La traversée des Mines de la Moria. Catabase et Anabase des personnages de la Compagnie de l'Anneau : un exemple de traversée des Enfers dans « Le Seigneur des Anneaux »

Bruno Delorme - avril 2011
Article théoriqueArticles théoriques : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs.
Bruno Delorme (semlille@nordnet.fr) est l'auteur d'un ouvrage Le Christ grec (Paris, Bayard, 2009) portant sur l'influence de la rhétorique grecque sur la constitution de la figure du Christ et la rédaction des Évangiles. Il a publié plusieurs articles concernant les religions antiques et orientales, consultables sur le site de la bsa de l'Université de Lille III, France ; ainsi qu'une étude sur Un thème du Seigneur des Anneaux disponible sur notre site.

Dans la plupart des grandes religions, l'enfer est un lieu particulier qui n'appartient pas au monde ordinaire, et qui, selon les antiques géographies mythiques, est généralement situé sous terre1). Son accès est réservé à ceux qui y sont destinés, à savoir les âmes des morts2). Mais il est possible, à certains êtres d'exception, de franchir la frontière qui sépare le monde des vivants de celui des trépassés pour séjourner temporairement dans ce monde souterrain3).

Pour parvenir en ce lieu, les âmes des défunts doivent y descendre4). Cette « descente » s'effectue grâce au courant d'un fleuve mythique, comme le Styx chez les Grecs ou l'Houbour chez les Mésopotamiens5), et qui emporte les âmes dans ces lieux souterrains que sont les Enfers : Achéron, Hadès, Hel, Yama, Tartare, Arallû, Kur, Schéol, selon le nom que chaque civilisation a donné à ces endroits sombres et terrifiants.

Dans la longue aventure vécue par les protagonistes du chef-d'oeuvre de Tolkien, et avant que la Compagnie ou la Communauté de l'Anneau ne se sépare, leur périple qu'ils affrontent va les mener dans un lieu terrifiant entre tous et qu'ils vont devoir traverser quasiment malgré eux. Ce lieu, c'est la Moria6).

Mais pourquoi ces personnages doivent-ils emprunter ce terrible chemin souterrain ? Et comment cette traversée va-t-elle affecter leur périple?

C'est ce que Tolkien a décrit en ces quelques chapitres7) où il leur fait subir une descente aux Enfers suivie d'une remontée vers un lieu paradisiaque8). En tant que telle, cette traversée trouve un parallèle dans certaines formes d'aventures mythiques, humaines ou divines, connues dès l'Antiquité, et appelées « catabase » et « anabase ».

Catabase et anabase : définitions

Ces termes techniques, d'origine grecque, définissent chacun ce mouvement de descente et de remontée, applicable aux situations les plus extrêmes de la vie humaine.

L'anabase est le mouvement de l'ascension, de la montée ou de la remontée9). Par extension, l'anabase signifie aussi une forme d'expédition géographique, une progression, ou encore les marches d'un escalier.

La catabase évoque le contraire, à savoir le mouvement de descente, un lieu en pente10). Par extension, la catabase signifie une descente aux Enfers.

Une telle descente et une telle ascension comportent aussi des connotations spirituelles, et l'on peut ainsi parler dès l'Antiquité d'une descente aux Enfers ou d'une ascension céleste :

« L'idée que certains mortels ou même certains dieux, qui ne devaient pas y pénétrer, avaient pu entrer dans les Enfers et en ressortir, a plu aux divers peuples de l'antiquité et leur littérature a plusieurs fois traité ce sujet. Tantôt l'expédition a eu lieu dans un rêve […], tantôt ceux qui sont descendus aux Enfers l'ont fait après leur mort, tantôt ils y sont allés de leur vivant. Il s'agit là d'un véritable exploit et l'on comprend que la légende s'en soit emparée. »11)

Les personnages capables d'un pareil exploit sont généralement des rois, des dieux ou des héros12).

On comprend aussi que ce thème ait trouvé un grand intérêt dans la littérature chrétienne, et que l'on ait prêté au Christ un semblable exploit, avant sa Résurrection13). Thème qui fut relaté très tôt, dans l'histoire du Christianisme, par exemple dans le Symbole des Apôtres14), credo récité encore de nos jours lors des célébrations eucharistiques.

Mais pareil exploit est aussi le propre des personnages de la Communauté de l'Anneau dans le chef-d'œuvre de Tolkien. Eux-mêmes doivent se rendre à la Montagne du Destin, dans le Mordor, domaine de Sauron, pour y jeter l'Anneau dans le feu et le détruire15). Mais après avoir vainement tenté d'emprunter des chemins difficiles pour accéder au Mordor16), ils sont obligés de prendre une autre route, celle de la Moria17). Cette perspective, peu réjouissante pour la plupart des protagonistes, semble être la seule voie possible.

La description de la Moria et sa signification

Dans le roman de Tolkien, la Moria est un lieu particulier, une sorte de royaume souterrain qui abrite les Nains. On sait que ceux-ci représentent, depuis l'Antiquité et jusqu'au Moyen Âge, les défunts qui séjournent sous la terre18). Êtres ambigus, comme les Alfes dont le magicien Gandalf tire son nom19), ils sont à la fois pourvoyeurs de richesses, signes de fécondité, et réputés dangereux20).

