Magie et sorts en Terre du Milieu

Erik Tracy — ~1996 — traduit de l'anglais par Odilon Dubost
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La magie existe-t-elle en Terre du Milieu ?

Traduction de « Magic and Spells in Middle-earth », sur le site personnel d'Erik Tracy vers 1996.

Lorsque quelqu'un pose cette question, elle semble presque ridicule tellement on trouve d'exemples et de passages qui montrent apparemment que la « magie » existe. Mais il faut considérer la question de plus près, et avec encore plus d'attention ce que Tolkien a écrit ou laissé deviner sur la « magie » ; en quelles occasions le mot « magie » est utilisé, est-ce que certains objets ou actions peuvent avoir une autre explication, et si le lecteur utilise le mot selon sa propre conception du mot.

Tolkien admet que la « magie » existe en Terre du Milieu, mais seulement certains personnages peuvent l'utiliser. Et il écrit lui même plus loin que le mot est en lui-même problématique, car il ne décrit pas de manière adéquate ce qu'il représente dans le contexte de la Terre du Milieu. Tolkien a du « se décider » pour le mot, encore plus difficilement qu'il ne l'avait fait pour le mot de « magicien » en parlant des Istari ; c'était le mot le plus proche de la langue anglaise, mais ca ne voulait toujours pas exactement dire ce qu'il voulait dire.

Qui peut utiliser cette magie ?

Tolkien pensait que la « magie » en Terre du Milieu était dérivée d'une force inhérente à l'individu. Les Elfes ont reçu cette capacité, mais les Hommes et les autres races de la Terre du Milieu (Nains, Hobbits, Orques, etc.) n'ont pas ce type de pouvoir1) : « Quoi qu'il en soit, une différence dans l'utilisation de la « magie » dans cette histoire, est que l'on ne peut la produire par le « savoir » ou les sortilèges : c'est au contraire un pouvoir inné, que ne possèdent ni ne peuvent acquérir les Hommes en tant que tels. » (Lettres, lettre n°155)

Remarquons que Tolkien fait une distinction entre l'utilisation de la « magie » et celui de « sortilèges ». De toutes les races de la Terre du Milieu, seuls les Elfes (et les Magiciens, mais ils ne sont pas une race2)) peuvent se servir de la magie - c'est-à-dire l'utilisation d'un pouvoir inné et inhérent de créer des états ou des objets3). Cependant, il continue à expliquer qu'il y a quelques exceptions à cela (comme presque tout en Terre du Milieu), plus particulièrement dans le cas d'Aragorn, à cause de son ascendance elfique : « La « guérison » par Aragorn pourrait être considérée comme « magique », ou du moins comme un mélange de magie avec de la pharmacie et des procédés « hypnotiques ». Mais elle est (en théorie) relatée par des Hobbits qui n'ont que très peu de notions en philosophie et en science ; tandis qu'A[ragorn] n'est pas un Homme « pur », mais à un degré très éloigné, un des « enfants de Lúthien ». » (Lettres, lettre n°155)

Le mot même de « magie », est un terme utilisé par les races mortelles de la Terre du Milieu pour ces actes ou objets dont le fonctionnement ne peut être expliqué. Les Elfes n'utilisent ce terme qu'au sens figuré, car cette compétence est pour eux totalement naturelle. Remarquons le commentaire que fait Galadriel à Sam en Lothlórien lorsqu'elle demande à Frodo et Sam de regarder dans son miroir : « Et vous ? demanda-t-elle, se tournant vers Sam. Car c'est ce que vous autres appelleriez magie, je pense, bien que je ne comprenne pas ce que vous entendez par là ; et vous avez l'air d'utiliser le même mot pour les tromperies de l'Ennemi. Mais ceci, si vous le voulez, est la magie de Galadriel. N'avez-vous pas dit que vous souhaitiez voir de la magie elfique ? » (Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau - Le Miroir de Galadriel)

Galadriel est quelque peu déconcertée quant à la signification du mot, car il est dans la nature des Elfes d'avoir et d'utiliser un pouvoir inné, au but artistique et différent de la « magie » utilisée par l'Ennemi pour asseoir sa domination.

