Le doriathrin : la langue maternelle de Lúthien

Quatre Anneaux
Helge Kåre Fauskanger
traduit de l’anglais par Damien Bador
Article théoriqueArticles théoriques : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs.
  • Signification : langue de Doriath
  • Autres noms : doriathrique1)

Tout ce qui est connu de la langue de Doriath se compose d’environ quatre-vingt mots trouvés dans « Les Étymologies »2) et d’un ou deux mots du chapitre 21 du Silmarillion3). Ce fut pourtant la langue parlée à la cour du roi Thingol, qui gouverna le Beleriand pendant quatre mille des années du Soleil et enfanta « la plus belle de tous les Enfants d’Ilúvatar qui furent ou seront jamais. »4). Le doriathrin fut probablement la langue maternelle de Lúthien Tinúviel. Lorsqu’elle apprit plus tard la langue de Beren, d’origine humaine, celui-ci lui demanda pourquoi elle prenait cette peine, « puisque sa propre langue était plus riche et bien plus belle. »5)

Le doriathrin doit-il être considéré une langue elfique distincte ou comme une forme de sindarin ? « Les Étymologies » furent écrites bien avant que Tolkien ne réalise que la langue aux sonorités galloises de sa mythologie n’était pas celle que les Ñoldor amenèrent avec eux de Valinor, ainsi qu’il l’avait pensé pendant plus de trente ans, mais la langue des Elfes-Gris en Terre du Milieu. Soudainement, le sindarin et le doriathrin furent mis en contact de façon bien plus étroite qu’ils ne l’étaient auparavant. Le doriathrin survécut-il à cette révision majeure en tant que langue distincte ? Plus tard, Tolkien parla du « sindarin de Doriath »6). Mais dans le Silmarillion, y compris dans les parties qui furent révisées après que Tolkien ait complété le Seigneur des Anneaux, les phrases et noms doriathrins persistent : Mablung, Nauglamîr, Dagnir Glaurunga, Dior. Au moins en ce qui concerne ces noms, le doriathrin des « Étymologies » persista dans la forme mature du mythe. Peut-être que la langue doriathrine entrevue dans « Les Étymologies » peut passer pour une forme archaïque de sindarin, bien qu’elle semble avoir certaines particularités qui lui sont propres et être différente du « v. nold. » (vieux noldorin, comprendre « vieux sindarin ») des « Étymologies ». Le doriathrin appartient clairement à la même branche du telerin commun qui conduit au sindarin, mais il semble avoir établit sa propre branche bien avant que le gris-elfique classique ne soit atteint, et avoir bien moins changé par rapport au telerin commun que le sindarin. Mais ce qui peut être considéré comme une langue en soi ou comme un dialecte est souvent dicté par des facteurs extra-linguistiques. Peut-être par décision politique, le doriathrin est une forme de sindarin, la langue des sujets de Thingol — bien que le roi méprisât le dialecte septentrional du gris-elfique7).

Lúthien (© Ted Nasmith)

La chanson de Lúthien dans les Lais du Beleriand (p. 354) semble cependant être du pur sindarin. (Ici, une source postérieure au SdA est reproduite.) Pour cette raison et d’autres encore, des personnes compétentes estiment que le doriathrin des « Étymologies » — qui est le sujet de cet article — n’est désormais plus une langue « valide » dans le mythe, selon la façon dont un Tolkien vieillissant en était venu à percevoir son scénario linguistique. D’après ce point de vue, la langue de Doriath devrait désormais être simplement considérée comme une variante particulièrement archaïque du sindarin que nous connaissons par le SdA, et le doriathrin des « Étymologies » devrait être oublié comme notion obsolète — sauf pour certains noms, listés ci-dessus, que Tolkien avait à l’évidence transféré au sindarin lorsque le doriathrin perdit son statut de langue distincte. Aucune conclusion finale ne peut être atteinte à ce sujet (voir cependant l’entrée roth dans la liste de mots ci-dessous). La langue discutée ici était tout au moins le parler de Doriath au cours d’une étape de l’évolution continue du scénario de Tolkien.

Un commentaire d’une source tardive sur la langue du Royaume Caché peut être cité ici : « Même au temps de Túrin, le parler de Doriath […] était plus archaïsant que celui usité ailleurs. Une chose dont Túrin ne se défit jamais (comme le remarqua Mîm), en dépit de ses griefs envers Doriath, était le parler qu’il acquit au cours de son éducation. Bien qu’il fût un Homme, il parlait comme un Elfe du Royaume Caché, ce qui équivaudrait à l’apparition de nos jours d’un Homme dont la langue et l’éducation auraient été ceux d’une contrée retirée où l’anglais serait resté plus proche de celui de la cour d’Élisabeth Ire que d’Élisabeth II. »8)

La structure du doriathrin

Au sujet de la structure du doriathrin, on peut noter la chose suivante : alors que le sindarin exprime les relations génitives uniquement par l’ordre des mots (Ennyn Durin « Portes [de] Durin »), le doriathrin préserve toujours un génitif distinct en -a. On le voit dans l’inscription gravée par des Elfes de Doriath sur la pierre tombale de Túrin : Túrin Turambar Dagnir Glaurunga, « Túrin Turambar Fléau de Glaurung » (traduite dans l’index du Silmarillion). D’après Tolkien, le génitif sindarin, qui ne possède pas de terminaison, était probablement infléchi dans la langue ancienne, et sur ce point un locuteur du sindarin normal trouverait effectivement le doriathrin archaïque.

D’après l’entrée du radical NAU̯K- des « Étymologies », le « génitif [doriathrin] en -a(n) précédait » le mot qu’il gouverne. Le mot discuté ici est Nauglamîr « le Collier des Nains » (naugla + mîr). Pourtant l’ordre des mots décrit ici ne saurait être le seul possible ; cf. Dagnir Glaurunga. La terminaison génitive plurielle était -ion, comme dans region [pl.] « de houx » (également le nom Region). Cf. le quenya -ion comme dans Silmarillion « [histoire] des Silmarils ». Mais la terminaison -ion pourrait avoir été réinterprétée comme signifiant « terre » ou « région » ; cf. sind. Eregion.

Alors que le sindarin forme typiquement le pluriel des noms en changeant les voyelles dans le style de l’anglais man / men « homme / hommes » ou goose / geese « oie / oies », le doriathrin a une terminaison plurielle en -in. Les modifications vocaliques du sindarin (comme celles de l’anglais) sont à l’origine des phénomènes de métaphonie déclenchés par une ancienne terminaison plurielle qui contenait la voyelle i, donc ici aussi le doriathrin peut être considéré archaïque comparé au sindarin :

  • Eld, pl. Eldin : « Elfe, Elda »
  • orth, pl. orthin : « montagne »
  • roth, pl. rodhin : « cave », (la qualité voisée de la dernière consonne dans le radical ROD- est préservée en position intervocalique — il est possible que le doriathrin ne puisse avoir de spirante voisée en position finale)
  • urch, pl. urchin : « orque »

Il y a aussi regorn, pl. regin « houx » (reg-orn correspond très littéralement à l’anglais holly-tree, litt. « houx-arbre » et la terminaison plurielle est directement suffixée au radical reg « houx » ; voir aussi le génitif pluriel region). Cette terminaison plurielle ne doit pas être confondus avec la terminaison adjectivale vue dans ngorthin « horrible », de ngorth, « horreur » (variante en -en dans lóm « écho », lómen « échoïque, faisant écho »).

Le doriathrin ne semble pas comporter les métaphonies caractéristiques du sindarin normal. Le i de la dernière syllabe de urchin n’entraîne pas la modification du u en y par assimilation, au contraire du sindarin orch, pl. yrch (représentant des formes archaïques comme #urkō, pl. #urkī ou #urkōi). Cependant, « Les Étymologies » suggèrent que le doriathrin était similaire au sindarin par un aspect au moins. Parfois, des formes doubles sont listées dans « Les Étymologies » : Dolmed et Ndolmed (nom d’une montagne), gôl et ngôl « sage, magique », gold et ngold « Ñoldo », golo et ngolo « magie, sagesse ». Les radicaux sont NDOL- et ÑGOL-, et les formes alternatives reflètent les combinaisons initiales originelles. Comme en sindarin, il est possible que la combinaison originelle influence la forme utilisée après certaines particules ; cf. sind. golodh « Ñoldo », mais i ngolodh « le Ñoldo ». De la même façon, le doriathrin gold pourrait s’écrire ngold dans certains environnements.

Neldoreth (© Ted Nasmith)

Un terme doriathrin suscite une question particulière : les Elfes de Doriath rejetaient-ils le système quendien de comptage duodécimal (en base 12) en faveur d’un système décimal semblable au nôtre ? D’après WJ (p. 423), tous les Elfes comptaient par douze en tous temps9) ; pourtant le nom Menegroth est traduit par « les Mille Cavernes » (d’après RP, p. 439 s.v. ROD-, les éléments sont meneg + roth, évidemment équivalents à « mille » + « caverne[s] »). Mais dans un système duodécimal, il n’y a rien de spécial lié au nombre 1000 : il s’exprimerait 6-11-4 (c’est-à-dire 6 x 144 + 11 x 12 + 4 x 1). Mille ne serait absolument pas un « nombre rond ». Le premier nombre à quatre chiffre dans un système duodécimal est 1728 (12 x 12 x 12). Cela serait un « grand nombre » proverbial pour quelqu’un habitué à penser en termes duodécimaux, exactement comme 1000 l’est pour nous. Se pourrait-il que la traduction « Mille Cavernes » soit idiomatique et à proprement parler inexacte, et que Menegroth signifie en réalité « 1728 cavernes » ? S’il en était ainsi, la traduction correcte ne fonctionnerait tout simplement pas en anglais [ou en français, N.d.T.].

Lexique doriathrin avec notes étymologiques

Note du traducteur :

L’article de Helge Fauskanger couvre uniquement le doriathrin des « Étymologies ». En effet, les PE 13 & 14, contenant les deux seuls mots attestés en doriathrin premier n’étaient pas encore parus à cette date. On peut trouver une recension du corpus du doriathrin et de l’ilkorin premiers dans l’article de Helios de Rosario Martínez et dans celui de Roman Rausch.

Suite à la parution des « Addenda & Corrigenda to the Etymologies » dans les VT 45 & 46, plusieurs corrections ont été apportées au texte originel des « Etymologies », dont une partie a été intégrée dans la traduction française. Les notes de traduction prennent en compte ces changements et indiquent les mots dont l’orthographe a conséquemment été modifiée. De nouveaux radicaux ont aussi été recensées dans ces deux numéros de Vinyar Tengwar ainsi que dans les Parma Eldalamberon 17 à 19. Les entrées du lexique qui ont été rajoutées à la traduction sont listées en rouge.

A

  • -a(n) terminaison génitive, vue dans Dagnir Glaurunga « Fléau de Glaurung ».

La terminaison génitive primitive en eldarin commun était -hō > , dérivée d’un « ancien élément adverbial » HO, signifiant « au loin, depuis, [venant] de parmi »10). L’entrée correspondante dans les bien plus anciennes « Étymologies » semble être ȜŌ̆- « depuis, au loin, [venant] de parmi, hors de »11). Le primitif pourrait-il se transformer en -a en doriathrin ? Il y a quelques mots ilkorins qui semblent présenter un tel développement, et l’ilkorin et le doriathrin était étroitement liés (tous deux ont une terminaison génitive en -a) dans la conception de Tolkien lorsqu’il écrivit « Les Étymologies ». Dans la terminaison génitive plurielle -ion, l’élément « génitival » (< ȜŌ̆- ou HO) semble être o ; voir -ion.12)

  • aðum « pont » (VT 46, p. 22 s.v. YAT-).

Le terme aðum étant manifestement apparenté au q. yanwe « pont, jointure, isthme » et nold. ianw « pont », il dérive vraisemblablement de la forme primitive *yatmā, qui présente un suffixe fréquemment attesté pour les objets artificiels. Il faut ici supposer qu’après la chute de la voyelle finale le m devint syllabique et qu’une voyelle u se développa devant ; comparer avec hiðum, naugol. Dans ce dernier nom on observe aussi le voisement d’une occlusive sourde devant une consonne syllabique. C’est probablement ce qui advint ici, le d médian se transformant ensuite en dh comme dans radhon, Radhrim et Radhrost, tous dérivés du radical RAD-. Aðum est la seule forme où on voit l’évolution y- initial > -. Là où le Y n’est pas en position finale, il donne la voyelle pleine i, comme dans dair ou muil. On peut noter que la première forme attribuée à ce nom, orthographiée iaðum, présentait la même évolution pour un Y initial.

  • argad « hors de la barrière », l’extérieur, le dehors (RP, p. 404 s.v. GAT(H)-, p. 392-393 s.v. AR2-).

En Doriath, « la barrière » se réfère bien sûr à l’Anneau de Melian. Le préfixe ar- signifie « dehors », dérivé du radical AR2-, lui-même non défini dans « Les Étymologies », mais l’Appendice du Silmarillion donne ar- « dehors, à côté ». Le second élément est gad « barrière », q.v.13)

  • [argadon « hors de la barrière », l’extérieur, le dehors (VT 45, p. 14 s.v. GAT(H)-).]

