Lexique ilkorin avec notes étymologiques

Quatre Anneaux
Helge Kåre Fauskanger
traduit de l’anglais par Damien Bador
Article théoriqueArticles théoriques : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs.
Note du traducteur :

L’article de Helge Fauskanger couvre uniquement l’ilkorin des « Étymologies ». En effet, les PE 13 & 14, contenant la majeure partie du vocabulaire de l’ilkorin premier n’étaient pas encore parus à cette date. On peut trouver une recension du corpus de l’ilkorin premier dans l’article de Helios de Rosario Martínez et dans celui de Roman Rausch.

Suite à la parution des « Addenda & Corrigenda to the Etymologies » dans les VT 45 & 46, plusieurs corrections ont été apportées au texte originel des « Etymologies », dont une partie a été intégrée dans la traduction française. Les notes de traduction prennent en compte ces changements et indiquent les mots dont l’orthographe a conséquemment été modifiée. De nouveaux radicaux ont aussi été recensées dans ces deux numéros de Vinyar Tengwar, ainsi que dans les Parma Eldalamberon 17 à 21. Les entrées du lexique qui furent rajoutées à la traduction sont listées en rouge.

Les formes ancestrales « reconstruites » par Tolkien lui-même sont indiquées par un astérisque. Dans les formes primitives, les voyelles longues sont indiquées par un macron ou un accent circonflexe, selon les sources primaires.

A

  • -a terminaison génitive, vue dans Tor Tinduma « Roi du Crépuscule », un titre de Thingol (cf. Tindum « crépuscule »).

La terminaison génitive de l’eldarin commun était –hō > –ō, dérivée d’un « ancien élément adverbial » HO signifiant « au loin, de, depuis, d’entre »1). L’entrée correspondante des « Étymologies », bien plus anciennes, semble être ƷO (ƷŌ̆-) « de, depuis, au loin, d’entre, hors de »2). Le –ō primitif pouvait-il donner –a en ilkorin ? Il existe quelques mots où –ō semble se développer de la sorte (voir adda, broga), mais le –ō final tombe normalement, comme pour les autres voyelles finales. – Dans la terminaison génitive plurielle –ion, l’élément « génitif » (< ƷŌ̆ ou HO) apparaît sous la forme o ; voir –ion.

  • adar pl. edrin « père »

Dérivé du radical ATA-, défini par « père »3). La forme quendienne primitive est dite être *atar, que l’on peut simplement voir comme une extension du radical lui-même. Comme en sindarin, les occlusives sourdes (p, t, k) sont voisées (en b, d, g) après une voyelle, d’où *atar > adar. – La forme plurielle edrin présente une métaphonie a > e, causée par le i de la terminaison plurielle –in (voir l’entrée correspondante à ce sujet). Noter aussi la syncope de la deuxième voyelle d’adar dans la forme fléchie. Pour des contractions similaires, comparer avec aman pl. emnin, boron pl. burnin, gangel pl. genglin (q.v.)

  • adda « père » (possiblement hypocoristique = « #papa »).

Dérivé du même radical ATA- comme adar ci-dessus4). Il serait tentant de croire qu’il s’agit d’un terme apparenté au quenya atto, quendien primitif #attō, évidemment le radical ATA- avec affermissement médian t > tt et terminaison masculine –ō. Dans ce cas, la forme adda suggérerait que le –ō final devienne –a en ilkorin. Comparer avec broga « ours », dérivé d’un *morókō primitif – mais dans d’autres exemples le –ō final tombe sans laisser de trace (voir par exemple benn, ber). De plus, le mot adda semblerait indiquer qu’après une voyelle, le double *tt devient aussi un dd voisé en ilkorin. En sindarin, à l’inverse, seul un t isolé serait voisé dans cette position, tandis que *tt deviendrait th – voir par exemple peth « mot », dérivé d’un *kwetta primitif. Cependant, un autre mot ilkorin présente un développement de *tt semblable au sindarin : brith « gravier », de *b’rittē. Il se pourrait alors que l’ilkorin adda ne soit pas réellement apparenté au quenya atto mais soit une forme affectueuse fondée sur adar « père », formée tardivement et ne descendant pas directement de la langue primitive. Si nous considérons adda comme parent du haut-elfique atto, il nous faudrait supposer que Tolkien changea d’avis concernant l’évolution phonologique de l’ilkorin au cours de l’écriture des « Étymologies » (ce qui n’est pas inconcevable, bien sûr ; en RP, p. 388, l’éditeur se réfère aux « formes divergentes […] entre les différentes parties des “Étymologies” »).

  • adu, aussi ado, « double ».

Dérivé du radical AT(AT)-, que Tolkien définit par « encore, en arrière »5). Il semblerait qu’il s’agisse à la base d’un radical simple AT qui apparaît souvent sous la forme ATAT-, sa réduplication symbolisant la répétition. Adu, ado doit venir du simple AT, cependant. Ces mots ilkorins pour « double » sont apparemment apparentés au quenya atwa, de signification similaire. La forme primitive, clairement supposée être #atwā, combine le radical AT avec la terminaison adjectivale –wā (concernant cette terminaison, voir par ex. *narwā « rouge feu », dérivé du radical NAR1- « flamme, feu » ; RP, p. 427. Voir aussi alch, laig.) Après la chute de la finale primitive –ā, la semi-voyelle finale de la forme résultante #atw devint apparemment une voyelle pleine –u, #atu, devenant ensuite adu après le voisement des *t post-vocaliques (cf. adar, dérivé de *atar). Il semblerait que adu devint subséquemment ado (un changement similaire du –u final en –o eut lieu en eldarin commun, mais ce développement ilkorin doit être ultérieur). Que cette transformation n’ait lieu que lorsque –u était final est suggéré par le composé Adurant (plutôt que **Adorant) pour « #Double-cours », nom d’une rivière en Ossiriand qui se dédouble sur une partie de son cours (concernant le second élément, voir rant)6).

  • Adurant « #Double-cours »

Nom d’une rivière qui se scindait en deux sur une partie de son cours. Composé de adu, ado « double » < AT(AT)- et rant « flux, cours d’une rivière » < RAT-, q.v.

  • alch « cygne » (ÁLAK-).

Forme primitive donnée sous la forme *alk-wā, dérivée d’un radical ÁLAK- « se précipitant »7). *Alk-wā semblerait être une formation adjectivale (concernant la terminaison adjectivale –wā, voir ado ci-dessus). Le terme primitif était à l’évidence un adjectif avec la même signification que le radical : « se précipitant », plus tard usité comme nom « (celui) qui se précipite » et appliqué à un animal. Tolkien peut avoir imaginé qu’après la perte de la voyelle finale, le kw désormais final était dé-vélarisé en k, la forme résultante #alk devenant ensuite alch puisque les p, t, k suivant une liquide devenaient les spirantes f, th, ch (= kh, [x]), exactement comme en sindarin (voir UT, p. 265, note de bas de page). Comparer avec des mots comme Balthor, erð, salch (mais contraster avec le mot tolda < *tultā-, où lt devient mystérieusement ld plutôt que lth ; peut-être est-ce dû au fait que ce groupe lt existait déjà à l’étape la plus primitive, tandis que les autres combinaisons listées ici n’apparurent que plus tard, comme résultat de syncope ou de composition). Noter que kw n’était pas dé-vélarisé en position initiale, de sorte que nous avons par exemple cwess « colline (dénudée) », dérivé d’un #kwessē primitif (RP, p. 416 s.v. KWES-). De ce côté au moins, l’ilkorin ne saurait fonctionner comme un dialecte du sindarin après les révisions de l’histoire des langues elfiques que Tolkien effectua : en sindarin, en fait dans la totalité de la branche lindarine de la famille des langues elfiques, le kw primitif devint très tôt p8). *Alk-wā devint donc anciennement #alpā, de sorte que s’il nous fallait faire de l’ilkorin une langue lindarine selon les idées tardives de Tolkien, ce mot aurait à devenir #alf, exactement comme en sindarin normal (de préférence orthographié alph dans cette langue). Comparer avec salch.

  • aman pl. emnin « mère » (manifeste erreur de lecture dans la version originale des « Étymologies » publiées, qui donne **emuin)9).

Dérivé du radical AM1-10), simplement défini par « mère ». Aman doit représenter un radical « étendu » #aman, c’est-à-dire AM1- avec suffixation de la voyelle radicale (par une extension vocalique, ómataina en quenya) et ajout d’une consonne suffixée -n. Comparer avec boron, q.v., de BOR-. La forme plurielle emnin présente la même contraction et métaphonie que dans les exemples adar pl. edrin et gangel pl. genglin.

  • Argad « en-dehors de la barrière », terres à l’extérieur de Doriath (la « barrière » étant manifestement l’Anneau de Melian).

Aussi Argador « terre en-dehors de la barrière » explicitement, c’est-à-dire en-dehors de Doriath. (Les formes Argad et Argador sont mentionnées en RP, p. 392 s.v. AR2-, Argador aussi en RP, p. 404 s.v. GAT(H)-.) Au sujet de dor « terre », voir l’entrée en question ; en tant que mot ilkorin, l’élément gad « barrière » est uniquement attesté dans ce composé, mais le doriathrin possède le même terme : voir gad dans le lexique attaché à l’article sur le doriathrin pour la discussion étymologique. L’élément ar- « en-dehors » préfixé à Argad, Argador est dérivé du radical AR2-11), qui n’est pas défini en soi mais possède probablement une signification très similaire à la préposition quenya ara « en-dehors, à côté », le premier mot listé dans cette entrée des « Étymologies ». Comparer avec l’entrée ar- dans l’Appendice du Silmarillion. Dans les Étym., il est affirmé qu’en quenya comme en ilkorin, cet élément était « de sens purement local », se référant simplement aux rapports spatiaux. À l’évidence, il s’agissait aussi de la signification originelle de cet élément, puisqu’il est dit en outre qu’en sindarin (« noldorin »), cet élément développa un sens privatif (« sans »), comme dans arnediad (arnoediad) « sans nombre, innombrable ». L’ilkorin et le quenya préservaient ainsi la signification originelle de ce préfixe12).

  • arn « rouge ».

Dérivé du radical YAR-, défini par « sang » (RP, p. 460 ; le mot ilkorin pour sang, ôr, est en effet dérivé du même radical). La forme primitive est indubitablement supposée être #jarnā (#yarnā), avec la fréquente terminaison adjectival –nā (parfois utilisée pour dériver les participes passés), qui devait clairement sous-entendre « sanglant » ou « rouge sang ». Peut-être cette association n’était-elle plus si forte en ilkorin, l’évolution phonologique ayant fait diverger quelque peu la forme des mots pour « rouge » et « sang » ; les mots arn et ôr ne sont pas aussi manifestement apparentés que leurs équivalents primitifs, #jarnā et #jara. Noter que le –ā final de #jarnā tombe sans laisser de trace dans arn ; plus remarquablement, le j initial a aussi disparu (comme dans ôr « sang »)13).

  • Aros nom d’une rivière à l’eau rougeâtre, le cours d’eau méridional de Doriath.

Dérivé du même radical YAR- « sang » que arn « rouge » ci-dessus14). Le terme « noldorin » / sindarin apparenté est dit être iaros, suggérant que le radical YAR- en tant que tel (plutôt qu’un dérivé comme #jarnā) était jadis préfixé dans ce mot. Le second élément de ce nom, -os, est obscur. Voir le nom d’une autre rivière, Thalos, pour quelques réflexions à propos de cette terminaison15).

  • ascar « violent, se précipitant, impétueux » ; également Askar comme nom de rivière (l’un des tributaires du Gelion).

La différence d’orthographe (c / k) ne semble pas importante ; dans le Silmarillion publié, ce nom est orthographié Ascar. Dérivé du radical SKAR-16), dont la signification racine est dite être « déchirer, fendre ». L’adjectif primitif donnant ascar est supposé être *askarā, avec préfixation de la voyelle radicale (intensifiant probablement la signification)17) et ajout de la fréquente terminaison adjectivale –ā. Comme d’habitude, le –ā final tombe sans laisser de trace en ilkorin.

  • ass « nourriture cuisinée, viande »

Dérivé du radical non défini AP-18). Les termes quenya apsa et « noldorin » / sindarin aes semblent pointer vers la forme primitive #apsā. Nous ne pouvons guère en dire plus sur celle-ci ou sur la terminaison –sā ; quelques mots de quenya présentent effectivement une terminaison –sa, mais ils semblent sémantiquement peu en rapport les uns avec les autres (en plus du nom apsa, apparentée à ass, nous avons par exemple le verbe fréquentatif lapsa- « lécher » et l’adjectif telepsa « d’argent »). Nous pouvons spéculer qu’AP- ait été un radical verbal « #cuisiner », et que #apsā soit à proprement parler un adjectif « #cuisiné », plus tard utilisé comme nom « chose cuisinée, quelque chose de cuisiné » > « nourriture cuisinée ». Concernant l’assimilation *ps > ss en ilkorin, comparer avec tuss « chaume », dérivé de la forme primitive *tupsē19).

  • -ath terminaison du pluriel collectif en ilkorin

Attestée dans un essai sur les consonnes finales de l’eldarin primitif, où elle est indiquée dériver de -atta, -asta, variante de -tta, sta, une forme grammaticale n’appartenant pas aux strates les plus anciennes du langage elfique. L’exemple cīr « navire », pl. círiath (q.v.) est fourni20).

B

  • Balar, nom de la grande île au large de la côte sud-ouest du Beleriand, indiqué être d’origine beleriandique dans le « Lhammas »21)

L’entrée BAL- en RP, p. 394 contient le q. pr. *balā « Puissance, Vala ». Il y est précisé que « Balar vient probablement de *balāre et fut ainsi appelée parce qu’Ossë y visita les Teleri qui attendaient. » La terminaison –re qui est mise en évidence ici ne semble pas susceptible d’être rattachée au fréquent suffixe abstrait –rē. Peut-être faut-il plutôt y voir un allomorphe avec la terminaison locative primitive ? En outre, il paraît curieux que le ā long de *balāre n’ait pas donné ô > o, comme dans Balthor, Dairon ci-dessous.

  • Balthor pl. Balthorin « #Vala-roi » = Vala

Cette forme, listée en RP, p. 394 s.v. BAL-, contient les mêmes éléments que le quenya Valatar (Valatár-), quoique ce dernier terme ait une signification un peu plus spécifique : il se réfère à l’un des neuf principaux Valar (correspondant aux Aratar des travaux ultérieurs de Tolkien), tandis que l’ilkorin Balthor signifie simplement « Vala » en général. Le second élément –thor est simplement une forme de tôr « roi » (q.v. pour la discussion étymologique) ; puisque tôr apparaît ici comme le deuxième élément inaccentué d’un composé, la voyelle longue est abrégée, et puisque t suit ici un l, il devient th (voir alch). Le premier élément de Balthor représente *bálā, « Puissance, Vala », dérivé du radical BAL-, qui n’est pas défini en soi dans les Étym.22), quoique Tolkien ait suggéré que le radical BEL- « fort » lui soit apparenté23). Une source ultérieure affirme que le mot quenya vala est au sens propre un verbe « a du pouvoir », qui était aussi utilisé comme nom « une Puissance »24) ; cela pourrait donner un bon aperçu de la signification de base du radical BAL-. La voyelle finale de *bálā « Vala » tomba dans le composé qui produisit l’ilkorin Balthor ; une forme primitive est dite être *bal’tār25), l’apostrophe indiquant la syncope. En fait, le second a (dans –tār) doit avoir été un ā long pour être devenu ô > o, à moins qu’il ne nous faille supposer que ce mot ait eu la forme #baltr à un moment, avec un –r final syllabique, devant lequel une voyelle o se serait subséquemment développée (comparer avec ungor < #uñgr < #uñgrā). Mais dans ce cas, nous pourrions nous attendre à ce que le pluriel soit **Balthrin plutôt que Balthorin26). Noter qu’il n’y a pas de métaphonie o > u au pluriel (donc pas **Balthurin, par opposition à boron pl. burnin), indiquant que le o dérivé d’une autre source que le *o primitif n’est pas affecté par l’umlaut.

  • Balthronding nom de l’arc de Beleg, plus habituellement appelé Belthronding, q.v. pour la discussion (RP, p. 445 s.v. STAR-, sous-entrée STARAN-).
  • basgorn (pour bast-gorn) « pain rond ».

Mentionné dans « Les Étymologies » dans l’entrée du radical KOR- « rond »27) ; l’élément –gorn peut d’entrée être rangé avec l’adjectif primitif *kornā qui y est listé (concernant la terminaison adjectivale –nā, voir arn, caun). En ilkorin, *kornā en isolation apparaîtrait sous la forme #corn, mais dans un composé, la consonne initiale est apparemment lénifiée : d’où c > g. L’élément bast (ici simplifié en bas- pour éviter le groupe médian *stg) doit être préféré au radical MBAS « pétrir »28). Si le #mbastā primitif avait la même signification que son descendant quenya direct masta, il pourrait soit s’agir d’un verbe « cuire » ou d’un nom « pain » ; la terminaison –tā sert fréquemment à former des verbes, et le nom pourrait être dérivé d’un tel verbe. En ilkorin comme en sindarin, les mb- initiaux primitifs sont simplifiés en b-. L’ordre des éléments composés, « pain-rond » avec l’élément adjectival en dernier, correspond à l’ordre préféré en sindarin. À l’entrée MBAS- des Étym., il semble que basgorn soit en effet listé comme un mot « noldorin » / sindarin, pas comme un mot ilkorin comme dans l’entrée KOR-. Bien sûr, les deux langues pourraient posséder le même mot29).

  • bel « force ».

Dérivé du radical BEL- « fort », que Tolkien compara hypothétiquement à BAL-, source de bálā « Puissance, Dieux » (quenya Vala). Concernant ce dernier radical, voir Balthor. La forme primitive de bel est dite être *belē ; la terminaison –ē pourrait simplement être la voyelle radicale suffixée et allongée, mais –ē est aussi une terminaison abstraite.

  • Beleg « le Fort », nom d’un archer ilkorin de Doriath.