Quelle est la nature de cette Magie ?

La nature de la magie est enveloppée dans la philosophie tolkienienne du pouvoir et de la domination : « [la magie elfique] est l'Art, délivré de beaucoup de ses limites humaines : plus aisé, plus rapide, plus achevé (la vision et la réalisation en correspondance parfaite). Et son objet est l'Art, non le Pouvoir, la subcréation, non la domination et la déformation tyrannique de la Création. […] L'Ennemi sous ses formes successives est toujours « naturellement » en proie au désir de la pure Domination, et ainsi est le Seigneur de la magie et des machines… » (Lettres, lettre n°131)

Cette description implique une aptitude que les races mortelles de la Terre du Milieu n'ont, n'auront, et ne pourront obtenir, parce qu'elle est « délivré[e] des limites humaines » (à ne pas lire en tant qu'étude ou technologie). Cela implique un pouvoir qui est plus facile dans les créations de choses. Facile signifie sans l'utilisation d'outils, ou d'engins extérieurs. La source est à l'intérieur des Elfes eux-mêmes, pas externe, et elle est beaucoup plus que sagesse et traditions.

La magie stimule aussi le processus entre la conception de la pensée et l'effet obtenu : « L'intention première dans l'utilisation de la magia, en laissant de côté toute considération philosophique sur la manière dont cela marcherait, est l'immédiateté : la rapidité, la réduction du travail nécessaire, mais aussi la réduction au minimum (ou jusqu'à sa disparition) du fossé entre l'idée ou le désir, et le résultat ou l'effet. » (Lettres, lettre n°155)

La bonne magia est censée être artistique dans le but de créer ou de faire persévérer la beauté, contrairement à la mauvaise magia, qui est utilisée comme « fourberie » ou pour dominer les désirs des autres. Tolkien explique les différences de type et de motivation de la magie dans la même lettre : « Mais j'imagine que certains diraient que, pour les besoins de ce récit, il y a une distinction latente, comme celle que l'on faisait autrefois entre magia et goeteia. Galadriel évoque les « tromperies de l'Ennemi ». Soit, mais la magia pouvait être, était, considérée comme bonne (en soi), la goeteia comme mauvaise. Aucune des deux n'est, dans ce récit, bonne ou mauvaise (en soi), mais seulement en fonction des intentions, des desseins ou de son utilisation. Des deux côtés on utilise les deux, mais avec des intentions différentes. L'intention suprêmement mauvaise consiste (dans ce récit, puisqu'il s'agit tout particulièrement de cela) à vouloir dominer les autres « libres » arbitres. Les opérations de l'Ennemi ne sont en aucun cas toutes des tromperies goétiques, mais de la « magie » qui a des effets réels dans le monde physique. Mais sa magia, il l'utilise pour renverser les peuples et les choses, et sa goeteia pour terroriser et subjuguer. C'est leur magia que les Elfes et Gandalf utilisent (avec discernement) : une magia, qui produit de vrais résultats (comme d'enflammer un fagot de bois trempé) pour des desseins bénéfiques très précis. Les effets de leur goeteia sont entièrement artistiques, et non destinés à tromper : ils ne trompent jamais les Elfes (mais il peut arriver qu'ils trompent ou déroutent les Hommes non prévenus), puisque la différence est pour eux aussi nette que l'est pour nous la différence entre la fiction, la peinture, la sculpture, et la « vie ». » (Lettres, lettre n°155)

Comment cette magie est-elle invoquée ?