Cette variante d’argad (q.v.) fut ultérieurement rejetée. Elle comporte la terminaison -on qu’on voit dans plusieurs noms de direction, comme nivon « en avant » ou radhon « Est, #en arrière ».

  • argador à l’évidence le nom doriathrin des terres en-dehors de Doriath (GAT(H)-, cf. ÉLED-)

Mot composé d’argad et de dor, q.v., d’où « #terre-hors-de-la-barrière », « #terre extérieure ».

B

  • Beleriand « #Terre de Balar »14) ; voir le lexique ilkorin pour l’analyse de ce terme.
  • beleg « fort, puissant, #grand », attesté dans le composé Belegost.

Il s’agit manifestement du même terme que celui attesté en ilkorin ; voir le lexique ilkorin pour l’analyse de ce terme.

  • Belegost « Grande Forteresse » (RP, p. 152, 158, 165, 309, 345, 357, 396 s.v. BEL-, 433 s.v. OS-).

Bien que ce terme semble être apparenté au termes noldorins beleg « grand » et ost « cité, ville avec muraille autour », un texte du « Quenta Silmarillion » signale qu’il appartient à « la langue de Doriath »15). Il est composé des éléments beleg « fort » (q.v.) et ost, comme le précise l’entrée OS- des « Étymologies »16). Cette dernière ne fournit aucun terme doriathrin, mais la comparaison avec les q. osto et nold. ost « cité, ville avec des murs tout autour » permet de déduire que le second élément de ce nom dérive du q. prim. #ostō, sans qu’on puisse préciser s’il avait exactement la même signification que les termes apparentés.

C

  • cwend « Elfe » (VT 45, p. 24 s.v. KWEN(ED)-).

En reconstituant l’entrée complète dont l’essentiel figure en LRW, p. 366 s.v. KWEN(ED)-, on voit que cwend dérivait directement du q. prim. *kwenedē, qui devait déjà signifier « Elfe », au même titre que les autres dérivés apparentés, comme les q. qende ou dan. cwenda. Selon une note marginale biffée, ce terme devait être un synonyme de Koreðel et désigner seulement les Elfes qui vinrent à Valinor, mais Tolkien semble être revenu sur cette idée.

  • cwindor « narrateur » (RP, p. 416 s.v. KWET-).

C’est un mot douteux dans le cadre des conceptions tardives de Tolkien ; dans la branche de l’eldarin à laquelle appartient le doriathrin, le KW primitif devint P très tôt au cours de l’histoire linguistique elfique17). Lire #pindor18) ? De toute façon, Tolkien affirma que cwindor vient de *kwentrō « narrateur », c’est-à-dire une variante à infixation nasale du radical KWET- « dire », combinée avec la terminaison masculine / agentale -rō (cf. Dior, dérivé de *ndeuro)19). Ce mot est le seul de notre petit corpus à donner corps au changement nt > nd. Curieusement, e devient ici i. Il semblerait que ce changement advienne devant les groupes consonantiques commençant par une nasale ; cf. nîw « nez », dérivé de NEÑ-WI- (probablement via une forme intermédiaire #niñw- avant que le ñ ne soit perdu et que le i ne s’allonge en î par compensation).

D

  • dagnir « #tueur »20).

Certains diraient qu’il s’agit de sindarin ordinaire, ne devant pas être connecté avec le doriathrin des « Étymologies ». Les éléments sont clairement apparenté aux radicaux NDAK- « tuer »21) et DER-, affermi en NDER-, « homme »22). Comme en sindarin, les plosives sourdes post-vocaliques sont voisées, d’où k > g dans NDAK- > dag-. Nous pourrions nous attendre à ce que NDER- donne #dir, #ndir au lieu de nir ; peut-être que le nd originel devient n après une consonne au milieu d’un nom composé (aurait-on similairement m, n pour les mb, ng originels ?).

  • dair « ombre des arbres ».

Dérivé d’un radical DAY- « ombre »23) ; la forme primitive aurait probablement été #dairē (cf. l’adjective quenya laira « ombreux », à l’évidence dérivé de #dairā).

  • Dairon, nom équivalent au sindarin Daeron (RP, p. 399 s.v. DAY-).

Le premier élément est évidemment équivalent à dair ci-dessus ; dans tous les cas, le nom Dairon est dérivé du même radical. À l’entrée dae, l’Appendice du Silmarillion définit cet élément comme signifiant « ombre » et note qu’il advient « peut-être » dans le sindarin Daeron. La terminaison masculine -on est bien attestée dans plusieurs langues eldarines ; Dairon pourrait représenter un #Dairondo primitif.

  • Denithor [orthographié Deniþor] « Denethor », nom masculin qui est dérivé de *ndani-thārō « sauveur des Dani » (= Nandor, Elfes-Verts) en RP, p. 216.

Le second élément *thārō « sauveur » ne peut pas être connecté directement avec un autre élément listé dans « Les Étymologies » ; THAR- « à travers, au-delà »24) ne semble pas susceptible de procurer la signification « sauveur », sauf si un *thārō est littéralement quelqu’un qui mêne quelque chose ou quelqu’un par-delà le danger. *Thārō semble bien être une formation agentale primitive fréquente. Dans tous les cas, Tolkien donna bien des années plus tard une étymologie fort différente pour le nom Denethor ; en WJ (p. 412), où aucune forme doriathrine n’est mentionnée, il est dit signifier « agile-et-élancé », de dene- « mince et fort, flexible, agile » et *thara- « grand (ou long) et mince ». (Ces éléments ne peuvent pas être connectés à quoi que ce soit d’autre dans le corpus publié.)

  • Dior « Successeur » (n.m.).

La forme primitive *ndeuro est donnée, c’est-à-dire le radical NDEW- « suivre, venir derrière » + la terminaison agentale masculine -ro (plus souvent -rō). Le changement eu > io est uniquement attesté dans ce mot. Il pourrait y avoir une forme alternative (dialectale ?) #Ndior avec l’occlusive nasalisée initiale originelle nd intacte ; cf. Ndolmed en parallèle de Dolmed (le premier élément étant dérivé d’un radical NDOL-)25).

  • Dolmed « Tête Humide », nom d’une montagne, également Ndolmed (RP, p. 428 s.v. NDOL-, p. 425 s.v. MIZD-).

Dol, ndol « tête » peut venir de #ndōlā (d’où le quenya nóla) ou, plus probablement, de #ndolō, d’où le vieux sindarin ndolo. Concernant l’élément -med « humide, mouillé, pluvieux », voir mēd.

  • [Dol Dúghol « #Colline de sorcellerie ».]

Nom un temps envisagé dans les brouillons du Seigneur des Anneaux pour le repaire de Sauron connu sous le nom de Dol Guldur dans la version publiée du roman26). Manifestement composé de Dol, ndol « tête » (voir Dolmed) et dûghol, nom explicitement donné comme doriathrin (q.v.). Ce nom fut initialement orthographié Dol Dúgol27), changé en Dol Dûghul28), également orthographié Dol Dughul29), qui doivent sans doute être considérées comme des formes doriathrines ou ilkorines, quoique ce ne soit pas précisé par Tolkien. La forme ultérieure Dol Dúghol ne fut changée en Dol Guldur que très tardivement.

  • dôn « arrière ».

Dérivé du radical NDAN- « en arrière » (à l’évidence comme adverbe plutôt que comme nom). On peut supposer que la forme primitive était #ndān- avec une voyelle finale perdue. Pour un autre exemple d’un ā long devenant ô, cf. drôg « loup » < *d’rāk.

  • -dor « terre », isolé d’Argador, Eglador et Lómendor (q.v.).

Dans « Les Étymologies », les termes eldarins pour « terre » sont dérivés d’un radical NDOR- « habiter, rester, se reposer, demeurer »30). Aucun mot doriathrin n’y est listé31), mais -dor devrait avoir la même origine que le mot sindarin qui lui est identique : le primitif *ndorē. Noter cependant que Tolkien bien des années plus tard dériva les termes eldarins pour « terre » d’un radical DORO « asséché, dur, ne cèdant pas »32). Toutefois, cette source tardive confirme que la forme en quendien primitif était *ndorē, maintenant pensée être formée par un enrichissement initial d > nd. Celle-ci est définie comme étant « la terre dure et sèche, par opposition à l’eau ou aux fondrières », développant plus tard la signification « la terre en général, par opposition à la mer », et finalement aussi « une terre » en tant que région spécifique « avec des frontières plus ou moins définies ». (Les limites d’Eglador, c’est-à-dire de Doriath, étaient naturellement fort bien définies par l’Anneau de Melian.)

  • dôr « terre, endroit d’habitation, région où vivent certaines gens ».

Dérivé du radical NDOR- en VT 45, p. 38, il est doté d’une voyelle longue lorsqu’il figure en tant que terme indépendant. En tant que deuxième élément d’un composé, il prend la forme -dor (q.v.).

  • dorn « chêne ».

Dérivé du radical DORÓN-, simplement défini par « chêne » ; pris ensemble, le quenya norno et le sindarin doron pointent vers une forme primitive #dorónō. Pour un autre exemple de terme doriathrin de même structure perdant ses deuxième et troisième voyelles, voir gold, dérivé de *ngolodō, ainsi que gald, de *galadā.

  • [Dorthanion, toponyme33).]

Selon « La Liste de Noms »34), le terme Dorthanion était doriathrin. Il était manifestement composé de dôr « terre » et de thanion, génitif pluriel de than « pin » (q.v.). Bien que ce nom figure aussi dans « Les Étymologies » (RP, p. 431 s.v. ÑGÓROTH-), il semble généralement avoir été remplacé par la forme ilkorine Dorthonion (RP, p. 170, 291, 451 s.v. THON-) ; voir le lexique ilkorin pour une discussion de ce terme.

  • drôg « loup ».

Dérivé du radical DARÁK- en RP (p. 399), qui n’est pas défini ; la forme primitive *d’rāk est donnée. Notre connaissance générale de la structure des mots primitifs, ainsi que du quenya ráca (et non pas **rát) pointerait plutôt vers un primitif de la forme #d’rākā. Mais la voyelle finale, si elle exista jamais, fut perdue en doriathrin, et ā fut labialisée et devint ô (cf. dôn ci-dessus).

  • [dûghol « sorcellerie ».]

La première version de l’entrée ÑGOL- donnait le radical alternatif ÑOL-, dont dérivaient plusieurs termes doriathrin, y compris dûghol, changé en durgul (q.v.) lors de la révision de cette entrée35). Voir aussi Dol Dúghol.

  • dunn « noir ».

Est dérivé du radical DUN- « (de couleur) sombre » en RP, p. 401 ; la forme primitive serait #dunnā, avec la terminaison adjectivale -nā (ou possiblement la terminaison simple , combinée avec un affermissement médian n > nn). Dans « Les Étymologies », le terme doriathrin dunn est aussi mentionné à l’entrée ÑGÓROTH-36). L’adjectif (ou juste le radical) se trouve aussi comme préfixe dunn- dans dungorthin ; voir Nan Dungorthin.

  • durgul « sorcellerie » (RP, p. 430 s.v. ÑGOL-).

La signification littérale est plutôt « connaissance / magie obscure ». L’élément #dur « sombre » n’est pas attesté ailleurs en doriathrin, mais on peut le comparer avec le sindarin dûr « sombre, obscur », dérivé du radical DOȜ-, DÔ-37), pas défini en tant que tel, mais apparemment en rapport avec la nuit. Il nous faut assumer que #dur dérive d’un adjectif #doȝrā, #dōrā (-rā étant une terminaison adjectivale fréquente). Le second élément, -gul, est dérivé du radical ÑGOL- « sage, sagesse, être sage »38). Comparer avec le sindarin morgul — le doriathrin aussi possède le terme mor(n)gul, q.v., avec la même signification que durgul. Le second élément du sindarin morgul est commenté dans l’Appendice du Silmarillion, entrée gûl (basée à l’évidence sur le texte désormais publié de WJ, p. 383) : « Le terme sindarin [gûl] vit sa signification s’assombrir par son usage fréquent dans le composé “arts noirs”. » Ce qui est manifestement la forme primitive de gûl est donné en PM (p. 360) : *ñgōlē, avec allongement de la voyelle radicale et terminaison , souvent utilisée pour dériver des noms abstraits. — Il est probable que les deux éléments de durgul avaient des voyelles longues lorsqu’ils apparaissaient indépendamment : #dûr, #gûl, les voyelles préservant la quantité (mais pas la qualité) du ō dans les termes primitifs #dōrā, *ngōlē39). La voyelle de #dûr est apparemment abrégée car elle est suivie d’un groupe consonantique dans le terme composé, tandis que la voyelle de #gûl est abrégée parce qu’elle est inaccentuée40).

E

  • Ēd « “Repos”, en particulier comme nom de l’épouse d’Olofantur Lorien »41).

Terme dérivé du radical SED « repos », par l’intermédiaire de la forme primitive Ezdē. « Les Étymologies » indiquent que cette forme était plus généralement ilkorine. Voir l’entrée Ēd du lexique ilkorin pour la dérivation.

  • Egla, pl. Eglath « “Peuple des étoiles”, Elfe » (RP, p. 402 s.v. ÉLED-).