Le nom de la Moria est lui-même significatif du lieu mortel et infernal qu'il désigne21). D'immenses falaises infranchissables l'entourent et semblent garder l'accès à ses portes mystérieuses22). Le lieu est bordé d'un lac aux eaux sombres et dangereuses. Plusieurs mythologies antiques ont imaginé un lac près de la porte du Paradis ou des Enfers, ou encore sur le chemin qui mène les défunts vers leur lieu de renaissance23).

Une ancienne rivière mène aux portes de la Moria, et s'écoule dans un lac24) : représentation fidèle des Enfers selon la mythologie grecque25). Un désert la précède, second signe que l'on se trouve bien dans les abords d'une région infernale :

« La matinée tirait sur le midi, et la Compagnie errait encore en jouant des pieds et des mains dans un paysage désolé de pierraille rouge. Nulle part ils ne voyaient le moindre miroitement d'eau ou n'entendaient le moindre son. Tout était désert et sécheresse. Ils n'apercevaient rien de vivant, pas un oiseau dans le ciel ; mais ce que pourrait apporter la nuit si elles les prenait dans ce pays perdu, nul ne voulait y penser. »26)

Terre sans vie, sans eau, sans présence, terre désertique donc. À l'instar de la mythologie mésopotamienne, dont Tolkien s'est peut-être inspiré, les lieux désertiques sont synonymes des abords de l'enfer ou des chemins qui y mènent27). C'est un semblable désert qui attendra, plus tard, Frodo et Sam avant d'entrer dans le Mordor, autre lieu infernal, encore plus terrible que la Moria28).

La mention des loups, rencontrés auparavant29), créatures de Sauron, dit bien cette longue approche des Enfers, que l'on retrouve dans la mythologie nordique, où ces animaux maléfiques cherchent sans cesse à dévorer le soleil dans sa course30).

Au sein de ce lac qui longe les falaises de la Moria se cache un monstre tentaculaire. La mention de ses tentacules, formes serpentines qui s'enroulent autour du pied de Frodo comme des « doigts » gigantesques31), provenant d'une sorte de pieuvre géante ou d'un serpent de mer, désigne sans conteste un monstre de type ophidien. Ce serpent géant, tapi dans une eau sombre près d'arbres immenses, deux houx très grands32), évoque à la fois le serpent de la Bible, juché près des arbres de la vie et de celui de la connaissance33), les serpents mythiques de la religion mésopotamienne34), égyptienne35), hindoue36), que l'on rencontre près des Enfers, ou encore les serpents et les dragons des mythologies d'origine indo-européenne37).

Sous les immenses falaises infranchissables se trouvent les Portes qui mènent à la Moria. La signification de ces Portes sacrées, qui seraient demeurées invisibles sans la magie de Gandalf, se réfère aussi aux mythologies antiques. Elles devaient se confondre, au commencement, avec les tombes et les tumulus funéraires eux-mêmes38). Si on ne trouve pas ce type de portes dans la Bible39), elles sont néanmoins signalées dès la mythologie mésopotamienne40). Plusieurs degrés constituent ces Enfers, conçus comme une pyramide ou une ziggourat inversée, et à chacun d'entre eux se trouvent une porte et un gardien41). Dans la mythologie mésopotamienne, il existe sept étages des Enfers, entourés de sept murailles et gardés par sept démons42). De même, un animal monstrueux règne sur ces Enfers ou à leurs portes, comme l'hydre dans la mythologie babylonienne, dont le nom signifie « serpent de mer »43), le serpent Apophis dans la religion égyptienne44), ou encore les serpents qui se tiennent près de l'arbre cosmique dans la mythologie scandinave45).

Deux arbres entourent les Portes de la Moria et dessinent une frontière fermant la route empruntée par les voyageurs46). Une fois les Portes trouvées par Gandalf47), deux autres arbres apparaissent aussitôt gravées sur les Portes elles-mêmes :

« Au sommet, aussi haut que pouvait atteindre Gandalf, se trouvait un arc de lettres intersectées en caractères elfiques. En dessous, bien que les fils fussent par endroits estompés ou entrecoupés, se voyait le contour d'une enclume et d'un marteau surmontés d'une couronne de sept étoiles. En dessous encore, il y avait deux arbres, portant chacun un croissant de lune ».

Ces Portes rappellent, en négatif, les arbres du Jardin d'Eden, dans la Bible48), qui possèdent une sorte de pouvoir maléfique, et dont le châtiment, en cas de transgression, implique une chute du paradis qui ressemble, pour le premier couple, à une véritable descente aux Enfers49). Mais ils sont aussi des images des arbres cosmiques des autres religions, comme Yggdrasill dans la mythologie nordique, dont une racine surplombe les Enfers50). On peut dire qu'ils symbolisent à la fois l'entrée des Enfers et les gardiens de ces Portes difficilement franchissables, que ce soit pour y pénétrer ou pour en sortir. Quant aux croissants de lune, ils pourraient faire allusion à la conception scandinave de l'astre nocturne qui préside non seulement à la fécondité, mais aussi à la nuit, au froid et à la mort51). Auquel cas, ces croissants lunaires ont bien leur place sur ces Portes de la Moria.