La Magie était principalement invoquée par la parole. Les mots étaient extrêmement importants pour Tolkien, qui était un philologue - quelqu'un qui s'intéresse à l'origine des mots. Réfléchissons à ce passage où Tolkien compare les mots aux sorts : « L'esprit incarné, la langue et le conte sont contemporains à notre monde. L'esprit humain, doté de pouvoirs d'abstraction et de généralisation, ne vois pas seulement « l'herbe verte », la discernant des autres choses, mais voit que c'est « vert » aussi bien que c'est de « l'herbe ». Combien puissante et stimulatrice est à la faculté qui produit cela, était l'invention de l'adjectif : aucun sort ou incantation dans Faërie n'est plus efficace… L'esprit qui pensait lumière, lourd, gris, jaune, immobile, rapide, peut aussi concevoir la magie qui peut rendre léger et capable de voler quelque chose de lourd, changer du plomb en or, et le rocher immobile en eau courante. » The Monsters and the Critics - essai : des contes de fées

Quel est le chemin le plus approprié pour rendre réel le désir de la pensée, sinon de dire les mots qui forment cette pensée ? L'invocation de la magie à travers les mots se rencontre dans le Silmarillion et le Seigneur des Anneaux.

Felagund lutte contre Sauron en chantant des mots de puissance. « Le chant alla crescendo, Felagund se battait, et il mettait dans ses mots la magie et la poésie de tous les Elfes. » (Le Silmarillion - Quenta Silmarillion - Chapitre 19)

Lúthien oblige Carcharoth, le loup qui garde les portes de Morgoth, à dormir. Ainsi elle et Beren peuvent pénétrer dans le Thangorodrim pour reprendre un Silmaril. « Levant les mains, elle lui ordonna de dormir, en disant : « Ô esprit engendré par le malheur, tombe maintenant dans une nuit profonde et oublie pour un temps le lourd destin de la vie. » Et Carcharoth s'écroula, comme frappé par la foudre. » (Le Silmarillion - Quenta Silmarillion - Chapitre 19)

Gandalf crée du feu pour réchauffer la compagnie. « Ramassant un fagot, il le tint un moment; puis sur un ordre : Naur an edraith ammen ! il plongea son bâton au milieu. Aussitôt jaillit un grand jet de flammes vertes et bleues, et le bois flamboya en pétillant. » (Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau - L'Anneau prend le chemin du sud)

Gandalf invoque des mots de Commandement pendant son combat contre le Balrog dans le tombeau de Balin. « Puis quelque chose entra dans la pièce - je le sens à travers la porte - et les Orques eux-mêmes furent effrayés et devinrent silencieux. Le nouvel arrivant s'empara de l'anneau de fer, et alors il perçut une présence ainsi que le sort que j'avais jeté sur la porte. Ce qu'il était, je ne pus le deviner, mais jamais je n'avais senti pareil défi. Le contre-sort était terrible. Il faillit me briser. Un instant, la porte échappa à mon emprise et commença à s'ouvrir ! Il me fallut prononcer un mot de Commandement. L'effort se révéla trop grand. » ( Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau - Le pont de Khazad-dûm)

Aragorn soigne Faramir, Éowyn et Merry, en prononçant leur nom et les appelant à l'aide des vertus guérissantes de l'athelas. « Aragorn posa sa main sur la tête de Merry, et, la passant doucement parmi les boucles brunes, il toucha les paupières, l'appelant par son nom. Et quand la fragrance de l'Athelas se répandit dans la pièce telle la senteur des vergers et de la bruyère à la lumière du soleil plein d'abeilles, Merry se réveilla soudain et dit : J'ai faim. Quelle heure est-il ? » (Le Seigneur des Anneaux - Le Retour du Roi - Les maisons de Guérison)

L'erreur de Gimli, demandant à Legolas de faire attention à Gandalf dans la forêt de Fangorn. « Ton arc, Legolas ! Bande-le ! Prépare-toi ! C'est Saruman. Ne le laisse pas parler ou nous jeter un sort ! Tire avant. » (Le Seigneur des Anneaux - Les Deux Tours - Le cavalier blanc)