Selon « Les Étymologies », le radical ÉLED- était transposé en doriathrin et en danien, et donnait la forme edel-. Le pluriel Eglath est indiqué être ilkorin en RP, p. 404 s.v. GAT(H)-. Il est probable que ce nom était identique dans les deux dialectes. Voir l’entrée pour Eglador ci-dessous pour les détails phonologiques. On pourra aussi consulter les composés Eglamar, ainsi qu’Eglorest dans le lexique ilkorin.

  • Eglador « terre des Elfes », nom doriathrin de Doriath (RP, p. 401-402 s.v. ÉLED-, p. 404 s.v. GAT(H)-).

Au sujet de l’élément final, voir -dor. Le préfixe egla- est semblable au quenya Elda, qui a également un parent doriathrin plus proche, Eld (q.v.). Dans « Les Étymologies », Egla- et Eld- sont dérivés du radical ÉLED- « Peuple des Étoiles », qu’il faut clairement comprendre comme étant une forme étendue du radical EL- « étoile »42) ; cela aurait identifié les Eldin (quenya Eldar) comme les Elfes qui s’étaient lancés dans la Grande Marche depuis Cuiviénen. Le doriathrin Eld était probablement supposé descendre de #eledā, tandis que egla- devait être dérivé de #edelā, avec le d et le l transposés. Après la syncope du e médian, le d et le l entrèrent en contact, et la séquence dl devint gl en doriathrin. Puisque les voyelles finales n’étaient pas préservées dans cette langue, nous aurions pu nous attendre à ce que #edelā donne #egl plutôt que egla-. Peut-être le -a final fut-il préservé dans le composé Eglador parce qu’il n’y était pas final, ou peut-être le a est-il en fait la terminaison du génitif en doriathrin : la « Terre-d’Elfe ». Comparer avec Nauglamîr « #Collier de Nain », dont Tolkien affirme qu’il contient le génitif -a ; voir aussi Goldamir « Joyau-ñoldo », Silmaril (le terme doriathrin pour Ñoldo étant gold, nous aurions ainsi « #Joyau-de-Ñoldo »43).

  • Eglamar « Maison des Elfes » (LRW, p. 356 s.v. ELED-).

Ce terme est étymologiquement apparenté au q. Eldamar, mais il n’est pas certain qu’il désigne le même lieu. En qenya, il s’agit clairement de Túna, la ville des Elfes Lindar et Noldor à Valinor44). En revanche, le nom d’Eglamar n’apparaît pas dans les textes contemporains des « Etymologies ». Le gn. Eglamar, qui est son prédécesseur conceptuel, était bien le strict équivalent du qenya45), mais le sind. Eglamar, son successeur conceptuel, désigne lui l’Ouest du Beleriand, là où vivait le peuple de Círdan46). Quoi qu’il en soit, Eglamar se décompose de la même manière qu’Eglador, dont il partage le premier élément Egla « “Peuple des étoiles”, Elfe » (q.v.). Le second dérive manifestement de la racine MBAR- « demeurer, habiter »47), sans doute par l’intermédiaire d’un terme primitif #mbarā, qui devait donner le mot indépendant #mar « #maison, demeure » de manière régulière (comparer avec MBOTH- > moth, q.v.)

  • el « étoile », dérivé d’un radical EL-, simplement défini par « étoile » en RP, p. 401.

D’après WJ (p. 360), les légendes elfiques veulent que les mots eldarins pour « étoile » se réfèrent à l’exclamation primitive ele « vois ! », « regarde ! » — qui est supposé être ce que les Elfes dirent lorsqu’ils virent les étoiles pour la première fois48). La forme primitive (en eldarin commun) est donnée en WJ (p. 360) comme étant *ēl49).

  • [El-boron] (n.m. ; épelé Elboron sans tiret en RP, p. 396 s.v. BARATH-).

En RP (p. 398), El-boron est listé sous le radical BOR- « endurer », mais ce nom fut biffé. Il était destiné à être le nom de l’un des enfants de Dior, mais Tolkien appela plus tard ce caractère Elrûn, qui devint Elurín dans le Silmarillion publié. Le premier élément de El-boron est évidemment el « étoile », q.v. ; boron est apparemment le radical BOR- avec la terminaison masculine -on, d’où « homme endurant / fidèle », dérivant d’un primitif #borondo.

  • Elbrûn, également Elvrûn (VT 45, p. 7 s.v. BORÓN-).

Ce nom fut rajouté au crayon à la fin de l’entrée, sans doute à la suite de la suppression du nom El-boron (q.v.), dont il est vraisemblablement le successeur et avec lequel il partage son premier élément. La seconde partie de ce nom est une nouvelle dérivation de la base BORÓN-, mais sans doute par l’intermédiaire des formes q. prim. #borōnē > ilk. prim. #burune > #b’rûn avec changement de qualité de la voyelle radicale suivi d’une syncope de la première voyelle et d’un allongement compensatoire de la voyelle restante. Voir Grûm < GÓROM- pour la discussion phonologique. La forme Elvrûn semble pointer vers une lénition relativement tardive du b après un l (possiblement n’importe quelle liquide). L’existence du nom galbreth n’exclut pas une telle évolution, puisque ce dernier dérive en fait de galdbreth, dont la dentale pourrait avoir disparu après la période de lénition.

  • [Eld, pl. Eldin « Elda, elfe », dérivé du radical ÉLED- (ultérieurement remplacé par Egla pl. Eglath, N.d.T.)]

Dans « Les Étymologies », ce terme était dérivé du radical ÉLED- « Peuple des Étoiles »50) ; voir Eglador ci-dessus pour l’étymologie de Eld et des mots apparentés. Dans le scénario tardif de Tolkien, Eld descendrait de *eldā, une formation adjectivale « en lien avec ou au sujet des étoiles », dérivée de *ele (voir après el) avec un affermissement médial l > ld et l’adjectival , voir WJ, p. 360). Cela se réfère à l’histoire selon laquelle « Oromë aimait les Quendi, et les nomma Eldar dans leur propre langue [la forme primitive étant en fait *Eldāi], le peuple des étoiles » — parce qu’il les trouva sous un ciel étoilé51). Plus tard, ce terme ne s’appliqua plus à tous les Quendi, mais uniquement à ceux qui entamèrent la Marche vers Valinor, qu’ils aient fini par y arriver ou non.

  • Elvrûn, variante du nom Elvrûn, q.v. (VT 45, p. 7 s.v. BORÓN-).
  • [Ermabin « manchot » (VT 45, p. 32 s.v. MAP-), surnom de Beren.]

Forme doriathrine supprimée d’un surnom attribué à Beren, dérivée du radical MAPA « saisir » et apparemment remplacée par la forme ilkorine Ermabin ou Ermabrin ; voir le lexique ilkorin pour la dérivation de cette forme.

G

  • gad « barrière ».

Dérivé du radical GAT(H)- qui n’est pas lui-même défini en RP, p. 404 ; d’autre dérivés dans diverses langues ont des signification comme « grotte, prison, dongeon, caverne ». Nous pouvons supposer que la forme primitive de gad est #gat-, avec une voyelle finale perdue. Mais comment un radical essentiellement en lien avec les cavernes peut-il donner un mot signifiant « barrière » ? Devons-nous assumer un développement sémantique « caverne » > « place d’où on ne peut échapper » > « prison, dongeon » > « endroit limité » > « endroit fermé » > « barrière » ? Il peut être noté que gad- (et argad, q.v.) sont des termes qui furent ajoutés à cette entrée postérieurement au premier jet ; faut-il y voir un changement de conception de Tolkien ? Dans la même entrée, le terme sindarin / « noldorin » Doriath est traduit par « Terre de la Caverne », l’élément final étant apparemment équivalent au « noldorin » gath « caverne » (lénifié en -ath). Plus tard, Tolkien interpréta Doriath par « Terre de la Barrière », se référant à l’Anneau de Melian, le second élément étant désormais équivalent à iâth, iath « barrière »52), mais ce dernier ne semble pas devoir être connecté avec l’entrée GAT(H)-.

  • galbreth < galdbreth « hêtre ».

« Les Étymologies » sont quelques peu ambiguës sur le status de ce terme en doriathrin : RP, p. 397 s.v. BERÉTH- affirme que « le hêtre était appelé galbreth […] en Falasse et neldor en Doriath » (voir neldor). Ici, galbreth semblerait être un mot falathrin plutôt que doriathrin. Cependant, l’entrée même qui liste le mot neldor (RP, p. 429 s.v. NEL-) affirme également que « le nom dor[iathrin] correct était galdbreth > galbreth ». La solution semble être que galbreth est le nom correct du hêtre en falathrin et en doriathrin, et de plus le seul terme employé en falathrin, tandis que le peuple de Doriath lui substituait habituellement neldor — qui n’était pas considéré être le nom « correct » de cet arbre. Quoi qu’il en soit, galdbreth > galbreth incorpore gald « arbre » (q.v. pour la discussion de ce terme), tandis que l’élément final -breth renvoie au radical BERÉTH- « hêtre »53). La forme primitive *b’rethā est donnée (elle descend probablement d’un #beréthā plus ancien, avant la perte de la voyelle inaccentuée) ; lorsqu’elle est utilisée pour former des noms, la terminaison dénote habituellement des inanimés.

  • gald « arbre » (RP, p. 404 s.v. GÁLAD-).

En L (p. 426), la racine est dite être GAL- « grandir, croître », intransitif, et dans les UT (p. 266), le mot primitif * galadā est défini par « grande croissance ». Ce terme était utilisé pour les arbres aux branches étalées, tandis que les arbres plus minces étaient appelés *ornē [doriathrin orn], quoique cette distinction ne soit pas maintenue avec consistance en quenya (dans cette langue, les mots s’écrivaient alda et ornë) et fut complètement abandonnée en sindarin (galadh vs. orn, ce dernier étant rare comme mot indépendant). Puisqu’il est dit que le doriathrin orn (q.v.) est particulièrement usité pour les hêtres (et peut dénoter n’importe quel arbre dans les composés), il se pourrait bien que Tolkien ait eu l’intention que gald acquière le même sens large que le quenya alda et ne signifie plus uniquement « arbre s’étalant ». De fait, gal(d)breth est listé comme un nom du hêtre ; voir galbreth ci-dessus. — Dans « Les Étymologies », le quenya alda est dérivé du radical GÁLAD-, simplement défini par « arbre »54) ; on peut comprendre cela comme une forme étendue du radical GAL- mentionné en L, p. 426. Il est cependant tentant de comparer le *galadā primitif dérivé de GAL- avec *ñgolodo « Ñoldo, personne sage », de ÑGOL- ; gala- pourrait être une forme avec ómataina du radical GAL- (avec une voyelle de base suffixée), et -dā pourrait être une terminaison comparable à la terminaison personnelle -dō dans #ñgolodō, se référant souvent à quelque chose d’inanimé, exactement comme la voyelle finale est fréquemment caractéristique d’un animé (masculin).

  • galdbreth « hêtre » (RP, p. 397 s.v. BERÉTH-), voir l’entrée galbreth.
  • ganu « mâle, homme » (comme nom : un mâle, Homme ou Elfe, ou un animal mâle).

Les voyelles finales sont rares en doriathrin, puisqu’elles disparurent à un stade antérieur. Ce terme pourrait ne pas être une vraie exception, puisque le -u descend probablement d’une consonne : en RP (p. 407), ganu est dérivé du radical ȜAN-, simplement défini par « mâle »55). Si nous supposons un adjectif primitif #ȝanwā « mâle » avec la terminaison adjectivale -wā, bien attestée par ailleurs, cela aurait pu produire #ȝanw, #ganw après la perte des voyelles finales, la semi-voyelle finale devenant alors une voyelle complète -u. (Comparer avec gelu ci-dessous.) Chose intéressante, cette dérivation impliquerait que ganu n’est pas vraiment un parent direct du quenya hanu de signification identique ; hanu descendrait de #ȝanū avec la terminaison masculine , qui donnerait probablement #gan en doriathrin. Il semble que la signification de ganu ait dérivé d’un adjectif (#ȝanwā) vers un nom. — Dans le scénario des « Étymologies », l’initial primitive Ȝ (la spirante dorsale voisée, gh) devient g en doriathrin / ilkorin et nandorin (danien). Comparer avec garm, garth, gell et gelu ci-dessous. Dans des sources plus tardives, Tolkien reconstruisit la version primitive du son en question comme étant h plutôt que ȝ ; par exemple, le quenya ho, hó- « depuis » est dérivé d’un radical HO en WJ (p. 368), tandis que le même mot était dérivé de ȜŌ̆- dans « Les Étymologies »56). Tolkien affirma dans une source tardive que le quendien primitif h survivait uniquement dans les dialectes d’Aman57), jetant ainsi un doute considérable sur la validité de ces formes doriathrines, ilkorines et nandorines dans le nouveau scénario. Si ces mots doivent être acceptés, nous aurions à supposer que Tolkien voulait dire que le quendien primitif h survivait en tant que h uniquement dans les dialectes d’Aman (tandis qu’il fut perdu ou transformé en un son fort différent, fusionnant avec un autre phonème, dans les langues non-amaniennes !)

  • [garan « roi » (VT 45, p. 16 s.v. ȜAR-).]