Dérivé du même radical BEL- « fort » que bel ci-dessus30). Ce nom semble être le même que le mot « noldorin » / sindarin beleg « puissant, grand », mais, chose remarquable, Tolkien nota que « ce mot est distinct par sa forme quoique apparenté au nom ilk. Beleg »31). Manifestement, les formes de ces deux mots ne sont pas réellement distinctes l’une de l’autre, puisqu’elles apparaissent synchroniquement ; peut-être Tolkien voulait-il dire que leurs formes ancestrales étaient différentes ? Pour ma part, je n’arrive pas à trouver une meilleure étymologie pour le nom Beleg que celle qu’il est possible de reconstruire pour le sindarin beleg. Dans les Étym., Tolkien mentionne d’abord une forme *bélek, qu’il faut probablement considérer comme une variante étendue de BEL-, avec réduplication et suffixation de la voyelle radicale (appelée ómataina, extension vocalique) et ajout d’une consonne –k. Ensuite vient la forme primitive *bélekā, qui représente clairement ce radical étendu avec la fréquente terminaison adjectivale –ā. *Bélekā donne ensuite le sindarin beleg par l’intermédiaire du vieux sindarin beleka. Après que Tolkien a révisé l’histoire des langues elfiques, faisant du « noldorin » > sindarin la langue des Elfes de Beleriand (en remplacement de l’ilkorin), nous ne pouvons plus prétendre qu’il existe une distinction entre le nom Beleg et l’adjectif commun « grand, puissant ».

  • Beleriand « #Terre de Balar », indiqué être un nom d’origine beleriandique en RP, p. 208

En RP, p. 394-395 s.v. BAL-, il est indiqué que ce toponyme dérive du nom de l’île de Balar (q.v.). La « Liste des Noms » précise qu’il s’agissait à l’origine de la région autour du Sirion méridional et du Cap Balar, étendu par la suite à toutes les terres au sud de Hithlum et de Taur-na-Danion [plus tard nommé Dorthonion] et à l’ouest des Eredlindon, sa limite sud n’étant pas définie avec précision32). Le deuxième élément –iand doit être mis en relation avec des noms comme les sind. Ro(c)han(d), Ossiriand, etc. En UT, p. 422, il est précisé qu’il existait une terminaison sindarine –nd (-and, -end, -ond), « communément employée dans les noms de régions ou pays ». Suite à l’écriture du Seigneur des Anneaux, Tolkien chercha à expliquer cette terminaison et proposa diverses solutions, qu’il n’est pas facile de classer chronologiquement. Dans une note de décembre 1959, il élabora notamment le radical ƷĂN, YĂN « “s’étendre” dans chaque direction », d’où dérivent ʒandā « long » et yānā, yāndā « large, vaste »33). Dans une discussion traitant de l’Eregion, il préféra les radicaux YAN(A)-, YAD « large », extensions de yā- « vaste, large, étendu », précisant que le sind. -iand dérive de yandē « une vaste région ou pays », dont le pluriel donne la terminaison –ien, que l’on retrouve dans des noms de régions comme Ithilien34). Dans un composé ilkorin, la semi-voyelle y de yandē deviendrait une voyelle pleine i après une consonne et la voyelle finale tomberait, donnant régulièrement la forme –iand.

  • Belthronding (Bel-thron(d)-ding) nom de l’arc en if de Beleg, mentionné dans deux entrées différentes des « Étymologies » (RP, p. 396 s.v. BEL-, p. 400 s.v. DIÑG- 35)) ; en plus de cela, une forme déviante Balthronding est listée en RP, p. 445 s.v. STAR-, STARAN-.

Dans l’entrée DIÑG-, Belthronding est aussi divisé en Bel-thron(d)-ding. Le premier élément bel- signifierait « fort », comme le radical BEL- ; -thron- signifie « raide, dur » et apparaît aussi en tant que mot indépendant en ilkorin (voir thrôn pour une discussion plus détaillée), tandis que l’élément ding « vibration » est onomatopéique ; il semble qu’il s’agit aussi du mot ilkorin pour « son ». Ainsi, Belthronding semble signifier « #Fort raide (chose qui produit une) vibration ». La forme alternative Balthronding remplace bel- « fort » par bal- « pouvoir, puissance » (voir Balthor ci-dessus concernant le BAL-), signifiant par conséquent quelque chose comme « #Puissante raide (chose qui produit une) vibration ».

  • benn « mari ».

Dérivé du radical BES- « marié »36) ; la forme primitive est dite être *besnō, comprenant la terminaison agentive masculine primitive –nō. Par conséquent, *besnō est littéralement « mariant » = marié. Noter l’assimilation sn > nn, uniquement attestée dans ce mot. Le –ō final est tombe ici sans laisser de trace ; dans quelques mots, le –ō final semble produire –a en ilkorin (voir adda, broga).

  • ber « homme vaillant, guerrier ».

Dérivé du radical BER- « vaillant » ; la forme primitive est dite être *berō, la terminaison masculine –ō étant ajoutée au radical adjectival pour produire un nom « personne vaillante, homme vaillant ». Le –ō final tombe à nouveau plutôt que de produire –a comme dans adda (?) et broga.

  • bereth « valeur » (cf. El-bereth).

Dérivé du même radical BER- « vaillant » que ber ci-dessus. Et la terminaison abstraite –eth est également attestée en sindarin. Nous pouvons considérer que bereth correspond à #bereth- avec une voyelle finale perdue ; il s’agirait du radical BER- sous sa forme étendue #BERE (avec ómataina, voyelle radicale redoublée et suffixée) + une consonne suffixée –th. En sindarin, il semble que la terminaison abstraite –eth fut plus tard généralisée et pouvait s’ajouter aux radicaux quelle que soit leur voyelle radicale ; nous n’avons pas d’exemple qui puisse nous montrer s’il en allait de même en ilkorin.

  • boron pl. burnin « homme constant, de confiance, vassal fidèle ».

Dérivé du radical BOR- « endurer »37), spécifiquement d’une forme étendue dite être *bóron-, c’est-à-dire BOR- avec ómataina et la consonne suffixée –n, apparemment suivie par une autre voyelle, perdue en ilkorin : noter le tiret à la fin de *bóron-. Nous aurions pu nous attendre à ce que la forme ilkorine soit plutôt #born, cf. thorn « aigle », dérivé du radical THORÓN-. Dans le pluriel burnin, la seconde voyelle de boron subit une syncope ; comparer avec une contraction similaire dans adar pl. edrin « père » et d’autres mots ilkorins. Pourquoi un changement o > u au pluriel ? (Comparer avec thorn pl. thurnin « aigle ».) S’agit-il d’un genre de métaphonie déclenché par la voyelle de la terminaison plurielle –in ? Normalement, nous nous attendrions à ce que o donne ö ou y par umlaut.

  • breth « mât, tronc de hêtre ».

Dérivé du radical BERÉTH-38), signifiant apparemment « hêtre » (il s’agit de la signification du telerin bredele, le premier dérivé listé). Le radical BERÉTH- semble ne pas avoir de lien avec BER- « vaillant ». La forme primitive de breth est dite être *b’rethā ; comme d’habitude, le –ā final tombe en ilkorin. Il est préférable de considérer *b’rethā comme une forme adjectivale « #en hêtre », –ā étant une fréquente terminaison adjectivale (mentionnée en WJ, p. 382) ; plus tard, cet adjectif fut utilisé comme nom « ce qui appartient aux hêtres », d’où « mât, tronc de hêtre ». *B’rethā doit représenter un #beréthā encore plus ancien, mais dans l’évolution phonologique des langues de style celtique du légendaire de Tolkien, il est fort typique que la voyelle d’une syllabe initiale inaccentuée soit perdue, celle-ci se contractant pour former un groupe consonantique39). Comparer avec bril ci-dessous.

  • bril « verre, cristal » ou (en tant qu’élément du nom de rivière Brilthor, q.v.) « étincelant ».

Dérivé de MBIRIL-40), dit être un « composé » de deux radicaux distincts, MIR- et RIL-. Le premier de ceux-ci, MIR-, n’est pas défini en tant que tel, mais donne le quenya mírë et le sindarin mîr « joyau »41). Dans le composé, MIR apparaît sous la forme MBIR, présentant apparemment un affermissement initial. Le radical RIL- signifie « scintiller » (ou, d’après l’Appendice du Silmarillion, « brillance ») et est la source du deuxième élément du nom quenya Silmaril (traduit par « radiance de pure lumière » en L, p. 148, le mot traduisant –ril étant à l’évidence « radiance »). Bril doit dériver de *mbiríl, ultérieurement b’ril après la perte d’une voyelle inaccentuée (cf. breth ci-dessus) ; comme d’habitude, le mb- initial est simplifié en b- en ilkorin (cf. basgorn supra).

  • Brilthor « Torrent étincelant » (nom de rivière, l’un des tributaires du Gelion).

Listé dans « Les Étymologies » dans la même entrée MBIRIL42) que bril discuté ci-dessus : également mentionné à l’entrée THOR-, RP, p. 451. Le premier élément bril- aurait la même dérivation que bril « verre, cristal » au-dessus, quoiqu’il soit ici traduit par « scintillant » à la place. Le second élément thor représente directement le radical THOR- « approcher en piqué » ici utilisé dans un sens agentif : « chose qui vient en piqué » = « torrent ». Alternativement, nous pouvons considérer –thor comme une forme courte de l’adjectif thôr « piquant, sautant vers le bas » (probablement dérivé de #thorā), auquel cas Brilthor est en fait Bril Thôr « Verre / cristal sautant vers le bas » (la traduction de Tolkien, « torrent scintillant », étant alors plus explicative que littérale). Noter que l’élément final de Balthor « Vala-roi » n’a absolument aucun lien avec celui qui est ici ; ce –thor est simplement la forme que tôr (-tor) prend après la liquide l (lt devenant lth pour des raisons phonologiques).

  • brith « pierres brisées, gravier ».

Le radical non défini BIRÍT- est dit être propre à l’ilkorin43). Il semble s’agir d’une extension d’un radical #BIR plus simple, mais il n’existe pas de matériaux pour jeter plus de lumière sur la signification de base. La forme primitive donnée est *b’rittē, représentant probablement un #biríttē encore plus ancien, avant que ne tombe la voyelle inaccentuée de la syllabe initiale. Il est probablement préférable de considérer le double tt de *b’rittē comme un affermissement médian, la consonne finale de BIRÍT- étant doublée (comparer avec WJ, p. 415, où le mot primitif *grottā est dit être une forme « intensive » de *grotā). Ici, nous voyons le tt primitif devenir th, comme en sindarin, contrairement (?) à adda, q.v. La terminaison –ē se voit parfois dans les noms de substances ; voir par exemple *mazgē « pâte » (RP, p. 423 s.v. MASAG-) ou *srāwē « chair »44). « Pierres brisées » pourrait aussi être considéré comme une substance, comme l’indique la glose additionnelle « gravier ».

  • Brithombar « #Terre du Brithon » (RP, p. 397 s.v. BIRÍT-).

Composé du nom de rivière Brithon, q.v. et de bar « terre », plus littéralement « demeure » (noter l’assimilation nb > mb dans Brithon-bar > Brithombar). En tant que mot ilkorin, bar est uniquement attesté dans des composés (Brithombar et Dimbar), mais il dérive manifestement du radical MBAR- « demeurer, habiter »45). Il serait possible qu’il prenne une voyelle longue (#bâr) s’il apparaissait en tant que mot indépendant. (Comparer thôr « descendant en piqué, balayant » avec le suffixe court –thor dans le nom de la rivière Brilthor.)

  • Brithon « caillouteuse », nom de rivière.

Dérivé du même radical non défini BIRÍT- que brith « pierres brisées, gravier » (q.v.) Si la traduction est littérale, ce mot doit dériver de #biríttānā > #b’rittānā, avec une forme plus longue de la terminaison adjectivale –nā (voir caun à ce sujet).

  • broga « ours ».

Le radical MORÓK-46) n’est pas lui-même défini ; il pourrait s’agir d’une forme étendue de MOR- « sombre, noir »47). Peut-être nous faut-il supposer que les premiers ours rencontrés par les Elfes étaient noirs ? La forme primitive donnée est *morókō ; le –ō final pourrait être une troisième réduplication de la voyelle radicale, à moins qu’il ne s’agisse d’une terminaison dénotant un animé (mâle). Comme souvent, la voyelle inaccentuée de la syllabe initiale tomba au cours du développement de l’ilkorin ; une forme intermédiaire #m’rokō doit avoir existé, mais mr cessa d’être une combinaison initiale, devenant br à la place (la même évolution eut lieu en « noldorin » / sindarin). Comme d’habitude, le k post-vocalique est voisé en g et le –ō final subsiste apparemment sous la forme –a (voir la possible évolution adda < #attō ci-dessus, mais contraster avec benn < *besnō et d’autres mots où cette lettre disparaît simplement, comme les autres voyelles finales).

  • burnin pl. de boron (BOR-) ; voir boron.

C

  • caun « arqué, en forme d’arc, courbé ».

Une autre forme, apparemment antérieure, était coun. Dérivé d’un radical KUƷ- « arc, arquer »48). La forme la plus primitive est dite être *kuʒnā, c’est-à-dire le radical KUƷ- avec la terminaison adjectivale –nā (en UT, p. 266, un mot en –nā est appelé une « ancienne forme adjectivale »). La forme ultérieure kogna, peut-être du « vieil ilkorin », est aussi mentionnée : en ilkorin, la spirante postérieure primitive ʒ (= gh) devint l’occlusive g ; comparer avec go « de, depuis » (q.v.), dérivé de ƷŌ̆-. Un autre changement affecte la voyelle radicale, u devenant o ; cela est manifestement dû à une métaphonie déclenchée par le –a final. La combinaison g + nasale se révéla instable, l’occlusive voisée devenant ultérieurement une spirante gh après les voyelles (voir tūgh, ) et fusionnant ensuite avec la voyelle précédente pour produire la diphtongue ou : kogna > #kogn > #koghn > coun. Cette diphtongue finit par se confondre avec au (que l’on trouve dans de nombreux autres mots), donnant caun. Pour un cas entièrement parallèle à celui-ci, voir daum (< *doʒmē).

  • celon « rivière ».

Dérivé du radical KEL- « aller, courir (en particulier pour l’eau) »49). La forme *kelu-n est donnée. Les extensions en –n ne sont pas infréquentes (voir par exemple boron), mais au lieu d’une ómataina normale (réduplication et suffixation de la voyelle radicale elle-même, ce qui aurait donné **kele dans ce cas), un élément u est suffixé à KEL. (Comparer avec la voyelle médiale du dérivé quenya celumë « cours, courant, flot ».) L’Index des Unfinished Tales50) mentionne en fait une racine kelu- « s’écouler rapidement » à l’entrée Celos. Cet élément suffixé –u ne peut être pleinement expliqué ; en WJ, p. 411, Tolkien se réfère à telu comme à une « forme différenciée de *TELE » ; peut-être *kelu- est-il de même une « forme différenciée » de #KELE51). Le u de *kelu-n est devenu o dans l’ilkorin celon : cela pourrait être similaire au changement vu dans *ulgundō > ulgund > ulgon, ulion (q.v.) Peut-être que les u inaccentués avaient tendance à devenir o en ilkorin ?

  • cīr pl. círiath « navire »

Exemple employé pour illustrer la formation du pluriel collectif en ilkorin. Tolkien hésita d’abord à faire de cette forme un nom noldorin (avec voyelles brèves), puis après l’avoir modifié pour en faire de l’ilkorin décida que les formes noldorines étaient identiques 52). Cette forme ne dérive probablement pas du q. prim *kiryā́53), sans quoi nous nous attendrions plutôt à la forme **cere (voir l’entrée gwene). Il est possible qu’il s’agisse d’une autre dérivation de la racine KIR « fendre »54), probablement augmentée d’une voyelle primitive dont il est impossible de déterminer la qualité.

  • côm « maladie ».

Le radical KWAM-55) n’est pas défini en soi. Le quenya quámë, le sindarin paw et l’ilkorin côm doivent tous descendre d’une forme ressemblant à #kwāmē (ou possiblement #kwāmi > eldarin commun #kwāme). Après que le ā long devint ô (comparer avec ôr, tôr, q.v.), la consonne initiale perdit à l’évidence sa qualité vélaire, #cwôm devenant côm (comparer avec gôd, q.v.). S’il faut faire correspondre l’ilkorin à un dialecte sindarin selon le scénario ultérieur de Tolkien, *kw serait déjà devenu p (comme pour son parent « noldorin » / sindarin paw), aussi verrions-nous #pôm à la place.

  • coun « arqué, en forme d’arc, courbé », forme alternative (manifestement plus ancienne) de caun, q.v. (RP, p. 415 s.v. KUƷ-).
  • cwēn « petite mouette, pétrel ».

Le radical KWǢ-, donné dans le VT 45, p. 24, est qualifié d’« onomatopéique ». Cwēn est dérivé de la forme primitive *kwǣ-nē, de même signification, doté de la terminaison -nē. Celle-ci dénote généralement une abstraction, aussi la signification du terme primitif désignait-elle peut-être le cri de la mouette plutôt que l’animal lui-même, ce que conforte le fait que le radical soit dit onomatopéique. Le ǣ primitif se transforme en ē et la voyelle finale tombe, d’où : *kwǣ-nē > #*kwēne > cwēn. Ce terme est dit avoir été emprunté par le noldorin sous la forme cuen, la forme noldorine historique, †poen devenant obsolète. Comme pour cwess ci-dessous, ce terme ne pourrait pas être considéré comme appartenant à une variété de sindarin dans le scénario tardif de Tolkien du fait qu’il comporte un cw- initial.

  • cwess n. « duvet ».

Le radical KWES-56) n’est pas défini ; la forme primitive est dite être *kwessē, qui comprend apparemment un affermissement médian s > ss (à moins qu’une terminaison longue –sē ne soit présente). La terminaison –ē pourrait dénoter une substance (cf. brith « gravier » < #b’rittē), et le « duvet » est effectivement une substance, mais le terme quenya apparenté à l’ilkorin cwess (en l’occurrence quessë) signifie « plume ». Si le quenya préserve la signification originelle de *kwessē, le –ē final pourrait simplement être la voyelle radicale suffixée et allongée – Une fois de plus, cw devrait plutôt prendre la forme p si l’ilkorin devait être adapté comme dialecte du sindarin dans le scénario ultérieur de Tolkien.

D

  • dair « ombre d’arbres ».

