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Roman Rausch — Octobre 2008 traduit de l’anglais par Damien Bador |
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![]() | Articles théoriques : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs. |
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« “Faites attention amis !” s’écria Gildor en riant. “Ne dites aucun secret ! Voici un savant dans la Langue Ancienne !” »1)
Le Seigneur des Anneaux — Livre I — Chapitre 3
ne caractéristique bien connue du quenya est la distinction entre les formes inclusives et exclusives de « nous ». Une révision majeure des terminaisons verbales associées fut menée à bien en 1965, de sorte qu’omentielmo « de notre rencontre » du salut de Frodo dans Le Seigneur des Anneaux fut remplacé par omentielvo dans la deuxième édition.
Bien que nombre de discussions à propos de ce changement aient déjà eu lieu entre spécialistes, l’ensemble de la situation n’est compréhensible que depuis la publication des paradigmes verbaux comprenant les formes duelles (PE 16 pour le qenya premier en 2006 et VT 49, PE 17 pour le quenya ultérieur en 2007). Sans disposer d’une vue de l’ensemble de la situation, le changement de 1965 semblait manquer de justification, et avait presque l’air d’une permutation gratuite de suffixes. Cet article s’efforce par conséquence de donner un aperçu chronologique et une analyse des différentes formes plurielles et duelles de la première personne (principalement pour le quenya, les termes apparentés sindarins et telerins étant discutés au passage), se concentrant spécifiquement sur les concepts et mécanismes permettant l’observation des motivations de Tolkien liées aux changements observés.
a distinction entre les « nous » inclusifs et exclusifs apparaît dès la « Early Qenya Grammar ». Les flexions verbales de cette époque indiquent la personne au moyen de préfixes, et l’on trouve :
Références : PE 14, p. 52
(a) me- « exclut la ou les personnes auxquelles on s’adresse »
(b) qe- « les inclut »
Quelques années plus tard, Tolkien rédigea un tableau verbal détaillé, où apparaît un nouveau paradigme duel, par opposition avec l’EQG. Il en existe trois versions, et la première contient les personnes plurielles et duelles qui suivent :
Références : PE 16, p. 124-127
tul- « venir »
On peut analyser ces formes en supposant qu’il existe deux racines pour les terminaisons de la première personne : exclusif #me- et inclusif #we-. Un suffixe supplémentaire sert à dénoter le temps.
À l’aoriste pluriel, ce suffixe est –n, d’où –men et –ven (où le #–w– intervocalique devient –v– pour des raisons phonologiques). Dans le tableau, le pluriel du présent se forme généralement par infixation de l, qui semble être un marqueur pluriel, cf. 3e pers. sing. neutre prés. tulī-ta « #ça vient », 3e pers. pl. neutre prés. tulilta « #ils (neutre) viennent ». La forme de la 1re pers. du pluriel est cependant une exception, et découle apparemment d’un affermissement nasal #we > -ngwe (pour obtenir une symétrie complète, on se serait attendu à #lwe ou #lve, que l’on trouvera plus tard).
es formes duelles associées présentent une marque vocalique du duel #u, et les racines duelles sont #mu- et #wu- | #vu-. En position finale, #-u devient –o. L’aoriste est dépourvu d’un suffixe supplémentaire, mais peut optionnellement être formé au moyen du marqueur –r. D’un autre côté, le présent se forme par affermissement (nasal) : excl. #mu > #mbu > -mbo et incl. #wu > #ngwu > -ngo. À cause du marqueur duel u | o, la forme inclusive peut se distinguer du pluriel inclusif –ngwe. Concernant le développement m > mb, comparer avec les remarques plus tardives de Tolkien, où mb, nd, ng semblent être des modifications de m, n, ñ et b, d, g2) suivant un processus appelé antoryame(« affermissement »).
Il existe deux temps supplémentaires dans le tableau, le passé et le parfait, mais ils ne présentent aucune terminaison supplémentaire. Le passé se forme en ajoutant les suffixes de l’aoriste –mur, -men, -yur, -yen à la racine #tulie-. Le parfait s’obtient de même par ajout des terminaisons du présent à #tulie-. La deuxième version de ce tableau apporte de légères variantes au système décrit, comme autoriser les variantes tulime, tulive à côté de tulimen, tuliven. La troisième version emploie tulimur, tulivur au lieu de [tulu]mur, [tulu]vur, mais autrement cette structure reste la même.
ne description grammaticale des années 1940 (i.e. durant l’écriture du SdA) comprend une discussion historique des racines de la 1re pers. pl. Elle n’est pas intégralement publiée, mais un résumé est donné en PE 17, p. 14.