Ce mot fut omis de la version finale de l’entrée. Il était initialement dérivé du radical ȜARA-58) et fut changé en garon « seigneur » (q.v.) lorsque cette entrée fut réécrite. Il devait être dérivé de la forme primitive #ɣarana, car l’évolution Ȝ- > g- est régulière en doriathrin (voir ganu < ȜAN-) et l’absence de syncope du deuxième a indique que la voyelle finale primitive devait être brève (contraster avec gald < GÁLAD- et comparer avec l’ilk. boron < BOR-). Ce terme pourrait avoir être rejeté pour des raisons sémantiques avant tout, puisque le seul roi connu des Ilkorins était Thingol, dont le titre était tôr « roi » (voir le lexique ilkorin). Cela expliquerait le changement de signification du terme qui l’a remplacé.

  • garm « loup ».

Originellement dérivé du radical non défini ȜARAM- en RP, p. 408. D’autres formes données — comme le sindarin garaf et le quenya harma pointent vers une forme primitive #ȝaramā. Cependant, Tolkien supprima l’entrée ȜARAM- ; il voulait probablement éviter la confusion avec le quenya harma « trésor ». Néanmoins, le mot doriathrin garm réapparut en RP (p. 430), désormais dérivé du radical ÑGAR(A)M-. Ce radical n’est pas défini (tous ses dérivés signifient « loup »), bien que son origine lointaine puisse être en lien avec ÑGAW- « hurler »59) si ces radicaux sont tous deux des élaborations sur un élément très primitif #ÑGA. Tandis que les mots doriathrin garm et sindarin garaf demeuraient les mêmes, le terme quenya est désormais ñarmo, supprimant la confusion avec harma et pointant vers une forme primitive #ñgaramō. La terminaison dénote souvent un animé ; voir par exemple *morókō « ours »60). — Il est possible que le doriathrin garm ait eu une forme alternative #ngarm préservant l’occlusive nasalisée initiale ; voir par exemple ngold en parallèle de gold (terme primitif #ñgolodō)61).

  • garon « seigneur ».

Ce terme est dit dériver de ȜAR « avoir, détenir » ou de GAR « détenir, posséder » en RP, p. 407. L’évolution Ȝ- > g- est en effet régulière en doriathrin ; voir ganu < ȜAN-. La forme primitive devait vraisemblablement être #ɣarān- ou #garān- > #garōn par métaphonie régulière (voir dôn < NDAN-), puis garon par abréviation de la voyelle finale d’un mot polysyllabique (voir Deniþor < *ndani-thārō). Ce mot résulte d’un changement de l’entrée correspondante des « Étymologies », laquelle donnait initialement le nom garan « roi » (q.v.)

  • garth « royaume, domaine ».

Dérivé du radical ȜAR- « avoir, détenir » (RP, p. 407 ; VT 45, p. 14), un royaume étant quelque chose qui est « tenu » ou possédé par un roi. Le terme parent sindarin est ardh ; ensemble, ces mots suggèrent une forme primitive #ȝard- avec une voyelle finale perdue (#ȝardā ?). L’agglomérat rd apparut probablement par affermissement médian r > rd, à moins qu’il ne nous faille supposer une terminaison plus longue -dā. Il semble qu’en doriathrin, rd devint rdh, changé en -rth en position finale ; la forme plurielle de garth est probablement #gardhin plutôt que #garthin. Comparer à roth « cave », pl. rodhin au lieu de **rothin, dû au fait que le radical originel était ROD-. La forme gardh- (garð-) se retrouve en fait dans le composé garð-thurian « Royaume Caché » listé en RP, p. 451 s.v. THUR- (le mot y est dit être ilkorin, mais il semblerait que Tolkien ait parfois utilisé ce terme comme incluant également le doriathrin). Cela semble suggérer que garð- serait la forme normale de garth dans un mot composé, quoique dans ce cas ð fusionna simplement avec le th suivant62).

  • Garthurian « Pays Clôturé », un nom de Doriath (RP, p. 407 s.v. ȜAR-) ou « Pays Caché » (RP, p. 451 s.v. THUR- ; VT 45, p. 16 s.v. ȜAR-).

Comme mentionné ci-dessus, RP (p. 451) indique que Garthurian est un composé de garth, gardh- « royaume, domaine » et d’un élément thurian « caché ». Ce dernier est à l’évidence une sorte de participe passé dérivé du radical THUR-, défini comme « encercler, clôturer, garder, entourer d’une haie, dissimuler ». Pour expliquer la terminaison -ian, il nous est probablement nécessaire de supposer un verbe primitif #thurjā- doté d’une terminaison verbale très bien attestée (donnant le quenya -ya) ; à ce verbe, la terminaison passée / adjectivale primitive -nā a été ajoutée pour produire #thurjānā, qui donnerait probablement thurian en doriathrin63).

  • gell « ciel ».

Dérivé d’un radical ȜEL-, simplement défini comme « ciel »64), dit être confondu avec EL- « étoile »65). Le terme quenya apparenté hellë suggère que gell descend de #ȝellē, une forme montrant un affermissement médian l > ll ; la terminaison pourrait avoir la même signification « locale » que dans *ndorē « terre » (voir dor)66).

  • gelu « bleu ciel ».

Dérivé du même radical ȜEL- « ciel » que gell ci-dessus ; la finale -u argue en faveur de l’existence d’une ancienne terminaison adjectivale -wā, w devenant u après la perte de la voyelle finale : #ȝelwā > #ȝelw > gelu. Comparer avec hedhu, dérivé de *khitwa et ganu de #ȝanwā. Le quenya helwa « bleu pâle » semble confirmer que gelu doit dériver de #ȝelwā.

  • go « de », même mot qu’en ilkorin (RP, p. 408 s.v. ȜŌ̆- ; cf. VT 45, p. 17) Se référer au lexique ilkorin, entrée go.
  • gôl [1] « sage, magique » (également ngol, préservant l’initiale occlusive nasalisée originelle).

Dérivé d’un radical ÑGOL- « sage, sagesse, être sage »67). Gôl [1] est à l’évidence apparenté au quenya ñola « sage, érudit » ; la forme primitive est clairement #ñgōlā, avec un allongement de la voyelle radicale et suffixation de la fréquente terminaison adjectivale 68). D’après « Les Étymologies », gôl [1] (sous la forme inaccentuée -gol) est le second élément du nom composé Thingol, q.v.69)

  • [gôl [2] « lumière » (RP, p. 410 s.v. KAL- ; VT 45, p. 18 s.v. KAL-).]

Ce terme rejeté dérivait de la forme primitive *gālæ- et était dit correspondre au premier élément de Thingol (q.v.), avant que l’étymologie de ce terme ne soit modifiée. On ignore si Tolkien souhaitait supprimer entièrement ce mot ou s’il était juste insatisfait de l’étymologie attribuée au nom Thingol. Comme pour l’ensemble du corpus doriathrin, la voyelle primitive disparaît et le changement *ā > ô est observé (voir dôn < NDAN-).

  • gold « Ñoldo », également ngold (RP, p. 430 s.v. ÑGOL-).

Dans PM (p. 360) et WJ (p. 383), la forme primitive est donné comme étant *ñgolodō (*ngolodō en MR, p. 350), dérivé du radical ÑGOL- mentionné ci-dessus, défini par « sage, sagesse, être sage » en RP (p. 430) et « connaissance, sagesse, savoir » en WJ (p. 383). La forme *ñgolodō montre un redoublement de la voyelle de base (ómataina) et la terminaison masculine / animée -dō. Le nom de clan Ñoldor [doriathrin #Goldin] signifiait « Maîtres du Savoir »70) ou « les Sages »71) (« mais sages dans le sens de posséder la connaissance, pas dans celui de posséder la sagacité ou un jugement sain » ; Index du Silmarillion, entrée « Noldor »).

  • Goldamir « joyau ñoldo » = Silmaril (RP, p. 430 s.v. ÑGOL-).

Golda semblerait être le génitif de gold « Ñoldo » (q.v.) ; pour un autre exemple d’un génitif dans un nom composé, voir Nauglamîr (et probablement Eglador). Pour le second élément, voir mîr, mir.

  • golo « magie, sagesse » (également ngolo).

Évidemment dérivé du même radical ÑGOL- que gold, ngold (q.v.). Ce terme semble devoir être un parent du quenya ñolwë « sagesse, connaissance secrète »72). La forme primitive serait #ñgolwē, -wē étant une terminaison abstraite. L’évolution serait alors #ñgolwē > #ñgolwe > #ngolw > #ñgolu > ngolo (> golo). Étrangement -w donne -u dans d’autres cas, comme gelu (< #ȝelw < #ȝelwā) ; voir aussi ganu, hedhu. Devons-nous comprendre que le -wē originel donne -o, tandis que -wā donne -u ? Cela serait difficile à justifier en termes de phonologie diachronique.

  • [Grûm « Orómë » (VT 45, p. 15 s.v. GÓROM-).]

Cette entrée supprimée très peu lisible est dite être une extension de GOR- « violence, impulsion, hâte » ; d’après Carl Hostetter et Patrick Wynne, le terme Grûm pourrait aussi être danien. ce nom est dérivé de la forme primitive *Górōmē, qui donna aussi le q. Orōme. La syncope de la première voyelle est attestée dans d’autres termes doriathrins, comme drôg < *d’rāk. Parallèlement, le changement de qualité ō > u s’observe aussi dans les mots durgul et mor(n)gul, mais avec abréviation de la voyelle dans ces deux cas. L’exemple de durgul semble montrer, qu’il s’agit plutôt d’un phénomène régulier que d’une dissimilation. Vu que l’élément -gul dérive vraisemblablement de la forme primitive #ngōlē, il est fort possible que cette métaphonie ait été déclenchée par le final de ces trois mots. Il convient donc de supposer l’existence d’une forme ilkorine primitive avec changement de qualité des voyelles #Gurume, évoluant ensuite en #G’rûm avec perte de la voyelle finale, syncope de la voyelle initiale et allongement compensatoire de la voyelle restante. La syncope pourrait avoir eu lieu par analogie avec celle de *d’rāk > drôg, puisque le q. ráca indique que cette dernière eu lieu avant la séparation des différentes branches des langues elfiques et les métaphonies spécifiques à l’ilkorin. Les même évolutions s’observent dans le nom Elbrûn, Elvrûn (q.v.) Il est vraisemblable que le nom Grûm fut rejeté quand fut rédigée l’entrée ORÓM-.

H

  • hauð « tas, pile, monticule empilé »73).

Terme dérivé du radical KHAG « empiler », par l’intermédiaire de la forme primitive khagdā. Tolkien précise que les groupes primitifs de deux occlusives voisées n’advenaient que par suffixation et ne concernaient que b-d, g-d et d-d, qui étaient ensuite spirantisés en eldarin commun pour donner respectivement ƀd, ʒd et zd. En doriathrin, ƀd et ʒd fusionnaient ensuite en , créant une diphtongue avec la voyelle précédente74). La même évolution s’observe pour lauð < *labdā.

  • hedhu (orthographié heðu dans le texte source) « gris »75).

En RP (p. 413), ce mot est dérivé du radical KHITH- (variante KHIS-), défini par « brume, brouillard ». La forme primitive est donnée comme étant *khitwa (probablement #khithwā à l’époque la plus reculée). La terminaison -wa, -wā est adjectivale, voir par exemple *narwā « rouge feu », du radical NAR1- « flamme, feu ». Dans hedhu, le final est perdu et le w précédent est devenu la voyelle complète u ; voir gelu et probablement ganu pour d’autres exemples similaires. Le final perdu engendra manifestement une métaphonie du i en e avant de disparaître ; comparer avec mēd, dérivé de *mizdā. Le kh initial devint h, comme en quenya et sindarin ; hedhu est notre seul exemple doriathrin de cette évolution76). Le changement du th post-vocalique en sa contrepartie voisée dh n’est pas universel, comme le montre par exemple umboth « vaste étang », dérivé de MBOTH-. Peut-être que le th de *khitwa devint voisé au contact du w le suivant, avant que cette consonne voisée ne se transforme en une voyelle, le -u de hedhu. (Comme le nom Lúthien le montre, le th intervocalique ne se change pas systématiquement en dh en doriathrin.)

  • hiðum « brouillard » (RP, p. 413 s.v. KHIS-, KHITH- ; cf. VT 45, p. 22).

Comme le q. hiswe et le nold. hithw, hiðum dérive de la forme primitive *khithme, agrémentée du suffixe -me, qui sert parfois à dénoter des substances. Comme dans les termes hauð et heðu (q.v.), le KH- initial donne h- en doriathrin. Après la chute de la voyelle finale, le m devient syllabique, ce qui entraîne un voisement th > dh de la consonne qui précède, comme pour aðum et naugol. De même que dans ces deux noms, une voyelle finit par se développer devant la consonne syllabique. L’exemple d’umboth tend à montrer qu’il s’agit systématiquement de u quand la consonne syllabique est un m, alors qu’il s’agirait plutôt d’un o si la consonne syllabique est un l, si l’on peut généraliser à partir du terme naugol.

  • Hirilorn « le grand hêtre de Thingol avec trois fûts » (RP, p. 429 s.v. NEL-).

