Besson)

L'avis des lecteurs

La critique de Spooky (juillet 2008)

Dirigé par Vincent Ferré, Maître de Conférences en Littérature générale et comparée à l’Université Paris XIII, cet ouvrage se veut un jalon sur la recherche au sujet de l’un des plus grands auteurs du XXème siècle.

Les articles, rédigés par de nombeux chercheurs français, américains, britanniques, québécois et italiens, sont introduits par un article du directeur sur la réception critique de l’œuvre de Tolkien en France. Il est à noter que jusqu’en 1977, et donc la parution -posthume, car achevée par son fils Christopher- du Simarillion, Tolkien n’était perçu, en tant qu’écrivain, que comme l’auteur du Seigneur des Anneaux, paru pour la première fois 20 ans auparavant. A partir du Silmarillion, les choses changent. Tolkien n’est plus seulement un écrivain contant les aventures d’un groupe de personnes dans un décor de fantasy, mais un démiurge qui a non seulement jeté les bases d’un univers séduisant, mais surtout développé de façon encore jamais vue ledit univers, avec sa cosmogonie, sa chronologie, ses langues et sa mythologie. Une mythologie dont, selon Tolkien lui-même, l’Angleterre manquait cruellement. Son objectif était donc de réaliser cette mythologie.

Mais revenons aux sources ; le principal artisan de la découverte de l’auteur en France est Christian Bourgois, l’éditeur qui l’a publié en 1972-1973, soit juste avant la mort de l’écrivain. Fait cocasse, Bourgois a publié Tolkien sans le lire, se basant sur les conseils de Jacques Bergier, écrivain qui l’évoquait dans Admirations.

Après ces apéritifs, le recueil entre dans le vif du sujet avec une première partie intitulée Confluences. On y trouve une étude du fameux tournoi d’énigmes entre Bilbo et Gollum (dans Bilbo le Hobbit), inspiré par des œuvres plus anciennes, notamment issues de la mythologie nordique, grand champ d’étude de Tolkien. L’article suivant s’attache à analyser la place du Seigneur des Anneaux dans une tradition plus vaste, qui s’étend géographiquement à tout le continent eurasisatique. C’est la figure de l’anneau, ou du cercle, qui préside à cette tradition. Paul Airiau, historien spécialiste des religions, s’est lui attaché à analyser l’une des scènes les plus marquantes du Seigneur des Anneaux, à savoir la chute de Gandalf dans les ténèbres de la Moria. Il propose une lecture spirituelle de la séquence, montrant la présence d’un entité suprême qui a tiré les ficelles lors de ce seul évènement. Au travers de cette lecture, et d’autre, les chercheurs appuient sur un élément souvent ignoré dans l’œuvre de Tolkien : sa foi profonde, qui transparaît finalement assez peu dans ses écrits, bien moins cependant que chez son ami Clive Staple Lewis, auteur du médiocre Narnia écrit à la même époque. Cette influence de la religion et des traditions indo-européennes est également analysée à travers la présence et la lutte entre le Bien et le Mal dans toute l’œuvre romanesque de Tolkien (enfin du moins dans ce qu’on appelle le cycle d’Arda, Arda étant le nom du monde).

La seconde partie, intitulée l’Arbre et ses branches (quel beau titre) nous propose de rentrer plus précisément dans la trame narrative de l’œuvre. On commence par une enquête sur l’origine des langues inventées, ou plutôt adaptées par Tolkien. On y trouve une analyse fine, ainsi que des tableaux schématiques représentant les similitudes entre les langues d’Arda et l’évolution de la langue anglaise, depuis le proto-germanique jusqu’à l’allemand, le frison, le yiddish, les dérivés néerlandophones (hollandais, flamand, afrikaans), les langues scandinaves et bien sûr, l’anglais moderne. Michaël Devaux, agrégé de philosophie, nous propose ensuite une approche méthodologique afin de lire la somme romanesque de Tolkien. On apprend ainsi que l’auteur a réalisé plusieurs versions de ses œuvres (ce qui n’étonnera personne, vu que Tolkien n’estimait jamais ses textes comme finis), que le Silmarillion a connu une première version 60 ans avant sa publication finale, en 1977. Il est à noter que c’est Guy Gavriel Kay, autre auteur de fantasy connu, qui a aidé Christopher Tolkien à acherver la rédaction de ce recueil. L’œuvre de Tolkien est truffée de paradoxes, puisque Le Seigneur des Anneaux et Bilbo le Hobbit sont des textes publiés mais non définitifs, et que l’Histoire de la Terre du Milieu et le Silmarillion, en particulier, sont des textes définitifs (si l’on fait confiance aux continuateurs du Maître), mais non autorisés par l’auteur.

Au cœur de ces mélanges survient –et ce n’est pas innocent- l’analyse de l’un des textes les moins connus de J.R.R. Tolkien, Feuille, de Niggle. Ce court récit ne prend pas place dans le cycle d’Arda, mais se pose en fait comme une sorte de manifeste de l’écrivain que tente d’être Tolkien. Jérôme Bouron, doctorant en littérature générale et comparée à Paris XIII, parle même de « testament poétique préalable », d’« incarnation transparente de la théorie esthétique de Tolkien ». celui-ci livre dans ce récit ses peurs, son mode de pensée, ses réflexions sur son travail, se livrant un peu, mais finalement pas tant que ça. La longue métaphore au sujet de l’arbre et de ses ramures vaut à elle seule la lecture de ce petit texte, que l’on peut trouver dans Faërie.