Dérivé du radical DAY- « ombre »57). Le mot quenya laira « ombreux » pointe vers un adjectif primitif #dairā, avec une terminaison –rā fort bien attestée (comparer avec tārā « élevé, noble » ; voir tôr). La même forme primitive pourrait avoir produit l’ilkorin dair, mais puisque ce dernier est un nom plutôt qu’un adjectif, il pourrait être préférable de supposer l’existence d’un nom primitif #dairē ; concernant la terminaison nominale (abstraite ou collective) –rē, comparer par exemple avec *thērē « air, face, expression », dérivé du radical THĒ- « regarder ou sembler »58). – Noter que l’ilkorin préserve le *ai primitif inchangé, alors qu’il devient ae en sindarin (dans le « noldorin » des « Étymologies », on peut voir Tolkien s’efforcer de décider si *ai donnait oe ou ae, mais il finit par opter pour ce dernier).

  • Dairon, nom ilkorin de Daeron (RP, p. 399 s.v. DAY-)

Ce nom est mis en relation avec l’ilk. dair « ombre d’arbre » (q.v.). Dans un texte bien plus tardif (c. 1967-1969), écrit longtemps après que l’ilkorin a cessé d’exister en tant que langue du Légendaire, Tolkien dériva ce nom de la base DAY, par l’intermédiaire de l’eld. com. *daira, précisant que l’orthographe sindarine correcte était Daeron59). Cela pointe clairement vers une forme q. pr. #dairā, auquel serait rajouté le suffixe masculin –nō (voir benn et thavon à ce sujet). Plus tard, le –ā long de #dairānō devint ō > o (cf. Balthor) et la voyelle finale tomba.

  • dang « son », onomatopée.

Variante ding, q.v. (RP, p. 400 s.v. DIÑG- ; dang requerrait manifestement un radical #DANG à la place ; DIÑG- est dit être une variante de TING, TUNG60)61), aussi postuler l’existence d’une forme #DANG correspondant à TANG- comme DIÑG- correspond à TING- n’est pas invraisemblable).

  • daum « période nocturne, obscurité »

Dérivé du radical DOƷ avec une variante DÔ-62), ce qui indique manifestement que le radical originel était DOƷ (dans lequel Ʒ = une spirante postérieure, orthographiée gh en orquien) ; plus tard, la consonne faible ʒ disparut, et la voyelle précédente fut allongée par compensation. Le radical DOƷ / DÔ- n’est pas défini, mais le quenya « nuit » vient directement de DÔ-. Daum doit clairement être lié à *doʒmē avec une terminaison dénotant quelque chose d’abstrait ou d’intangible (cette forme primitive est mentionnée en RP, p. 400, à l’entrée DOMO-)63). Ce développement est apparemment parallèle à celui de caun ci-dessus, *doʒmē donnant dogme (attesté en tant que mot vieux sindarin) puis daum ; la forme coun intermédiaire entre caun et #kogn < kogna pourrait suggérer qu’il exista de même une forme #doum entre daum et #dogm < dogme.

  • dem « triste, morose ».

Le radical, défini de même, est donné en RP, p. 399 comme étant DEM-, mais il doit s’agir d’une coquille ou d’une erreur de déchiffrage. La forme ancestrale de dem est dite être *dimbā, non **dembā, et dans deux autres dérivés (dim et dimb, voir ci-dessous), la qualité originelle de la voyelle radicale survit en ilkorin64). Dimbā présente un affermissement médian m > mb combinée avec la terminaison adjectivale –ā. Certains pourraient arguer que –bā est ici un allomorphe de la terminaison adjectivale longue –wā (w devenant b après un m ?) Dans tous les cas, il existait un –ā final qui finit par causer une métaphonie de la voyelle i de *dimbā en e, le –ā final laissant ainsi sa marque sur le mot dem même après qu’elle ait disparu, comme c’était habituellement le cas en ilkorin avec les voyelles finales originelles. Contraster avec dim « obscurité, tristesse », dérivé de *dimbē, la qualité originelle de la voyelle persistant du fait qu’elle n’était pas suivie par un –ā déclenchant une métaphonie. – Dans le mot dem dérivé de *dimbā, ainsi que dans dim dérivé de *dimbē, l’agglomérat mb se simplifia en un m simple (probablement après la perte de la voyelle finale : #demb > dem). Le –mb final semble étrangement subsister dans dimb (voir ci-dessous).

  • Dilion – forme ilkorine hypothétique du Gelion noldorin, pas usitée (RP, p. 407 s.v. GYEL-, un radical qui n’est pas défini en tant que tel, mais apparemment en rapport avec la joie et le triomphe).

Cet exemple semble indiquer que le gye- (gje-) initial primitif devient di­ en ilkorin, de sorte que (par exemple) le terme apparenté au quenya yerna « vieux, usé » (#gjernā primitif, radical GYER-) serait #dirn. Concernant le nom Dilion / Gelion lui-même, Tolkien rédigea une note que son fils qualifie à juste titre de « mystérieuse » : « Gelion nom court d’une grande rivière de Beleriand E. ; une interprétation des Gnomes [Noldor] (cela aurait été Dilion en ilkorin) ; cf. ilk. gelion = brillant, racine GAL »65) Ce que Tolkien s’efforce de dire semble être ceci : le nom Gelion vient en fait du mot ilkorin pour « brillant », dérivé du radical GAL-. Cependant, Tolkien imagina que les Noldor associèrent erronément ce mot avec le mot noldorin Gelion (car à cette époque, il n’avait pas encore transformé le noldorin en sindarin), dérivé du radical GYEL-, en rapport avec la joie : le noldorin Gelion est traduit par « chanteur joyeux »66). Qu’il ne s’agissait pas de l’interprétation correct de ce nom de rivière ilkorin, bien que les mots ilkorin et noldorin aient la même forme, se voit par le fait que le terme réellement apparenté au noldorin Gelion (radical GYEL-) n’aurait pas du tout été Gelion, mais Dilion : en ilkorin, le gje- primitif devenait di-, pas ge- comme en noldorin. Gelion (q.v.) signifie en fait « brillant », et n’est pas apparenté au mot noldorin gelion.

  • dim « obscurité, tristesse » (RP, p. 399 s.v. DEM-, mais comme expliqué dans l’entrée dem ci-dessus, le vrai radical doit plutôt être DIM-)67).

La forme primitive est dite être *dimbē, qui est le radical DIM- avec affermissement médian m > mb et terminaison abstraite –ē ou possiblement DIM avec une terminaison –bē, allomorphe de la terminaison abstraite –wē (w devenant b après m). Comme dans le cas de dem ci-dessus, la simplification mb > m n’eut probablement lieu qu’après la perte des voyelles finales.

  • dimb « triste » (RP, p. 399 s.v. DEM-).

Ce synonyme de dem (dérivé de *dimbā) doit venir d’une autre forme adjectivale, avec une terminaison qui ne déclenche pas de métaphonie – mettons #dimbi. Comparer par exemple avec l’adjectif primitif *slindi « fin, délicat », dérivé du radical SLIN- ; *slindi présente ainsi un affermissement médian n > nd qui peut se comparer à m > mb dans #dimbi. Dans le cas présent, *mb n’est étrangement pas simplifié en –m après que l’agglomérat soit devenu final après la perte des voyelles finales ; contraster avec dim et dem ci-dessus. Peut-être dimb est-elle une forme ancienne, devenant plus tard #dim (et disparaissant probablement, puisque cet adjectif se confondrait alors avec le nom dim, dem devenant la seule forme adjectivale). Dimb s’observe dans le toponyme Dimbar « #Tristeterre ». Comparer avec la note de Christopher Tolkien sur Dimbar dans l’Index du Silmarillion, à l’entrée bar ; le premier élément y est dit signifier « triste, morose ». Concernant l’élément bar, voir Brithombar ci-dessus68).

  • ding « son » (aussi dang).

Correspond essentiellement au radical DIÑG-, dit être onomatopéique (en RP, p. 400), sans élément additionnel. DIÑG- est une variante de TING, TANG [ou TING, TUNG, cf. VT 45, p. 9, N.d.T.]. Voir dang et Belthronding ci-dessus.

  • dôl « val à basse altitude, plat ».

Cette glose signifie-elle « val qui est plat et à basse altitude » ou que dôl fonctionne tant comme adjectif « plat » et comme nom « val à basse altitude » ? Ce mot est dans tous les cas dérivé du radical DAL- « plat »69). Une forme primitive est dite être *dāla ; lire peut-être #dālā, puisque la voyelle finale est toujours en place dans le quenya lára : un –a court final aurait disparu à la période eldarine commune. En ilkorin, le A final disparaît, qu’il soit long ou court, mais un –ā long final pourrait correspondre à une terminaison adjectivale bien attestée (explicitement mentionnée par Tolkien en WJ, p. 382). Un –ā long non-final devient ô dans tous les cas, d’où *dāl- > dôl, peut-être un adjectif « plat » (la signification originelle du mot primitif) qui vint aussi à être utilisé comme nom signifiant « val à basse altitude ».

  • dor- « terre », isolée d’Argador, Dor-thonion (q.v.)

Si dor apparaissait indépendamment, il aurait probablement une voyelle longue : #dôr. Dans « Les Étymologies », les mots eldarins pour « terre » sont dérivés d’un radical NDOR-« demeurer, rester, se reposer, séjourner, endurer »70). Aucun mot ilkorin n’y est listé, mais dor aurait la même origine que le mot sindarin identique : la forme primitive *ndorē (la terminaison –ē sert parfois à dénoter un lieu, comparer avec *tau̯rē « forêt », RP, p. 449 s.v. TÁWAR-). Noter cependant que bien des années plus tard, Tolkien dériva les mots eldarins pour « terre » du radical DORO « asséché, dur, ne cédant pas »71). Cependant, cette source tardive confirme bien que la forme quendienne primitive était *ndorē, désormais considérée être formée par enrichissement initial d > nd72). Ce terme est défini par « la terre dure, sèche, par opposition à l’eau ou à la tourbière », développant plus tard la signification « terre en général par opposition à la mer », et finalement aussi « une terre » en tant que région spécifique.

  • Dor-thonion « Terre des pins », toponyme (RP, p. 451 s.v. THON- ; VT 46, p. 19)73).

Concernant dor « terre », voir l’entrée séparée ci-dessus. Thonion est le génitif pluriel de thōn « pin », q.v.

  • dorn « chêne » (même mot en ilkorin et doriathrin).

Le radical DÓRON- est lui-même seulement défini par « chêne »74). Il est tentant de considérer DÓRON- comme une forme étendue de DORO « dur, ne cédant pas »75), puisque le bois de chêne est dur – bien que le radical DORO ne soit pas attesté dans « Les Étymologies » et n’apparaisse que dans un document écrit un quart de siècle après. Le quenya norno et le sindarin doron pointent vers une forme primitive #doronō, où le –ō final pourrait simplement être une réduplication de la voyelle radicale avec allongement et suffixation ( pourrait aussi être une terminaison masculine, mais cela ne semble guère approprié ici).

  • duil « rivière ».

Listé au radical DUI̯-76), qui n’est pas glosé dans « Les Étymologies », mais est défini par « s’écouler (en quantité) » dans A Tolkien Compass, p. 179. La forme primitive est probablement supposée être #duilē, à l’origine une formation abstraite « écoulement ». Voir le VT 39, p. 16 au sujet de la terminaison –lē ; voir aussi l’exemple de *tuilē « printemps », dérivé de TUY- « germer, pousser, bondir »77) ; littéralement, *tuilē est simplement un nom abstrait « #germination, bondissement ». En ilkorin, duil prit une signification plus concrète que son équivalent primitif #duilē : « écoulement » > « rivière ».

  • Duilwen toponyme, « #Rivière-verte » (RP, p. 400 s.v. DUI̯-, p. 407 s.v. GWEN-).

Voir au-dessus pour duil « rivière ». L’élément –wen « vert » semble être une forme lénifiée et raccourcie de gwene, q.v.

  • duin « eau, rivière » (RP, p. 400 s.v. DUI̯- ; VT 45, p. 11).

Voir duil ci-dessus au sujet de la signification la plus basique du radical DUI̯-. La forme primitive de duin « rivière » est dite être *duinē (dans A Tolkien Compass, p. 178-179). La terminaison substantive –nē se voit dans quelques mots primitifs, e.g. *neinē « larme », dérivé du radical NEI- de signification similaire78). Le mot primitif *ornē « arbre (mince) » est supposé être apparenté à l’adjectif *ornā « s’élevant, grand »79). Dans ce mot, - semble être une terminaison nominale correspondant à l’adjectivale –nā, un *ornē étant littéralement une « grande chose », employé par référence aux arbres minces. Il se pourrait alors qu’il y ait eu un adjectif #duinā « s’écoulant (en quantité) » correspondant au nom *duinē « chose qui s’écoule » = « eau, rivière ». – Dans A Tolkien Compass, duin se comprend comme un mot sindarin, puisque l’ilkorin fut en partie absorbé par le sindarin lorsque Tolkien révisa l’histoire des langues elfiques. Voir Anduin « longue rivière » dans le SdA. Également dans Esgalduin, nom que Tolkien considérait originellement comme ilkorin80).

  • dûm « crépuscule » (suffixe court –dum dans tindum, q.v.)

Listé sous le radical DOMO- « faible, pâle »81) ; la forme primitive *dōmi- est mentionnée (le tiret suggérant que le mot est incomplet ?) La terminaison –i est rare (normalement employée pour créer des adjectifs de couleur) et ne peut s’expliquer aisément. En quenya, *dōmi- « crépuscule » et *doʒmē « nuit » fusionnèrent en lómë, mais en ilkorin ils demeurèrent apparemment distincts (apparaissant respectivement sous les formes dûm et daum). – Ce mot nous donne le seul exemple de ō long devenant un û en ilkorin, bien que cela corresponde au développement en sindarin.

E

  • Ēd « “repos”, nom de la femme de Lórien ».

Dérivé d’EZDĒ-, radical défini par « repos »82), élaboré à partir de la forme radicale normale SED au moyen d’un déplacement de la sundóma83) et d’un voisement de la consonne initiale suite au contact avec la dentale voisée D 84). Comme dans en « noldorin » / sindarin, un z suivit d’une voyelle donne i (voir l’entrée maig), mais la diphtongue obtenue ici s’assimile en ē plutôt qu’en ī et la voyelle finale tombe sans laisser de trace: *Ezdē > *Eide > Ēde > ilk. Ēd.

  • edrin pl. d’adar, q.v. pour la discussion (RP, p. 393 s.v. ATA-).
  • Eglador « Terre des Elfes », nom de Doriath en ilkorin (RP, p. 392 s.v. AR2-) et doriathrin (RP, p. 401-402 s.v. ÉLED-, p. 404 s.v. GAT(H)-)

Au sujet de l’élément final, voir dor-. L’élément egla- correspond sans doute au préfixe egl- que l’on voit dans Eglath (q.v.), auquel est ajoutée la terminaison génitive –a (voir –a, Tor Tinduma). Ce nom se traduirait alors littéralement par « Terre de l’Elfe », la terminaison génitive plurielle étant –ion en ilkorin.

  • Eglath est considéré comme apparenté au quenya Eldar (RP, p. 418-419 s.v. LED-) dans « Les Étymologies » ; d’après RP, p. 404 s.v. GAT(H)-, c’est ainsi que les Ilkorins se désignaient.

Les idées de Tolkien à propos de l’étymologie du quenya Eldar et du mot beleriandique Eglath évoluèrent au cours du temps. Dans les Étym., il associa d’abord Eldar avec un radical ELED- « aller, partir, quitter »85), qui est de façon transparente une variante avec voyelle radicale préfixée du radical simple LED- « aller, se porter, voyager »86). L’idée était que les Eldar étaient les Elfes qui quittèrent Cuiviénen pour aller à Valinor (qu’ils y soient arrivés ou non). Tandis que cette application du mot Eldar perdura, Tolkien changea bientôt son étymologie en « Peuple des étoiles », introduisant un nouveau radical ÉLED-, qu’il faut évidemment comprendre comme une forme étendue de EL- « étoile »87). Dans le récit du Silmarillion émergea l’histoire qu’Oromë désigna originellement tous les Elfes par ce nom, mais qu’il ne fut ultérieurement appliqué qu’à ceux qui le suivirent dans la marche vers l’Ouest. À cette époque, Tolkien imaginait probablement que la forme primitive du quenya Elda était la même que celle qu’il donna en L, p. 281 de nombreuses années plus tard : *Eledā « un Elfe ». D’après RP, p. 402, eled- avait une forme alternative transposée edel-, le mot complet étant probablement #edelā. Après la perte de la voyelle médiale, mettant en contact direct les consonnes d et l, le nouveau groupe dl devint gl en ilkorin, comme dans Eglath. (Dans le « noldorin » des « Étymologies », mais pas dans le sindarin ultérieur de Tolkien, les dl intervocaliques deviennent aussi gl.) La terminaison –ath vue dans Eglath doit se comprendre comme un suffixe collectif, correspondant à une terminaison similaire en « noldorin » / sindarin. Cependant, Tolkien dériva plus tard le quenya Elda d’un #eldā primitif, une formation adjectivale « en rapport ou concernée par les étoiles »88), et l’on ignore si #eldā pourrait devenir Egl- en ilkorin. À cette époque, Tolkien avait depuis longtemps remplacé l’ilkorin par le sindarin comme langue des Elfes de Beleriand. Le terme Eglath fut intégré au sindarin et se trouve dans le Silmarillion publié (chap. 5), où il est toujours dit être le nom par lequel les Elfes de Beleriand se désignaient, mais est désormais traduit par « le Peuple abandonné ». Par conséquent, Eglath n’est plus considéré être apparenté au quenya Eldar « Peuple des étoiles ». En WJ, p. 365, la variante Eglan (pl. Eglain, Egladhrim) est associée au radical HEK, HEKE « à côté, à part, séparé » (cf. WJ, p. 361).

  • Eglor « Rivière elfique » (RP, p. 402 s.v. ÉLED-)

Comme pour Eglador (q.v.), le premier élément de ce nom correspond probablement au préfixe Egl- apparaissant dans Eglath, le nom qu’employaient les Ilkorins pour se désigner. Le second composant signifierait donc « rivière ». Il est toutefois difficile à expliquer. Peut-être fut-il plutôt y voir un suffixe #-lor correspondant au dor. laur « or », dérivé du q. pr. *laurē (RP, p. 418 s.v. LÁWAR-), se référant à une lumière dorée (voir ce terme dans le lexique doriathrin). Le nom de ce fleuve signifierait alors au sens propre « [eau] elfique dorée ».