Le deuxième élément de ce nom propre est clairement orn « arbre de grande taille », q.v. Le premier élément n’est pas attesté en doriathrin ou en ilkorin, mais nous disposons toutefois du nold. hiril « dame » < KHER77), qui semble doté de la même dérivation. Pour l’évolution KH- > h- initial, voir hedhu et pour la terminaison -il, voir Thuringwethil. La métaphonie e > i intervient aussi dans dagnir (q.v.), dont le second élément doit provenir de la racine (N)DER-78). Seul un r qui suit semble déclencher cette évolution, qui n’a pas lieu devant le l (contraster avec el, Elbrûn). Le terme doriathrin résultant, #hiril, possède vraisemblablement la même signification que son homologue noldorin, mais il reste à préciser ce que signifie le nom Hirilorn dans son ensemble. Le sind. Hírilorn est glosé « Arbre de la Dame » dans l’Index des noms du Silmarillion, ce qui semble être une allusion à l’emprisonnement de Lúthien dans une maison construite dans ses branches. Toutefois, cette signification n’est pas directement attestée dans un texte publié de Tolkien et pourrait être une interprétation de son fils Christopher. De fait, dans les Contes perdus, le gn. Hirilorn signifiait plutôt « Reine des Arbres »79), par allusion probable à sa taille. La signification « Reine des hêtres » ou plus exactement « Reine hêtreuse » se rencontre dans une section du « Lai de Leithian » rédigée entre 1926 et 192880), sans que soit précisé dans quelle langue était ce nom. Au vu du fait qu’orn peut spécifiquement désigner le hêtre, c’est sans doute la signification qu’il faut retenir. Au demeurant, si Hirilorn devait réellement être l’« Arbre de la dame », son premier élément devrait être au génitif, ce qui ne semble pas être le cas.

I

  • -ion semblerait être une terminaison génitive plurielle, cf. region « de houx ».

Le quenya a la même terminaison ; dans cette langue, elle représente la terminaison plurielle -i + la marque du génitif o + une autre marque du pluriel n. Voir WJ (p. 368, 407) ; cf. RP, p. 408 s.v. ȜŌ̆-. Nous pouvons supposer que la terminaison doriathrine a plus ou moins la même étymologie. Voir aussi -a (la terminaison du génitif singulier).

  • istel, istil « lumière argentée ».

Ce terme est dit être « usité par les Ilkorins pour désigner la lumière des étoiles, probablement une forme q[uenya] apprise de Melian »81). Tandis que le radical est donné comme étant SIL- « briller argenté », la dérivation est assez remarquable. L’initiale s du radical semble s’être affermie en st (dans le VT 39, p. 9, Fëanor est dit avoir cité des exemples d’affermissement initial impliquant « les relations entre les initiales st- et s- »). La variante radical résultant #STIL donne istil au moyen du « préfixe intensif i », qui est utilisé « lorsque i est la voyelle de base »82). Istel semble être une simple variante : peut-être que le second i devint e par dissimilation avec le premier.

  • Istil « Lune » (RP, p. 408 s.v. I-), de forme identique au nom commun istil « lumière argentée » (voir ci-dessus).

L

  • [laf « bébé » (VT 45, p. 26 s.v. LAP- ; cf. RP, p. 418).]

Au vu du q. lapse, de signification identique, nous pourrions nous attendre à une forme primitive #lapsē, mais le groupe final -psē devient normalement -ss en doriathrin (cf. nass < #natsē < NAT-), ce qui nous pousserait à attendre une forme **lass. C’est peut-être la raison du rejet de ce terme.

  • lauð « léchage (de nourriture ou de boisson), alimentation gloutonne »83).

Terme dérivé du radical LAB par l’intermédiaire de la forme primitive *labdā. Son évolution phonologique est comparable à hauð (q.v.)

  • laur « lumière de Laurelin, lumière (or), †or » (VT 45, p. 26 s.v. LÁWAR-, nold. GLÁWAR-).

Dérivé d’un radical LÁWAR-84) ; la forme primitive est dite être *laurē. La terminaison dénote parfois des substances, cf. les mots primitifs *srawē « chair » ou *rossē « rosée, goutelettes »85). Il semblerait que *laurē, d’où provient le quenya laurë se réfère à proprement parler à la lumière dorée plutôt qu’au métal or (qui est malta en quenya et donnerait peut-être #malt ou #malth en doriathrin).

  • líw « poisson ».

Dérivé d’un radical LIW-, lui même non défini, en RP, p. 420. Une forme primitive *liñwi est donnée, montrant une infixation nasale ; le ñ a disparu du dérivé doriathrin, mais la voyelle précédente a apparemment été allongée par compensation. (Comparer avec nîw « nez », dérivé de neñ-wi.)86)

  • lóm « écho ».

Dérivé d’un radical LAM- en RP (p. 417), qui n’y est pas défini ; mais voir WJ, p. 416 : « LAMA […] se réfère à des sons, en particulier des sons vocaux, mais fut utilisé uniquement pour ceux qui étaient confus ou inarticulés. » (LAMA = LAM- avec ómataina, voyelle de base suffixée). Le parent quenya de lóm, láma, pointe clairement vers une forme primitive #lāmā. Pour un autre exemple de ā long devenant ó en doriathrin, cf. drôg « loup », dérivé de *d’rāk.

  • lómen « échoïque, faisant écho » (également [pl.] lómin).

Dérivé du même radical que lóm ci-dessus (ou peut-être plutôt du nom #lāmā lui-même, puisque le ó doit descendre d’un ā long), sa forme primitive étant à l’évidence #lāminā (cf. le quenya lámina). La terminaison adjectivale -inā, apparemment une forme longue de la très fréquente terminaison -nā, est « reconstruite » par Tolkien dans quelques adjectifs (e.g. *smalinā « jaune », RP, p. 443 s.v. SMAL-). En doriathrin, la terminaison -inā devient -en ; la voyelle finale originelle infléchit le i précédent en e avant de disparaître (pour un autre exemple de métaphonie en a transformant i en e, cf. mēd « mouillé », dérivé de *mizdā). L’adjectif lómen est aussi attesté dans le composé Lómendor « #Terre de l’écho », voir aussi la variante lómin (#lāmina avec un -a final court qui disparut avant de pouvoir infléchir le i en e ?) dans Lóminorthin « Montagnes de l’écho » (RP, p. 417 s.v. LAM-, ainsi que p. 405 s.v. G-LAM- ; voir -dor, orth pour une discussion des éléments finaux de ces composés)87).

  • Lómendor « #Terre de l’écho » (RP, p. 417 s.v. LAM-), composé de lómen et de dôr, -dor (q.v.).
  • Lóminorthin « Montagnes de l’écho » (RP, p. 405 s.v. G-LAM-, p. 417 s.v. LAM-), composé de lómen et d’orth (q.v.).
  • [luin « pâle » (RP, p. 421 s.v. LUG2- ; VT 45, p. 29 s.v. LUG2-. Entrée ultérieurement changée en lūn, N.d.T.)]

La forme primitive est donnée comme étant *lugni « bleu », c’est-à-dire le radical LUG2-88) (non défini) avec une terminaison -ni qui n’est pas attestée ailleurs, bien que -i soit un son final trouvé sur de nombreux adjectifs de couleur primitifs. Notez que g devient i devant une autre consonne, et produit une diphtongue avec la voyelle qui la précède. (Si dagnir, q.v., ne devient pas **dainir, cela est à l’évidence dû au fait que ce g n’est pas originel, mais descend d’un k : radical NDAK-, RP, p. 428. Se référer au fait que Tolkien changea Luithien en Luthien, réalisant / décidant que le uk du mot primitif *lukti̯ēnē ne deviendrait pas ui.)89)

  • lūn « pâle » (VT 45, p. 29 s.v. LUG2-).

Dérivé du radical LUG2- par l’intermédiaire du terme primitif *lugni « bleu », dont Fauskanger souligne à raison qu’il ne possède aucun équivalent (l’extension -NI du radical ÓR-NI- en RP, p. 423, étant probablement sans lien avec la présente forme). On notera que dans la version finale des « Étymologies », le g post-vocalique de la forme primitive disparaît sans laisser de trace autre qu’un allongement compensatoire de la voyelle qui le précède, de même que Lúthien < *lukti̯ēnē. Cette évolution dut avoir lieu avant le changement k > g dans d’autres mots primitifs, puisque des termes comme dagnir, Eglador ne sont pas affectés.

  • lung « lourd » (cf. Mablung « Main-lourde »).

Dérivé du radical stem LUG1-, lui-même non défini en RP (p. 421), mais la forme primitive de cet adjectif est donnée comme étant *lungā, montrant une infixation nasale et un adjectival. Nous aurions pu nous attendre à voir le final originel causer une métaphonie, ce qui aurait plutôt donné une forme doriathrine en #long ; comparer avec #lost, dérivé de #lustā (voir Mablost). Des exemples venant de l’ilkorin suggèrent que devant un groupe consonantique commençant par une nasale, il n’y a pas de métaphonie ; cela semble également être le cas en doriathrin.

  • luth « magie » ? « sort » ? (aucune explication donnée, en lien avec le nom Lúthien « enchanteresse »).

Dérivé du radical LUK- « magie, enchantement » en RP, p. 421 ; nous pouvons probablement assumer que la forme primitive est #lukt-, avec une voyelle finale perdue (quenya luhta- « enchanter » doit venir de *luktā-).

  • Luthien, Lúthien « enchanteresse » (forme doriathrine que Tolkien orthographiait antérieurement Luithien ; voir l’entrée luin ci-dessus pour cette forme alternative).

Dérivé du radical LUK- « magie, enchantement »90) ; la forme primitive est donnée comme étant *lukti̯ēnē (VT 45, p. 29 s.v. LUK-). La terminaison -nē est à l’évidence la contrepartie féminine du masculin *-nō, tandis que *lukti̯ē pourrait être une formation abstraite « #enchantement », basée sur un verbe #luktā- « enchanter » (voir luth ci-dessus). *lukti̯ēnē pourrait alors signifier littéralement « enchantement-femelle », d’où « enchanteresse ».

M

  • mâb « main » (VT 45, p. 32 s.v. MAP-).

Dérivé du radical MAP- « attraper avec la main, saisir » en RP, p. 423 ; la forme primitive est donnée comme étant *mapā. Lorsqu’elle est utilisée pour dériver des noms, la terminaison dénote typiquement des inanimés91).

  • Mablost « Main-vide » (nom de Beren qui retourna à Doriath sans le Silmaril ; sind. Camlost).

Dans « Les Étymologies », le mot Mablost est mentionné dans l’entrée pour le radical KAB- « creux »92), mais bien que ce radical soit approprié pour le premier élément du sindarin Camlost, il ne l’est pas pour le terme doriathrin. De façon transparente, Mablost est un composé de mâb « main » (q.v.) et d’un adjectif #lost « vide », qu’il faut clairement renvoyer au radical LUS- (n’étant lui-même pas défini)93), d’où provient le terme quenya lusta « vide ». L’adjectif haut-elfique pointe vers une forme primitive #lustā. Le u originel est devenu o en doriathrin, ce qui s’explique aisément par une métaphonie causée par la finale originelle avant qu’elle ne soit perdue (mais voir lung).

  • [Mabluin « main-pâle » (VT 45, p. 30 s.v. LUY-).]

Cette forme appartenant à une entrée supprimée peut être rapprochée du surnom nold. Mablui « à la main éclairée par la lune » [angl. of the moonlit hand] (LB, p. 34, 108 ; cf. PE 13, p. 149) attribué à Melian dans les Lais de Beleriand. Malgré la proximité phonétique, il n’a aucune raison de considérer que ce pourrait être une variation du nom de Mablung. Mabluin est évidemment composé des éléments mâb « main » et luin « pâle », q.v. Il fut sans doute rejeté lorsque Tolkien changea ce dernier terme en lūn.

  • Mablung « Lourde-main » (n.m., l’ordre des élément étant en fait « #Main-lourde »).

Mentionné en RP, p. 421, sous le radical LUG1- ; composé de mâb et lung, q.v..

  • mēd « humide » (VT 45, p. 35 s.v. MIZD-), également -med dans Dolmed.

En RP (p. 425), mēd est dérivé du radical MIZD-, qui n’est pas défini, mais Christopher Tolkien a incontestablement raison lorsqu’il observe que les radicaux MISK- (donnant des mots pour « mouillé, humide ») et MITH- (donnant des mots pour «brouillard humide » et « gris ») étaient probablement supposés être apparentés à MIZD-. La forme primitive de mēd est dite être *mizdā, le suffixe étant une terminaison adjectivale très fréquente. Le z disparaît dans le mot doriathrin, mais la voyelle précédente est apparemment allongée par compensation. À l’évidence, z disparut après que le d post-vocalique se soit changé en dh (voir par exemple radhon « Est », dérivé du radical RAD-), sinon *mizdā serait plutôt devenu **mēdh. Non seulement la quantité mais aussi la qualité de la voyelle radicale change, i devenant ē. Cela découle certainement d’une métaphonie causée par la finale originelle ; comparer avec hedhu, dérivé de *khithwa et contraster avec mīd, de *mizdē, où la qualité de la voyelle radicale est inchangée (puisque ne cause pas d’umlaut)94).

  • meneg « mille » (?) (isolé de Menegroth, q.v. pour référence).

Concernant les problèmes de la signification « mille » de meneg si les Elfes utilisaient un système duodécimal, voir l’article principal ci-dessus. On s’attendrait normalement à ce que l’élément meneg descende d’un primitif comme #menekē (la voyelle finale étant incertaine), mais aucun radical susceptible de produire un tel mot avec le sens donné n’est connu. Le radical MEN-, donnant des mots pour « place, endroit »95) n’est probablement pas pertinent ici.