Le fleuve qui mène aux Enfers, comme le filet d'eau qui s'écoule le long de la route empruntée par les compagnons de l'Anneau52), vestige d'une ancienne cascade, désigne une frontière surnaturelle, de nature aqueuse, qui signifie l'impossibilité pour les vivants de pénétrer dans l'Autre Monde53). Il faudra toute la magie de Gandalf, et la puissance du sortilège qui entoure la Communauté de l'Anneau54), pour permettre à celle-ci de pénétrer dans l'univers infernal de la Moria. Dès leur approche des murs de la Moria, tous les signes de la mort sont présents, et concordent avec la nuit qui arrive55). Par ailleurs, la nature des eaux qui s’écoulent de la Moria doit posséder cette même puissance ambiguë que celle des fleuves des anciennes mythologies56), puisque Gandalf recommande expressément à ses compagnons de ne pas en boire57). D'ailleurs, c'est la mort qui règne en ce lieu terrifiant. Plus aucune âme vivante n'existe, et les derniers Nains ont disparu ou ont été tués58). Leurs traces se lisent comme des indices laissés par les morts pour aider et prévenir les vivants de la Communauté de l'Anneau.

La traversée de la Moria

Le signe le plus évident du passage de la frontière entre le monde des vivants et celui des morts, pour les membres de la Communauté, est leur disparition physique. En plongeant dans les Mines de la Moria, ils disparaissent aux yeux du monde ordinaire et deviennent ainsi invisibles. C'est ce que leur entrée dans la Montagne signifie clairement. Et de même que le mort disparaît aux yeux des vivants en passant sous terre, du fait de son inhumation, de même la Communauté de l'Année en pénétrant dans cette montagne se soustrait aux regards des autres êtres vivants59). C'est ce que leur entrée dans la Montagne signifie clairement. Et de même que le mort disparaît aux yeux des vivants en passant sous terre, du fait de son inhumation, de même la Communauté de l'Anneau en pénétrant dans cette montagne se soustrait aux regards des autres êtres vivants.

La traversée commence donc, après l'épisode de la rencontre fâcheuse avec le « Guetteur de l'eau »,60) le monstre marin. Celui-ci interdit toute retraite pour les compagnons, et, de plus, l'issue est bloquée par les Portes qui se sont refermées61), comme il se doit en un tel lieu où il est aussi difficile d'y pénétrer que d'en sortir. C'est un labyrinthe sombre et malsain, étouffant ou froid, selon l'endroit où l'on se trouve62). Les Nains, figures des défunts enterrés, l'ont jadis habité et ont creusé des mines afin d'y chercher des métaux précieux. Et le plus précieux entre tous, est le mithril63). Mais il y a d'autres êtres qui hantent ces lieux, des êtres obscurs, malfaisants et démoniaques qui errent comme des damnés en peine : orques, uruks, trolls et enfin Balrog, sans doute une représentation christianisée par Tolkien d'un ancien dieu des Enfers64). Ceux-ci vont s'en prendre violemment aux intrus dans des combats qui symboliseront à la fois la traversée elle-même de ces Enfers, et le combat, plus intérieur, que chaque membre de la Communauté doit mener contre ses propres démons. Gandalf lui-même, grand magicien, affrontera un adversaire à sa taille : le Balrog.

Chaque compagnon combat avec ses propres armes. Legolas avec ses flèches elfiques, Boromir et Aragorn avec leurs épées royales, Gimli avec sa hache65). Frodo combat avec son épée fantastique, Dard66), et il est protégé par la cotte de maille en mithril, offerte par Bilbo67). Gandalf détient deux armes : son bâton magique et une épée.

Leur périple dans ces profondeurs les mènera dans des endroits différemment élevés et escarpés. Ils pénètrent à chaque fois dans des salles qui sont comme des paliers ou des degrés des Enfers, reliés par des escaliers. La chaleur qu'ils ressentent est le signe qu'ils touchent à la fois au centre de la Terre et au cœur des Enfers.

Dans ce long et dangereux périple, le heurt avec les êtres démoniaques connaît son apogée avec l'apparition du Balrog, près du Pont de Khazad-dûm68). Le Balrog est un être particulier. Il s'agit en fait du maître de la Moria, c'est-à-dire du Seigneur des Enfers. C'est un Satan ou un Lucifer doté de toutes les caractéristiques du diable : c'est une « ombre ardente » et sa forme est « ruisselante de feu »69). Il possède des ailes immenses qui s'étendent « d'un mur à l'autre »70). Il terrifie même les autres occupants de la Moria qu'il conduit et dirige avec son terrible fouet71). Va s'engager alors un combat titanesque entre lui et Gandalf.

L'épreuve : le Pont de Khazad-dûm

Poursuivie par les orques, les trolls et les ourouks, la Communauté arrive à un pont qui donne, plus loin, sur la sortie de la Moria. Il semble étrange de trouver là une telle construction, mais son sens relève une fois de plus de l'utilisation d'une symbolique religieuse antique. Le Pont de Khazad-dûm est décrit par Gandalf comme « dangereux et étroit. »72) De fait, il semble difficile de le franchir et il signe la fin des grandes salles creusées dans la Moria :

« A l'extrémité de la salle, le sol disparaissait, tombait à une profondeur inconnue. La porte extérieure ne pouvait être atteinte que par un mince pont de pierre, sans bordure ni parapet, qui franchissait la coupure d'une seule arche bondissante de cinquante pieds. C'était une ancienne défense des Nains contre tout ennemi qui aurait pris la Première Salle et les galeries extérieures. Ils ne pouvaient passer qu'en file indienne. »73)

Ces détails sont extrêmement intéressants, car ils donnent à penser non seulement que ce pont n'est pas un passage aisé, mais aussi qu'il est dangereux, surplombant un vide abyssal, et surtout qu'on ne peut que le franchir seul, c'est-à-dire qu'une personne à la fois, et non en groupe. Étonnamment, ce pont de sortie des Enfers trouve un modèle à la fois dans certaines religions antiques et dans un roman médiéval.

