Les numéraux fëanoriens employés par les Nains

Trois Anneaux
Damien Bador – Mars 2022
Notes de lectureNotes de lecture : En tant que présentations ou compilations, ces articles sont les plus accessibles à tous les lecteurs. Aucune connaissance sur J.R.R. Tolkien n’est requise.

Il y a quinze ans, John Rateliff publiait The History of the Hobbit, une édition de l’ensemble des brouillons du Hobbit. Cet ouvrage comprenait entre autres divers travaux tardifs autour du roman, entamés après la parution du Seigneur des Anneaux, mais qui n’avaient jamais été publiés du vivant de J.R.R. Tolkien. En 2011 paraissait une édition révisée de ce livre, augmentée de quelques documents que son fils Christopher Tolkien avait découverts trop tard pour être intégrés à la première édition. Ces manuscrits étaient rangés à l’intérieur d’un des exemplaires de la deuxième édition du Hobbit qui appartenaient à son père.

La plupart d’entre eux semblent remonter à 1965–1966 et avoir été préparés suite aux questions de lecteurs sur l’usage des runes dans le Hobbit. Ils pourraient avoir été rédigés en vue d’une inclusion dans l’édition brochée du Hobbit qui fut publiée par Longmans Green Co. en 1966, bien qu’en définitive ils n’y aient pas figuré1). L’un de ces documents2) présente l’usage que faisaient les Nains de l’alphabet fëanorien, les tengwar. Tolkien introduit ce mode ainsi :

Pour les livres, les documents ou tout ce qui était écrit au moyen d’une plume, les Nains les plus fréquentables (à l’instar de la plupart des gens de cette époque) utilisaient la forme cursive de l’alphabet « fëanorien » (ou deuxième alphabet elfique). Vu qu’elle est quelque peu complexe, celle-ci a été transcrite en nos caractères ordinaires pour « Le Hobbit » (quoiqu’on en voie un aperçu peint sur l’une des jarres de l’illustration en couleur de la tanière de Smaug)3).

Dans son article « Les tengwar : un mode pour les Nains », Vivien Stocker a présenté le fonctionnement de ce mode d’écriture, y compris les spécificités liées à la ponctuation employée par les Nains. Toutefois, il n’y a pas inclus les numéraux qui y sont associés, sans doute à cause d’une remarque de Tolkien : « Il n’existait pas de numéraux »4), ce qui laisse penser que les systèmes présentés dans ce document ne constituaient pas un usage spécifique aux Nains, mais reprenaient des conventions d’usage plus général5).

En dépit de cette remarque, Tolkien liste trois manières qu’avaient les Nains de représenter les numéraux. Dans son édition, John Rateliff ne présente que les deux premières, car la troisième était trop effacée pour qu’il puisse la reproduire sans risquer de faire erreur6). Les deux modes publiés relèvent manifestement d’un système décimal, vu que Tolkien fournit les chiffres de 0 à 9. Aucun exemple descriptif n’est cependant fourni dans cette description et le seul exemple d’usage correspond à l’horaire 11 a.m. « 11 h du matin » dans la première et la troisième version du « Contrat de Bilbo »7). Il n’est donc pas possible de déterminer si ces chiffres étaient supposés s’écrire en notant à gauche la plus petite unité, à l’instar des « numéraux de Fëanor » publiés avec le concours de Christopher Tolkien dans les Quettar nos 13 et 14.

On ignore également s’il s’agit de systèmes supposés coexister en Terre du Milieu avec ces numéraux ou avec ceux figurant dans la « Lettre du Roi », lesquels avaient fait l’objet d’une analyse dans un article de Per Lindberg. Il pourrait aussi s’agir d’une conception alternative de J.R.R. Tolkien, en remplacement des systèmes qu’il avait précédemment élaborés. Nous présentons ci-dessous les deux systèmes publiés par John Rateliff, en employant pour les désigner les dénominations que Tolkien leur avait attribuées8).