  • Menegroth « les mille cavernes » (?).

Listé en RP (p. 439) sous ROD-, composé de meneg et de roth, q.v.

  • mīd « moisissure » (VT 45, p. 35 s.v. MIZD-).

Dérivé d’un radical MIZD-96) ; voir mēd pour une discussion plus approfondie de cette base. La forme primitive est dite être *mizdē ; la terminaison dénote parfois des substance (voir laur pour plus d’exemples)97).

  • mîr, mir « joyau, chose précieuse » (isolé de Nauglamîr et Goldamir, q.v.).

Le quenya et vieux sindarin mírë pointe vers une forme primitive #mīrē ; le radical MIR- listé en RP, p. 425 n’est pas défini en tant que tel.

  • [mir(nang)eluið « #Silmaril », lit. « #joyau des Noldor ».]

Forme rejetée donnée en VT 45, p. 34 s.v. MIR- comme alternative à Goldamir (q.v.), remplacée par le nold. Mîr in Geleið, de sens manifestement similaire. Doit vraisemblablement se décomposer en mir-na-ngeluið, avec #ngeluiðune forme plurielle de gold, ngold « Noldo » (q.v.). Cela supposerait que #na soit une préposition indiquant la provenance où l’appartenance, probablement apparentée au suffixe génitif -a(n) (q.v.). Voir aussi mîr, mir ci-dessus.

  • morngul, morgul « sorcellerie » (RP, p. 430 s.v. ÑGOL-).

Pour une discussion du second élément, -gul, voir durgul. La signification littérale de mor(n)gul est visiblement « savoir sombre », « magie noire ». L’élément morn- est manifestement dérivé du radical elfique bien connu MOR- « sombre, noir » (L, p. 382 ; non-défini en RP, p. 425). Le mot sindarin morn « noir » est listé en RP, p. 426 s.v. MOR- (en LRW, morn est fautivement épelé **moru). Le terme quenya apparenté, morna, pointe vers une forme primitive *mornā avec la terminaison adjectivale fréquente -nā, et cette forme primitive est en fait « reconstruite » par Tolkien lui-même en L, p. 382. Morngul tendait à l’évidence à se transformer en morgul ; cf. L (p. 427), où Tolkien explique que le sindarin Borgil représente born « chaud, rouge » + gil « étoile » — « le groupe triconsonantique étant ensuite réduit à rg. » Des réductions similaires adviennent évidemment en doriathrin98).

  • moth « étang » (comparer avec umboth).

Dérivé du radical MBOTH-, qui n’est lui même pas défini99). Le quenya motto et le sindarin both pointent vers une forme primitive #mbottō ; il semble qu’en sindarin et en doriathrin, le tt primitif devienne th. Il est cependant surprenant que le mb initial donne m plutôt que **b. Puisque nd- donne d- (comme dans dôn, dérivé de #ndān-) et ng- donne g (comme dans garm, de #ñgaramō), nous aurions pu nous attendre à ce que mb soit également dénasalisé. À la place, c’est l’occlusive b qui est absorbée dans la nasale.

  • muil « crépuscule, ombre, imprécision, caractère vague ».

Dérivé d’un radical MUY- en RP (p. 426), qui n’est pas défini en tant que tel ; les dérivatifs tournent autour de concepts comme « caché », « voilé », « secret ». Muil est à l’évidence apparenté au quenya muilë [n.] « secret », pointant vers une forme primitive #muilē. La terminaison -lē est caractéristique des noms abstraits, donc « imprécision » est probablement ce qui reflète le mieux le sens originel ; « crépuscule » et « ombre » sont des applications plus concrètes de l’abstrait sous-jacent.

  • muilin « voilé, dissimulé » (dans Umboth Muilin « étang dissimulé », q.v. pour référence).

Adjectif dérivé du nom muil (voir ci-dessus), sa forme primitive étant probablement #muilina. La terminaison adjectivale -in est aussi attestée dans lómin (variante de lómen, q.v.) et dans ngorthin (q.v.).

N

  • Nan « terre au pied de collines avec de nombreux cours d’eau » (VT 45, p. 36 s.v. NAD-), également Nann dans Nann Dungorthin (VT 46, p. 4 s.v. ÑGÓROTH-).

Ce terme est étroitement apparenté à nand (q.v.)) et la variation entre les gloses des deux mots n’est probablement pas significative. Les groupes consonantiques finaux -nd deviennent fréquemment -n en ilkorin, mais dans les polysyllabes uniquement (voir ilk. ulgund, ulgon, ulion dans le lexique ilkorin). La variation Nan / nand pourrait s’expliquer par le fait que la première de ces formes semble n’être attestée que dans des noms propres composés dont le second membre commence par d : Nan Dairon, Nan Dungorthin. Il est possible que le -d final ait été progressivement assimilé au -n- qui le précédait.

  • Nan Dairon « Val de Dairon » (RP, p. 399 s.v. DAY-), composé de Nan et de Dairon (q.v.).
  • Nan Dungorthin, Nann Dungorthin, Nandungorthin « Val de l’Horreur Noire » (RP, p. 401 s.v. DUN-, p. 426 s.v. NAD- ; VT 46, p. 4 s.v. ÑGÓROTH-).

Nan « val » est à l’évidence uniquement une variante plus courte de la forme nand, q.v. Dungorthin est ngorthin « horrible » (q.v. pour une discussion plus détaillée) avec un préfixe dun- « noir » ; voir dunn-. Noter que dungorthin semble en réalité être un adjectif ; la signification littérale de Nan Dungorthin serait « #Noir-horrible Val », non pas « Val de l’Horreur Noire ».

  • nand « champ, vallée », évidemment un équivalent à la forme courte nan « val » dans Nan Dungorthin (voir ci-dessus).

Tous deux sont dérivés du radical non défini NAD-, listé en RP (p. 426) ; le quenya nanda « prairie humide » semblerait pointer vers une forme primitive #nandā avec infixation nasale et terminaison , dénotant ici simplement quelque chose d’inanimé100).

  • nass « toile ».

En RP (p. 427), dérivé d’un radical NAT- « lacer, tisser, nouer », qui est comparé à NUT- « nouer, attacher »101). Le quenya natsë pointe vers une forme primitive #natsē.

  • naugol « nain » (naugl- lorsqu’une terminaison est ajoutée, comme dans le génitif naugla- dans Nauglamîr, q.v.).

En RP (p. 427), ce terme est dérivé du radical NAU̯K-, changé en NÁWAK ; ces radicaux n’étaient pas définis en tant que tels. De nombreuses années plus tard, Tolkien dériva le quenya nauco « nain » du radical NUKU « nain, rabougri, n’atteignant pas une pleine croissance ou achèvement, échouant à atteindre un certain standard ou marque »102) ; le NAU̯K- des « Étymologies » peut passer pour une version avec infixation en A de ce radical. En RP (p. 427), Naugol est dit être un diminutif, et il nous faut probablement supposer l’existence d’une forme primitive #naukle. Pour la terminaison diminutive -le, comparer *nen-le « ruisseau », dérivé du radical NEN- se référant à l’eau103) ; la signification littérale serait quelque chose comme « #petite eau ». Voir aussi la terminaison diminutive -llë en quenya : ñandellë « petite harpe » (RP, p. 430 s.v. ÑGAN-/ÑGÁNAD-, cf. ñandë « harpe »). #Naukle deviendrait #naukl en eldarin commun, le l devenant probablement syllabique ; plus tard, une voyelle o se développa devant. Des développements similaires sont bien attestés en sindarin. Lorsque le l ne constituait pas une syllabe par lui-même, comme dans le génitif naugla, aucune voyelle supplémentaire ne s’inséra devant.

  • Nauglamîr « Le Collier des Nains », littéralement « #aux Nains-trésor/joyau » (RP, p. 427 s.v. NAU̯K-).

Naugla- est le génitif de naugol « nain », q.v. Concernant le second élément, voir mîr, mir.

  • Ndolmed « Tête Humide », nom d’une montagne ; également Dolmed, q.v. pour l’étymologie (RP, p. 428 s.v. NDOL-).
  • nef « face » (RP, p. 431 s.v. NIB-).

La forme nef suggère une forme primitive #nibā̆, avec métaphonie i > e devant un ā̆ final, qui disparaît ensuite. Voir hedhu pour les détails phonologiques. Paul Strack104) note que nef provenait donc d’une forme primitive différente du nold. nîf « face, figure » < *nībe. Concernant la consonne finale, l’évolution *-b > -v après une voyelle est bien attestée (voir nivon) et est d’ailleurs généralisée dans les « Tableaux comparatifs », où Tolkien indique qu’en ilkorin les dentales voisées médiales étaient spirantisées. Bien qu’il ne le précise pas, cette lénition semble n’avoir lieu qu’après une voyelle. En revanche, il signale explicitement que le *b > v était ensuite assourdi en position finale dans le dialecte doriathrin, ce qui ne semble pas avoir été le cas pour l’ilkorin105).

  • neldor « hêtre » ; cf. Neldoreth, le nom de la forêt (RP, p. 429 s.v. NEL-, NÉL-ED-, p. 397 s.v. BERÉTH-).

Le premier élément, neld signifie « trois », un mot qui n’est pas attesté de façon indépendante (mais le quenya neldë et le sindarin neledh pointent tous deux vers une forme primitive #neledē, qui donnerait neld en doriathrin). Tolkien suggère (en RP, p. 429) que neldor est un composé de neld et orn, c’est-à-dire « trois » et « arbre » (voir orn) ; il se référerait stricto sensu au « grand hêtre de Thingol avec trois fûts » = le Hirilorn où Lúthien était emprisonnée. Le nom Neldoreth semble aussi se référer au sens propre / originellement à cet arbre. La terminaison -eth pourrait représenter la terminaison féminine -ittā mentionnée dans PM, p. 345 (où elle est dite être l’origine de la terminaison sindarine -eth).

  • Neldoreth (RP, p. 148, 295, 429 s.v. NEL-, NÉL-ED-), composé de neldor et du suffixe -eth ; voir neldor pour la discussion de ce terme.
  • ngôl « sage, magique » (RP, p. 430 s.v. ÑGOL- ; VT 46, p. 3 s.v. ÑGOL-). Également gôl [1], q.v. pour la discussion de ce terme106).
  • ngold « Ñoldo » (RP, p. 430 s.v. ÑGOL-). Également gold, q.v. pour la discussion de ce terme.
  • ngolo « magie, connaissance » (RP, p. 430 s.v. ÑGOL-). Également golo, q.v. pour la discussion de ce terme.
  • ngorth « horreur ».

Dérivé du radical ÑGÓROTH-, également défini par « horreur » en RP, p. 431. Le mot sindarin correspondant qui est listé avec, goroth, suggère une forme primitive #ñgoroth-, probablement avec une voyelle finale qui fut plus tard perdue. (Cependant, Tolkien donna le terme sindarin comme étant gorth dans une source plus tardive, et le dérive du radical ÑGUR- « horreur »(WJ, p. 415)). Si nous supposons une forme primitive #ñgurtā, cela pourrait toujours donner ngorth en doriathrin, bien qu’elle ne puisse pas donner goroth en sindarin.) Ngorth avait probablement une forme alternative #gorth, l’occlusive initiale originelle étant dénasalisée ; voir les doubles formes attestées, comme ngold, gold.

  • ngorthin « horrible » (dérivé du radical ÑGÓROTH-).

Apparemment supposé être dérivé de #ngorothina ; la terminaison adjectivale -ina figure dans nombre de « formes reconstruites » comme *ngolwina « sage, instruit dans les arts profonds »107). Pour le préfixe dun- « noir » de dungorthin, voir Nan Dungorthin.

  • [niv- « en avant, Ouest » (VT 46, p. 4 s.v. NIB-).]

Terme supprimé des « Étymologies » en tant que mot indépendant et dont le sens fut repris par nivon. Il figure néanmoins comme premier élément des mots Nivrim et Nivrost, q.v. Pour plus de détails sur la dérivation de ce nom, voir l’entrée nivon.

  • nivon « en avant, ouest ».

Dérivé du radical NIB- « face, front » (RP, p. 431 ; ce mot est également listé sous le radical RAD-, RP, p. 437). La terminaison -on (primitif -ondo) est habituellement masculine dans les langues eldarines, mais semble ici être simplement une marque du substantif. Certains composés présentent uniquement le préfixe niv- pour « Ouest », cf. Nivrim, Nivrost. Concernant la sémantique dérivant un mot pour « Ouest » d’un radical signifiant « face, front », se reporter à l’Appendice E du SdA : « [Les directions] O, S, E et N […] étaient nommées dans cet ordre dans les Terres de l’Ouest, en commençant par et en faisant face à l’Ouest »108).

  • nivra- « faire face, aller de l’avant » (RP, p. 431 s.v. NIB-).

Ce verbe comporte le même élément initial niv- que nivon (q.v.). C’est le seul exemple de suffixe -ra- en doriathrin, mais le suffixe verbal primitif -rā est bien attesté dans l’essai « Quenya Verbal System » que Tolkien rédigea dans les années 1940 (cf. PE 22, p. 113–114). Il servait notamment à créer un verbe dérivé à partir de bases qui n’étaient pas intrinsèquement verbales, ce qui est le cas ici. L’évolution phonologique régulière du doriathrin voyait les voyelles finales primitives disparaître, mais le tiret indique que nivra- est vraisemblablement un radical verbal, qui devait être suivit d’une terminaison pronominale. Voir le verbe ilk. gōda- qui présente une évolution similaire dans le lexique ilkorin.