  • Eglorest « combe ou ravin creusé par la rivière Eglor à son embouchure, nom de la ville située à cet endroit » (RP, p. 439 s.v. RIS-)

Composé du nom Eglor « Rivière elfique » (q.v.) et du nom ilk. rest « coupure » (q.v.). Ce nom semble indiquer que les rr géminés médians sont raccourcis dans les polysyllabes ilkorins.

  • [El-bereth] ? « Céleste Valeur », nom personnel (RP, p. 397 s.v. BER-).

Dans « Les Étymologies », il n’est pas certain qu’il s’agissait bien d’un nom de Varda, application bien connue du nom Elbereth en sindarin. Tolkien biffa l’entrée El-bereth en tant que nom ilkorin, peut-être à cause de l’émergence d’une forme similaire pour désigner Varda. Le second élément est ici bereth « valeur », q.v. pour la discussion. L’élément el- signifie probablement « cieux » ou « ciel », si l’on se réfère à deux autres mots ilkorins qui furent explicitement traduits par Tolkien, Elrond « Voûte des cieux » et Elthorn « Aigle du ciel ». Dans « Les Étymologies », l’élément EL- signifie non seulement « étoile » mais aussi « ciel étoilé »89), et la traduction « cieux » ou « ciel » doit dépendre de la deuxième glose. Il est dit qu’en « noldorin et telerin », EL- était confondu avec le radical distinct ƷEL- « ciel »90), mais ce dernier donnerait probablement #gel en ilkorin, aussi est-il difficile de comprendre comment ces éléments auraient pu être confondus dans cette langue. – Concernant l’interprétation ultérieure que fit Tolkien d’Elbereth en tant que nom sindarin de Varda, voir barathi, elen-barathi dans le lexique en appendice de l’article sur le vieux sindarin.

  • Elrond « Voûte du Ciel », nom du fils d’Eärendel [sic] (RP, p. 439-440 s.v. ROD- ; VT 46, p. 12).

Concernant le premier élément el- « cieux », voir El-bereth ci-dessus. Dans « Les Étymologies », rond « dôme, voûte » est dérivé du radical ROD- « toit, caverne », quenya rondo, indiquant une forme primitive #rondō, avec une infixation nasale et une terminaison –ō qui pourrait simplement être une suffixation avec allongement de la voyelle radicale. Bien plus tard, lorsque Elrond était devenu depuis longtemps un nom sindarin, Tolkien dériva l’élément rond du radical RONO « faire voûte, se courber sur, toiturer » à la place91). La forme primitive resterait la même, #rondō, mais désormais nd devrait être considéré comme un affermissement médian de n ; il ne peut être produit par infixation nasale, comme lorsque le radical était toujours considéré être ROD-. Dans le même texte, Tolkien traduisit Elrond comme signifiant « Dôme de l’étoile », lit. « Étoile-dôme » plutôt que comme « Voûte des cieux », l’élément el- signifiant désormais uniquement « étoile », plutôt que couvrir aussi bien « étoile » que « cieux », comme dans les sources antérieures92).

  • Elthorn « Aigle du ciel », nom personnel.

En RP, p. 451 s.v. THOR-,THORÓN-, ce nom est dit être « Elthor(o)n », indiquant probablement une forme ilkorine Elthorn et une « noldorin » / sindarine Elthoron (puisque le mot « nold. » / sind. pour « aigle » est thoron, correspondant à l’ilkorin thorn). Concernant l’élément el-, voir El-bereth ci-dessus ; voir thorn pour une discussion du deuxième élément.

  • emnin, pl. d‘aman, q.v. (RP, p. 392 s.v. AM1-)
  • [**emuin erreur de lecture pour emnin, pl. d’aman, q.v. (RP, p. 392 s.v. AM1-)]
  • erð « graine, germe »93).

Dérivé du radical ERÉD-94), qui n’est pas lui-même défini, mais doit être considéré comme une variante de RED- « disperser, semer » avec voyelle radicale préfixée. La forme primitive de erð est dite être *eredē ; la terminaison –ē est probablement une simple suffixation avec allongement de la voyelle radicale. La syncope mit en contact les r et d originaux et, comme en sindarin, d devient dh (ð) après une liquide r ou l (voir alch).

  • Ermabin, Ermabrin « manchot », nom de Beren (RP, p. 423 s.v. MAP-).

L’élément préfixé er « un » est manifestement dérivé du radical ERE- « être seul, privé de » (RP, p. 402 ; comparer avec Eru, l’Unique, un nom quenya pour Dieu). Pour l’élément médian -mab- « main », voir l’entrée afférente. Les terminaisons –in et –rin changent « main » en un adjectif « avec main ». Ces terminaisons adjectivales représenteraient les –ina et –rina primitifs, le –a final tombant avant de pouvoir déclencher la métaphonie (ou nous verrions –en et –ren, comme en sindarin)95).

  • esg « carex » (RP, p. 403 s.v. ESEK-), remplaçant :[esg] « bruissement, bruit de feuilles » (RP, p. 403 s.v. EZGE-).

Le radical EZGE- était lui-même défini par « bruissement, bruit de feuilles » ; cela ressemble à une forme réarrangée d’un radical plus simple #SEG (comparer avec EZDĒ-, d’où est dérivé le nom de la Valië Estë, en lien avec le radical verbal SED- « se reposer » : RP, p. 403, 385). Lorsque Tolkien introduisit ESEK-, il imaginait à l’évidence qu’esg était dérivé d’#eskē ou d’#esekē. Concernant le changement sk > sg après une voyelle, comparer avec esgal (radical SKAL1-) ci-dessous. Curieusement, ce changement n’a pas lieu dans le nom de rivière Ascar (Askar)96).

  • esgal « voile, cachette, toit de feuilles ».

Dérivé du radical SKAL1- « voiler, cacher (de la lumière), faire de l’ombre à, assombrir »97). L’origine du préfixe e- n’est pas claire ; un préfixe similaire apparaît dans le deuxième esgar (voir ci-dessous)98).

  • Esgalduin « Rivière sous le Voile de [? feuilles] » - l’écriture de Tolkien était illisible (RP, p. 442 s.v. SKAL1-, p. 400 s.v. DUI̯-, p. 403 s.v. EZGE- ; VT 45, p. 13).
  • esgar1 « roselière » (RP, p. 403 s.v. ESEK-)

Dans le nom Esgaroth (q.v.), Esgar semblerait être composé d’esg « carex » (voir ci-dessus), avec une sorte de terminaison collective, peut-être apparentée à la terminaison collective quenya –rë99).

  • esgar2 « blessure » ?

Ce mot n’est pas clairement glosé ; Tolkien liste les mots quenya et « noldorin » / sindarin pour « blessure », ajoutant « cf. ilk. esgar », sans explication supplémentaire. Tandis qu’esgar ne peut être directement apparenté aux autres mots listés, il semble que ce terme soit aussi supposé signifier « blessure ». Le radical SKAR-100) n’est pas défini en tant que tel, mais ses dérivés suggèrent une signification de base « déchirer, blesser » ou « déchirure, blessure ». Le préfixe e- d’esgar est curieux, mais comparer avec esgal ci-dessus. Comme dans esgal (dérivé du radical SKAL1-), sk devient sg après une voyelle101).

  • Esgaroth « Lac des roseaux » (RP, p. 403 s.v. ESEK-).

Concernant le premier élément, esgar « roselière », voir l’entrée en question. Il semblerait que –oth soit l’élément traduit par « lac ». Aucun mot ou élément similaire avec une telle signification ne semble être attestée ailleurs102).

  • espalass « [? chute] écumante ».

Ce terme dérive du radical SPÁLAS-, variante de PHAL-, PHÁLAS- « écume(r) »103). Le terme telerin spalasta- « écumer, mousser », descendant aussi de la variante SPÁLAS-, pointe vers un verbe primitif #spálastā- « écumer, mousser », qui ne saurait être l’ancêtre direct d’espalass. En effet, après la chute de la voyelle finale, le groupe consonantique –st désormais final resterait inchangé (cf. hest, rest). Il vaut mieux considérer qu’espalass dérive d’un #spálassā primitif, avec la même terminaison –sā que l’on retrouve dans ass (q.v.), correspondant à un adjectif « écumant », dont la signification évoluerait pour devenir un nom « quelque chose faisant de l’écume » > « chute écumante ». Pour le e- initial, il faut sans doute y voir une prosthèse régulière devant les groupes biconsonantiques initiaux commençant par s- et comportant une consonne voisée plutôt qu’un préfixe intensif e-. En effet, un tel préfixe ne peut être ajouté que si la voyelle de base est e104). Comparer avec esgal, esgar1, esgar2, Esgaroth ci-dessus, et avec estorn ci-dessous.

  • estorn « aigle ».

Ce nom semble provenir de la forme primitive storo, de même que le danien (ou doriathrin) storn105). Ces trois termes furent inscrits au crayon sur un feuillet de notes insérées dans « Les Étymologies ». Les commentaires qui s’y trouvent tendent à suggérer que ce feuillet est postérieur à la rédaction de l’entrée THOR-, THORÓN-. Cela n’implique pas nécessairement que ce terme doive remplacer thorn, pl. thurnin (q.v.) ; il se pourrait que Tolkien ait voulu que les deux noms coexistent. L’ilkorin estorn doit être dérivé de #storon-, avec ajout d’une terminaison commençant par –n- au storo primitif. Il pourrait s’agir de –no, qui a fréquemment une valeur agentive ; cf. RP, p. 453 s.v. TIR-. Il faut sans doute considérer le e- initial comme une prosthèse, bien que celle-ci ne soit pas régulière pour les mots comportant un groupe initial en st- ; cf. thall, thalos, thavon, thrôn. Serait-ce lié au fait que la voyelle de base est ici o alors qu’elle est systématiquement a pour les mots où l’on observe st- > th- ?

G

  • gangel pl. genglin « ? harpe ».

La formulation en RP, p. 430 s.v. ÑGAN- n’explicite pas clairement si ce mot ilkorin signifie « une harpe », « jeu de harpe » ou même « harpiste », mais gangel semble être apparenté au quenya ñandellë « petite harpe », sindarin / « noldorin » gandel, gannel « harpe ». Le radical ÑGAN-, existant aussi sous la forme étendue ÑGÁNAD- (avec ómataina et –d suffixé), est défini par « jouer (d’un instrument à corde) ». Le quenya ñandë « une harpe » doit représenter #ñgandē, la terminaison –ē servant apparemment à former un nom ici (s’agissait-il à l’origine d’une abstraction « jeu de harpe », puisque –ē fonctionne souvent comme une terminaison abstraite ?) La forme longue ñandellë « petite harpe » (< #ngandellē) possède apparemment une terminaison diminutive attachée, peut-être liée à la terminaison féminine vue dans Tintallë « Enflammeuse », titre de la déesse Varda. Quoique ñandellë soit définie par « petite harpe », le terme « noldorin » / sindarin apparenté, gandel, gannel, est simplement glosé « une harpe », suggérant que l’élément final n’était plus perçue signifier la petitesse dans cette langue, gannel étant considérée comme un mot unitaire : il pourrait en aller de même pour l’ilkorin gangel. Dans ce mot, nous voyons le même changement nd > ng, comme dans gwilwering « papillon » = quenya wilwarind-. Il s’agit d’un développement inhabituel ; dans de nombreux mots, nd reste inchangé en ilkorin (e.g. lind, rond, thind, tindum et tund). Dans gangel, le changement nd > ng pourrait découler d’une assimilation, nd étant influencée par le g initial (ou déjà par le *ñg primitif initial). – Le pluriel genglin possède la terminaison plurielle –in, q.v., combinée avec la syncope régulière de la voyelle médiale et la métaphonie a > e déclenchée par le i de la terminaison plurielle.

  • Garthurian « Royaume caché », « Royaume clôturé » = Doriath, dérivé de garð-thurian (RP, p. 404 s.v. GAT(H)-, p. 451 s.v. THUR-).

Noter qu’en RP, p. 407 s.v. ƷAR-, Garthurian est dit être un mot doriathrin plutôt qu’ilkorin). RP, p. 451 s.v. THUR- indique que Garthurian est un composé de garth, garð- « royaume, domaine » et d’un élément thurian « caché ». En RP, p. 407 s.v. ƷAR-, le quenya arda « royaume, domaine » est dit être dérivé du radical GAR-, défini par « tenir, posséder » (RP, p. 404, où il est biffé, mais GAR réapparaît un peu plus loin comme variante de ƷAR–, apparemment de signification similaire). Le quenya arda doit par conséquent venir de *gardā (cette forme primitive est en fait mentionnée en WJ, p. 402), présentant un affermissement médian r > rd et la terminaison –ā, qui peut dénoter quelque chose d’inanimé ; il pourrait aussi s’agir simplement d’une suffixation avec allongement de la voyelle radicale. *Gardā produisit garth en doriathrin (à l’évidence *gardā > #garð > #garth), et le même mot apparaissait manifestement aussi en ilkorin. – L’élément thurian « caché » est clairement une sorte de participe passé se fondant sur le radical verbal THUR-, défini par « encercler, clôturer, garder, enclore, cacher ». Pour expliquer la terminaison –ian, il nous faut probablement faire l’hypothèse d’un verbe primitif #thurjā-, avec une terminaison verbale qui est très bien attestée (donnant le quenya –ya) ; à ce verbe a été ajoutée la terminaison adjectivale / participe passé –nā, ce qui donne #thurjānā > ilkorin thurian.

  • gelion « éclatant », à l’évidence le même mot qui est aussi nom du fleuve Gelion.

Listé en RP, p. 407 s.v. GYEL- ; cependant, le radical n’est pas GYEL-, mais est indiqué être GAL-. Ce dernier radical est listé dans une entrée séparée des « Étymologies »106), où il est dit être une variante de KAL- « briller » (cf. RP, p. 409-410), mais aucun dérivé n’est listé. Gelion pourrait représenter un #Galjānā primitif, combinant les terminaisons adjectivales –jā et –nā. – À une étape ultérieure, Tolkien nota que le Gelion faisait partie des « noms de rivières [qui] nécessitent une révision en mots étymologisables »107), comme s’il ne parvenait pas à penser à une quelconque étymologie appropriée alors. Cela pourrait être lié au rejet de l’ilkorin en tant que langue de Beleriand ; le Gelion devait désormais devenir un mot sindarin doté de sens ou être entièrement rejeté. Divers remplacements possibles sont effectivement listés dans la source que l’on vient de citer108) ; Tolkien considéra même postuler que le nom fut en fait adapté au gris-elfique à partir du nanesque Gabilān « grande rivière ». Le Silmarillion publié retient néanmoins Gelion comme nom de la grande rivière de Beleriand.

  • genglin, pl. de gangel, q.v. (RP, p. 430 s.v. ÑGAN-)
  • go « de, depuis ».

Dérivé du radical ƷŌ̆- « de, depuis, au loin, d’entre, hors de » (RP, p. 408 ; dans une entrée postérieure, Tolkien nota que le radical WŌ̆- « ensemble » n’avait pas de descendant en ilkorin, parce qu’il devenait identique à go- et ne survécut donc pas ; RP, p. 460.) Dans une source plus récente que « Les Étymologies », Tolkien donna le radical primitif pour « de, depuis » comme étant HO plutôt que ƷŌ̆-109). Go- était aussi utilisé comme préfixe patronymique ; Tolkien employa l’exemple go-Thingol « fils de Thingol » - ce qui est un exemple étrange, puisque Thingol n’avait pas de fils, mais uniquement une fille (Lúthien). Mais puisque la signification de base est simplement « de Thingol », cette expression pourrait certainement couvrir aussi bien « fille de Thingol ». – À la même époque, Tolkien affirma aussi que le « h initial disparut en sindarin »110), aussi serait-il difficile de conserver go en tant que mot sindarin si nous devions adapter l’ilkorin pour en faire un dialecte gris-elfique111).

  • gōd « saleté, ordure ».

Le radical WAƷ- « tacher, souiller / tache, souillure »112) donna la forme primitive *wahtē ; il s’agit manifestement d’eldarin commun pour une forme encore plus ancienne (donc en quendien primitif) #waʒtē « une tache », la spirante postérieure Ʒ devenant ultérieurement h (dénotant probablement ici [x] = le ach-Laut allemand) par contact avec l’occlusive sourde t. (Comparer avec le quendien primitif *maʒ-tā, donnant l’eldarin commun *mahtā́- ; voir RP, p. 422 s.v. MAƷ-.)113) La terminaison –tē est très rare mais peut apparemment être utilisée pour dériver des mots désignant quelque chose de produit au moyen de l’action verbale dénotée par le radical (comparer avec #kirtē « coupure, rune », dérivé de *kir- « couper » ; WJ, p. 396. Si les gloses de Tolkien pour le radical WAƷ- sont considérées comme des verbes « tacher, souiller » plutôt que des noms, *wahtē pourrait être une formation similaire.) À l’évidence, waht- devint anciennement wāt-, le h étant perdu et la voyelle précédente allongée par compensation, le ā long devenant plus tard ô (cf. ôr, tôr), tandis que –t était régulièrement voisé en –d après les voyelles. Le ht primitif ne se développe pas ainsi en sindarin ; au lieu que le h soit perdu et que la voyelle précédente soit allongée, ht était assimilé en tt en vieux sindarin, devenant ultérieurement th en sindarin classique (le terme apparenté à l’ilkorin gôd étant gwath). – Il est clair que le w- originel donna gw- à une étape primitive (et ici l’ilkorin suit bien le sindarin). Presque tous les mots en gw- listés ci-dessous viennent de radicaux en W- (ce n’est que dans les cas de gwên et gwene que le radical débutait originellement par GW-). Devant o, gw se réduisait en g- (d’où gôd < #gwôt < #gwât- < #wāt- < *wahtē).

  • gōda- « souiller, salir ».

Dérivé du radical WAƷ- [ou VAG-, cf. gōd, N.d.T.], de signification similaire114) ; une forme primitive est dite être *wahtā- (eldarin commun pour une forme #waʒtā- en quendien primitif ?), présentant la fréquente terminaison verbale –tā. Tolkien imagina probablement un développement ressemblant à *wahtā > #gwāta > #gwōta- > #gōda-. Normalement, le –ā final ne donnerait pas -a en ilkorin (voir par ex. gweð, q.v., et non **gweða, dérivé du primitif *wedā). Le tiret après gōda- pourrait suggérer qu’il n’est pas vraiment final, mais que quelque terminaison pronominale ou flexionnelle suivrait. En tant que mot indépendant, gōda pourrait en fait signifier « #il souille, salit » ; concernant la terminaison –a signifiant « il » et « présent », voir taga.