En effet, un pont mythique est connu dans l'ancienne religion iranienne, le Mazdéisme. Il s'agit du pont des âmes ou « Pont de Cinvat »74). Celui-ci délimite les régions qui séparent le ciel des Enfers, pont que l'âme du défunt doit traverser avant d'aller au lieu qui lui revient, selon ses actes passés. Or, ce pont enjambe les Enfers. Si les actes du défunt sont jugés bons selon la religion, dans un jugement qui préfigure déjà le Jugement dernier du Christianisme, l'âme passera le pont. Si les actes mauvais l'emportent, l'âme chutera dans les Enfers où l'attendent les tourments. Une précision supplémentaire est donnée par les textes mazdéens à ce sujet, et qui apporte une lumière sur l'étroitesse du Pont de Khazad-dûm :

« Dans l'eschatologie iranienne ultérieure, le pont devient une épée tranchante : l'âme droite passe par le côté large, mais l'âme pécheresse doit marcher sur le fil de la lame. « On lui coupe le chemin, elle tombe la tête la première, du plus haut du pont, dans les Enfers, et subit tous les maux possibles. » Cette idée que le passage est étroit et coupant comme la lame d'un couteau se trouve également dans les textes de l'Inde… »75)

Or, cette transformation du pont en une épée tranchante rappelle une image qui a été employée et développée plus tard, au Moyen Âge76). Dans le roman arthurien nommé Le Chevalier à la charrette77), Gauvain accompagne un mystérieux chevalier pour tenter de retrouver la reine Guenièvre, qui a été enlevée et est retenue prisonnière. Dans leur périple, tous deux doivent emprunter un pont, le « Pont de l'Épée ». L'eau qui y coule est décrite comme une eau noire et boueuse, et ressemble « à l'eau du diable »78). Gauvain, descendra vers un autre pont appelé « sous l'Eau », et le chevalier mystérieux, qui n'est autre que Lancelot, prendra le Pont de l'Épée. Comme son nom l'indique celui-ci ressemble à une longue épée avec son tranchant, et il est plus dangereux que celui « sous l'Eau ». En tentant de délivrer la reine, emprisonnée par son geôlier et protégée par des lions qui gardent l'entrée du Pont, lesquels ne sont pas sans rappeler les chiens de l'enfer dans le Mazdéisme79), Lancelot se blesse en traversant le Pont de l'Épée80). Il finira par libérer Guenièvre après bien des péripéties. La mention d'êtres surnaturels, dans ce conte, comme les fées, mais aussi les nains, avec le récit de la charrette, qui est sans doute un véhicule censé mener à l'Autre Monde, tout cela donne à ce roman un aspect de traversée des Enfers81). Quant au pont, il devient un topos littéraire et religieux qui va connaître un grand succès :

« Le pont périlleux constitue donc un parfait exemple de motif transversal qui, avant de devenir un cliché du féérique romanesque, appartient au narratif religieux, et plus précisément aux récits de voyage au pays des morts. Les émules de Chrétien n'ont fait que le décliner selon de multiples variantes plus imaginatives les unes que les autres : pont coupant, glissant, tournant ou inachevé, pont au lion ou au dragon. »82)

S'il n'est pas exagéré de faire de Tolkien l'un des émules modernes de Chrétien de Troyes, et l'un des continuateurs du roman arthurien, transformé pour l'occasion par le genre littéraire fantastique, on peut aussi dire qu'il aura transformé le Pont de l'Épée, gardé dans la Moria par l'épée de Gandalf et son bâton magique, en un pont du Diable.

Certes, le Pont de Khazad-dûm n'ouvre pas directement sur les Enfers, et il semble plutôt en fermer l'entrée. Mais c'est parce que la Communauté est entrée par des portes situées de l'autre côté de la Moria. En pénétrant dans la Moria par les « Grandes Portes »83), situées après le Pont de Khazad-dûm, on se trouverait immédiatement devant celui-ci et il faudrait alors le traverser pour pénétrer plus avant dans les Mines.

C'est là que Gandalf va combattre le Balrog, ce démon des Enfers, le plus terrible de tous. Comme nous l'avons noté, Gandalf possède deux armes : son bâton de magie et une épée appelée Glamdring. Mais il possède encore une autre arme qu'il va dévoiler face au Balrog. C'est une arme spirituelle, sacerdotale et religieuse. Une arme sacrée qu'il va opposer à celles du Balrog. Car, si celui-ci est un être démoniaque sombre et plein de feu infernal, Gandalf lui est prêtre d'un autre feu : un feu sacré84). Dans le combat qui les oppose, Gandalf va d'abord briser l'épée du Balrog qui s'en trouve déstabilisé. Puis, alors que le Balrog se relève et tente de frapper Gandalf avec son fouet, celui-ci brise le Pont avec son bâton magique grâce à la force du feu sacré qu'il détient85). Ce feu sacré et « secret » s'oppose et annihile le « feu sombre »86) et infernal du Balrog. Cette opposition entre ces deux feux trouve aussi, semble-t-il, une explication dans des références religieuses antiques.