  • Nivrim « Marche de l’Ouest », une partie de Doriath (RP, p. 431 s.v. NIB-, p. 438 s.v. RĪ-).

Littéralement « #Ouest-bordure », c’est-à-dire rīm « lisière, bordure, bord » (q.v.) avec le préfixe niv- « Ouest » ; voir nivon.

  • Nivrost « Val de l’Ouest » (RP, p. 431 s.v. NIB-, p. 440 s.v. ROS2-), c’est-à-dire rost (q.v.) avec le préfixe niv- « Ouest » ; voir nivon.
  • nîw « nez ».

Dérivé de NEÑ-WI- en RP (p. 430), qui est apparemment un radical NEÑ- avec un suffixe qui ne se retrouve nulle part ailleurs109). NEÑ-WI- est simplement défini par « nez ». Le ñ disparaît dans le mot doriathrin, mais la voyelle précédente est apparemment allongée par compensation ; comparer avec líw « poisson », dérivé de *liñwi. La voyelle originelle e devient ici i. Ce changement fut probablement occasionné par la nasale suivante ñ avant qu’elle ne disparaisse ; comparer avec cwindor, dérivé de *kwentrō (dans ce cas, la nasale suivant le e est demeurée en place).

  • Nogrod « Mine naine » (RP, p. 152, 158, 165, 309, 345, 427 s.v. NAUK-)

Comme Belegost (q.v.), ce terme est dit être « dans la langue de Doriath »110), mais il pose un problème phonologique que Tolkien ne résolut que bien plus tard, après en avoir fait un toponyme sindarin111). Le nom Nogrod provenait initialement des Contes perdus, où il s’agissait manifestement d’un terme gnomique, mais aucune explication étymologique ne figurait à son sujet dans les premiers lexiques du goldogrin. La signification donnée dans la Quenta Silmarillion, « Mine naine », ou sa variante des « Étymologies », « Cité des Nains » renvoient au dor. naugol, gén. naugla- (q.v.), que Tolkien faisait dériver de la racine NAU̯K- ou NÁWAK. Toutefois, la diphtongue au n’est normalement pas réduite en o en doriathrin. Le second élément du nom, -rod, est tout aussi problématique, puisque l’entrée NAUK- renvoie aux racines ROD- ou ROT- 112). Dans la première figure bien le dor. roth « caverne », attesté dans Menegroth (q.v.), mais le -th final ne devrait pas être changée en -d, même dans un composé. L’entrée ROT- « perçage, tunnel », tardivement ajoutée, comporte le sind. roth « caverne, tunnel », qui doit vraisemblablement être compris comme un nom « beleriandique », appartenant à la branche nommée ilkorin ou doriathrin dans la quasi-totalité des « Étymologies » et se ramène donc au terme précédent113). Au demeurant, le [q.] rotto pointe vers une forme primitive #rottō, qui donnerait effectivement roth en doriathrin ; voir l’évolution de l’ilk. brith < BIRÍT- dans le lexique ilkorin. Le nom Nogrod semble malheureusement irréductible à l’évolution phonologique du doriathrin telle qu’elle peut être reconstituée par ailleurs.

O

  • orn « arbre de grande taille », en particulier « hêtre », mais désignant n’importe quel type d’arbre en tant qu’élément final d’un mot composé (RP, p. 433 s.v. ORO-, ÓR-NI-).

Le radical ORO- est en lien avec des concepts comme « haut ; s’élever ; élevé » ; il est comparé à RŌ- « s’élever » (RP, p. 439 ; cf. le quenya Rómen « Est », c’est-à-dire la direction où le Soleil se lève). Il semblerait que dans les Étym., Tolkien ait eu l’intention de faire d’#orni (ÓR-NI-, RP, p. 433) la forme primitive d’orn. Cependant, UT (p. 266) donne *ornē comme étant la forme primitive. Noter qu’orn est défini par « arbre de grande taille » : UT (p. 266) confirme que ce mot se référait principalement à des arbres minces, tandis que des arbres s’étendant en largeur étaient appelés *galadā « grande croissance » (doriathrin gald)114).

  • orth, pl. orthin « montagne ».

En RP (p. 433), ce terme est dérivé du même radical ORO- qu’orn (voir ci-dessus) ; une forme étendue ÓROT- « hauteur, montagne » est également listée, et orth peut être apparenté à quelque chose comme #orotō (voir le vieux sindarin oroto). Lorsque le r et le t entrèrent en contact après la syncope, l’agglomérat résultant rt devint rth (comme en sindarin — toutes les occlusives sourdes peuvent se comporter ainsi après les liquides r et l : cf. UT, p. 265, note). Le pluriel orthin se retrouve aussi dans Lóminorthin « #Montagnes de l’écho »115) ; voir lómen.

R

  • radhon « Est ».

Dérivé du radical RAD- « en arrière, retourner » en RP, p. 437. La terminaison -on (primitif -ondo est habituellement masculine dans les langues eldarines, mais semble ici être simplement une marque du substantif. Certains composés montrent uniquement le préfixe radh- pour « Est », cf. Radhrim, Radhrost. Concernant la sémantique dérivant un mot pour « Est » d’un radical signifiant « en arrière », comparer avec le SdA, App. E : « [Les directions] O, S, E et N […] étaient nommées dans cet ordre dans les Terres de l’Ouest, en commençant par et en faisant face à l’Ouest » — et donc avec son dos dirigé vers l’Est.

  • Radhrim « Marche de l’Est », une partie de Doriath (RP, p. 437 s.v. RAD-, p. 438 s.v. RĪ-).

Littéralement « Est-lisière », c’est-à-dire rīm « lisière, bordure, bord » (q.v.) avec le préfixe radh- « Est » ; voir radhon.

  • Radhrost « Val de l’Est » (RP, p. 437 s.v. RAD-, p. 440 s.v. ROS2-).

Rost « plaine » (q.v.), avec le préfixe radh- « Est » ; voir radhon.

  • regorn, pl. regin, gén. pl. region « houx », également Region (nom de lieu).

Dérivé du radical ERÉK- « épine » en RP (p. 402), cependant aucune initiale e ne figure dans les mots doriathrins (par opposition avec le sindarin ereg « houx », quenya erca « épine, picotement »). La voyelle initiale non accentuée e pourrait avoir été perdue en doriathrin. Néanmoins, il est également possible que ERÉK- soit une version avec voyelle de base préfixée d’un radical plus simple REK-, et que cela soit le radical plus simple qui soit reflété dans le terme doriathrin116). Regorn « houx » est une exacte translittération de l’anglais holly-tree, y compris orn « arbre » [angl. tree] (q.v.), tandis que le pl. regin et le gén. pl. region sont formés directement sur le radical.

  • Regornion « Houssaye » (RP, p. 402 s.v. ERÉK-)

Ce nom propre semble être une forme longue et possiblement archaïque du génitif pluriel de regorn « houx », avec la terminaison régulière -ion (q.v.). La forme brève Region est aussi attestée, voir ci-dessus.

  • rhass « précipice » (VT 45, p. 21 s.v. KHARÁS-).

Ce terme dérive du q. prim. khrassē d’après « Les Étymologies »117). C’est le seul exemple attesté montrant la disparition de la vélaire aspirée kh devant r et l’assourdissement rh qui en résulte. Cependant, les « Tableaux comparatifs » précisent que cette évolution était générale en ilkorin et qu’elle intervenait devant r, l ou w118)

  • rīm « lisière, bordure, bord » (VT 46, p. 11 s.v. RĪ-).

Dérivé du radical RĪ- en RP (p. 438), qui n’est pas défini ; le quenya ríma pointe vers une forme primitive #rīmā, avec une terminaison -mā très fréquente dans la formation de noms dénotant des choses inanimées (habituellement des artefacts, très souvent des instruments ou des ustensiles). Noter que la longue voyelle radical ī dans #rīmā est conservée dans rīm ; contraster avec l’abrégement de la voyelle longue originelle dans roth < *rǭda119). Le terme rīm se trouve dans les composés Nivrim, Radhrim (q.v. pour référence ; ces noms sont explicités par « Marche de l’Ouest » et « Marche de l’Est », mais il semblerait que rīm ne signifie pas « marche » à proprement parler).

  • ring « étang froid ou lac (dans les montagnes) ».

Dérivé du radical RINGI- « froid » en RP (p. 439) ; la forme primitive serait simplement #ringi (cf. quenya ringë)120).

  • rost « plaine, vaste étendue de terres entre les montagnes ».

Dérivé du radical ROS2- en RP (p. 440). La forme primitive aurait été #rost-, avec une voyelle finale disparaissant plus tard ; aucune étymologie précise ne peut être proposée, Tolkien n’ayant pas défini le radical et dérivant seulement cet unique mot de celui-là, qui n’a donc aucun mot apparenté dans les autres langues elfiques. Également attesté dans les composés Nivrost, Radhrost (q.v., le deuxième est traduit par « Val de l’Est », procurant la signification additionnelle « val » pour rost).

  • roth, pl. rodhin « cave ».

Dérivé du radical ROD- simplement défini par « toit, cave » en RP, p. 439121) ; Tolkien esquisse une évolution rǭda > rōdh > rōth (et à l’évidence, la voyelle fut finalement abrégée, produisant roth, cf. rīm ci-dessus pour une évolution différente)122). Noter que dh ne saurait figurer en position finale, et devient donc th (mais demeure dh là où une terminaison est ajoutée, et que le son n’est plus final, d’où le pl. rodhin au lieu de **rothin). Composé dans Menegroth, q.v. — Il mérite d’être noté que dans une source tardive, l’élément final du nom Menegroth est dit être groth, représentant le primitif *grottā, dérivé d’un radical *groto « creuser, excaver, percer un tunnel »123). En sindarin, groth ou roth ne peut être dérivé du radical ROD-, comme l’est le doriathrin roth. Tolkien voulut-il inventer une nouvelle étymologie au terme Menegroth (souhaitant le conserver, car établi depuis longtemps) parce qu’il était venu à penser à la langue de Doriath comme à une simple forme de sindarin, rendant obsolète la langue indépendante des « Étymologies » ?

S

  • storn « aigle »124).

Ce terme doriathrin ou danien figure sur un feuillet volant qui correspond au folio 147 des « Étymologies ». Il dérive apparemment de la forme primitive storo. Quelle que soit la langue à laquelle il appartient, la terminaison -n doit provenir d’un suffixe primitif débutant par -n-, probablement -no ; voir l’entrée estorn du lexique ilkorin pour plus de détails. Carl Hostetter et Patrick Wynne estiment que la lecture « Dan[ien] » est plus probable que « Dor[iathrin] », mais ne sont pas capables de trancher. Vu la proximité phonologique des deux langues, les deux hypothèses sont également possibles.

T

  • [than, génitif pluriel thanion « pin »125).]

Comme Dorthanion, ce terme figure dans « La Liste des Noms ». Il semble avoir été supplanté par le mot ilkorin thōn ; voir le lexique ilkorin pour la dérivation de ce nom.

  • Thingol (n.m.).

Dérivé du radical THIN-126), pas défini en tant que tel, mais suggéré être une variante de TIN- « étinceler, émettre de fins rayons (pâles ou argentés) ». THIN- engendra des mots pour « gris, pâle, soir, s’atténuer, pâlir ». Cette entrée des « Étymologies » sous-entend que le nom de Thingol dans la langue primitive était #Thindō « le Gris » (la forme primitive n’est pas donnée en tant que telle, mais comparer avec le quenya Sindo et le telerin Findo). Une forme #Thindō donnerait #Thind en doriathrin (qui est donné comme une forme ilkorine en RP, p. 451 ; le terme ilkorin semble quelquefois incorporer le doriathrin plutôt que de dénoter une langue en soi). Mais d’après la même source, Thind fut plus tard appelé Thingol, composé de Thind (Thin-) et gōl (-gol), ce dernier élément signifiant « sage » (voir gôl [1] pour le reste de la discussion). Cependant, Tolkien finit par rejeter cette explication du second élément du nom Thingol. Dans des sources plus tardives, le nom Thingol est interprété par « Gris-manteau » (ainsi déjà dans l’Appendice A du SdA : « Lúthien Tinúviel était la fille du Roi Thingol Gris-manteau […] »). En MR (p. 385), le second élément de Thingol (quenya Sindikollo) est dit être kolla, qui est défini par « porté, usé, en particulier [lorsqu’il est utilisé comme nom] pour un habit ou manteau ». (Le -a final de kolla est remplacé par la terminaison masculine -o dans le nom Sindikollo.) Il semble que kolla soit un mot quenya ; la forme primitive pourrait être #kolnā, c’est-à-dire le radical #KOL « porter » (cf. quenya colindo « porteur » dans Cormacolindor « Porteurs de l’Anneau », SdA (Livre VI, chap. 4), traduit en L, p. 308) avec le suffixe adjectival / participe passé -nā. Si la forme masculinisée kollo descend d’un mot qui existait déjà dans la langue primitive, cela serait #kolnō. Tandis que le primitif #Thindikolnō donnerait Sindikollo (ou #Sindikoldo) en quenya, il n’est pas certain que cela donnerait Thingol dans le doriathrin des « Étymologies ». En sindarin, langue qui lénifie les k (c) initiaux en g lorsqu’un mot est en deuxième position dans un composé, #kolnā ou #kolnō deviendraient effectivement -gol dans cette position. Concernant la présence ou l’absence de lénition, il n’y a guère de preuve d’un côté comme de l’autre dans le doriathrin des « Étymologies » (voir cependant Thuringwethil ci-dessous), mais comparer avec l’ilkorin basgorn « pain rond » (bast « pain » + corn « rond »), montrant la lénition c > g.