  • gôr « souillé, sale ».

Encore un dérivé de WAƷ- « tacher, souiller / tache, souillure »115) ; sa forme primitive est dite être *waʒrā, avec une terminaison adjectivale bien attestée (comparer par exemple avec *ubrā « abondant », dérivé du radical UB- « abonder » ; RP, p. 455). *Waʒrā devint #wārā lorsque la spirante postérieure ʒ tomba devant une consonne et que la voyelle précédente fut allongée par compensation (comparer avec #taʒrā > *tārā, voir tôr). Le w se transforma plus tard en gw, mais lorsque le ā devint un ô long, le gw précédent donna g. Comparer avec gôd, gōda- ci-dessus.

  • gwath « pénombre, ombre ».

C’est aussi la glose du radical WATH-116) ; aucune forme primitive n’est donnée, mais le vieux sindarin (« vieux noldorin ») watha pointe vers #wathā. La terminaison –ā est employée ici pour dériver un nom inanimé (comparer avec gweð < *wedā « lien » ci-dessous). Dans ce mot et les suivants, gw persiste pour les w- primitifs (au lieu de devenir g devant o comme dans gôd, gōda-, gôr ci-dessus). – La forme gwethion apparaissant dans le nom Urthin Gwethion (q.v.) pourrait être le génitif pluriel de gwath : noter la métaphonie en i changeant a en e.

  • gwau « vent ».

L’entrée correspondante des « Étymologies » donne WĀ-, WAWA-, WAIWA- (RP, p. 456, défini par « souffler »), désignant apparemment un radical simple WĀ- apparaissant aussi sous forme redoublée WAWA-, ce dernier pouvant aussi avoir une infixation en i produisant WAIWA-. Le quenya vaiwa (archaïque waiwa) et le sindarin gwaew doit venir de #waiwā, mais l’ilkorin gwau représente plutôt WAWA-.

  • gweð « attache ».

Dérivé d’un *wedā primitif, du radical WED- « attacher »117), doté d’une terminaison qui est souvent adjectivale mais peut aussi servir à former des noms inanimés, comme ici. Il est préférable de considérer *wedā comme une formation agentive impersonnelle : un « lien » étant une chose qui fonctionne comme un « lieur ». (Comparer avec *mapā ; voir mâb.)

  • gwelm « air, air inférieur, distinct de l’air “supérieur” des étoiles et de l’air “extérieur” »

Le radical WIL-118) est défini par « voler, flotter dans l’air » ; le q. pr. *wilmā (> q. wilma) possède la terminaison –mā, souvent utilisée pour former des noms dénotant des objets concrets inanimés (cf. taum), mais qui sert parfois — comme ici — à dénoter des substances, le seul autre exemple attesté étant *sagmā119). Le g- originel donna gw- à une étape primitive, tandis que le –ā final déclencha une métaphonie i > e avant de disparaître, produisant la forme gwelm. Contrairement à talum (q.v.), le –m final ne semble pas être devenu syllabique, à moins qu’il ne faille supposer que gwelm appartienne à une période plus ancienne de l’ilkorin, et qu’il ait ensuite donné #gwel-m > #gwelum.

  • [gwelo, aussi gwelu, « air, air inférieur » (dit être « distinct de l’air “supérieur” des étoiles, ou de l’air “extérieur” – cela renvoie à la cosmologie inventée par Tolkien, ou à une étape de celle-ci).

Le radical WIL- est défini par « voler, flotter dans l’air » ; le mot primitif *wilwā (> quenya wilwa) ressemble formellement à un adjectif (terminaison –wā, voir adu), mais se veut clairement être un nom. Avant que le –ā final ne disparaisse, il changea i en e par métaphonie (comparer avec rest, q.v., dérivé de rista-). Après la perte de la voyelle finale, une forme #gwelw pourrait être apparue (le w initial étant déjà devenu gw) ; la semi-voyelle finale –w devint alors une voyelle pleine u, produisant gwelu, le –u final se changeant ultérieurement en –o, d’où la forme gwelo. Comparer avec ado, antérieurement adu.]120)

  • gwen « fille ».

Le radical WEN- « demoiselle »121) possède aussi une forme longue WENED- (avec ómataina, c’est-à-dire voyelle radicale redoublée et suffixée, ainsi qu’un –D suffixé). Ce radical étendu se retrouve dans le quenya vendë (< #wendē), mais Tolkien argua qu’il devait aussi y avoir eu une forme primitive simple *wen- (le tiret suggérant une voyelle finale tombant ultérieurement), et il cita la forme ilkorine gwen comme preuve de l’existence d’une telle forme. Cela semble indiquer que le –nd final n’était pas réduit en –n en ilkorin (ce que confirment des exemples comme lind, rond, thind et tund, q.v.) ; gwen ne pourrait donc pas être directement apparenté au quenya vendë, car autrement il apparaîtrait sous la forme **gwend.

  • gwên « verdeur, verdure ».

Ce mot, de même que gwene ci-dessous, est dérivé d’un radical où le gw- initial est originel et pas une élaboration ultérieure du w- primitif. Le radical GWEN- n’est pas défini lui-même – Tolkien nota seulement qu’il n’était pas lié à WEN(ED)- « demoiselle » (voir gwen ci-dessus) – mais les dérivés de GWEN- sont en rapport avec la verdeur et la fraicheur. L’ilkorin gwên est évidemment apparenté au quenya wén « verdeur, jeunesse, fraîcheur », indiquant peut-être une forme quendienne primitive #gwene, #gwēn en eldarin commun (comparer avec le q. pr. *kwene « personne » > eld. com. kwēn, quenya quén ; WJ, p. 360-361). Les anciens ā, ō longs deviennent ô, û en ilkorin (voir ôr, dûm), exactement comme en sindarin, et puisque le sindarin change les ē longs en î, nous pourrions nous attendre à ce qu’une forme antérieure #gwēn produise **gwîn en ilkorin. Ce n’est cependant pas le cas, gwên restant simplement inchangé. (Cf. *terḗwā donnant l’ilkorin trêw, q.v., contrairement au « noldorin » / sindarin trîw.) Le , long n’est en fait pas attesté dans un seul mot ilkorin.

  • gwene « vert ».

Dérivé du même radical non défini GWEN- que gwên ci-dessus122). Il est sûrement apparenté au quenya wenya « vert, jaune-vert, frais », indiquant une forme primitive #gwenjā. Après la perte du –ā final, la semi-voyelle constituant désormais la terminaison de #gwenj se transforma en une voyelle pleine, produisant à l’évidence #gweni en vieil ilkorin (cf. gwini, q.v., quoique ce mot ait été biffé). Plus tard, le –i final se transforma en –e, d’où la forme attestée gwene (mais probablement toujours gweni- comme premier élément des composés). Ce développement possède des parallèles avec celui du *-w final donnant –u puis –o dans des mots comme adu, ado « double » (mais seulement adu- dans des composés comme Adurant, puisque le –u n’y est pas final). Dans les composés, le mot gwene est en fait uniquement attesté comme élément final, dans le nom Duilwen « #Rivière-Verte », dans lequel –wen est apparemment une forme réduite de gwene. (Une occlusive voisée suivant une liquide comme l se transforme normalement en spirante, voir les mots alch, erð, aussi cette forme pourrait avoir été #Duilghwen à une étape antérieure, le gh étant subséquemment perdu comme en sindarin. Le mot tūgh > , q.v., démontre que l’ilkorin possédait à une période la spirante gh et la perdit ultérieurement.)

  • Gwethion « #Terre de l’ombre » ?

Il s’agit d’un toponyme possiblement supposé remplacer Urthin ; la formulation de Tolkien n’est pas claire. Dérivé du radical WATH- « ombre »123), ce nom présente l’enrichissement ilkorin régulier du w- initial en gw-, plus la terminaison –ion qui apparaît dans le nom de certaines régions ; le i de cette terminaison déclenche une métaphonie changeant la voyelle radicale a en e. Cependant, il est aussi possible que Tolkien ait voulu avoir le nom Urthin Gwethion, qui pourrait s’interpréter par « Montagnes des Ombres » si nous considérons gwethion comme le génitif pluriel de gwath (q.v.)

  • gwilwering « papillon ».

Le radical de base est WIL- « voler, flotter dans l’air »124) ; le reste de ce mot est relativement obscur. L’ilkorin gwilwering, quenya wilwarin (wilwarind-), telerin vilverin et « noldorin » / sindarin gwilwileth ne peuvent tous être apparentés ; ce dernier représente à l’évidence un radical redoublé WIL-WIL (combiné avec la terminaison féminine –eth). L’élément médian des mots en ilkorin, en quenya et en telerin, apparaissant diversement sous les formes -wer-, -war- et -ver-, est difficile à expliquer ; le quenya wilwarin suggère que la voyelle médiale originelle était a, donnant e en ilkorin par métaphonie déclenchée par le i dans la syllabe suivante. Le quenya wilwarin peut se décomposer en wilwa-rin, le premier élément signifiant « air » (apparenté à l’ilkorin gwelo, q.v.) et l’élément final étant obscur. Si d’un autre côté nous considérons -in(d)- être un suffixe indépendant, il peut s’analyser comme terminaison féminine (voir certains noms comme Serindë), correspondant sémantiquement au sindarin –eth dans gwilwileth. Contrairement à –eth, le –ing de l’ilkorin gwilwering est apparemment apparenté au quenya -ind- ; pour cette (rare) correspondance ng = nd, comparer avec gangel « harpe » = quenya ñandellë. Dans les deux cas, ce changement pourrait être dû à une assimilation (en g, qui apparaît ailleurs dans ce mot).

  • [gwind « bleu pâle » (VT 45, p. 16 s.v. GWINDI-).]

Ce terme fut supprimé avec l’ensemble de l’entrée correspondante. L’adjectif ilkorin dérivait sans doute directement d’un q. prim. gwindī, à moins qu’il n’ait été directement formé sur la racine.

  • gwing « embrun, écume volante ».

Dérivé du radical non défini WIG-125) ; le *wingē primitif présente une infixation nasale et une terminaison –ē qui n’a pas de signification bien définie ; ici, il pourrait être pertinent qu’elle survienne dans des mots désignant un certain nombre de substances (voir brith, maig). La dérivation de *wingē à partir de WIG- présente des parallèles avec celle de *slingē « toile d’araignée, arantèle » à partir de SLIG- (RP, p. 442, un autre radical non défini). Dans certains textes tardifs, Tolkien envisagea de retirer le quenya wingë et le sindarin gwing (l’ilkorin n’existait plus) des langues elfiques, en en faisant à la place un mot de la langue humaine du peuple de Bëor (PM, p. 370 ; la forme bëorienne originelle étant dite être wing). La décision finale de Tolkien semble cependant avoir été que wing- reste un mot elfique. Il proposa dorénavant une étymologie dans laquelle il était apparenté au mot quenya winta- « disperser »126) ; cela requiert probablement un radical #WIN, car le radical WIG- donné dans « Les Étymologies » pourrait difficilement être la base d’un mot haut-elfique winta-. Un radical WIN- est effectivement listé dans les Étym.127), mais il fut biffé et aurait en tout cas difficilement pu générer un mot pour « embrun », pour des raisons sémantiques (voir gwini ci-dessous).

  • [gwini, ultérieurement gwine « soir »]

Dans « Les Étymologies », l’entrée entière du radical WIN- / WIND- fut biffée par Tolkien128). Il est probable que ce radical non défini signifiait essentiellement la même chose que le premier mot listé : primitif *windi « gris-bleu, bleu ou gris pâle ». Gwini, gwine est cependant dérivé de *winjā (orthographié *winyā en RP, p. 459). Par sa forme, le *winjā primitif serait certainement un verbe ou un adjectif (terminaison –jā) ; cependant, tous ses descendants dans les différentes langues sont des noms pour « soir ». Ce développement est similaire à celui de gwene (q.v.) : après la perte de la voyelle finale –ā, le –j désormais final devint d’abord –i puis –e129).

  • gwo- « ensemble » (RP, p. 459-460 s.v. W-), préfixe apparaissant apparemment en vieil ilkorin, mais qui fut plus tard perdu lorsque le w tomba devant o (cf. gôd), ce préfixe ne pouvant plus se distinguer de go, go- « de, depuis » (q.v.)

La voyelle longue du radical W- doit avoir été abrégée dans ce préfixe (parce qu’elle était inaccentuée ?) ; autrement, elle serait devenu un û long à la période ilkorine. Comparer avec dûm, q.v., dérivé de *dōmi-.

H

  • hest « capitaine ».

>Ce terme, qualifié de « ? bel[eriandique] », dérive de KHES-, un radical glosé « commander », fourni par le VT 45, p. 22. S’il s’agit bien d’un terme ilkorin, ce serait le seul à dériver d’un radical en KH- ; il semble montrer que l’ilkorin, comme le doriathrin et le « noldorin » / sindarin voyait les kh- primitifs devenir h-. Le terme (quenya ?) hesto pointe vers une forme primitive #khes-tō, avec une terminaison agentive –tō bien attestée ; cf. q. anto « donneur »130), atto « papa »131), aráto « champion, homme éminent »132). Comme pour rest (q.v.), la voyelle finale disparaît et le groupe consonantique –st reste inchangé en ilkorin.

I

  • -in terminaison plurielle vue dans adar pl. edrin, aman pl. emnin, boron pl. burnin, gangel pl. genglin, talum pl. telmin.

Le quendien primitif originel possédait une terminaison plurielle –ī (comme dans *kwendī « Quendi, Elfes » ; WJ, p. 360). Il existait aussi un élément pluriel –m ; RP, p. 408 s.v. ƷŌ̆- fait référence à ce « pluriel en m). Comment et quand ce –m était employé à l’origine n’est pas clair. Il est tentant de supposer que –in représente d’une certaine façon –ī-m, les deux morphèmes pluriels primitifs combinés, quoique le –m final ou post-vocalique ne devienne normalement pas –n en ilkorin. Cette terminaison plurielle –in se trouve aussi en doriathrin et en westron.

  • -ion semblerait être la terminaison génitive plurielle, cf. Dor-thonion « Terre des pins », Torthurnion « Roi des aigles », Urthin Gwethion « #Montagnes des Ombres ».

Le quenya possède la même terminaison ; dans cette langue, elle représente la terminaison plurielle i + marque du génitif o + une autre marque du plurielle n. Voir WJ, p. 368, 407 ; cf. RP, p. 408 s.v. ƷŌ̆-. Nous pouvons supposer que la terminaison ilkorine possède plus ou moins la même étymologie. Voir aussi –a (la terminaison du génitif singulier).

  • istel, istil « lumière argentée, appliquée à la lumière des étoiles par les Ilkorins » (RP, p. 441 s.v. SIL-)

Bien qu’il soit indiqué s’agir d’une forme doriathrine, il paraît utile de l’inclure ici, puisqu’elle est dite employée par les Ilkorins. Voir l’entrée correspondante dans le lexique doriathrin pour la dérivation de ce mot.

L

  • laig « aigu, aiguisé, pointu, frais, actif ».

Le radical LAIK- est défini par « aigu, aiguisé, pointu »133) ; la forme quenya correspondante est dite être **laike, mais il s’agit presque à coup sûr d’une erreur de lecture pour laika (confondu par l’éditeur avec le nom laike « perspicacité, finesse de perception » ? [La version française corrige cette erreur, qui a été confirmée en VT 45, p. 25, N.d.T.] Une forme laika est réellement mentionnée en RP, p. 418 s.v. LÁYAK-, où l’éditeur propose à juste titre une référence croisée vers l’entrée LAIK-.) Le mot quenya corrigé pointe vers une forme primitive #laikā, avec la fréquente terminaison adjectivale –ā. Tolkien indiqua que laig ne descendait pas seulement de #laikā mais aussi de *lai̯k-wā « vert », ce dernier étant dérivé du radical distinct LÁYAK-134)135) et présentant la terminaison adjectivale –wā (voir adu à ce sujet). Tant #laika que *lai̯k-wā deviendraient laig en ilkorin, puisque après la perte des voyelles finales, le kw désormais final était manifestement dé-vélarisé en un simple –k (comparer avec alch, salch) ; #laikā et *lai̯k-wā fusionnèrent donc en laik, qui devint à son tour laig. À l’évidence, il y eut aussi une fusion sémantique, le « aigu, aiguisé, pointu » de #laikā étant influencé par le « vert » de *lai̯k-wā, générant l’idée de quelque chose de « frais » ou d’« actif »136).

  • lalm, pl. lelmin « orme » (même mot en ilkorin et doriathrin ; cf. RP, p. 417 s.v. LÁLAM-)

Dérivé du radical ÁLAM-137) ou LÁLAM-138), de même signification. Tolkien ajouta que certains estimaient ce radical être lié à ALA, « puisque l’orme était considéré comme béni et très apprécié des Eldar »139) Probablement au même moment, il créa un radical AL-, dont les dérivés sont en rapport avec la bonne fortune. Il supprima néanmoins cette entrée par la suite, optant manifestement pour l’orthographe GALA- au final140). Cela semble rendre incompatible tout lien entre les deux radicaux, les G- initiaux étant préservés en ilkorin (cf. gelion). Il faut plutôt voir LÁLAM- comme une forme avec réduplication de LAM-141), qui n’est pas défini en soit, mais dont tous les dérivés sont en lien avec le son et l’écho. La réduplication de la première consonne et de la sundóma d’une base quendienne primitive indiquait normalement une action longue ou répétitive142). Ainsi, l’orme serait un arbre dont les feuilles bruiraient continuellement, allusion possible à la taille et à l’ampleur du feuillage de ces arbres. Le q. lalme semble pointer vers une forme primitive #lálamē, qui aurait régulièrement donné l’ilk. lalm par la chute des voyelles médiale et finale. Le pluriel lelmin est lui aussi régulier, la terminaison –in déclenchant une métaphonie de la voyelle initiale a > e.

  • legol « agile, actif, courant librement ».