Toujours dans le Mazdéisme, les prêtres, appelés « mages », étaient les détenteurs de feux sacrés qui n'avaient rien de commun avec les feux ordinaires87). Ces feux, apparentés à ceux du « foyer »88) dans d'autres religions d'origine indo-européenne, comme la religion romaine, étaient entretenus de façon religieuse. Or le feu dont est détenteur Gandalf, et qui est en puissance dans son bâton, est un feu purificateur, et non pas destructeur. Il illumine, réchauffe, réconforte. Et lorsqu'il brise le Pont de Khazad-dûm, c'est pour des raisons sacrées et non profanes. En effet, la rupture du Pont signifie qu'on ne peut le franchir deux fois, et qu'il ne peut servir que pour des raisons religieuses profondes. Enfin, si Gandalf est emporté in extremis avec le Balrog, c'est sans doute parce que la traversée de la Moria ne pouvait s'effectuer sans un certain sacrifice et sans une épreuve ultime et déterminante. Sans que Gandalf aussi ne puisse sortir de façon indemne de cet antre infernal, lui, le grand magicien, souvent un peu trop sûr de lui, qui a peut-être aussi une faute secrète à expier dans ce feu des profondeurs89). Son retour inattendu et bienvenu, quelque temps après, se fera sur un double registre propre à la pensée de Tolkien90). Et il réapparaîtra à ses compagnons d'une double façon : comme un ressuscité, sur le registre chrétien, et dans une forme d'héroïsation, sur le registre antique et païen. Les deux pensées étant ainsi également honorées.

L'anabase : la Lórien

Au fur et à mesure que la Communauté de l'Anneau, marquée par l'absence de Gandalf, s'éloigne de la Moria, le mal, l'angoisse de la mort, ainsi que les souffrances endurées s'apaisent. La description des bois de la Lothlórien par Legolas en fait une sorte de paradis terrestre, ce qu’elle dut être avant l’arrivée des jours sombres91). Mais celui-ci n'est pas un lieu totalement isolé, il est encore dépendant de la géographie de la Terre du Milieu et des péripéties des peuples qui l'habite. Mais avant de pénétrer dans la Lórien, il faut franchir une rivière enchantée : la Nimrodel92). Celle-ci n'a plus de pont, et il faut donc la traverser à gué, comme le recommande Legolas :

« Suivez-moi! cria-t-il. L'eau n'est pas profonde. Passons à gué de l'autre côté. Nous pourrons nous reposer sur l'autre rive, et le son de la cascade nous apportera peut-être le sommeil et l'oubli de notre chagrin. »93)

Cette phrase n'est pas neutre. Elle rappelle étrangement certains passages de l'Évangile où le Christ demande à ses disciples de passer avec lui sur l'« autre rive » d'un lac94). Or, ces paroles peuvent aussi bien se comprendre de façon littérale que spirituelle, le premier sens soutenant le second. Car, sur l'autre rive, que ce soit celle d'un lac, d'une rivière ou de l'existence, on trouve le repos et la sérénité. Et c'est à cette paix paradisiaque que les compagnons de Legolas vont goûter après la terrible épreuve qu'ils ont traversé courageusement. Ils franchissent d'ailleurs « un par un »95) la rivière, comme ils avaient auparavant franchi le Pont de Khazad-dûm, en une réplique inversée de cette traversée périlleuse. Le gué comme la rivière elle-même sont des images mythiques. C'est ainsi que l'Autre Monde est représenté dans l'imaginaire médiéval et la mythologie celtique. Celui-ci advient souvent après le passage d'une épreuve terrible pour le ou les héros qui y sont prédestinés :

« Dans le conte gallois, Kynon, qui vient d'accomplir toutes les prouesses que son pays pouvait lui offrir, se dirige vers les extrémités du monde et les montagnes désertes. Il s'engage dans le plus beau vallon du monde où il longe une rivière aux eaux rapides. Il la franchit au milieu du jour et parvient à l'extrémité d'une grande plaine où se trouve une forteresse étincelante baignée par les flots. La traversée de l'eau nous signifie que le héros, parvenu aux extrémités du monde, a effectué le pas décisif. Il est passé dans l'Autre Monde et le château étincelant qu'il aperçoit baigné d'eau correspond à ces îles surmontées d'une forteresse ou cernées d'un mur d'or ou de bronze que rencontrent sur leur chemin les navigateurs celtiques qui tentent de gagner l'Au-delà en lançant leur vaisseau sur les mers de l'ouest. »96)

A l'image des contes celtiques, l'autre rive de la Nimrodel est donc celle du ou d'un paradis. La cascade qui s'écoule non loin, répand une musique douce, et apporte l'oubli des souffrances et du chagrin. Et l'eau de la rivière est purifiante :

« Frodo se tint un moment près du bord, laissant l'eau couler sur ses pieds fatigués. Elle était froide, mais le contact en était pur et, à mesure qu'il avançait et qu'elle lui montait aux genoux, il sentit ses membres lavés de la souillure du voyage et de toute lassitude. »97)

Eau purificatrice des souffrances, des traumatismes, mais aussi des fautes, telle une eau sacrée ou baptismale.