  • Thuringwethil, Thurin-gwethil « (femme de) l’ombre secrète ».

Dérivé d’un radical THUR- « encercler, clôturer, garder, entourer d’une haie, dissimuler » en RP, p. 451. Le premier élément, thurin- (#thurina ?) est apparemment une variante de l’ilkorin thúren « gardé, caché » (#thūrinā ?) -gwethil semblerait signifier « femme de l’ombre », qui se réfère clairement au radical WATH- « ombre »127). Noter que comme en sindarin, les initiales primitives en w- donnent gw- en doriathrin ; mais contrairement au système sindarin, les g initiaux ne sont pas lénifiés en - dans les mots composés (sous THUR-, la forme sindarine / « noldorine » de Thuringwethil est donnée comme étant Dolwethil, pas **Dolgwethil). La voyelle radicale de WATH- a subie une métaphonie en e dans gwethil ; l’umlaut serait causé par le i de la terminaison -il, qui semble être une sorte de marque du féminin (cf. peut-être le quenya -il comme dans tavaril « dryade femelle » (contrastant avec le masc. tavaron), voir RP, p. 449 s.v. TÁWAR-).

U

  • umboth « vaste étang », Umboth Muilin « étang dissimulé » (nom de lieu) (RP, p. 424 s.v. MBOTH-, p. 426 s.v. MUY-).

Voir muilin pour une discussion du second élément de ce nom. Umboth « vaste étang » aurait la même origine que la forme parallèle both, i.e. #mbottō (voir both). Umboth pourrait sembler inclure un préfixe, mais il s’agit probablement d’un autre développement de #mbottō : une forme où le m vint à constituer une syllabe indépendante (#m’bottō), une voyelle se développant au final devant cette consonne syllabique. Des développements parallèles sont connus en quenya, telerin et sindarin, comme lorsque ñgōlē avec un ñ syllabique devient ingolë en quenya, engole en telerin et angol en sindarin (la forme doriathrine serait-elle #ungol ?). Voir l’entrée engole dans le lexique attaché à l’article d’Ardalambion sur le telerin pour plus de références128).

  • urch, pl. urchin « orque ».

Dans « Les Étymologies » la forme primitive de ce mot est donnée comme étant *órku (défini par « gobelin »), dérivé d’un radical non glosé, ÓROK-129). Ce radical peut se comprendre comme étant une variante avec voyelle préfixée du radical ROK- « cheval », si l’on suppose que ceci se référait initialement à la monture du monstrueux « Cavalier sombre sur son cheval sauvage » qui hantait les Elfes à Cuiviénen, le radical ROK- étant alors originellement associé avec les créatures de Melkor. Cependant, Tolkien dériva plus tard les mots elfiques pour « Orque » du radical RUKU, en rapport avec la peur130) et lista des formes primitives hypothétiques : *urku, *uruku, *urkō. Toutes celles-ci donneraient probablement urch en doriathrin. Noter que comme en sindarin, le c devient ch après r ; toutes les plosives sourdes pourraient se comporter ainsi après les liquides r et l131)132).

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) RP, p. 427
2) RP, p. 381-461
3) N.d.T. : Depuis la parution des VT 45 et 46, on connaît en fait plus de cent vingt mots doriathrins, sans compter les variantes rejetées.
4) Silm., chap. 4
5) , 6) PM, p. 369
7) PM, p. 369, 372
8) WJ, p. 312
9) N.d.T. : en fait, « Eldarin Hands, Fingers and Numerals », publié dans le VT 48, explique que le système de comptage originel des Elfes était en base dix, comme le nôtre, mais que les Maîtres du Savoir développèrent plus tard un système en base douze, considéré comme plus rationnel. Cependant, la base dix resta la plus employée au quotidien.
10) WJ, p. 368
11) , 56) , 64) RP, p. 408
12) N.d.T. : Fauskanger donnait uniquement la forme -a, mais l’entrée NAUK- (LRW, p. 375) indique bien que la terminaison génitive doriathrine est -a(n) ; voir aussi mir(nang)eluið.
13) N.d.T. : Une alternative à ce mot, plus tard rejetée, était argadon (q.v.).
14) RP, p. 286
15) , 110) RP, p. 309
16) , 129) RP, p. 433
17) WJ, p. 375, 407 n. 5
18) N.d.T. : Tolkien n’avait manifestement pas encore conçu le changement kw > p en telerin commun lorsqu’il rejeta entièrement la conception du doriathrin qu’on trouve dans « Les Étymologies ». Il est donc absurde de vouloir changer ce mot.
19) N.d.T. : Fauskanger suggérait ici que « Le o dans cwindor se développa probablement pour briser un groupe consonantique final, puisque la forme en eldarin commun aurait été #kwentr après la disparition de la finale brève -o (et -a, -e). » Cependant, le VT 45, p. 25, indique que la forme primitive était dotée d’un ō long : il faut donc plutôt considérer qu’il y a eu métathèse. Il mérite en revanche de noter que ce développement du o devant une consonne finale syllabique s’observe dans l’un des deux seuls mots attestés de doriathrin premier : þacol < v. ilk. *þakl ; cf. Phonologie de l’ilkorin premier.
20) Silm., fin du chap. 21
21) , 22) RP, p. 428
23) RP, p. 399
24) RP, p. 450
25) N.d.T. : Le terme Dior était initialement conçu comme étant aussi attesté en ossiriandique.
26) WR, p. 122
27) TI, p. 178, 233-234, 244 n. 50, 296
28) TI, p. 244 n. 50, 296, 372
29) TI, p. 351
30) RP, p. 428-429
31) N.d.T. : Cet oubli est réparé dans le VT 45, cf. dôr.
32) , 102) WJ, p. 413
33) , 125) RP, p. 468
34) RP, p. 467–471
35) VT 46, p. 3
36) RP, p. 431
37) RP, p. 400
38) , 59) , 67) , 72) RP, p. 430
39) N.d.T. : Le fait que le terme ngôl ait initialement été écrit ngûl, gûl laisse à penser qu’aucun terme **gûl ne se rencontre dans la version finale de la langue doriathrine. Cela témoigne également de la présence d’une inflexion vocalique en doriathrin ; cf. ngôl.
40) N.d.T. : Ce terme était originellement écrit dûghol ; VT 46, p. 3.
41) , 73) , 74) , 83) PE 19, p. 45
42) RP, p. 401-402
43) RP, p. 427 s.v. NAU̯K-, p. 430-431 s.v. ÑGÓLOD-
44) LRW, p. 173
45) PE 11, p. 32
46) WJ, p. 379
47) LRW, p. 372
48) WJ, p. 422
49) N.d.T. : À l’origine, Tolkien estimait que tous les termes noldorins incorporant el devait avoir une origine doriathrine ; cf. VT 45, p. 45.
50) RP, p. 402
51) Silm., chap. 3
52) WJ, p. 370, 378
53) RP, p. 397 ; VT 45, p. 7
54) RP, p. 404 ; VT 45, p. 13
55) N.d.T. : Aussi attesté en VT 45, p. 16.
57) WJ, p. 365
58) VT 45, p. 17
60) RP, p. 426 s.v. MORÓK-
61) N.d.T. : Le radical ȜARAM- était initialement orthographié ȜÁRAM- ; cf. VT 45, p. 17.
62) N.d.T. : Ce terme était déjà attesté dans l’entrée rejetée ȜARA- (VT 45, p. 17), où il était justement donné sous la forme « garth (dh-) « royaume ».
63) N.d.T. : La première version de cette entrée donnait la signification « Royaume clôturé ou caché » pour Garthurian, qui était initialement dérivé du radical ȜARA- « posséder » ; cf. VT 45, p. 16–17.
65) RP, p. 401
66) Dans le VT 45, p. 17, une note signale que Tolkien envisageait d’altérer le radical primitif en KHEL, ce qui semble incompatible avec l’évolution KHITH- > hedhu (q.v.). La première version de cette entrée envisageait que cette racine ait été confondue avec GIL plutôt qu’avec EL.
68) N.d.T. : Suite à une coquille de la VO de LRW, Fauskanger s’interrogeait sur la raison pour laquelle **ngol avait une voyelle courte, ce qui n’a plus lieu d’être, étant donné que nous savons désormais que ce terme était écrit ngôl (q.v.).
69) N.d.T. : La première version de ce mot était orthographiée gûl ; VT 46, p. 3.
70) MR, p. 350
71) WJ, p. 383
75) N.d.T. : La glose de ce terme, absente de LRW, est donnée en VT 45, p. 22 s.v. KHIS-, KHITH-.
76) N.d.T. : Ce n’est plus le cas depuis la parution du VT 45 ; cf. hauð, hiðum, Hirilorn.
77) LRW, p. 364 ; VT 45, p. 22
78) LRW, p. 375
79) LT2, p. 18
80) LB, p. 186, 202, cf. p. 194, 196, 219
81) RP, p. 441 s.v. SIL-
82) RP, p. 408 s.v. I-
84) RP, p. 418
85) MR, p. 350 ; L, p. 282
86) N.d.T. : Ce terme était originellement orthographié ling et dérivé de LINGWI ; VT 45, p. 28.
87) N.d.T. : Les termes lómen et Lómendor étaient initialement orthographiés lómin et Lómindor ; VT 45, p. 25. Le seul terme où lómin reste attesté étant pluriel, il est permis de supposer que lómin est la forme plurielle de l’adjectif lómen.
88) , 90) , 93) RP, p. 421
89) N.d.T. : Ce terme dérivait initialement du radical LUY-, plus tard biffé.
91) N.d.T. : La racine de ce terme était initialement donnée sous la forme MAPA « saisir ».
92) RP, p. 409
94) N.d.T. : Ce terme dérivait originellement de la racine MIS[2]-, ultérieurement considérée comme forme simple des radicaux MIZD- et MISK- ; VT 45, p. 35.
95) , 99) RP, p. 424
96) RP, p. 425
97) N.d.T. : Il semble que ce terme signifiait initialement « pluie fine » ; VT 45, p. 35.
98) N.d.T. : Cette forme était originellement orthographiée morgol ; VT 46, p. 3.
100) N.d.T. : Ce terme était initialement glosé « champ, prairie » et une racine alternative NÁNAD- fut écrite avant d’être biffée ; VT 45, p. 36.
101) RP, p. 432
103) RP, p. 429-430
104) Voir Eldamo, entrée nef.
105) PE 19, p. 23–24
106) N.d.T. : Ce terme était originellement orthographié ngûl ; VT 46, p. 3.
107) RP, p. 430 s.v. ÑGOL-
108) N.d.T. : Ce terme était initialement glosé « l’Ouest », tandis que le mot niv-, ultérieurement supprimé, signifiait « en avant, Ouest », tous deux étant alors dérivé du radical NIB- « en avant, sur, face, avant » ; VT 46, p. 4.
109) N.d.T. : Le VT 46, p. 3, confirme l’existence d’une base indépendante NEÑ-.
111) WJ, p. 209, 389, 414
112) RP, p. 439
113) Cette entrée semble en effet avoir été rédigée après que Tolkien ait modifié en sindarin le nom de son « beleriandique », mais avant qu’il ait revu l’histoire de ses langues elfiques et supprimé la branche ilkorine-doriathrine ; cf. PE 18, p. 18–20.
114) N.d.T. : Le radical ÓR-NI- était initialement orthographié ÓR-ON ; VT 46, p. 7.
115) RP, p. 417 s.v. LAM-
116) N.d.T. : Le VT 46, p. 11, confirme l’existence d’un radical REK- apparenté à ERÉK-.
117) LRW, p. 363
118) PE 19, p. 18, 20–21.
119) N.d.T. : La version originale de LRW donnait erronément ce mot sous la forme **rim, conduisant Fauskanger à faire une comparaison inexacte ; la phrase a donc été corrigée.
120) N.d.T. : Ce radical dont dérive ce terme était initialement orthographié RINGĀ ; VT 46, p. 11.
121) N.d.T. : « Toit » est un ajout du VT 46, p. 12.
122) N.d.T. : Le VT 46, p. 12, corrige la première de ces formes et indique que cette évolution était initialement roda > rodh > roth.
123) WJ, p. 414
124) VT 46, p. 29
126) RP, p. 451
127) RP, p. 457
128) N.d.T. : Ce lexique est désormais obsolète et supplanté par le « Lexique telerin » de Roman Rausch, dont la traduction est disponible sur Tolkiendil.
130) WJ, p. 389
131) UT, p. 265, note
132) N.d.T. : La forme urch pl. urchin était initialement orthographiée orch pl. orchin ; VT 46, p. 7.
 
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