Interview de Dominique Pinon

 Dominique Pinon - HD  Le Hobbit - Version Audio - Audiolib Dominique Pinon, acteur de talent ayant joué dans La Cité des Enfants Perdus, Delicatessen et Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, a prêté sa voix pour lire la version audio du Hobbit disponible chez l'éditeur Audiolib. Le 7 décembre 2012, autour d'un verre au Dernier Bar avant la fin du Monde, celui-ci a accepté de répondre aux questions de Julien Carbon.

Julien Carbon : On vous dit grand lecteur. Êtes-vous éclectique dans vos lectures ou avez-vous des domaines ou genres de prédilection ?

Dominique Pinon : Oui, un lecteur pour moi même déjà, et puis j’adore cet exercice de lecture. J’ai commencé à faire ça depuis quelques années avec une petite maison d’édition, Gaïa, qui édite beaucoup d’auteurs nordiques. J’ai suivi un auteur, Jørn Riel, qui écrits des histoires très drôles et touchantes, des racontars sur le Groenland des années 60. C’est un peu des tartarinades, la moindre histoire prend des proportions énormes. Et puis j’ai fait des lectures publiques pour l’association Texte et Voix.

Comment est né le projet de l’audiolivre de Le Hobbit ? Comment avez-vous été contacté, choisi ?

En fait cela s’est fait par hasard. Je faisais des enregistrements pour les éditions Que Sais-je ? qui renouvellent un peu leur collection et qui m’ont demandé de faire un enregistrement consacré à la contrepèterie par le biais de Nadine Eghels, de l’association Texte et Voix. C’est dans ce studio d’enregistrement, que celle-ci m’a demandé si je ne voulais pas lire les deux ou trois première pages de Le Hobbit histoire d’avoir un pilote pour les éditions Audiolib.

Étiez-vous habitué aux lectures du registre de la fantasy ou du fantastique ?

Non, pas du tout. Je vous avouerai pour parler franchement que pour Tolkien, j’ai Bilbo le Hobbit depuis quelques années chez moi, en anglais, mais je ne l’ai jamais ouvert.

Vous avez donc découvert Tolkien avec cette lecture ?

Absolument, j’ai découvert Tolkien avec cette lecture, et j’avoue qu’à le lire, cela semble fait pour ça. C’est de la littérature orale. Puis Nadine Eghels a transmis le pilote, et les éditions Audiolib ont trouvé cela très bien, alors ils m’ont proposé de faire Le Hobbit en entier.
« Absolument, j’ai découvert Tolkien avec cette lecture, et j’avoue qu’à le lire, cela semble fait pour ça. »


Avez-vous hésité ?

Pas du tout ! J’étais vraiment ravi de faire ça, d’abord parce que j’adore l’exercice en lui-même et puis comme j’avais déjà travaillé avec ce studio, compétent, c’était un plaisir à faire. Et puis, je pense être un bon lecteur. Le principal élément dans la lecture, c’est de communiquer un plaisir. Ce qui était bien, c’est justement que je ne connaisse pas le livre auparavant. Alors je l’ai lu d’une traite avant de l’enregistrer, mais en même temps, j’avais l’impression de le découvrir en même temps que je le « lisais ». Je me le racontais à moi autant que je pouvais le raconter à une oreille imaginaire.

Tolkien avait commencé cette histoire pour la raconter à ses jeunes enfants. Vous disiez précédemment que Le Hobbit était écrit pour être lu. Dans quelle mesure l'oralité marquée du Hobbit a-t-elle influencé votre propre lecture ?

Je me suis vraiment imaginé quelqu’un qui m’écoutait, une oreille imaginaire… et je comprends comme c’est écrit. Quand on lit pour soi tout seul, on a l’impression qu’il y a des procédés comme des formules qui reviennent : « Vous vous rappelez … » qui marquent beaucoup cette oralité. Particulièrement dans Le Hobbit. C’est sans doute un peu trop de comparer cela à L'Iliade et L’Odyssée, mais il y a des points communs sur ces formulations.

Tolkien avait pourtant quelques influences provenant de la Grèce Antique.

Oui, sûrement. Mais ce qui me rebutait au départ, en tant que pratiquant de latin et de grec, c’est cette mythologie inventée. C’est toujours un peu artificiel. Mais c’est parce que je n’avais pas lu en réalité. Et quand je l’ai lu, j’ai découvert la richesse de cette histoire, l’inventivité. J’ai eu beaucoup de plaisir à le faire.
« Et quand je l’ai lu, j’ai découvert la richesse de cette histoire, l’inventivité. »


Maintenant que vous avez bien lu l’histoire, au sens propre du terme et au sens figuré, quel est le passage du Hobbit qui vous a le plus marqué ? Votre préféré ?

Le début, je dirais. La fête avec les treize Nains. De nombreuses parties en fait… Toute l’histoire… J’ai fait ça en trois jours et demi.

C’est remarquable ! Quand on sait qu’il y a dix heures et demi de lecture !

Oui c’est vrai, mais je ne les ai pas senties passer.

Il m’a fallu bien plus de trois jours et demi pour l’écouter. Avez-vous dû faire beaucoup de reprises ?