Références : PE 17, p. 14
La forme inclusive remplacée khe pourrait avoir été destinée à donner une forme comme les anciens qe /kwe/ (peut-être par fusion avec we ?).
Bien que les formes de la première personne du pluriel et du duel apparaissent dans ces tableaux grammaticaux, il n’y avait pas encore eu d’occasion de les employer dans les différents textes écrits par Tolkien. Mais cela changea à l’époque du Seigneur des Anneaux, lorsqu’apparaît la fameuse salutation quenya [prononcée par Frodo]. Elle prit d’abord la forme :
L’usage d’une forme exclusive ici semble être une erreur (à mois que ce ne soit une conception temporaire selon laquelle me serait inclusif), de sorte que Tolkien écrivit : « mais cela devrait être une forme inclusive, omentienwa ? –lwa »7). Le nouveau possessif inclusif #-nwa avec affermissement nasal peut être lié à l’ancien tuli-ngwe, et –lwa correspond à ce que l’on pouvait attendre, avec la marque du pluriel l. Celle-ci apparaît aussi dans la terminaison verbale –lto « ils / elles » à la même époque (voir le pronom indépendant toi) dans la « Chanson de Fíriel », circa 19378). La salutation corrigée donne désormais :
Une autre note, datée de 1955 (et donc immédiatement postérieure à la publication du SdA) signale :
Ici, la racine inclusive est à nouveau modifiée, probablement dans le but d’obtenir un schéma symétrique où les deux formes de « nous » emploient des nasales différentes (noter que le pronom de la première personne du singulier est ni avec une nasale dentale). Mais l’invention quenya lme est aussi importante, l n’étant plus une marque du pluriel, mais plutôt la consonne caractéristique de la deuxième personne. Cela introduit un nouveau mécanisme de dérivation, le me « nous » exclusif originel étant combiné à cette consonne caractéristique pour produire une nouvelle forme inclusive qui remplace probablement l’ancien ñe. L’introduction d’un tel suffixe peut être liée aux difficultés phonologiques associées à la nasale vélaire ñ (e.g. le développement de #lñe avec la marque du pluriel l).
Ainsi, la nouvelle forme dative du possessif –elman apparaît désormais sous elen síla omentielwan et ce salut prend désormais la forme Elen sīla lúmenn(a)’ omentielmo « une étoile brille sur l’heure de notre rencontre ». C’est ainsi que cette expression fut publiée dans le SdA, et Tolkien l’analysa de la façon suivante : -lma « suffixe possessif du pluriel inclusif “nous” = vous et je / moi, sous forme génitive –lmo »9). Ce même suffixe apparaît aussi dans le SdA dans l’expression andave laituvalmet ! dans la louange de Cormallen, traduit par « longtemps nous les louerons »10). Cela semble être une exclamation relativement rhétorique, la foule louant Sam et Frodo et s’adressant à elle-même.
Tolkien se contenta longtemps du schéma basique esquissé ici, jusqu’en 1965. Le 21 février 1958, il écrivit : « Un enquêteur (parmi beaucoup d’autres) a demandé quelle était la raison d’être du S[eigneur des] A[nneaux], et s’il s’agissait d’une “allégorie”. Et j’ai dit qu’il s’agissait d’un effort pour créer une situation dans laquelle une salutation commune pourrait être elen síla lúmenn’ omentielmo, et que cette expression précédait largement le livre. »11)
n 1959-1960, l’essai « Quendi & Eldar » fut écrit et la salutation quenya commence par y prendre la forme elen síla lúmenna omentielmo12), changée en omentielvo, la version telerine donnant ēl sīla lūmena vomentienguo. Le suffixe exclusif –mme apparaît dans cet essai dans les exemples avamme, vamme « nous ne ferons pas »13). La question serait alors : quelle est la conception pronominale de cette époque ?