Mais l'usage de la magie de cette manière à un prix : elle fatigue temporairement l'utilisateur, comme cela requiert une dépense d'énergie interne à l'individu. Gandalf dit qu'il a besoin de se reposer après son combat contre le Balrog dans la Moria : « Je suis épuisé. Je dois me reposer ici, même si tous les Orques jamais engendrés sont après nous. » ( Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau - Le pont de Khazad-dûm )

Il y a cependant plusieurs exceptions - caractéristiques de Tolkien - où la magie est invoquée sans l'utilisation de mots, mais dans ces cas, il y a toujours utilisation d'objets. L'exemple de cette sorte le plus convaincant est quand Sam utilise la fiole de Galadriel, qui contient la lumière d'Eärendil reflétée dans le miroir de Galadriel (l'étoile Eärendil étant elle même la lumière d'un Silmaril brillant du plus haut des cieux) : « Comme si son esprit invincible avait mis son pouvoir en mouvement, la verre s'enflamma soudainement comme une torche blanche dans sa main. Il s'enflamma comme une étoile qui glisse du firmament. » (Le Seigneur des Anneaux - Les Deux Tours - Les choix de Maître Samsagace). La fiole elle-même contient la puissance de la lumière, et le désir de Sam d'utiliser cette lumière, sans aucun mot, est ce qui fit qu'elle s'alluma pour éblouir Arachne.

N'y a-t-il aucun exemple de mortels faisant usage de la magie ?

Si, comme toute chose en Terre du Milieu chez Tolkien, il semble y avoir des exceptions. Notez les mots de Gandalf lorsque la compagnie essaye d'entrer par les portes de la Moria : « Je connaissais tous les sorts dans toutes les langues elfiques, humaines ou même orques, qui étaient employés dans ce but. » (Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau - Un voyage dans l'obscurité). Ce passage implique que d'autres races (même les Orques) peuvent utiliser des sorts dans le but d'ouvrir les portes. Cependant il est plus probable que le Portes de la Moria furent elles-mêmes « magiques », avec un mot/sort spécifique qui doit être dit pour les ouvrir : « mellon ».

Ceci s'appliquerait aussi aux autres objets magiques où un mot ou une phrase peut invoquer les compétences spéciales. En d'autres termes, un mortel peut utiliser la magie d'un objet en disant le bon sort. Par exemple Sam et sa corde de la Lothlórien qui se détache toute seule : « Mais je n'aime pas la laisser là, c'est un fait. Il caressa de la main l'extrémité de la corde et la secoua légèrement. C'est dur de me séparer de toute chose emportée du pays des Elfes. Et faite par Galadriel en personne, peut-être… Galadriel. murmura-t-il, hochant la tête avec mélancolie. Il leva la tête tira une dernière fois la corde comme en manière d'adieu. A la totale surprise des deux Hobbits, elle se détacha. Sam tomba à la renverse et les longs rouleaux gris glissèrent silencieusement sur lui. Frodo rit. Qui a attaché la corde ? Il est heureux qu'elle ait tenu aussi longtemps. […] Comme vous voulez, monsieur Frodo, finit par dire Sam, mais je crois que la corde s'est détachée d'elle même - quand j'ai appelé. Il la roula et la rangea amoureusement dans son paquet. » (Le Seigneur des Anneaux - Les Deux Tours - L'apprivoisement de Smeagol). Sam n'est bien entendu pas un magicien, et il n'a aucune compétence magique, mais peut-être que la corde, elle, en a, et en appelant le nom de Galadriel, cela invoque une vertu de la corde qui se défait toute seule, son propriétaire pouvant ainsi l'utiliser à nouveau4).

Cependant, tous ces objets furent fabriqués par l'intermédiaire des traditions, qui sont différentes, selon Tolkien, de l'usage de la « magie ».