Le radical LEK- est défini par « lâcher, relâcher, libérer »143). Il nous faut probablement supposer l’existence d’une forme primitive #lekla, qui peut être comparée à hekla « toute chose (ou personne) mise de côté », en lien avec l’élément primitif HEKE « de côté »144). Un #lekla serait alors « toute chose (ou personne) qui est agile, active, courant librement » (puisque la terminaison –la semble signifier « chose ou personne »). Puisque legol est un adjectif plutôt qu’un nom, il pourrait aussi renvoyer à #leklā, une forme adjectivale de #lekla, exactement comme hekla est dit posséder une forme adjectivale *heklā145). Après la perte des –a et –ā finaux, la consonne terminale de #lekl devint manifestement syllabique (prononcée lek-l, de façon similaire à l’anglais little, qui se dit lit-l), mais de telles consonnes syllabiques n’étaient apparemment pas appréciées dans les langues eldarines, car dans tous les cas connus une nouvelle voyelle se développa devant celles-ci. En ilkorin (et en sindarin), cette voyelle était o, d’où #lekl > #lekol > legol, ou alternativement #lekl > #legl > legol si le voisement des occlusives sourdes post-vocaliques avait lieu avant que se développe la nouvelle voyelle (comparer avec makla « épée » > #makl > sindarin magl, ultérieurement magol ; d’autres exemples ilkorins comprennent tangol, ungol, ungor (q.v.), dérivés des anciens #tangl, #ungl, #ungr). Legol semble apparaître dans le nom de rivière Legolin ; la terminaison –in pourrait être un suffixe adjectival supplémentaire (voir Ermabin au sujet de cette terminaison).

  • lelmin pl. de lalm, q.v. (RP, p. 391 s.v. ÁLAM-)
  • Lhinnon « Terre musicale », un nom d’Ossiriand ; la vraie forme ilkorine semble être Lindon, q.v.

Dans l’entrée LIN2-146) se trouve la formulation « Lindon, Lhinnon nom ilk. d’Ossiriand ». Une interprétation littérale de cela semblerait indiquer que Lhinnon est un mot ilkorin, aussi doit-il être mentionné ici, mais clairement, Lhinnon ressemble plutôt à du « noldorin » (le « presque-sindarin » des « Étymologies » ; en sindarin du style du SdA, nous nous attendrions à #Linnon). L’intention de Tolkien pourrait avoir été que Lindon soit la forme propre du nom ilkorin et que Lhinnon en soit une adaptation « noldorine ». Souvenons-nous que « Les Étymologies » étaient essentiellement de grossières notes de travail pour Tolkien, pas une œuvre dont il ait envisagé qu’elle soit jamais lue par d’autres, aussi n’avait-il aucune raison de clarifier ce qui était parfaitement évident pour lui.

  • lind « mélodieux, doux ».

Dérivé du radical LIND- « beau (en particulier pour la voix) »147) ; ce radical peut difficilement être séparé de LIN2- « chanter » (d’après « Les Étymologies », ce radical était « originellement » GLIN, mais WJ, p. 382, mentionne un radical primitif *LIN « se référant principalement à un son mélodieux ou plaisant » ; cela s’accorde bien avec la signification de l’ilkorin lind). WJ, p. 382 mentionne aussi une forme affermie lind- qui pourrait fort bien être équivalente à l’entrée LIND- des « Étymologies ». Lind correspond au quenya linda « beau, magnifique », pointant vers une forme primitive *lindā « mélodieux, de son agréable », qui est en fait donnée en RP, p. 442 s.v. SLIN-. La terminaison –a est adjectivale. – Il convient de noter que l’umlaut en a, par laquelle un –ā final peut changer le i ou u le précédant en e ou o, respectivement, n’intervient pas dans ce mot. (Contraster avec son parent « noldorin » lhend, sindarin #lend, où la voyelle a subi la métaphonie. Pour un exemple ilkorin d’umlaut en a, cf. rest < #ristā.) Il semble qu’en ilkorin, une voyelle suivie par n ne subit pas la métaphonie en a ; cf. tund, tung correspondant au « noldorin » / sindarin tond, tong (voir aussi tingla-). Que seul le n et pas les nasales en général ait le pouvoir de neutraliser (ou subséquemment d’annuler l’effet de la métaphonie en a est évident grâce au mot dem < dimbā, où l’umlaut intervient en dépit de la nasale le suivant. Il est aussi possible que l’umlaut en a ait eu lieu l’origine, lind donnant bien #lend à une étape, mais qu’un changement ultérieur ait transformé e, o en i, u devant n (et ñ = ng), comme cela semble être le cas en doriathrin, langue étroitement apparentée – ce changement aurait incidemment annulé l’effet de la métaphonie en a antérieure. Malheureusement, il nous manque un exemple ilkorin pouvant nous dire si les *o, *e originaux (par opposition aux produits de la métaphonie de *u et *i) se transforment aussi en u, i devant n, mais voir le doriathrin cwindor, dérivé de *kwentro. – Dans le mot ilkorin pour « rossignol », murilind, l’élément final est probablement un nom « chanteur » descendant plutôt de #lindē ; voir murilind. Il n’est pas possible de dire si un nom lind « chanteur » apparaissait également en tant que mot indépendant en ilkorin.

  • Lindon, un nom d’Ossiriand. (Concernant la forme Lhinnon, voir cette entrée.)

Tolkien interpréta ce nom de différentes manières au cours des ans. Dans « Les Étymologies », il était défini par « terre musicale » (« à cause de l’eau et des oiseaux »), renvoyant donc au radical LIN2- « chanter »148) ; voir lind ci-dessus au sujet de cette racine. Une forme primitive *Lindān-d est mentionnée ; cela semble être l’adjectif primitif *lindā « mélodieux, de son agréable » (RP, p. 442 s.v. SLIN-), avec une terminaison qui est parfois utilisée pour dériver le nom de pays (comparer avec le sindarin Rochand « Terre des chevaux, Rohan », Ossiriand « Terre des Sept rivières ». – Plus tard, alors que l’ilkorin avait été rejeté en tant que langue de Beleriand, Tolkien transféra le nom Lindon au nandorin (vert-elfique) et le dériva d’un *Lindānā primitif149), qui est clairement Lindā « Linda, Elfe du Troisième Clan » + la terminaison adjectivale bien attestée –nā. Par conséquent, Lindānā signifie simplement « (Terre) des Lindar », « (Terre) lindarine » (nommée d’après les Elfes-verts lindarins qui pénétrèrent en Beleriand et s’établirent en Ossiriand).

  • line « mare, étang ».

Dérivé du radical LIN1-, qui est glosé de même150) ; le terme quenya apparenté linya indique l’existence d’une forme primitive #linjā. La terminaison –jā est généralement employée pour dériver des adjectifs ou des verbes, mais est ici utilisée pour former un nom (comparer avec gwine « soir » < #winjā). Ce développement est parallèle à celui de gwini > gwine et gwene : #linjā > #linj > vieil ilkorin #lini > line tardif.

M

  • mâb « main » (VT 45, p. 32 s.v. MAP-).

Pas directement apparenté au quenya , quoiqu’au final, le radical MAP- « mettre la main sur, saisir » soit probablement en lien avec MAƷ-, le radical à l’origine de ce mot quenya (les deux radicaux sont listés en RP, p. 422-423). La forme primitive est dite être *mapā, la terminaison –ā étant ici simplement substantive (il s’agit possiblement d’une suffixation avec allongement de la voyelle radicale). Un *mapā est apparemment « #ce qui saisit ». Comparer avec *wedā « #ce qui lie » = un lien ; voir gweð.

  • Mablosgen « à la main vide », épithète de Beren qui revint à Menegroth sans le Silmaril, correspondant au sindarin Camlost.

Listé en RP, p. 423 s.v. MAP-, où nous trouvons aussi le premier élément de ce nom : mâb « main ». L’élément los représente apparemment #lustā « vide », apparenté au quenya lusta (RP, p. 421, radical LUS-) ; noter comment le *-ā final originel fait que u devient o par métaphonie. La terminaison –en pourrait être adjectivale, représentant un –inā primitif, mais l’origine du g intermédiaire (Mablosgen) n’est pas claire. Peut-être losg représente-t-il #luskā plutôt que #lustā, vu que –kā est aussi une terminaison adjectivale. Une forme alternative Mablothren est listée à l’entrée LUS-, quoique sa langue d’appartenance soit incertaine ; ce terme représente évidemment mâb + lost + -ren, ce dernier étant peut-être une variante de la terminaison adjectivale –rin, comme dans Ermabrin (un autre des surnoms de Beren). En sindarin, -ren est la forme normale de la terminaison en question.

  • maig1 « pâte ».

Dérivé du radical verbal MASAG- « pétrir, rendre doux par frottement, pétrissage, etc. »151). MASAG- semble être une extension d’un radical plus simple #MAS, dont le radical synonyme MBAS- « pétrir »152) pourrait être une forme affermie. Une forme primitive de maig est dite être *mazgē ; la terminaison –ē peut parfois dénoter une substance (voir brith, gwing). *Mazgē est par conséquent une « #substance pétrie ». La forme primitive la plus ancienne était probablement #masgē, avant que le s du radical MASAG- ne soit voisé en z par contact avec l’occlusive voisée g qui suit. D’après les informations en WJ, p. 403, la forme originelle du nom de la Vala Estë était *esdē, devenant *ezdē en eldarin commun ; dans cette optique, *mazgē pourrait aussi être considérée comme une forme eldarine commune. – Comme en vieux sindarin, les z suivis par une consonne devenaient i en ilkorin, fusionnant avec la voyelle les précédant pour produire une diphtongue, ai dans le présent cas. D’où *mazgē > maig153).

  • maig2 «doux, flexible » (VT 45, p. 32 s.v. MASAG-).

Dérivé de MASAG- « pétrir, rendre doux par frottement, pétrissage, etc. »154) par l’intermédiaire du q. prim. mazgā « doux ». Voir maig1 pour la dérivation.

  • môr « nuit ».

Dérivé du radical bien connu MOR- « sombre, noir », n’étant pas traduit explicitement en RP, p. 425-426, mais voir L, p. 382. Une forme primitive mori est donnée dans ces deux sources, glosée « noir » en RP, p. 425 et « sombre(ur) » en L, p. 382. Puisque la terminaison –i est souvent utilisée pour dériver des adjectifs de couleur, les gloses « noir, sombre » sont probablement les plus littérales, mais selon les Lettres on notera que mori peut aussi être un nom abstrait « pénombre, ténèbres ». Cela explique qu’il puisse donner le nom « nuit » en ilkorin. (En RP, p. 453, où un emprunt « noldorin » à l’ilkorin est discuté, Tolkien souligna que « mori n’était pas = “nuit” en n[oldorin] », dans un contexte qui sous-entend que « nuit » est précisément sa signification en ilkorin.) Mori deviendrait #more en eldarin commun, ce qui est toujours la forme employée en quenya, mais, comme d’habitude, la voyelle finale tomba en ilkorin. À une période ultérieure, la voyelle du monosyllabe résultant #mor fut allongée et donna môr ; nous savons qu’il s’agit d’un changement tardif, car un ō long ancien serait devenu û en ilkorin (cf. dûm < *dōmi-). Un tel allongement n’a lieu que lorsqu’il n’y a qu’une consonne après la voyelle (donc pas dans des mots comme rant, tass) et elle n’intervient mystérieusement pas dans quelques mots (bel, tal). Pour un exemple similaire d’allongement tardif, voir tāch.

  • murilind ou myrilind, aussi murlind ou myrlind, « rossignol » (RP, p. 425-426 s.v. MOR-, voir aussi RP, p. 452-453 ; VT 45, p. 35).

(La forme **murulind en LRW, p. 373 s.v. MOR- est clairement une erreur de lecture pour murilind, comme en RP, p. 452 ; comparer avec la forme alternative myrilind mentionnée juste après, et aussi avec le quenya morilindë juste avant.)155) Le dernier élément de tous ces mots ilkorins, lind, signifie à l’évidence « chanteur ». Dans ce cas, il est apparenté, mais pas identique à l’adjectif lind « mélodieux, doux » (q.v.), qui descend de *lindā. Le quenya morilindë indique que le lind de murilind, etc. descend de #lindē. Comparer avec le terme linde « chanteur / chantant » (manifestement vieux sindarin) mentionné en WJ, p. 309, pointant dans la même direction. Le radical est visiblement LIN, employé en référence à un « son mélodieux ou plaisant » (voir lind pour la référence). Dans #lindē, le radical est affermi en lind- ; la terminaison –ē peut être considérée comme féminine (et alors probablement agentive) ou abstraite. Suivant la première interprétation, #lindē signifie « chanteuse », contrepartie du masculin #lindō (d’où vient le quenya lindo « chanteur, oiseau chanteur » ; RP, p. 420 s.v. LIN2-). – Le premier élément de ces mots pour « rossignol », diversement muri-, myri-, mur- ou myr- semble signifier « nuit », et est donc une variante de môr « nuit » ci-dessus156). En RP, p. 452-453, Tolkien sous-entend que le premier élément de murilind représente le *mori primitif, de même que môr. Il semblerait que *mori se développait d’une manière différente lorsqu’il était employé en tant que premier élément d’un composé ; le –i n’était pas final et ne tombait donc pas. En tant qu’élément de #morilindē, *mori- devint manifestement muri-, car le i fit que le o originel subit une métaphonie et donna u ; concernant cet umlaut, comparer avec boron pl. burnin et thoron pl. thurnin. Il semblerait que l’inflexion métaphonique continua et finit par changer le u en y, puisque Tolkien indiqua que murilind apparaissait (plus tard ou dans un autre dialecte ?) sous la forme myrilind. Les formes courtes murlind et myrlind sont soit des raccourcissements de murilind et myrilind, soit représentent une forme primitive courte #morlindē, avec préfixation directe du radical MOR- « sombre, noir » à #lindē. Dans ce cas, la métaphonie o > u > y doit ici être causée par le i du deuxième élément lind157).

N

  • nan- « #champ, vallée » (RP, p. 399 s.v. DAY-)

Extrait de Nan-dairon (q.v.). Dans un composé ne commençant pas par d- ou en tant que mot indépendant, ce terme s’écrirait plutôt #nand, les –nd finaux n’étant pas réduits en –n en ilkorin (cf. gwen).

  • Nan-dairon « #Vallée de Dairon » (RP, p. 399 s.v. DAY-)

Composé de Dairon (q.v.) et nan(d) « champ, vallée », nom attesté en doriathrin et dérivé du radical non défini NAD-158). Le quenya nanda « prairie humide » semble pointer vers une forme primitive #nandā avec infixation nasale et terminaison –ā, dénotant ici quelque chose d’inanimé.

O

  • olg « hideux, horrible ».

Le radical ÚLUG-159) n’est pas défini ; il pourrait s’agir d’une forme étendue du radical simple #UL qui pourrait sous-tendre le mot quenya ulca « maléfique » (comme dans henulca « à l’œil maléfique » ; SD, p. 68, cf. « Qenya Lexicon », PE 12, p. 97). Le terme telerin apparenté ulga pointe vers une forme primitive #ulgā avec la terminaison adjectivale –ā. L’ancienne présence de cette terminaison se voit par le fait que le #u originel subit une métaphonie le transformant en o.

  • ôr « sang ».

C’est aussi la signification du radical YAR-160)161) Dans les sources tardives, apparaissent des mots pour « sang » qui ne peuvent être dérivés de YAR- : les sindarin sereg et quenya sercë, indiquant l’existence d’une forme primitive #serekē (voir sereg dans l’Appendice du Silmarillion). En ilkorin, ce mot serait devenu #serch.

  • oth « guerre ».

L’entrée OKTĀ- apparaissant dans « Les Étymologies »162) n’est pas tant un « radical » qu’un mot primitif véritable. Comme confirmé par la référence croisée de Tolkien, le vrai radical est KOT- (ou KOTH, d’après une révision) « se quereller »163). OKTĀ- est une forme réarrangée de ce radical, la voyelle radicale étant préfixée plutôt que de se trouver entre les deux premières consonnes (concernant de tels réarrangements, voir esg)164). La terminaison –ā pourrait n’être que substantive ici (elle est normalement utilisée pour dériver des noms concrets, pas ici où il s’agit d’une abstraction). Le groupe primitif kt donne th en ilkorin, peut-être par le biais d’une assimilation de *tt (comparer avec brith, dérivé de *b’rittē, pour le développement tt > th). C’est un développement assez différent du sindarin, où #oktā devient (#oktha > #outha > #outh >) auth165).

R

  • Ramdal, forme alternative de Rhamdal (q.v.), correspondant probablement à l’orthographe ilkorine originelle de ce toponyme.
  • rant « flux, cours d’une rivière » (aussi attesté comme élément final du nom de rivière Adurant).

Le radical RAT- est glosé « marche(r) »166) ; la signification du verbe « noldorin » / sindarin rado « faire un chemin, trouver un chemin » mérite aussi d’être notée : un cours d’eau est là où l’eau se fait un chemin. Il nous faut probablement supposer l’existence d’une forme primitive #rantā, une variante avec infixation nasale de *ratā « chemin, sentier », ou alternativement de #rantē, avec une terminaison –ē, qui dénote parfois un lieu (cf. dor « terre » < *ndorē).

  • rest « coupure ».

Dans « Les Étymologies », Tolkien fit deux entrée pour le radical RIS-167), le glosant d’abord « taillader, déchirer, arracher », puis « couper, fendre ». Une forme primitive est dite être rista-, apparemment un verbe « couper » comme son descendant quenya, identique ; il nous faudrait probablement lire #ristā- avec une voyelle finale longue, puisque un –a final court n’aurait pas survécu pour donner le quenya rista-. Ce mot peut s’utiliser tant comme verbe « couper » que comme nom « coupure », et l’ilkorin rest doit aussi dériver de #ristā utilisé comme nom. Le *-ā final déclencha une métaphonie avant de disparaître, changeant *i en e (comparer avec l’umlaut *u > o dans #ulgā > olg, q.v.).