Numéraux nanesques (fëanoriens)

Le système le plus employé par les Nains lorsqu’il était nécessaire de représenter des numéraux était un système alphabétique, attribuant à chaque tengwa une valeur numérique conforme à l’ordre du mode fëanorien qu’ils employaient. Seuls faisaient exception le 9, signe alphabétique non utilisé par les Nains, et le 0, signe non alphabétique manifestement hérité des sarati de Rúmil (voir la section suivante).

1 2 3 4 5 6 7 8 9 0



Numéraux nanesques (rúmiliens)

Alternativement, les numéraux du premier alphabet elfique, l’alphabet de Rúmil, étaient « parfois » employés. Il n’est cependant pas précisé quelles conditions pouvaient justifier l’usage de ces numéraux en remplacement du système alphabétique ci-dessus. En revanche, il semble clair que les chiffres écrits suivants ce système devaient être attachés les uns aux autres par la barre horizontale qui les surmonte.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 0
1 2 3 4 5 6 7 8 9
Les chiffres présentés dans le tableau ci-dessus ne correspondent pas aux différentes variantes de numéraux rúmiliens que Tolkien avait élaborés en 1921–1922, ainsi qu’on peut le constater à la lecture de l’analyse faite par Helios de Rosario Martínez dans son article « Les Numéraux rúmiliens ». Néanmoins, certaines similitudes peuvent s’observer, la plus notable d’entre elles étant le fait que le chiffre 0 des deux tableaux ci-dessus est identique à celui employé dans le document R11b, qui contient la plus tardive des variantes en question.

Voir aussi sur Tolkiendil :

1) L’un des documents de cette série (Ad. Ms.H.S.6–8) contient deux lignes de runes destinées à la page de titre de cette édition ; cf. HotH 2e éd., p. 895–896.
2) Numéroté Ad.Ms.H.S.11–14 par John Rateliff, ce manuscrit serait apparemment rédigé à l’encre bleue ; cf. HotH 2e éd., p. 905.
3) Version originale : « For books or documents or anything written with pens the better kind of Dwarves (as most other folk of the period) used the running form of the ‘Fëanorian’ (or Second Elvish) Alphabet. As this is a little complicated it was transcribed into our ordinary letters in ‘The Hobbit’ (though there is a glimpse of it painted on one of the jars in the coloured picture of Smaug’s lair). » Cf. HotH 2e éd., p. 905.
L’illustration à laquelle Tolkien fait allusion a été publiée dès la deuxième impression anglaise du Hobbit et dans de nombreuses éditions anglophones par la suite. On la retrouve notamment dans J.R.R. Tolkien : Artiste & Illustrateur, de Wayne Hammond et Christina Scull, p. 140.
4) Version originale : « There were no numerals » ; cf. HotH 2e éd., p. 908.
5) On peut cependant noter que les deux systèmes présentés sont intitulés dwarven numerals « numéraux nanesques » quelques lignes plus bas, ce qui pourrait être contradictoire avec l’affirmation qu’il n’existait pas de numéraux propres au mode nanesque des tengwar. Il est possible que Tolkien ait fait évoluer sa conception de l’usage des tengwar par les Nains au cours de la rédaction de ce bref essai.
6) Il précise cependant qu’il s’agissait d’un mode alphabétique, comparable au premier présenté ici, mais dont les valeurs numériques différaient ; cf. HotH 2e éd., p. 912 n. 6.
7) Ces deux versions du « Contrat de Bilbo » sont probablement étroitement contemporaines de la description de ce mode des tengwar. La deuxième version semble être bien plus ancienne. Selon Arden Smith, elle a vraisemblablement été rédigée peu après la parution du Hobbit, fin 1937. Dans cette version, l’horaire du rendez-vous est donné en toutes lettres : eleven « onze ». Voir HotH 2e éd., 2nd frontispice & p. 906, cf. p. 904.
8) Cf. HotH 2e éd., p. 908.
 
langues/ecritures/tengwar/numeraux_feanoriens_nains.txt · Dernière modification: 02/03/2022 11:54 par Elendil
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