L’ombre noire constitue la troisième partie du recueil. Comme vous vous en doutez, nous y trouverons les analyses (mais aussi les origines littéraires) de nombre de figures maléfiques présentes dans Le Seigneur des Anneaux, telles que les orques, les Êtres des Galgals ou les Spectres de l’Anneau, dont les origines ne sont pas toujours claires dans le récit. Le second article propose une lecture géographique du Mal, ce qui nous amène au dernier article de cette troisième partie, qui s’est penché sur le racisme chez l’auteur. On a souvent reproché à Tolkien des relents de racisme dans ses écrits, notamment dans la personnification ou la manière de s’exprimer de ses créatures maléfiques. C’est le voisinage temporel de la publication du Seigneur des Anneaux (en 1954-55, rappelons-le), qui a amené de nombreux commentateurs à faire ce rapprochement. Mais Tolkien a toujours clamé, et ce dès la montée du nazisme dans les années 1930, son dégoût pour ce phénomène. Rappelons également que ceux qui pouvaient incarner une pensée « raciste » (au sens où le définit Lévi-Strauss) le payent chèrement. Que l’on se souvienne du destin de Boromir pour s’en convaincre. Et rappelons le parcours de la Communauté de l’Anneau, qui rassemble des êtres très dissemblables, et qui au final poseront un regard rassembleur sur les autres (à cet égard, la relation entre Legolas et Gimli est exemplaire). En outre, l’imagerie peu subtile adoptée par Peter Jackson dans son adaptation contribue à brouiller ce message.

Curieusement un article concernant la figure du héros a été intercalé juste avant ce papier sur le racisme. Il relève la parenté d’Aragorn avec Beowulf, mais aussi d’autres figures classiques et/ou mythologiques. Frodo, à sa manière, participe aussi de cette tradition, dans la mesure où il est un personnage de petite taille, presque un enfant (y compris dans son aspect naïf), mais aussi un citoyen ordinaire, qui se retrouve propulsé dans une aventure trop grande pour lui. En cela il s’oppose à Aragorn, personnage épique par excellence, qui était resté caché pour apparaître ensuite en pleine lumière et accomplir son destin, que l’on croit glorieux. Or la fin de ces deux personnages est loin d’être classique, ni même heureuse, en ce qui concerne Frodo. C’est à la lecture de ce type de réécriture des mythes que l’on peut dire, sans exagérer, que Tolkien a non seulement réactualisé nombre de figures classiques, mais les a également refondées.

La quatrième partie propose une lecture des relations entre Tolkien et les arts. Dans une œuvre à portée épique comme Le Seigneur des Anneaux, il est intéressant de noter la place des couleurs. Ainsi dans le roman le gris et toutes ses nuances tiennent-ils une place prépondérante. Le texte suivant se propose de faire une analyse des deux films de Peter Jackson. Oui, j’ai bien écrit « deux », car à l’époque de rédaction des différentes contributions, seuls deux des trois films étaient sortis. C’est là que réside, à mon goût, la grosse faiblesse de ce recueil : à trop vouloir coller aux « trente ans », les chercheurs se sont privés de la possibilité de juger, analyser et comparer les trois films réalisés par le Néo-Zélandais en short. Comment, en effet, être satisfait face à ces analyses incomplètes ? Cependant la critique (si tant est qu’on puisse la qualifier ainsi) est assez bienveillante, dégageant des axes de réflexion par rapport au rôle tenu par Jackson.

Pour conclure ce recueil de très bonne facture, on trouve un entretien avec John Howe, l’un des deux (avec Alan Lee) meilleurs illustrateurs de l’univers tolkienien, et qui a contribué étroitement aux effets visuels (créatures, décors) de la trilogie sur grand écran. Une introduction très intéressante sur la manière dont il conçoit l’illustration, presque instinctive chez lui. Pour finir, Anne Besson, Maître de conférence dans l’Université d’Artois, propose une première approche sur la façon dont l’œuvre de Tolkien a influencé les cycles de fantasy contemporains, approche dont la conclusion est qu’aucun n’a vraiment su, pour l’heure, se délivrer de son modèle, et qu’en plus celui-ci a fourni les bases pour de nombreux jeux, une influence dont on reparlera.

Au final, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce recueil concernant l’un de mes auteurs préférés. Au-delà du simple hommage, il contient énormément d’informations permettant de lire entre les lignes, de dégager des influences, mais aussi les origines de nombreux éléments littéraires, et montre de façon très informée que l’auteur a posé les bases d’un genre littéraire entier – la fantasy-, et ce pour très longtemps probablement. C’est aussi un ouvrage qui se veut globalement de vulgarisation, accessible à tout un chacun un tant soit peu intéressé par l’œuvre de Tolkien et par le processus de création littéraire, même si certains essais sont plus difficiles d'accès que d'autres.

Vous pouvez retrouver ce commentaire ainsi que de nombreuses autres critiques sur le blog de Spooky, Ansible.

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tolkien/sur-tolkien/vincent_ferre_-_tolkien_trente_ans_apres.txt · Dernière modification: 29/12/2020 15:11 par Lennie
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