  • Rhamdal « Fin du mur », forme alternative de Ramdal, nom de l’extrémité orientale d’Andram, la falaise séparant le nord du Beleriand du sud (RP, p. 447 s.v. TAL-)

Le deuxième élément de ce nom est l’ilk. tal « pied » (q.v.), dont la consonne initiale est manifestement lénifiée en d après une occlusive voisée. Dans l’entrée TAL-, il est précisé que l’élément rhamb (ici simplifié en rham- pour éviter le groupe médian *mbt > *mbd) dérive du q. pr. *rambā, radical RAB-[2] (RP, p. 438 s.v. RAMBĀ- ; VT 46, p. 10). Ce radical n’est pas défini en soi, mais les mots qui en dérivent désignent des falaises et des berges de rivière. Le h de rham- est très difficile à expliquer : il s’agit du seul mot ilkorin dérivant d’un radical en R- qui développe un rh- initial. Il s’agit en revanche d’un développement noldorin régulier et les termes rhamb, rham sont d’ailleurs listés comme étant noldorins en RP, p. 438. Il convient aussi de remarquer que l’orthographe Ramdal est attestée à deux endroits dans la Route perdue, p. 297. On sait enfin que « tous les noms du Beleriand sont donnés sous leur forme noldorine », mais que la plupart sont issus des langues beleriandiques168). En conséquence, il convient probablement de considérer que Rhamdal est l’adaptation du nom originel de ce toponyme à la phonologie du noldorin. Le véritable nom ilkorin signifiant « mur, muraille » serait donc #ramb, #ram (cf. trumb, trum pour la simplification tardive –mb > –m).

  • rond « toit en dôme » (RP, p. 439-440 s.v. ROD-), aussi traduit par « voûte » lorsqu’il fait partie du nom Elrond « voûte du ciel ».

Voir Elrond pour les différentes étymologies que Tolkien proposa pour ce mot ; celle donnée dans « Les Étymologies » diffère de la version plus tardive, lorsque Elrond était devenu un nom sindarin.

S

  • salch « herbe ».

L’entrée correspondante dans « Les Étymologies » est SALÁK-(WĒ)169), qui semble indiquer un radical SALÁK- avec une terminaison –wē ; le quenya salquë et le vieux « noldorin » / sindarin salape suggère de même une forme primitive #salakwē. La terminaison –wē est quelque peu surprenante ; RP, p. 458 s.v. WEG- mentionne un « suffixe abstrait » -wē, mais « herbe » n’est manifestement pas abstrait. Cependant, cette terminaison se voit aussi pour certains objets concrets, comme atakwē « construction »170). Le développement est apparemment supposé être #salakwē > #salkwê > #salkw > #salk > ilkorin salch. Comparer avec alch « cygne », dérivé d’alk-wā. Nous rencontrons à nouveau le problème de kw / p si l’ilkorin devait être adopté comme une forme de sindarin ; voir alch.

  • saum « vaisseau à boisson ».

Le radical SUK- signifie « boire / boisson »171) ; la forme primitive est dite être *sukmā, présentant « un suffixe fréquent dans les noms d’outils » (voir WJ, p. 416, où est mentionné *julmā, un mot primitif synonyme, dérivé d’un autre radical pour « boire / boisson »). Pour mieux comprendre le développement du uk primitif + nasale > ilkorin au + nasale, il nous faut réaliser que *sukmā apparaîtrait ultérieurement sous la forme #sokma, puisque le A final déclencherait une métaphonie dans la voyelle radicale. Comparer avec l’ilkorin caun < coun (q.v.), de l’ancien kogna, dérivé au final d’un *kuʒnā primitif, radical KUƷ-. Il se pourrait que #sokma ait plus tard pris la forme #sogma, si (comme au cours de l’évolution du sindarin) les k devinrent g devant les nasales. Dans ce cas, l’évolution de #sogma en saum serait parallèle à celle de kogna en coun > caun (et nous devons par conséquent faire l’hypothèse que saum était #soum en vieil ilkorin).

T

  • tāch « ferme, raide, solide »172).

Puisque ce mot est presque synonyme avec le quenya tanca et le « noldorin » / sindarin tanc, et qu’il est de plus dérivé du même radical TAK- « fixer, faire tenir »173), il serait tentant de supposer que les trois mots sont parents. Tanca, tanc sont sûrement dérivés de #tankā (avec infixation nasale et –ā adjectival). La spirante ch du mot ilkorin représente probablement un ancien #kk ; comparer avec th, dérivé d’un ancien #tt dans brith < #b’rittē. Mais pouvons-nous changer #tankā en #takka ? Une assimilation nk > kk n’est pas invraisemblable en soi (elle a lieu en adûnaïque ; SD, p. 420). Mais plus loin dans la même entrée des « Étymologies », Tolkien dériva l’ilkorin tangol « épingle, broche » de *tankla. Ici, nk ne devient pas kk, ou nous nous attendrions à voir **tachol (comme en « noldorin » / sindarin). Il semble donc que tāch ne puisse être directement apparenté à tanca, tanc < #tankā. Il nous faut plutôt renvoyer ce mot ilkorin vers un adjectif primitif distinct #takkā, peut-être le radical TAK- avec une terminaison adjectivale –kā (voir par ex. poikā « propre », dérivé du radical POY- ; RP, p. 437), ou alternativement TAK- avec un affermissement médian k > kk et la terminaison adjectivale –ā). – Lorsque la voyelle finale tomba et qu’il ne resta qu’un monosyllabe, la voyelle radicale fut allongée pour produire tāch. Ce changement était tardif, puisque les anciens ā longs donnaient ô en ilkorin (voir ôr, tôr). Pour un autre exemple d’allongement tardif de la voyelle radicale dans un monosyllabe, voir môr.

  • taga « il fixe, construit, fabrique ».

Le radical TAK- signifie approximativement la même chose : « fixer, faire tenir »174). Il y aurait un radical verbal primitif #taka- ou #takā-, mais comment la voyelle finale survécut-elle en ilkorin alors que les –a et –ā finaux tombaient habituellement ? Il convient de noter que la glose de Tolkien pour taga comprend un pronom : « il fixe ». Dans la langue primitive, le pronom « il » (* ou *so) apparaît aussi en tant que suffixe ; Tolkien fait référence à la « flexion en –si des verbes » (RP, p. 440 s.v. S-). Dans le parler primitif, « il fixe » pourrait par conséquent être #takā-so, #takaso. Après la perte des voyelles finales, nous resterions avec #takas ; par la suite, la lénition post-vocalique prend place. Si le développement de l’ilkorin est semblable à celui du sindarin, les s isolés post-vocaliques devenaient h à la même période où les k se transformaient en g ; par conséquent, nous aurions #takas > #tagah, mais les –h finaux ne survécurent pas, et le mot donne donc taga en ilkorin. Le –a final subsista ainsi parce qu’il n’était pas final à une étape antérieure, lorsque les voyelles finales tombèrent. La forme taga couvre probablement l’ensemble de la troisième personne du singulier : « il, elle, ça fixe » (puisque les #takaso, #takase et #takasa primitifs, avec respectivement les terminaisons pour « il, elle, ça » donneraient tous taga en ilkorin). Comparer avec toga « il apporte » et tolda « il va chercher ».

  • taig « profond ».

Les notes de Tolkien sur l’étymologie de ce mot sont vagues. Dans « Les Étymologies », il est listé à l’entrée du radical AYAK- « aigu, pointu »175). Un mot quenya aiqua « raide, pentu » y est hypothétiquement suggéré être en lien avec le « noldorin » oeglir « chaîne de pics montagneux » (aeglir dans le sindarin ultérieur). Le quenya aiqua représenterait très probablement un #aikwā primitif, une forme courte du radical AYAK + la terminaison adjectivale –wā. (Comme le dit Tolkien, les autres mots peuvent seulement être « en lien », sans être des parents directs, car #aikwā produirait oeb en « noldorin » et aeb en sindarin, non oeg- et aeg-.) En ilkorin, #aikwā donnerait #aig. Tolkien expliqua l’apparition inattendue de la consonne initiale vue dans taig en postulant que ce mot ilkorin avait « amalgamé avec tāra, voir »176). RP, p. 446-447, liste un radical TĀ-, TAƷ- « haut, élevé, noble » avec un dérivé *tārā « élevé » (la terminaison –rā est adjectivale ; voir gôr), quenya tára. Il serait aberrant qu’un mot quenya en tant que tel puisse influencer un terme ilkorin, aussi mieux vaut considérer tāra en RP, p. 393 s.v. AYAK comme une forme beleriandique ancienne descendant de *tārā. Cependant, la manière dont les significations « raide, pentu » et « élevé » parvinrent à fusionner pour produire la signification « profond » n’est guère évidente177).

  • Taiglin, nom de rivière (= Teiglin dans le Silmarillion publié).

Dans « Les Étymologies », la formulation de l’entrée LIN1-178) ne permet pas de déterminer à quelle langue appartient ce mot (il est mentionné après le terme quenya ailin « mare, étang », mais Taiglin n’est manifestement pas quenya, puisque cette langue ne peut avoir de g dans cette position). Ce nom ressemble cependant à de l’ilkorin, et « Les Étymologies » listent de nombreux autres noms de rivières beleriandiques qui sont explicitement identifiés comme étant ilkorins (Adurant, Aros, Askar / Ascar, Brilthor, Brithon, Gelion, Duilwen, Esgalduin, Legolin, Thalos)179). Dans « Les Étymologies », il semble que Taiglin soit supposé signifier « « étang profond » (taig « profond » q.v., plus un élément –lin manifestement dérivé de LIN1- « mare, étang », entrée où apparaît le nom dans « Les Étymologies »). Plus tard, lorsque ce nom de rivière eut à devenir sindarin parce que l’ilkorin avait été rejeté en tant que langue de Beleriand, Tolkien l’interpréta assez différemment : les éléments (sindarins anciens ?) étaient désormais dits être taika « frontière » et linde « chanteur / chantant », ce dernier étant utilisé comme nom « de nombreuses rivières au cours rapide qui avaient un son bruissant »180) ; le nom signifierait donc « rivière frontalière ». Ainsi que Tolkien le nota au même endroit, taika + linde donnerait plutôt Taeglind en sindarin (et #Taiglind dans l’ilkorin des « Étymologies »). Comme mentionné ci-dessus, le Silmarillion publié emploie néanmoins la forme Teiglin ; après les révisions de Tolkien, il faut probablement la considérer être une forme dialectale de sindarin.

  • tal pl. tel « pied ».

Le radical TAL- est lui-même défini par « pied »181). Le terme quenya apparenté tál devient tal- avec une voyelle brève lorsqu’une terminaison lui est ajouté. Cela pourrait suggérer une forme quendienne primitive #tala, eldarine commune #tāl, tal-, quenya tál pl. tal-. (Comparer avec le q. pr. *kwene « personne », eld. com. #kwēn, kwen-, quenya qúen, quen- : WJ, p. 360, 361.) Cependant, l’eldarin commun #tāl aurait dû donner l’ilkorin **tôl (comparer avec ôr, q.v.) Peut-être que l’ilkorin tal « pied » est simplement le radical TAL- sans addition ; il reste cependant étranger que nous n’ayons pas au moins **tâl avec une voyelle longue, puisque la voyelle des monosyllabes est allongée dans bon nombre d’autres mots (voir môr, tāch, thôr, mais contraster avec bel – devons-nous supposer que l’allongement n’a pas lieu devant l ?!) Quoi qu’il en soit, le pluriel de tel est manifestement la conséquence d’une métaphonie en i causée par la terminaison plurielle primitive –ī : #talī. La raison pour laquelle –in, terminaison plurielle longue de l’ilkorin, n’est pas utilisée dans ce mot (**telin) n’est pas claire.

  • talum pl. telmin « sol, terre, plancher ».

Dérivé du radical TALAM « sol, plancher, fond, base, terre », qui est dit être une forme étendue de TAL-, radical signifiant « pied »182). TALAM présente une ómataina (réduplication et suffixation de la voyelle radicale) + -m suffixé. Le quenya talan et le « noldorin » / sindarin talaf pointent vers une forme primitive #talama (la voyelle finale ne peut être reconstruite avec certitude ; il se pourrait qu’elle ait été –e ou –o). Après la syncope des voyelles médiales et la perte des voyelles finales, une forme #talm serait apparue dans la branche de l’elfique menant à l’ilkorin, et une trace de cette forme pourrait toujours se voir dans le pluriel telmin. Mais il semblerait que la nasale finale de talm devint syllabique (constituant une syllabe en soi, tal-m), et une voyelle se développa devant pour obtenir une syllabe régulière. En ilkorin, la voyelle se développant devant les consonnes syllabiques finales est normalement o (voir tangol, tovon, ungor et ungol), mais ici, nous voyons u à la place ; peut-être cette voyelle est-elle celle qui se développe régulièrement devant m (aucun autre exemple en ilkorin, mais comparer avec l’ancienne langue « gnomique » de Tolkien, où un mot comme telm « voûte, ciel » possède une forme alternative telum ; voir le « Gnomish Lexicon », p. 70). – La forme plurielle telmin correspond parfaitement à la structure que l’on voit dans les exemples adar pl. edrin et aman pl. emnin : le pluriel se forme au moyen de la terminaison –in, déclenchant une métaphonie a > e dans le radical du nom lui-même, et le nom est contracté par omission de la deuxième voyelle (ou, comme nous l’avons argué plus haut, le pluriel telmin pourrait être le reflet du mot simple #talm, qui exista manifestement avant que la voyelle u ne se développe devant la nasale finale)183).

  • tangol « épingle, broche ».

Dérivé d’une variante avec infixation nasale du radical TAK- « fixer, faire tenir »184), combiné avec la terminaison –la : *tankla. Cette terminaison semble seulement sous-entendre qu’il s’agit d’une « chose » ou « personne » liée d’une certaine manière à la signification du radical ; voir l’entrée legol concernant l’exemple hekla. Parfois, les mots désignant des instruments sont dérivés au moyen de cette terminaison, comme tekla « plume, stylo », dérivé de TEK- « écrire »185). Un *tankla n’est pas exactement un instrument (contrairement à *takmā « chose pour fixer », dérivé de la même racine, voir taum ci-dessous), mais une chose qui est elle-même « fixée », à savoir une broche. *Tankla est le seul mot primitif publié combinant la terminaison –la avec une variante avec infixation nasale du radical. Il semblerait que k, pris entre les consonnes voisées n et l fut voisé en g (voir tingla- pour un développement parallèle possible *ntl > *ndl) ; plus tard, après la perte des voyelles finales, la consonne finale de #tangl devint manifestement syllabique, et une voyelle o se développa devant pour produire tangol. (Voir legol au sujet de ces développements.)186)

  • targ « résistant, raide ».

Dérivé du radical non défini TÁRAG-187) ; la forme primitive est dite être *targā, comprenant apparemment la terminaison adjectivale –ā188). Noter que si les occlusives sourdesp, t, k donnent les spirantes f, th, ch après les liquides l et r (voir alch), une occlusive voisée comme g n’est pas affectée. (En sindarin, un g suivant une liquide devenait apparemment d’abord une spirante *gh, parallèlement au développement des autres occlusives en cette position. Plus tard, le gh final suivant une consonne devient –a ; c’est pourquoi le terme « noldorin » / sindarin apparenté à targ est tara, représentant apparemment l’ancien #targh.)

  • tass « épingle ».

La forme primitive est dite être *taksē, définie par « ongle, clou », il y a donc dans ce cas un changement sémantique aussi bien que de forme. Le radical TAK- signifie « fixer, faire tenir »189). Dans certains mots primitifs, la terminaison –sē semble dénoter quelque chose qui est fait par l’action verbale du radical, e.g. *sjadsē (*syadsē) « crevasse, entaille » en lien avec son radical SYAD- « tailler à travers, fendre »190). Mais dans *taksē, la terminaison semble dénoter un instrument, un « clou » (la signification du mot primitif), étant un objet qui sert à fixer quelque chose. Il ne semble y avoir aucun autre exemple d’utilisation de –sē avec une telle signification (c’est plutôt la manière dont la terminaison –mā est normalement employée ; cf. taum ci-dessous). Dans l’ilkorin tass, le ks originel est assimilé en ss (ce qui est aussi ce que donne ps en ilkorin : voir ass, tuss).

  • taum « support, douille, moraillon, fermoir, agrafe ».

Ce mot, comme tass ci-dessus, est dérivé du radical TAK- « fixer, faire tenir »191). La forme primitive est dite être *takmā « chose pour fixer ». Il s’agit d’une traduction très littérale ; voir saum concernant la terminaison –mā souvent attestée dans les noms d’outils. Comme suggéré dans l’entrée saum, il se pourrait que les k suivis par une nasale étaient voisés en g à un certain point, de sorte qu’il y eut une forme intermédiaire *tagma ; plus tard, lorsque le g suivant une voyelle devint une spirante (voir tūgh), la combinaison *-aghm- se montra à l’évidence instable et devint aum.

  • taur 1. « grand bois, forêt » ; 2. « bois » (matériau).

Le premier de ceux-ci descend de *tau̯rē « grand bois, forêt »192). La signification de *tau̯rē reflète essentiellement le radical TÁWAR- « bois, forêt » (RP, p. 449 ; *tau̯rē = #taw’rē ; dans une source ultérieure, Tolkien donna TAWA comme radical de « bois »193), dont TÁWAR- serait une forme étendue.) Sauf pour ce *tau̯rē, il existe peu d’exemples de mots primitifs en –ē dénotant des lieux, mais l’on peut noter *ndorē « terre » (RP, p. 428-429 s.v. NDOR-, aussi en WJ, p. 413). Tolkien nota que *tau̯rē fusionna avec *taurā « puissant », dérivé du radical complètement distinct TUR- « puissance, contrôle, maîtrise, victoire »194) ; *taurā présente une infixation en a (selon VT 39, p. 10, une formation intensive) et la terminaison adjectivale . Par conséquent, taur s’utilisait pour désigner de grandes forêts. Mais en ilkorin, taur était aussi utilisé pour « bois » en tant que matériau, et d’après RP, p. 449 s.v. TÁWAR-, cela venait d’une forme primitive distincte *tawar, bien que *tau̯rē et *tawar fusionnèrent en taur en ilkorin. Il est probable qu’après que *tawar soit devenu #tauar, la voyelle suivant la diphtongue finit par tomber, produisant taur.

  • tel pl. de tal, q.v. (RP, p. 447 s.v. TAL-)
  • telf « argent ».