C'est en ce lieu enchanteur que les compagnons de l'Anneau vont goûter un repos mérité, bien que temporaire. Car ce lieu encore habité par des Elfes n'est pas l'ultime lieu de paix et de sécurité. La guerre déclenchée par Sauron et Saruman va bientôt avoir lieu et les forces des ennemis se préparent. Et la Communauté de l'Anneau doit bientôt repartir vers d'autres contrées dangereuses pour mener à bien sa quête. Pour vivre encore d'autres aventures éprouvantes et extraordinaires, d'autres catabases et anabases qui ne vont cesser d'enrichir le sens même de leur quête, et de lui donner une consistance spirituelle inédite.

Conclusion

Par la technique littéraire d'entrelacement, chère à Tolkien98), la traversée des personnages de la Communauté de l'Anneau dans la Moria devient la première d'une longue série de descentes aux Enfers et de remontées vers la lumière, de catabases et d'anabases, collectives ou individuelles.

A commencer par celles de Gandalf, dans son combat mortel contre le Balrog. Puis, celles d'Aragorn, ensuite, avec le passage du Chemin des Morts, avant la bataille de Pelenor99). Enfin, celles de Frodo, qui vont comporter plusieurs étapes tout au long de son périple dangereux dans le Mordor, vers la Montagne du Destin100). Et ce, jusqu'à l'apothéose finale de l’œuvre. Ces plongées infernales suivies d'ascensions célestes scandent ainsi toute l’œuvre et lui confèrent un rythme essentiel, une respiration romanesque intense et profonde.

Mais si la traversée de la Moria prélude à d'autres catabases, si elle est aussi exemplaire et aussi parfaite en tant que telle, et si elle parle encore aujourd'hui à nos consciences en quête de merveilleux, c'est qu'elle a été rédigée selon des modèles antiques qui lui ont servi de base littéraire et dont son auteur s'est largement inspiré.

Se référer à ces anciennes représentations du monde, de la vie et de l'au-delà, qu'elles soient d'origine païenne ou chrétienne, c'est redonner au Seigneur des Anneaux toute sa profondeur mythique, comme Tolkien l'a voulu lui-même en rédigeant ainsi son chef-d’œuvre, et c'est rendre justice à la fois à cette œuvre géniale et aux modèles antiques qui furent ses sources d'inspiration.