Quelle différence entre magie et traditions ?

Tolkien affirmait explicitement que la magie peut être utilisée uniquement par des individus qui ont un pouvoir inhérent (qui n'inoculent pas les hommes). La magie tenait compte de la création instantanée de l'effet par la pensée. Les traditions, d'autre part, sont des connaissances qui avancent en étudiant pour être utilisées pour la création des objets comme des armes, des heaumes, des anneaux… Les traditions peuvent être comparées à la technologie et à une compréhension du fonctionnement de la nature. Tolkien compare cette forme de magie à la technologie dans une de ses lettres.

« La branche des Hauts-Elfes tout particulièrement concernés, les Noldor ou Maîtres de la tradition, se sont toujours trouvés du côté de la « science », de la « technologie », comme nous devrions dire : ils ont voulu acquérir le savoir que Sauron avait réellement […] Ce « désir » particulier des Elfes d'Eregion (une « allégorie », si vous voulez, de l'amour des machines et des procédés techniques), est également symbolisé par leur amitié particulière avec les Nains de la Moria. » (Lettres, lettre n°153)

Prenons un éclair, par exemple. Pour une civilisation moins avancée, un éclair peut très bien sembler une source magique de lumière. Pour nous, son origine et utilisation est conforme aux lois de la Nature. Il en fut de même pour les mortels de Terre du Milieu qui étaient témoins de la « technologie » des elfes. Sam le pensait aussi quand il demandait à voir la magie des Elfes.

Les traditions sont les moyens par lesquels les objets sont crées avec des capacités spéciales. Certains (mais pas tous) exemples d'objets créés grâce aux traditions sont :

D'origine elfique

  • les Trois Anneaux des Elfes : Vilya, Nenya et Narya5),
  • les Palantíri : les pierres de vision de Númenor,
  • les Lampes des Elfes : lampes brillantes sans apport d'énergie,
  • le Miroir de Galadriel : un oracle d'évènements futurs,
  • la Fiole de Galadriel : une source de lumière,
  • le Fourreau d'Andúril : runes de protections contre le bris,
  • l'Elessar : propriétés guérissantes ;

D'origine naine

  • le Heaume de Hador : runes de protection pour le porteur, et de peur pour les ennemis,
  • les Runes de Puissance dans la Salle du Trône de la Moria,
  • les Portes de la Moria, qui s'ouvrent uniquement avec les mots appropriés6) ;

D'origine numénoréenne

  • les Lames des Hauts des Galgals : faites avec des sorts de ruine pour le Roi-Sorcier ;

D'origine mauvaise

  • l'Anneau Unique,
  • Grond : le bélier avec des runes de ruine et de destruction,
  • les Lames de Morgul : maudites pour que la victime devienne un spectre7).

Les Istari - Magiciens - utilisaient-ils la magie ?

Les Istari, bien sûr, peuvent aussi utiliser la magie, mais ils ne forment pas une race. Ils n'étaient pas non plus destinés à être vus comme des magiciens traditionnels, comme nous en voyons dans les légendes européennes. Tolkien affirma qu'il n'y avait malheureusement pas de mot approprié qui signifie clairement son intention, et qu'il se fixa plus ou moins sur le mot « magicien », comme étant le plus proche. Il subsistait toujours des différences entre sa pensée et le mot qu'il avait choisi.

Il y avait un total de cinq Istari qui vinrent en tant que messagers de Valinor pour aider les races de Terre du Milieu à résister à la domination de Sauron. Ils sont des Maiar, des puissances angéliques d'un ordre moindre que les Valar, mais « ayant revêtu corps d'Homme véritable », et sujets aux soucis et effets de la Terre du Milieu. Etant changés en Istari, leur pouvoir inhérent est utilisé comme magie, mais d'une manière restrictive ; il leur était interdit d'utiliser leurs pouvoirs ouvertement en confrontation directe pour dominer.