Il est tout d’abord important de noter que l’essai distingue o-men-t-ie « rencontre ou jonction des directions de deux personnes »14) de vo-men-ie « rencontre, rassemblement (de trois ou plus venant de directions différentes) »15). Le premier est clairement duel comparé au second, et semble contenir la marque du duel t, pourtant, le suffixe –lma est pluriel, non duel. Peut-être était-ce la raison du changement omentielmo → omentielvo. Noter que les explications tardives de omentie impliquent soit un composé de men- « aller, procéder » et tie « chemin, route » soit le gérondif du verbe menta-16) sans connotations duelles, justifiant par là le pluriel –lma. À l’époque de « Quendi & Eldar » nous pourrions donc être face au schéma suivant :
D’après cette explication l ne peut être une marque du pluriel, mais doit être la consonne caractéristique de la deuxième personne, vu qu’il semble faire partie d’un suffixe duel. La forme telerine fut gardée inchangée, ce qui peut s’expliquer de diverses manières. Peut-être le telerin n’avait pas du tout de formes duelles distinctes (voir l’affirmation selon laquelle « les flexions duelles sont spécifiques au quenya »17)) ou peut-être forme-t-il le duel différemment : we / ñe / ñwe > duel incl. #-ngue, duel poss. #-ngua (cf. quenya premier).
D’un autre côté, il pourrait y avoir une autre explication à ce suffixe apparemment possessif pluriel dans omentielmo. Noter que dans le tableau du PE 17, p. 132 (discuté ci-dessous), les formes duelles sont formées au moyen de la terminaison –o < #-u, mais les formes possessives coïncident, e.g. 1re pers. pl. incl. –lme, 1re pers. duelle incl. –lmo, mais possessif lma dans les deux cas. Par conséquent, on aurait affaire au schéma suivant à l’époque de « Quendi & Eldar » :
Plusieurs tableaux de pronoms postdatent « Quendi & Eldar » dans les années 1960, et utilisent fréquemment kar- « faire » comme exemple.
Références : PE 17, p. 132
kar- « faire » et ala- « grandir »
Ici, le duel est à nouveau formé au moyen de –o < #–u. De plus, l’affermissement m > mb réapparaît, mais cette fois au pluriel. Il semble que les dérivés de we / ñe / ñwe aient désormais complètement disparu au profit de l-me.
Références : PE 17, p. 75 ; VT 49, p. 48
Ce tableau est presque identique au précédent, excepté que l’on observe pas m > mb et que les pluriel ngwe et duel –ngo < # –ngwu < we / ñe / ñwe sont donnés comme variantes de l-me.
Références : PE 17, p. 57, 75, 190
n trouve un autre paradigme verbal en PE 17, p. 57, qui n’est pas explicitement daté, mais est écrit au dos d’une feuille portant un essai sur la comparaison, qui traite entre autres de la révision Vanimalda → Vanimelda. Le premier terme apparaît tant dans le SdA que dans « Quendi & Eldar », mais fut changé en Vanimelda dans la deuxième édition du SdA (1965). Ce tableau a donc pu être écrit dans cet intervalle.
Les formes duelles de ce paradigme sont très différentes. Les duels et pluriels exclusifs sont désormais identiques, mais les mécanismes de création sont probablement différents. Dans ce tableau, les pluriels sont habituellement formés par affermissement nasal : 2e pers. pl. #ce > cari-nce, #le > #carin-le > cari-lle (au côté de carilde), 3e pers. pl. te, ta > cari-nte, cari-nta. D’un autre côté, on trouve deux ensemble de formes duelles. L’un est apparemment formé par réduplication de la consonne : 2e pers. duelle #ce > cari-cce, #le > cari-lle, 3e pers. duelle #te > cari-tte. Les deux mécanismes donnent bien sûr le même résultat dans le cas de #me (et peut-être de #le). Le pluriel inclusif –ñgwe pourrait ainsi résulter du doublement #-ññ(w)e (voir ci-dessous).
Le duel inclusif carinque peut s’expliquer soit par affermissement nasal de #que (cf. quenya premier qe-) soit par une combinaison #ni-ki des deux premières consonnes caractéristiques donnant inke > inque avec une épenthèse ultérieure de w ; cf. VT 49, p. 51. Cependant, le duel exclusif –nwe est relativement surprenant, ayant toujours été inclusif avant. Peut-être we est-il un radical duel dans cette conception. Dans le « Qenya Lexicon », ATA et I- (U) sont dits être des radicaux duels18), voir par ex. le duel henwi « #paire d’yeux »19). Manifestement, il existe un lien avec la marque du duel u. La dualité de we est aussi brièvement mentionnée en VT 49, p. 10.
l existe deux autres listes de terminaisons personnelles ne comprenant aucune forme duelle. Les formes plurielles présentent constamment l’exclusif –mme, l’inclusif –lme ou des formes similaires. La première se trouve en bas de page du PE 17, p. 75 :
Ici, les premières variantes sont écrites sous un ensemble de formes longues comme –nye, –tye et –re (1re, 2e et 3e du singulier, respectivement), les autres sous des formes courtes comme –n, –t et –s. Le –i affixé suggérerait –mmeni, –lmeni comme formes longues alternatives. Cependant, amātielmi « #nous avons mangé » apparaît comme exemple, avec la terminaison –lmi. Dans tous les cas, il semble certain que –i est un marqueur pluriel parallèle au duel –u.