Voir aussi sur Tolkiendil

Sur le net

1) Cf. Platon, Phédon, 110a - 114a. R. Labat et A. Caquot, Les religions du Proche-Orient asiatique, Paris, Fayard, 1970, pp. 94-137. G. Contenau, Le déluge babylonien, Paris, Payot, 1952, pp. 192-193. J. Duchesne-Guillemin, Zoroastre, Paris, R. Laffont, 1975, pp. 37-38. F. Buffière, Les mythes d'Homère et la pensée grecque, Paris, Les Belles Lettres, 1973, Quatrième partie, ch. VIII. J. Vandier, La religion égyptienne, Paris, P.U.F., 1944, ch. III. A. Erman, La religion des Égyptiens, Paris, Payot, 1937, pp. 30-43, ch. XIV. J. Haudry, La religion cosmique des Indo-Européens, Paris, Archè, 1987, pp. 19-80. F. Cumont, Lux perpetua, Paris, Geuthner, 1949, ch. IV. La mention d'une région ou d'une direction comme l'Ouest, dans de nombreuses mythologies, pour désigner les Enfers, indique le lieu du soleil couchant, qui pénètre le soir dans les régions infernales pour les éclairer.
2) Cf. C. Pont-Humbert, Dictionnaire des symboles, des rites et des croyances, Paris, Hachette, 1995, art. « Enfer/paradis », « Souterrain ».
3) Tels les héros ou les dieux. Cf. P. Chuvin, La mythologie grecque. Du premier homme à l'apothéose d'Héraclès, Paris, Fayard, 1992, pp. 283-289.
4) Cf. J. Duchesne-Guillemin, op. cit., p. 37.
5) Cf. R. Labat et A. Caquot, op. cit., p. 42. G. Contenau, op. cit., p. 194. Il en reste des vestiges dans certaines religions comme le Bouddhisme et l'Hindouisme, où le samsâra est considéré comme un fleuve terrifiant qu'il faut traverser pour atteindre l'autre rive de la délivrance. Certaines Upanisads en portent aussi des traces, par exemple, Svetâsvatara Upanishad, Paris, Maisonneuve, 1948, II, 8 : « Tenant son corps ferme aux trois parties dressées, faisant entrer dans le cœur les sens et la pensée, un sage, avec la barque du brahman, traverserait tous les fleuves effrayants. » Au Moyen Age, les textes s'appuieront sur la Bible et la mythologie grecque, ou encore sur l'Enéide de Virgile. Voir M. White-Le Goff, Changer le monde. Réécritures d'une légende. Le Purgatoire de saint Patrick, Paris, H. Champion, 2006, pp. 263-297.
6) Plus précisément, ce sont les « Mines de la Moria ».
7) Cf. J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, Paris, Ch. Bourgois, 1992, Première partie, Livre II - Chapitres IV - V - VI.
8) La Lothlorien, la plus belle résidence des Elfes sur la Terre du Milieu.
9) Cf. A. Bailly, Dictionnaire grec-français, Paris, Hachette, 1894, art. « αναβασις » : « Action de monter, ascension, expédition dans l'intérieur d'un pays, progression, marches d'un escalier. »
10) Ibid., art. « καταβασις » : « Action de descendre, descente, lieu souterrain, descente aux Enfers. »
11) Cf. G. Contenau, op. cit., p. 210.
12) Ibid., pp. 210-211.
13) Cf. R. Gounelle, La descente du Christ aux Enfers, Paris, I.E.A., 2000.
14) Cf. Catéchisme de l'Eglise Catholique, Paris, Centurion, 1998, p. 50 : « Je crois en Dieu […], et en Jésus-Christ, son Fils unique […], qui a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli, est descendu aux Enfers. »
15) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., pp. 295 et 310.
16) Ibid., Première partie, Livre II, Chapitre III : « L'Anneau prend le chemin du Sud. »
17) Ibid., pp. 325-326.
18) Cf. J. Bayet, La religion romaine, Paris, Payot, 1999, pp. 72-77. L. Guyénot, La mort féérique. Anthropologie du merveilleux. XII-XVe siècle, Paris, Gallimard, 2011, p. 280. C. Lecouteux, Dictionnaire de mythologie germanique, Paris, Imago, 2005, art. « Nains ».
19) Cf. R. Boyer, Yggdrasill. La religion des anciens scandinaves, Paris, Payot, 1992, p. 55 : « Gandálfr (Alfe-à-la-baguette-magique). »
20) Ibid., pp. 54-56.
21) Cf. V. Ferré, Tolkien : Sur les rivages de la Terre du Milieu, Paris, Ch. Bourgois, 2001, p. 60 : « (…) la Moria se révèle bien le lieu de mort que laissait présager son nom, anagramme de moira (« destin », en grec) et proche du latin mors (la mort). »
22) Cf. J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, Paris, Ch. Bourgois, 1992, pp. 331-333.
23) Cf. J. Vandier, op. cit., p. 72. Platon, op. cit.
24) Cf. J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, op. cit., p. 331-332.
25) Cf. Platon, Phédon, 110a - 114a.
26) , 52) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., p. 331.
27) Cf. G. Contenau, op. cit., p. 194.
28) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., p. 651.
29) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., pp. 328-329.
30) Cf. P. Guelpa, Dieux et mythes nordiques, Villeneuve d'Ascq, P.U.S., 1998, pp. 24-25.
31) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., p. 339.
32) Ibid., p. 333 : « Mais tout contre la falaise, se dressaient encore forts et vivants, deux grands arbres, plus gros que tous les houx que Frodo eût jamais vus ou imaginés. »
33) Cf. La Bible, Livre de la Genèse, chapitre 2, verset 9.
34) Cf. G. Contenau, Le déluge babylonien, op. cit., pp. 127-132.
35) Cf. A. Erman, op. cit., pp. 36-37.
36) Ce sont les Nâga qui règnent sur le monde souterrain. Cf. C. Pont-Humbert, op. cit., art. « Souterrain », « Serpent ».
37) Cf. J. Schmidt, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Hachette, 1993, art. « Héraclès », « Hydre de Lerne ».
38) Cf. G. Contenau, op. cit., p.194.
39) Hormis les mentions des portes de la cité de Jérusalem, qui deviendront, par comparaison, celles du paradis ou du ciel, par exemple, en Apocalypse 4, 1 et 21.
40) Cf. G. Contenau, op. cit., p.196.
41) Ibid., p. 196. R. Labat et A. Caquot, op. cit., pp.260-261.
42) Cf. G. Contenau, op. cit., p. 193.
43) Cf. R. Labat et A. Caquot, op. cit., p. 42, note 2.
44) Cf. A. Erman, op. cit., p. 37
45) Cf. R. Boyer, Yggdrasill, op. cit., p.209.
46) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., p. 333 : « A un mille au sud le long de la rive, ils tombèrent sur des houx. (…) Mais tout contre la falaise, se dressaient, encore forts et vivants, deux grands arbres, plus gros que tous les houx que Frodo eût jamais vus ou imaginés. Les amples racines s'étendaient du mur jusqu'à l'eau. (…) et ils se dressaient comme des colonnes gardant le bout de la route. »
