Le naffarin : nous savons au moins que « vrú » signifie « toujours »

 Trois Anneaux
Helge Kåre Fauskanger
traduit de l’anglais par Vivien Stocker
Notes de lecture : En tant que présentations ou compilations, ces articles sont les plus accessibles à tous les lecteurs. Aucune connaissance sur J.R.R. Tolkien n’est requise.
« O Naffarínos cutá vu navru cangor luttos ca vúna tiéranar, dana maga tíer ce vru encá vún’ farta once ya merúta vúna maxt’ amámen. »

La signification de cette étrange phrase est probablement perdue à jamais, excepté pour le mot vru, ou vrú, signifiant « toujours ». C’est le seul exemple que Tolkien donne du naffarin1), la langue privée plus sophistiqué qu’il commença à développer après la mort du nevbosh. En fait, le naffarin chevaucha en partie les dernières étapes du nevbosh. Contrairement à celui-ci, le naffarin n’a jamais été partagé avec autrui ; le jeune Tolkien ne semble pas avoir tenté de l’enseigner à ses amis. Il fait observer qu’il aurait aimé le faire circuler, mais ne l’a jamais fait, estimant sans doute que cela n’intéresserait personne. Il semble que le naffarin ait été seulement une langue, dépourvue de mythologie accompagnatrice. Néanmoins, elle représentait un grand pas en avant : avec le naffarin, le jeune Tolkien conçut pour la première fois une langue complète en associant sons et significations selon ses propres préférences, plutôt qu’en distordant des mots issus de langues existantes. En nevbosh, seul un petit nombre de mots étaient de ce type, comme lint « vif, habile, agile » (cela pourrait très bien être un des mots qui furent adoptés en naffarin à partir du nevbosh ; il a même survécu en quenya !) Tolkien mentionne vrú « toujours » comme « une association curieuse qui prédomine dans les langues que j’invente et qui arrive toujours à s’introduire de force (un cas de fixation précoce d’association individuelle, je suppose, dont je ne peux désormais me défaire) »2). En quenya, il apparait sous la forme voro « toujours, continuellement »3).

Le style phonétique général du naffarin est inspiré du latin et de l’espagnol. Tolkien a délibérément laissé de côté certains sons anglais, comme w, th, sh. Mais nous n’en saurons jamais plus sur le naffarin, car Tolkien nous informe que « il y a longtemps qu’il a été bêtement détruit » - et cela fut écrit en 1931. Pourtant, l’on peut déjà observer une progression vers les formes elfiques ; le goût linguistique de Tolkien s’affinait. De nombreux mots, mais pas tous, auraient pu être du quenya, par leur style et leur structure : la forme la plus ancienne de « qenya » allait apparaître à peine quelques années plus tard - et l’on ne peut manquer de noter que le mot même de « naffarin » possède la terminaison -rin, que l’on retrouve dans de nombreux noms des langues plus tardives : sindarin, vanyarin, valarin, telerin, etc.

Lexique naffarin

Pour donner corps à ce qui aurait autrement été une liste assez peu intéressante, je mentionne les formes elfiques ultérieures se rapprochant des mots naffarins, mais ce n’est que pour démontrer que Tolkien s’approchait déjà de son « style » elfique caractéristique, et il ne s’agit pas d’une tentative pour deviner ce que les mots naffarins signifiaient vraiment, sauf dans le cas de navru.

Note de l'éditeur : Vous trouverez, en rouge, quelques entrées rajoutées suite à la parution de A Secret Vice en 2016, entrées qui n'apparaissaient pas dans la conférence originale publiée dans Les Monstres et les critiques et autres essais. Toutes ces entrées sont présentes page 20 de A Secret Vice.
  • amámen : ??? (Quenya Aman « le Royaume Béni ».)
  • ca : ???
  • ce : ??? (Quenya #ce « tu » - une tentative de reconstruction se fondant sur les terminaisons sindarines -ch, -g, et l’accusatif tye, qui pourrait représenter le #kye primitif. Mais la forme quenya pourrait aussi être #ci.)4)
  • cangor : ??? (Radicaux elfiques KAN « braver », GOR « violence, impulsion, hâte »5).)
  • cutá : ??? (Quenya cucua « colombe »6), « arc », cúma « le Vide ».). Forme élidée de cutár, ci-dessous.
  • cutár : ???
  • dana : ??? (Sindarin Danath « Nandor », les Elfes qui ne passèrent pas les montagnes pendant la marche depuis Cuiviénen.)
  • encá : ??? (Quenya enta « celui-là ».)
  • farta : ??? (Radical elfique PHAR « atteindre, aller jusqu’au bout, suffire »7).)
  • luttos : ??? (Quenya lusta « néant, vide », radical elfique LUT « flotter, nager », quenya luntë « bateau ».)
  • maga : ???
  • maxt’ : ??? Évidemment une forme élidée de #maxta, vu que le mot suivant débute par a. (Quenya maxa « souple, doux », masta « pain ».)
  • merúta : ???
  • naffarin : Naffarin, nom de cette langue, étymologie inconnue. (Voir les noms de plusieurs langues ultérieures, comme sindarin, vanyarin, etc.)
  • Naffarínos : Évidemment une forme fléchie de naffarin ou un composé incluant ce terme.
  • navru : ??? Pourrait comporter vru, vrú « toujours ». Dans l’elfique ultérieur, NA est le radical de mots comme « vers » et « pour », aussi navru pourrait simplement signifier « pour toujours ».
  • o : ??? (Sindarin o « de, depuis ».)
  • once : ??? (Radical elfique ONO « engendrer », quenya onta- « engendrer, créer », onna « créature ».)
  • tíer : ??? Cf. tiéranar ? (quenya tier, pluriel de tie « chemin ».)
  • tiéranar : ??? (Quenya tie « chemin », Rána un nom de la Lune.)
  • vru ou vrú : « toujours »8). (Quenya voro « toujours ».) Cf. navru.
  • vu : ??? (Radical elfique « ensemble », quenya ve « comme, tel ».)
  • vún’ : Évidemment une forme élidée de vúna ci-dessous.
  • vúna : ??? Cf. ?
  • ya : ??? (Quenya ya pronom relatif « que, qui ».)

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) M&C p. 259 (VF) ; MC p. 209 (VO).
2) , 8) M&C p. 260 (VF) ; MC p. 209 (VO).
3) RP p. 398 (VF) ; LRW p.353 (VO).
4) N.d.É. : depuis la parution de cet article, le VT 49, p. 50-51, nous a fourni une liste des radicaux pronominaux du quendien primitif ainsi que des flexions du quenya, datant d’environ 1968. On y apprend que le radical de la deuxième personne du singulier avait une forme familière, ki, laquelle donna le quenya -tye « tu ».
5) RP p. 410, 406 (VF) ; LRW p. 362, 359 (VO).
6) N.d.É. : la forme quenya a été corrigée, la version originale de cet essai donnant **cua, une forme erronée (cf. VT 45, p. 24).
7) RP p. 435 ; LRW p. 381
 
langues/hors_legendaire/langues_jeunesse/naffarin.txt · Dernière modification: 06/04/2020 18:47 (modification externe)
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