La deuxième liste se trouve en PE 17, p. 190 :
n changement majeur des terminaisons discutées advint aux alentours de 1965 ; cf. VT 49, p. 49. Tolkien affirma désormais d’omentielmo : « Faux. –elmo, –lme était [une] forme exclusive. L’inclusif était elwe > elve. Frodo fit [une] erreur qui fut probablement ignorée »20). Dans la deuxième édition du SdA, omentielmo fut par conséquent changé en omentielvo (mais laituvalmet demeura telle). La terminaison –mme devint désormais un duel exclusif. Ce changement n’affecta pas les racines de base, mais seulement les diverses formes dérivées. La nouvelle conception fut constamment utilisée par la suite :
Références : VT 49, p. 50-51
(a) [excl.] me
(b) [incl.] we
Associée à ce paradigme se trouve une explication selon laquelle les déclinaisons duelles sont formées en doublant les consonnes : –mme, wwe, d-de, t-te, « mais puisque –wwe ne donnait pas une forme satisfaisante, elle fut remplacée par nki 1a [1re pers. sing. ni] + 2a [2e pers. sing. familière ki] puisque le duel était principalement familier et maintenu en tant que tel. »21) La même explication s’applique probablement à carinque22) ci-dessus.
Références : VT 49, p. 16
La seule différence avec le tableau précédent est le duel inclusif –ngwe au lieu de –inque. Une autre discussion des pronoms de la première personne comprend la racine inclusive we, ñwe, qui « était dérivé de me et non l’inverse : à ce qu’il se trouve, elle avait un radical nasal similaire mais non identique à m. Le radical q[uenya] indépendant we- présente une perte du ñ (par changement sans entrave il serait resté ñwe, puisque le ñ initial n’était pas perdu en q[uenya]), peut-être en partie pour accroître la dissemblance de me et ñwe et aussi parce que dans les désinences verbales ñ était perdu après l’infixe pluriel en l- qui précédait les éléments pronominaux sujets en q[uenya] »23). Par conséquent, caringwe pourrait s’expliquer comme étant directement dérivé de ñwe, peut-être par doublement #ññwe.
este à se demander ce qui motiva Tolkien à réviser ainsi les terminaisons pronominales. Les formes duelles en sont peut-être la cause, si l’on considère le scénario suivant : bien que le doublement des consonnes participe souvent de leur dérivation, il était toujours combiné avec le marqueur duel –o < #–u, de sorte que les formes duelles pouvaient toujours être distinguées du pluriel, qui employait la voyelle finale –e. Mais apparemment, Tolkien devint insatisfait avec le –o final, et les terminaisons duelles tardives ne furent plus formées qu’avec réduplication des consonnes. Cela rendit nécessairement me > –mme duel, alors qu’il était identique à la forme plurielle dans le paradigme du PE 17, p. 57. Afin de garder une distinction entre pluriel et duel, il décida d’utiliser l comme marque du pluriel, générant le pluriel exclusif l-me et inclusif l-we.
Tolkien ne pouvait effectuer ce changement comme cela. Apparemment, il sentit qu’il devait expliquer pourquoi la première édition de The Lord of the Rings employait omentielmo. Plusieurs variantes explicatives se trouve dans le PE 17, p. 129-131. En résumé, la combinaison lw est prononcée lb en quenya tardif, de sorte que la prononciation de –lme et –lwe > –lbe se rapprocha, engendrant une confusion pour les locuteurs non natifs du quenya, en particulier les Hommes, mais aussi les Ñoldor nés en Terre du Milieu (au moins d’après l’une des explications). Par conséquent, Frodo fit une erreur que Gildor évita par politesse de remarquer. Puisque la confusion était phonologique, du fait d’une prononciation similaire, elle n’apparaissait pas au duel, où les formes étaient suffisamment dissemblables.