On a fait quelques petites rustines, oui, mais j’aime bien ne pas trop en faire en général. Il y a toujours quelques accrocs, mais pas trop. C’est après, où il y a une relecture par le studio où l’on voit quelques raccords à faire, comme au cinéma, sur des petites choses.

Au niveau difficulté, quelle était la scène la plus complexe à conter ?

Rien de difficile, non. C’est toujours un plaisir de lire. C’est peut-être les fins de journées qui sont les plus difficiles. La fatigue, évidemment.

Comment avez-vous interprété les personnages ? Avez-vous bénéficié de conseils particuliers ou fait comme vous le ressentiez ?

Comme je le sentais, exactement. On a fait quelques raccords justement sur quelques personnages, comme Gandalf, à des moments. Comme c’est une longue lecture, des fois il y a quelques endroits où l’on s’est trompé, où je n’ai pas assez marqué les différences entres les personnages. Non, j’ai fait au feeling. On n’a pas eu une longue discussion sur comment faire les choses. Il y avait une confiance mutuelle.

Et sur la prononciation particulière des noms propres ?

Oui, cela était une question au début. J’ai demandé comment faire. C’était en accord avec les maisons d’éditions, même si je ne connais pas exactement les personnes qui ont donné ces consignes.

Parlons de Gollum, son interprétation est singulière et complexe, vous est elle venue naturellement ou avez-vous dû vous y exercer ?

Non, je l’ai fait comme ça, en lisant et racontant. Vous savez, la lecture ce n’est pas tant de préparation que cela, on a le texte sous les yeux.

Il y a de nombreux chants dans Le Hobbit. Comment les avez-vous ressentis ?

Ah oui ! Je me serais bien amusé à les chanter, mais là aussi je m’étais posé la question au début de savoir comment on allait faire. Mais il n’y avait pas de compositeur. J’ai trouvé dans un premier temps que c’était dommage… et puis en y réfléchissant les paroles font partie du récit, alors ça aurait été peut-être trop en décalage avec le côté récit du reste du livre si on avait vraiment fait une chanson.

Vous avez trouvé que la traduction des chants était assez « chantante » pour que les parler suffise à ressentir le côté mélodique ?

Oui, voilà. En fait je raconte le chant.

Avez-vous fait une comparaison par rapport à la lecture de poésie que vous avez fait sur l’Hommage à Rimbaud ?

Non ce n’est pas vraiment comparable. Hommage à Rimbaud c’est un recueil de plusieurs comédiens, chacun lisant un poème avec un habillage sonore. Lire la poésie est peut-être un peu plus difficile à faire passer. Il faut communiquer aussi un plaisir plus qu’une technique. Il faut avoir son propre rythme, ne pas respecter à la lettre la ponctuation. Elle est là pour donner du sens à la lecture de l’œil, mais par la bouche il faut transmettre un autre rythme. Je lis comme ça m’arrange et comme je sens que cela peut passer. Cela vient naturellement.

Un peu comme en classe ou à la maison le soir, on raconte une histoire à nos enfants.

C’est peut-être une histoire qu’on raconte à un enfant, mais pour l’empêcher de dormir presque, pas pour s’endormir. C’est passionnant.
« C’est peut-être une histoire qu’on raconte à un enfant, mais pour l’empêcher de dormir presque, pas pour s’endormir. C’est passionnant. »


Je parlais de la traduction de Daniel Lauzon, une nouvelle traduction sortie il y a quelques mois aux éditions Christian Bourgois. La traduction précédente de Francis Ledoux date de 1969. Quelle a été les raisons du choix de la nouvelle traduction de Le Hobbit ? Avez-vous été consulté pour ce choix ?

Je ne sais pas. Je pense qu’il y a eu un accord entre Audiolib et les éditions Christian Bourgois. J’ai écouté la première heure de l’enregistrement, et je trouve que cette traduction est vraiment bien. Cela se prête bien à l’écoute.

C’est le premier audiolivre de Tolkien que vous interprétez. Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

Un grand plaisir, et en plus c’est un bel objet. Je suis assez fier d’y avoir participé.

Seriez vous prêt à recommencer avec un autre livre de Tolkien ?

Ah oui avec plaisir, bien sûr ! Pourquoi pas Le Seigneur des Anneaux !

Justement, celui-ci devrait être retraduit par le même traducteur prochainement… Mais là c’est beaucoup plus de travail.

Oui, c’est une grosse saga.

Vous n’aviez pas vu les films de Peter Jackson j’imagine ? Il a une vision différente de celle de Tolkien, plus guerrière peut-être.

Non en effet. C’est à dire que le cinéma quelque part met fin à l’imaginaire, à cause de l’image. Un récit, chaque personne qui l’écoute, développe son propre imaginaire. Cela reste ouvert. Le cinéma est un moyen de « fermer ».

Un dernier message pour nos lecteurs ?

Écoutez Le Hobbit !

Merci de m’avoir accueilli dans ce « Dernier Bar avant la fin du monde ». Peut-être pourrions-nous le traduire en « Dernière maison hospitalière avant la sauvagerie ». Vous y croyez en cette fin du monde ?

Non, il y a eu beaucoup de fins du monde dans l’Histoire de l’homme. Des fins de cycles. Je crois que nous sommes de trop petits êtres pour savoir exactement où l’on en est. Un peu comme les Hobbits.

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