Comment les Magiciens utilisaient exactement la magie est une spéculation, mais il peut être donné comme argument que leur bâton sont des intermédiaires pour que leur puissance inhérente soit utilisée comme magie. Considérons les passages suivants où Gandalf utilise son bâton…

« De la main gauche, il élevait son bâton brillotant, dont la lueur ne révélait le juste que juste devant ses pieds; de la droite il tenait son épée Glamdring. » (Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau - Un voyage dans l'obscurité)

« Il leva son bâton et la hache de Gimli sauta de son poing et tomba en sonnant sur le sol. L'épée d'Aragorn, dans sa main raidie et immobile, flamboya d'un feu soudain. Legolas poussa un grand cri et tira une flèche haut dans l'air : elle disparut dans un éclat de flammes. » (Le Seigneur des Anneaux - Les Deux Tours - Le cavalier blanc)

« Il leva son bâton, il y eut un roulement de tonnerre. Le soleil fut effacé aux fenêtres de l'est ; toute la salle devint noire comme la nuit. Le feu s'évanouit en cendres. Seule resta visible la silhouette de Gandalf, haute et blanche devant l'âtre noirci. Ils entendirent dans l'obscurité le sifflement de la voix de Langue de Serpent : « Ne vous avais-je pas conseillé, Seigneur, d'interdire son bâton ? Cet idiot d'Hama nous a trahis ! » Il y eut un éclair, comme si la foudre avait fendu la voûte. Puis tout fut silencieux. Langue de Serpent tomba, face contre terre. » (Le Seigneur des Anneaux - Les Deux Tours - Le Roi du Château d'Or

Considérons aussi la traduction de Tolkien du nom « Gandalf » : « Gandalf est un transposition en anglais, du même ordre que celles opérées pour les noms des Hobbits ou des Nains. Le nom existe réellement en Vieux Norrois ( c'est celui d'un Nain dans le Voluspá) et je l'ai utilisé car il m'a paru contenir le radical GANDR-, un bâton, et singulièrement, un bâton du type de ceux qui ont un usage « magique », d'où Gandalf que l'on pourrait traduire : Créature elfique au bâton (magique). » (Contes et légendes Inachevées - Troisième Âge - Les Istari)

Il apparaissait alors que les bâtons des Istari sont nécessaires pour leur capacité à utiliser la magie. Ce n'est pas que les bâtons soient magiques en eux mêmes, mais un engin par lequel leur magie se manifesterait. Comme dit plus haut, les Elfes et les Maiar (Gandalf en était un) possédaient le pouvoir inhérent requis pour la magie. Mais dans le cas des Istari, un bâton sert à la fois comme symbole d'appartenance à leur ordre, et comme un intermédiaire. Il en effet ainsi comme cela est démontré par Gandalf lorsqu'il brise le bâton de Saruman, et le chasse de l'ordre des Istari, ce qui déchoit Saruman de tous ses pouvoirs. Ceci est confirmé par Frodo lors de la dernière rencontre avec Saruman : « Saruman se redressa de toute sa hauteur et leur jeta un regard menaçant de ses yeux noirs. « Mais ne vous imaginez pas qu'en perdant mes biens, j'ai perdu tout mon pouvoir. » […] Les Hobbits reculèrent. Mais Frodo dit : « Ne le croyez pas ! Il a perdu tout pouvoir, sauf sa voix qui peut encore vous intimider et vous tromper, si vous le laissez faire. » (Le Seigneur des Anneaux - Le Retour du Roi - Le nettoyage de la Comté)

Les Nazgûl étaient mortels, ils utilisaient pourtant la Magie, non ?