e possessif exclusif -mma est utilisé dans les exemples suivants : Ataremma / Átaremma « #Notre Père », mastamma / massamma « #notre pain », lucassemmar / luciemmar / úcaremmar / rohtammar « #nos péchés », rocindillomman « #de ceux qui pèchent envers nous », fíriemmo / effíriemmo « #de notre mort »24), tardif Mélamarimma « Notre Maison »25)
La terminaison verbale -mme apparaît dans firuvamme « #nous mourrons ». Le pronom me apparaît comme acc. me, abl. mello, dat. men ; emphatique emme (aussi dans le composé etemme « #hors de nous », mimme « #en nous »26)) et datif emphatique emmen ; possessif indépendant menya « #notre »27).
a plupart des exemples apparaissent dans les traductions de prières catholiques, les personnes exclues étant donc celles à qui elles sont dirigées. Mélamarimma « Notre Maison », littéralement « notre demeure aimée » est une métonymie pour Aman, employée par les Ñoldor en exil, les personnes exclues étant par conséquent celles qui étaient toujours demeurées en Terre du Milieu.28)
Le pronom inclusif emphatique #engwe < we / ñe / ñwe (pas remplacé par -lme) apparaît dans etengwe « #hors de nous », mingwe « #en nous »29), la version courte #ngwe dans le dat. ngwen « #pour nous »30). La forme inclusive -lme (et la variante -lmi) apparaît dans mantelme « #nous mangeâmes », amātielmi « #nous avons mangé »31).
xcepté la révision Elen síla lúmenn’ omentielvo32) avec l’incl. –lwa, –lva cette nouvelle conception se trouve appliquée dans au moins une expression : navilwe « nous jugeons » (incl.)33). Il est cependant notable que andave laituvalmet« longtemps nous les louerons » ou « longtemps louerons-nous les deux »34) fut conservé et passa ainsi de l’inclusif à l’exclusif. S’il ne s’agissait pas d’un oubli, il nous faudrait peut-être désormais interpréter –t comme un pronom affixé marquant la 2e personne duelle (< tye, cf. hekat, hekal« avec affixes pronominaux réduits de la 2e personne »35)), i.e. « #longtemps louerons-nous vous deux » ; mais d’autres explications peuvent sans doute être trouvées.
Plusieurs pronoms indépendants apparaissent : 1re pers. pl. excl. mé, 1re pers. pl. incl. wé > vé, 1re pers. duelle excl. met, 1re pers. duelle incl. wet36), dat. vēna « à nous »37). Noter que met se trouve déjà dans Namárie38).
l semble y avoir eu au moins deux conceptions concernant les formes exclusives / inclusives en sindarin. Le tableau du PE 17, p. 132 comprend une déclinaison du sind. car-, gala- parallèle au q. kar-, ala- :
Références : PE 17, p. 132
En PE 17, p. 132, on trouve des flexions des verbes car- « faire » et gala- « grandir » :
Le suffixe –m est apparemment apparenté au q. –mme et le sind. –nc au q. –inke < ni + ki. Le duel peut être mis en exergue en ajoutant –id, qui contient manifestement la marque lénifiée du duel t.
Références : PE 17, p. 129
ne autre conception (plus tardive) est donnée dans l’explication qui suit : « Le sindarin avait perdu la distinction eldarine commune (eld. com.) entre “nous” pl. 1a exclusif de la ou des interlocuteurs, et 1b inclusif. Mais les causes de la confusion étaient principalement phonétiques »39). Cela renvoie vraisemblablement au fait que #-ñgwe devient régulièrement #-mbe > #-m en sindarin (à cause de kw, gw > p, b) de sorte que –m serait un suffixe général de la première personne du pluriel en sindarin.
C’est peut-être aussi la raison pour laquelle –nc est utilisée comme forme plurielle inclusive dans la conception antérieure, bien qu’elle doive normalement être duelle d’après sa dérivation (« moi et toi »), et remplace probablement #-m < #-ñgwe. Noter aussi que la forme affermie kkhā40) qui fut mentionnée antérieurement pourrait être l’origine de la terminaison sindarine –ch dans man agorech ? « #qu’avons-nous fait ? » (non publié, voir cet article), mais le contexte n’est pas clair (il pourrait s’agir de Rían qui parle à son petit enfant Tuor).
Il est possible de résumer les conceptions et mécanismes servant à produire les premières personnes du pluriel en elfique :