47) Ibid., p. 334 : « Cette opération achevée, ils se retournèrent pour observer Gandalf. Il paraissait n'avoir rien fait. Il se tenait entre les deux arbres, le regard fixé sur le mur uniforme de la falaise… »
48) Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, Paris, Le Cerf, 1993, art. « Arbre de vie ».
49) La Bible. Livre de la Genèse, ch. 3.
50) Cf. R. Boyer, op. cit., p. 208.
51) Ibid., p. 196
53) Cf. M. White-Le Goff, op. cit., pp. 301-303.
54) Une référence est peut-être donnée par Tolkien, en ce sens, avec la mention de ce philtre étrange qu'est le miruvor, provenant de Fondcombe et donné par les Elfes, que Gandalf donne à ses compagnons (p. 341). Une sorte de breuvage sacrée, en somme, qui leur permet d'entrer dans les Enfers et de les traverser.
55) Ibid., p. 332-333.
56) On peut songer au fleuve grec de l'oubli, le Léthé. Cf. Platon, République, X, 621. F. Cumont, op. cit., p. 306. J. Schmidt, op. cit., art. « Styx », « Léthé ».
57) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., p. 341 : « Allez-y doucement avec l'eau aussi ! Il y a de nombreux ruisseaux et sources dans les Mines, mais il n'y faut point toucher. » Voir P. Chuvin, op. cit., p. 284.
58) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., p. 352.
59) Cf. L. Guyénot, op. cit., p. 180 : « […] Yvain est considéré comme mort par ses compagnons pendant qu'il coule des jours heureux avec sa fée dans l'autre monde. Son invisibilité (temporaire) va dans ce sens, car, en principe, un homme invisible est un homme trépassé. »
60) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., p. 354.
61) Ibid., p. 340 : « Ils entendirent Gandalf redescendre les marches et appliquer son bâton contre les portes. Il y eut un frémissement dans la pierre et les marches tremblèrent, mais les portes ne s'ouvrirent pas. »
62) Ibid., pp. 341, 346.
63) , 68) Ibid., p. 348.
64) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., p. 542. Gandalf demande à Gimli de ne pas nommer le Balrog, considéré comme un être sacré.
65) Ibid., pp. 356-361.
66) Ibid., pp. 341, 358.
67) Ibid., p. 307.
69) , 71) Ibid., p. 361.
70) Ibid., p. 362.
72) Ibid., p. 360.
73) Ibid., pp. 360-361.
74) Cf. J. Duchesne-Guillemin, op. cit., pp. 39-41. Et J. Duchesne-Guillemin, La religion de l'Iran ancien, Paris, P.U.F., 1962, pp. 331-335. Ph. Gignoux « Apocalypses et voyages extra-terrestres dans l'Iran mazdéen », in C. Kappler (dir.), Apocalypses et voyages dans l'au-delà, Paris, Le Cerf, 1987.
75) Cf. G. Widengren, Les religions de l'Iran, Paris, Payot, 1968, p. 57.
76) Cf. M. White-Le Goff, op. cit. En climat chrétien, les actes constitutifs de l'âme corporelle des religions antiques, qui doit traverser le pont mythique, sont remplacés par la foi : « Dans nos textes, le pont remplace, dans une certaine mesure, le passeur. Toutefois, il ne permet pas de se rendre dans notre monde, mais il fait partie de l'autre monde. Le pont est périlleux, glissant, trop élevé et étroit, voire magique, car il va s'élargissant grâce à la foi de celui qui s'y engage »(p. 307).
77) Cf. M. Aurell, La légende du roi Arthur, Paris, Perrin, 2007, pp. 278-280.
78) Cf. L. Guyénot, op. cit., p. 213.
79) Cf. G. Widengren, op. cit., pp. 57-58. Ou encore les Cerbères de la mythologie grecque. Voir, J. Duchesne-Guillemin, La religion de l'Iran ancien, op. cit., p. 111-112.
80) Sans doute du fait de son amour pour la reine, qui est un péché d'adultère.
81) Lancelot, dans ce roman, serait lui-même un être de l'Autre Monde. Cf. L. Guyénot, op. cit., p. 209.
82) Ibid., p. 215. Dans les représentations médiévales occidentales, il sera le symbole du purgatoire. Voir, M. White-Le Goff, op. cit., p. 308 : « Le purgatoire est à la fois le lieu des épreuves purificatrices et le moyen de passage au paradis terrestre, voire, par la suite, au paradis céleste. Il est, par définition, transitoire. Le mouvement de passage entre un lieu et un autre, comme celui que permet le pont, par exemple, peut également être lu de manière métaphorique, comme un changement d'état du sujet par rapport au réel qui l'entoure, comme un passage d'une réalité à une autre, d'un monde à un autre. »
83) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., pp. 350 et 363.
84) Ibid., p. 362 : « Je suis un serviteur du Feu Secret, qui détient la flamme d'Anor. » Sans doute une référence au sacerdoce celtique des feux de Bel, ou à ceux de Kildare, en Irlande, détenus par des druides. Voir, Ch. J. Guyonvarc'h et F. Le Roux, Les Druides, Rennes, Ouest-France, 1986, pp. 165-168. Peut-être est-ce aussi une discrète allusion à une Upanisad dédiée au feu sacrificiel ? Voir, par exemple, Katha Upanisad, Paris, Maisonneuve, 1943, verset I, 14 : « Le feu qui mène au Ciel […], moyen d'atteindre le monde infini et fondement de ce monde, sache qu'il est déposé dans le secret. » Ou encore, III, 2 : « Puissions-nous réaliser le feu Nâciketa, qui, pour les sacrifiants est le pont vers le Brahman Suprême, impérissable, pour ceux qui cherchent à passer sur l'Autre rive sûre ! »
85) Ibid. C'est à la fois la force du feu que détient Gandalf en tant que serviteur du Feu Secret d'Anor, et celui détenu par son bâton.
86) , 93) , 95) Ibid.
87) Cf. G. Widengren, op. cit., pp. 48-50.
88) Au sens étymologique du terme, c'est-à-dire le feu du foyer familial (du latin focus).
89) Sans doute une faute d'orgueil ? Mais c'est une interprétation personnelle…
90) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., Livre III, ch. V : « Le cavalier blanc »
91) Ibid., p. 366.
92) Ibid., p. 370.
94) Par exemple, Luc 8, 22 ou Jean 6, 20-25.
96) Cf. B. Robreau « Yvain et les fées de Brocéliande », in Ph. Walter (dir.), Brocéliande ou le génie du lieu, Grenoble, P.U.G., 2002, p. 141.
97) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., p. 370.
98) Cf. V. Ferré, op. cit., p. 67.
99) Cf. J.R.R. Tolkien, op. cit., pp. 835-846.
100) Ibid., pp. 1000-1010.
 
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