En effet. Nous savons qu'en tant que Porteur des Neuf, ils avaient des pouvoirs magiques : « Les humains tombèrent plus aisément dans le piège. Ceux qui se servirent des Neuf Anneaux devinrent les puissants de leur époque : rois, sorciers et guerriers d'antan. » (Le Silmarillion - Les Anneaux de Pouvoir et le Troisième Âge)

Mais une distinction doit être faite entre le pouvoir qui leur est conféré par leur Anneau, en tant que « magie » lorsqu'ils étaient encore vivants, et la nécromancie qu'ils utilisent en tant que Nazgûl - c'est à dire quand ils devinrent des spectres. Il a été indiqué quelque part que les Nazgûl ne portaient par leur Anneau8), même s'ils utilisent la magie dans de nombreux cas :

  • lorsque Frodo fuit devant le Nazgúl au gué de la Bruinen :

« Alors le chef, qui était déjà au milieu du gué, se dressa menaçant sur ses étriers et leva la main. Frodo fut frappé de mutisme. Il sentit sa langue se coller à son palais et son cœur battre à tout rompre. Son épée se brisa et tomba de sa main tremblante. » (Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau - Fuite vers le gué) ;

  • au siège du Gondor : « Le Capitaine Noir se dressa alors sur ses étriers et cria d'un voix terrible, prononçant en quelque langue oubliée des mots de puissance et de terreur de nature à briser les cœurs et les pierres. Par trois fois il cria. Par trois fois le grand bélier retentit. Et soudain, au dernier coup, la porte de Gondor se rompit. Comme frappée par quelque maléfique soufflant, elle éclata : il y eut un éclair aveuglant, et les battants tombèrent en fragments sur le sol. » (Le Seigneur des Anneaux - Le Retour du Roi - Le siège du Gondor).

Cependant, la source de cette magie vient de Sauron lui-même. Il était dans la nature des Nazgûl d'avoir cette capacité comme définie par Sauron, et comme résultat de leur servitude à lui par l'utilisation prolongée de leurs Anneaux. La capacité des Nazgûl à utiliser la magie a été « achetée » à un prix terrible : être les esclaves invisibles Sauron.

Que dire de la Magie des Valar et des Maiar ?

Les Valar et les Maiar doivent être traités séparément, et en aucun cas associés à la magie de tous les jours. Les Valar sont considérés comme les « anges gardiens » de la Terre du Milieu, et les Maiar comme leurs auxiliaires, d'un ordre inférieur. Ils peuvent certainement accomplir des exploits surnaturels, mais ces compétences doivent être considérées comme « pouvoir divin » et non comme magie. Le mot « Vala », comme indiqué dans l'index du Silmarillion, signifie « ceux qui ont le pouvoir » (les Puissants), par la magie9).

Mais ça n'est pas le cas de Sauron, même s'il est un Maia. Parce qu'il s'est rabaissé lui même au rôle de tyran, et a gaspillé son pouvoir pour dominer les êtres inférieurs, il est déchu de son titre d'ange pour celui de « Seigneur Ténébreux » ou de « Nécromancien ». En tant que tel, son pouvoir divin est réduit au niveau de magie. Sa participation sur la Terre du Milieu est celle de la domination constante et l'exercice de sa volonté d'assujettir et de contrôler en tant que « magie noire »10).

Que dire des Runes de Puissance ?

Les Runes sont utilisées pour insuffler à un objet un pouvoir ou une capacité spéciale. L'utilisation des Runes est une connaissance qui vient des traditions. Les Nains, particulièrement, utilisaient les Runes de Puissances.

Prenons les exemples suivants :

« Il était un Roi sur son trône, dans une demeures de pierre avec beaucoup de piliers, avec un parquet d'argent et un toit d'or et des runes de puissances sur la porte. » (Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau - Un voyage dans l'obscurité) ; « Le Heaume de Hador fut remis entre les mains de Thingol. Ce heaume était d'acier gris tout ouvragé d'or, et s'y trouvaient gravées de la victoire. Un pouvoir l'habitait , qui protégeait quiconque le portait des blessures et de la mort. » (Contes et légendes inachevés - le Premier Âge - Narn I Hin Húrin)

La nature de ces runes n'est jamais expliquée par Tolkien, mais nous pouvons déduire quelque chose sur ces runes à partir des contextes historiques dont Tolkien s'est servi pour construire sa Terre du Milieu. Nous savons que Tolkien a été influencé par les littératures et cultures germaniques, anglo-saxonnes, et nordiques. L'utilisation des runes pour ces cultures était aussi dans des buts « magiques » sur des épées, des fourreaux, ou d'autres objets. Les runes avaient alors des noms et étaient censées représenter certains concepts fondamentaux tels que la victoire ou la protection. Si quelqu'un connaissait une rune pour une propriété donné, un autre pouvait la graver sur un objet pour conférer la propriété à l'objet en question11).

1) C'est pourtant étonnant de la part des premiers Orques, qui furent des perversions des Elfes par Morgoth.
2) Cela est discutable. Si leur forme est « celle d'un homme » comme expliqué plus loin dans ce texte, il n'est nulle autre race qui soit proche des Istari. On peut peut-être les désigner tout simplement comme étant des Maiar incarnés dans des corps physique.
3) Je suis sceptique sur le caractère inné de la magie. Le mot « inné » exprime une capacité dont on sait se servir dès la naissance, or Aulë dut apprendre aux Elfes à faire des gemmes et autres trésors, et Ossë dut aussi apprendre à faire des bateaux aux Teleri. Un comportement qui doit être développé n'est donc par définition pas « inné », mais acquis.
4) Un autre exemple qui pourrait venir en tête est celui des capes que Galadriel donne aux membres de la communauté. Elle déclare à ce sujet que les vêtements sont solides, et qu'ils feront en sorte que nul ne puisse les voir si telle n'est pas la volonté du porteur, mais qu'un aucun cas ce vêtement est « magique ». Est-ce un contre-exemple ou encore un aspect du caractère inné de la magie elfique ?
5) Et par extension tous les Anneaux de Pouvoir, sauf l'Unique qui n'a été construit que par Sauron. A signaler que c'est Sauron sous le pseudonyme d'Annatar qui apprit aux Elfes, et notemment à Celebrimbor, comment créer les Anneaux de Pouvoir.
6) À noter aussi toutes les armes forgées par Telchar de Nogrod : Angrist, Narsil…
7) On peut ajouter les fouets de flammes des Balrogs.
8) Il existe un débat à ce sujet, des contre-exemples ayant été trouvés. Il semblerait néanmoins que beaucoup plus d'arguments soient en faveur de cette thèse. Cf. l'essai sur les Anneaux de Pouvoir.
9) Deux exemples auraient pu être donnés : le premier sur la création même du monde décrite dans le Silmarillion ; le second sur le fait que les Valar eurent peur de participer à la grande guerre contre Sauron car ils savaient que de nombreuses catastrophes naturelles en résulteraient, du fait de leur très grande puissance.
10) L'auteur oublie de signaler que lorsqu'un Vala ou un Maia se détourne de la voie d'Eru, il perd sa capacité à prendre une forme différente. Pour Melkor, cela s'est passé alors qu'il essayait de voler la part de joyaux d'Ungoliant ; pour Sauron ce fut bien pus tard, lorsqu'il revint après la submersion de Númenor.
11) Précisons que seuls les personnes ayant la magie innée comme les Elfes pouvaient tisser, écrire ou graver de telles runes de pouvoir. Sinon même les Hobbits pourraient devenir mages. Les Nains n'ont pas de magie innée, la plupart de leurs runes de pouvoir leur venaient des Elfes : ainsi les portes de la Moria avaient été fabriquées par les Nains et par les Elfes d'Eregion.
 
essais/magie/magie-sorts.txt · Dernière modification: 06/04/2020 18:47 (modification externe)
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