C’est le seul mot indiquant qu’en ilkorin, Tolkien utilisait l’orthographe f pour un [f] final, au lieu de ph comme en « noldorin » / sindarin. Le radical KYELEP- lui-même signifie « argent [métal] »195) ; dans « Les Étymologies », Tolkien suggéra qu’il existait aussi une forme secondaire TELEP-, mais l’on peut aussi considérer que c’est la forme que prit KYELEP- en telerin. En PM, p. 366, le radical KYELEP -« argent » est mentionné parmi les quatre radicaux désignant des métaux qui sont communs à toutes les langues eldarines (les autres désignent l’or, le fer et le cuivre). En L, p. 426, la forme primitive du mot pour « argent » est dite être *kjelepē (qui y est orthographiée *kyelepē). Le –ē final pourrait être une suffixation avec allongement de la voyelle de base ; d’un autre côté, l’une des fonctions de la terminaison –ē sert à dénoter une substance (voir par exemple *mazgē « pâte », RP, p. 423 s.v. MASAG-, ou *srāwē « chair », MR, p. 350). Chose intéressant, le kj- primitif donne t en ilkorin (comme en telerin d’Aman : le parent telerin de telf est telepe, telpe)196). Cela est significativement différent du sindarin, dans lequel kj- devenait c (*kjelepē donnant celeb). Le kj- primitif devint probablement d’abor ty (tj), cf. quenya tyelpë, ty étant ensuite simplifié en t. La perte de la deuxième voyelle de *kjelepē entraîna un contact entre l et p, et comme d’habitude, l’occlusive sourde se transforma en spirante derrière la liquide : lp > lf, comme dans telf. Voir alch.

  • tell « clôture, fin, dernière partie ».

Le radical TELES-197) est glosé par « elfe, elfe-marin, troisième tribu des Eldar », mais l’entrée précise qu’à l’origine, le sens était « dernier, traînard ». Manifestement dérivé de la forme primitive *télesā, le deuxième e subissant une syncope après la voyelle accentuée, et l’agglomérat ls résultant se simplifiant ensuite en ll (c’est la seule occurrence d’un tel développement, mais voir l’évolution lr > ll dans thall ci-dessous).

  • telmin pl. de talum, q.v. (RP, p. 447 s.v. TALAM)
  • thall « raide, tombant abruptement (pour une rivière) ».

Le radical STAL- est lui-même défini par « raide, pentu »198) ; la forme primitive donnée dans la version originale est **stalrē [mais *stalrā dans la traduction française, voir la N.d.T. suivante], qui est quelque peu surprenante, puisque la terminaison –rē est normalement employée pour dériver des noms abstraits ou collectifs. Il se peut que « stalrē » soit une erreur de déchiffrage pour *stalrā, avec une terminaison adjectivale bien attestée (concernant les terminaisons –rē et –rā, comparer avec dair)199) Noter l’assimilation lr > ll dans thall ; le st initial devient th (probablement équivalent à þ, c’est-à-dire à th comme dans l’anglais think). En sindarin et en quenya, le st- initial se développa de la même manière (þ devenant subséquemment s en quenya noldorin).

  • thalos « torrent », aussi utilisé comme nom d’une rivière d’Ossiriand, Thalos étant apparemment considéré être le « Torrent » par excellence200).

Dérivé du même radical STAL- « raide, pentu »201) que thall ci-dessus. La terminaison –os est relativement obscure (elle apparaît aussi dans un autre nom de rivière ilkorin, Aros) ; il nous faut supposer que la forme primitive ressemblait à #stalossē (tandis qu’Aros descend peut-être de #jarossē). La terminaison –ssē peut parfois dénoter un lieu ; voir son descendant quenya –ssë dans des mots comme aicassë « pic montagneux », apparemment dérivé de l’adjectif aica « aigu, pointu » : RP, p. 393 s.v. AYAK-. D’où #stalossē = « ? endroit pentu » (et #jarossē = « ? endroit rouge »). L’origine de la voyelle médiale de #stalossē n’est cependant pas claire.

  • thavon « charpentier, ouvrier, constructeur ».

Le radical STAB- n’est pas défini en tant que tel ; les mots qui en dérivent sont en rapport avec le thème des constructions architecturales faites de bois : chambres, salles, piliers de bois202). Thavon semble être apparenté au quenya samno (mais pas directement parent du « noldorin » / sindarin thavron ; bien que ce mot semble plus proche, il emploie en fait une terminaison différente). Deux formes primitives sont listées, *stabnō et *stabrō ; l’ilkorin thavon (et le quenya samno) doivent clairement se rattacher à la première. La terminaison –nō de *stabnō est masculine et souvent agentive ; voir par exemple *tirnō « guetteur » en lien avec le radical TIR- « observer, guetter, garder » (RP, p. 453 ; *tirnō apparaît dans le composé *khalatirnō̆ « martin-pêcheur », lit. « poisson-guetteur »). Son évolution doit avoir été *stabnō > #thavno > #thavn après la chute des voyelles finales. Tolkien pourrait avoir imaginé que le *-n désormais final devenait syllabique (constituant une syllabe par lui-même, #thavn étant prononcé #thav-n, comme l’anglais oven se dit ov-n). De même que pour les l et r finaux syllabiques, une voyelle o se serait alors développée devant le n, produisant thavon. Comparer avec *tubnā > #tov-n > tovon, q.v.

  • thind « gris, pâle », aussi Thind comme nom du « frère d’Elwë ».

(Thind est la même personne que Thingol, Roi de Doriath ; alors que Tolkien fit plus tard d’Elwë / Elu un nom de Thingol lui-même, « Elwë » correspond ici au personnage que Tolkien appela plus tard Olwë, Seigneur des Teleri. Voir RP, p. 247 §23, concernant ces révisions.) Ces deux mots sont dérivé du radical THIN-203), qui n’est pas lui-même défini, mais donne des mots en rapport avec le gris : il est suggéré qu’il pourrait être apparenté à TIN- « étinceler, émettre de fin rayons (argentés, pâles) », RP, p. 452-453. Tant l’adjectif thind que le nom Thind dérivent clairement d’un radical thind-, avec un affermissement médian changeant N en ND. Cependant, les similarités s’arrêtent là, car si l’adjectif et le nom ne pouvaient plus se distinguer en ilkorin, ils représentent en fait des formations assez différentes à la période primitive. En quendien primitif, l’adjectif de couleur originel est dit être *thindi (en RP, p. 451 et en WJ, p. 384 ; noter que le th primitif est un t aspiré, devenant th en ilkorin comme dans l’anglais think ; il s’agit d’un développement parallèle à celui du « noldorin » / sindarin). On voit que le –i final n’est pas simplement une suffixation de la voyelle radicale par le fait que d’autres adjectifs de couleur avec d’autres voyelles radicales que i présentent la même terminaison (e.g. karani « rouge », RP, p. 410 s.v. KARÁN-). D’un autre côté, le nom Thind doit descendre de #Thindō avec la terminaison masculine –ō, que mettent toujours en évidence les termes apparentés en quenya et en telerin : Sindo, Findo. – Dans « Les Étymologies », il est dit que Thind fut « plus tard appelé Thingol en Doriath » (RP, p. 451 s.v. THIN-) ; voir ci-dessous.

  • Thingol (nom masc.).

Dérivé du radical THIN-204), pas défini en tant que tel, mais suggéré être une variante de TIN- « étinceler, émettre de fins rayons (argentés, pâles) ». THIN- donne des mots pour « gris, pâle, soir, pâlir ». Cette entrée des « Étymologies » sous-entend que le nom de Thingol dans la langue primitive était #Thindō « #Le Gris » (la forme primitive n’est pas donnée en tant que telle, mais comparer avec le quenya Sindo et le telerin Findo). #Thindō donna l’ilkorin Thind, q.v. ci-dessus. Mais d’après la même source, Thind fut plus tard appelé Thingol, composé de Thind (Thin-) et gōl (-gol), ce dernier élément signifiant « sage » (dérivé du même radical bien connu ÑGOL- « sage, sagesse, être sage »205) qui est aussi source du nom quenya Noldo). Cependant, Tolkien finit par rejeter cette explication du second élément du nom Thingol. Dans des sources ultérieures, le nom Thingol est interprété par « Gris-manteau » (il en va déjà ainsi dans l’Appendice A du SdA : « Lúthien Tinúviel était la fille du Roi Thingol Gris-manteau… ») En MR, p. 385, le second élément de Thingol (quenya Sindikollo) est dit être kolla, qui est défini par « porté, usé, en particulier [lorsqu’il est utilisé comme nom] un vêtement ou manteau ». (Le –a final de kolla est remplacé par la terminaison masculine –o dans le nom Sindikollo.) Il semble que kolla soit un mot quenya ; on peut faire l’hypothèse que la forme primitive était #kolnā, c’est-à-dire un radical #KOR « porter » (cf. quenya colindo « porteur » dans Cormacolindor « Porteurs de l’Anneau » (SdA, livre VI, chap. 4), traduit en L, p. 308), avec la terminaison adjectivale / participe passé –nā. Si la forme masculine kollo descend d’un mot qui existait déjà dans la langue primitive, ce serait #kolnō. Un #Thindikolnō primitif donnerait Sindikollo (ou #Sindikoldo) en quenya et à l’évidence deviendrait aussi Thingol dans l’ilkorin des « Étymologies ». En sindarin, langue où le k (c) initial est souvent lénifié en g lorsqu’un mot apparaît comme second élément d’un composé, #kolnā ou #kolnō deviendraient bien –gol dans cette position. On peut observer une lénition similaire c > g en ilkorin, cf. basgorn « pain rond » (bast « pain » + corn « rond »).

  • thōn « pin » gén. pl. thonion dans Dor-thonion « Terre des pins » (concernant dor « terre », voir l’entrée afférente).

Le radical est dit être THON-, non défini en soi206). Il est étrange que la voyelle soit supposée être longue [dans la version originale, N.d.T.], car une forme primitive #thōn- aurait donné l’ilkorin **thūn (cf. dûm, q.v., dérivé de *dōmi-). La forme primitive doit plutôt être #thon-, probablement agrémentée d’une voyelle finale qui tomba ultérieurement, la voyelle du monosyllabe résultant #thon étant allongée en ilkorin, donnant thōn207). Comparer avec *mori > #more > #mor > môr, q.v. ; voir aussi thôr ci-dessous. Puisque cet allongement n’intervenait que dans les monosyllabes, il n’est pas surprenant que la voyelle demeure courte au génitif pluriel thonion. – « Les Étymologies » suggèrent que thōn fut emprunté par le « noldorin » primitif, devenant ultérieurement thaun, mais tandis que le « noldorin » est normalement très proche du sindarin postérieur, le mot sindarin pour « pin » n’est pas thaun, mais est identique au mot ilkorin : thôn. Lorsque Tolkien rejeta l’ilkorin comme langue de Beleriand, il conserva en sindarin un certain nombre de noms ilkorins, y compris Dor-thonion (en gris-elfique, il est préférable de considérer la terminaison –ion comme adjectivale, puisque cette langue ne possède pas de terminaisons génitives)208).

  • thôr « descendant en piqué, balayant, sautant vers le bas ».

En RP, p. 451, la formulation ne permet pas de déterminer avec certitude si ce mot est supposé être de l’ilkorin ou du « noldorin » / sindarin ; il pourrait apparaître dans le nom de rivière Brilthor (q.v.), qui est explicitement dit être ilkorin. Dans tous les cas, thôr doit probablement venir d’un adjectif primitif #thorā, dérivé du radical THOR- « s’approchant en piqué ». Après la perte de la voyelle finale, le monosyllabe résultant #thor fut apparemment allongé en thôr ; comparer avec môr et tāch. Un autre mot dérivé du même radical qui pourrait ou non être ilkorin est thôrod « torrent », représentant à l’évidence un radical allongé #thōrot-209).

  • thorn pl. thurnin « aigle » (aussi dans les noms Elthorn « aigle du ciel » et Thorntor « #Aigle-roi »), et à l’évidence le génitif pl. thurnion dans Torthurnion, q.v.210)

L’entrée correspondante des « Étymologies »211), nommément THOR-, THORÓN-, indique clairement qu’il s’agit d’un radical simple THOR- avec une forme étendue THORÓN- (présentant une ómataina, c’est-à-dire une réduplication de la voyelle radicale et une consonne –n suffixée). Comme mentionné dans la discussion de thôr ci-dessus, Tolkien attribua la signification de base « s’approchant en piqué » au radical simple THOR-212), et cela peut bien sûr s’appliquer aux aigles. La forme avec syncope thorn est ce à quoi nous pouvions nous attendre en ilkorin ; cependant, le pluriel **thurin [publié dans The Lost Road. Il s’agit d’une forme erronée, que corrige la traduction française, N.d.T.] est un peu étrange. Le changement o > u est apparemment une métaphonie déclenchée par la voyelle de la terminaison plurielle –in (comparer avec burnin comme pluriel de boron, q.v.) Mais pourquoi le n de thorn disparaît-il dans le pluriel **thurin ? Ce pluriel se forme-t-il à partir du radical simple THOR- plutôt qu’à partir de la forme étendue THORÓN- ? L’exemple de burnin indique que le –n final ne tombe pas systématiquement lorsqu’est ajoutée la terminaison plurielle –in. Il se pourrait que **thurin soit une erreur de lecture ou une coquille pour #thurnin, et le génitif pluriel thurnion semble conforter cette théorie213).

  • Thorntor évidemment = sindarin Thorondor, « Roi des Aigles », littéralement « #Aigle-roi » (RP, p. 451 s.v. THOR-, THORÓN-).

Les éléments sont thorn « aigle » + -tor « roi » (tôr lorsqu’il n’appartient pas à un composé) ; voir thorn, tôr pour la discussion. Il est notable que le second élément du composé ne soit pas lénifié ; puisque #corn devient –gorn dans basgorn (q.v.), nous aurions pu nous attendre à ce que –tor devienne ici –dor, comme dans la forme sindarine de ce nom.

  • thrôn « raide, dur ».

Le radical de base est STAR- « raide, pentu », avec une forme étendue STARAN- (c’est-à-dire STAR- avec un –n suffixé à l’ómataina, la voyelle radicale redoublée). La forme primitive de thrôn est dite être *starāna. La terminaison –a pourrait être adjectivale (mais nous nous attendrions alors à un –ā long), ou il pourrait juste s’agir d’une autre réduplication de la voyelle radicale. Noter l’allonger de la voyelle médiale de *starāna ; cette voyelle reçut certainement aussi l’accent à un certain moment, et la voyelle inaccentuée la précédant disparut : *starāna > #st’rāna. Comparer avec un mot primitif comme *b’rittē « gravier » ; le radical BIRÍT- indique que la forme antérieure était #biríttē (voir brith) ; voir aussi l’ilkorin trêw, dérivé de *terḗwā, apparemment accentué sur le ē. De #st’rāna, nous obtenons directement l’ilkorin thrôn, les changements st > th, ā > ô et voyelles finales > ∅ étant tous familiers. – Dans les composés, thrôn peut être raccourci en thron (comme dans thron-ding ci-dessous).

  • thron-ding « #dure-vibration », élément du nom Balthronding, Belthronding (RP, p. 445 s.v. STARAN-) ; voir Belthronding.
  • thúren « gardé, caché ».

Il s’agit du participe passé fondé sur le radical verbal THUR- « encercler, clôturer, garder, enclore, cacher »214). Plus loin dans la même entrée, un participe passé « noldorin » / sindarin de signification équivalente, thoren, est dérivé de *tháurēnā ; pourtant *tháurēnā ne semble pas être la forme ancestrale de thúren, car il serait difficile d’obtenir l’ilkorin ú à partir d’un áu primitif. Une forme primitive #thūrinā semble bien plus probable. Comparer un tel participe passé avec le quenya rácina « brisé » en regard du verbe rac- « briser »215) ; rácina représenterait un #rākinā primitif, une forme présentant un complet parallèle avec #thūrinā : dans les deux cas, le participe passé se forme au moyen de la terminaison –inā combinée à un allongement de la voyelle radicale. En ilkorin, #thūrinā devient thúren à cause du –ā final qui transforma le i en e par umlaut dans la syllabe précédente avant de disparaître (voir par exemple dem au sujet de cette métaphonie).

  • [**thurin pl. [erroné, la version correcte étant thurnin, N.d.T.] de thorn, q.v. (RP, p. 451 s.v. THOR-, THORÓN-)]
  • thurnin, pl. de thorn, q.v. (RP, p. 451 s.v. THOR-, THORÓN-)
  • tim « étincelle, étoile » (la première glose est la plus littérale, « étoile » étant un sens secondaire).

Tolkien suggéra que le radical TIN- « étinceler, émettre de fins rayons (argentés, pâles) »216) était apparenté à THIN-, ce radical générant des mots pour « gris » (voir thind ci-dessus). La forme primitive *tinmē [« étincelle, lueur »217), N.d.T.] ressemble à une formation abstraite ; concernant la terminaison abstraite –mē, voir par exemple *julmē « beuverie, orgie » en lien avec le radical verbal JULU « boire », WJ, p. 416). Bien entendu, le saut sémantique entre un mot abstrait « #étincelant » et l’objet concret « étincelle » n’est pas très grand. Il se pourrait que nm ait rapidement été assimilé en mm dans la branche de l’elfique qui aboutit à l’ilkorin, *tinmē devenant #timme et ultérieurement #timm > tim (tandis que nm est dissimilé en nw en quenya, *tinmē produisant le haut-elfique tinwë). – Plus tard, après que l’ilkorin ait cessé d’être la langue de Beleriand, Tolkien parla de tim en tant que mot sindarin218).

  • tindum est aussi bien glosé « lumière d’étoile, crépuscule » (RP, p. 452 s.v. TIN-) que « crépuscule étoilé » (RP, p. 400 s.v. DOMO-).

Manifestement, l’élément final est juste une forme courte de dûm « crépuscule », voir l’entrée afférente. L’élément préfixé tin- découle du radical TIN- « étinceler, émettre de fins rayons (argentés, pâles) », qui est aussi source du mot ilkorin pour « étoile » (voir tim ci-dessus). Puisque tindum correspond au quenya tindómë et au « noldorin » / sindarin tinnu, il semblerait que ce composé ait déjà existé en eldarin commun : forme primitive #tindómi ? – Tor Tinduma « Roi du Crépuscule », un titre de Thingol (RP, p. 452 s.v. TIN-, p. 451 s.v. THIN-) ; tindum possède ici la terminaison génitive –a.

  • tingla- « étinceler ».

Il s’agit d’une formation étrange. Le radical TIN- signifie aussi « étinceler » ou « émettre des fins rayons (argentés, pâles) »219), mais cette entrée des « Étymologies » ne procure aucune aide concernant la terminaison –gla. Il est concevable que tingla- puisse être apparenté au quenya tintila- « étinceler », attesté dans Namárië dans le SdA. Il nous faut alors imaginer un développement qui ressemble à cela : un #tintilā primitif produirait d’abord #tintlā par syncope, le t pris entre les consonnes voisées n et l serait lui-même voisé et donnerait d, la forme résultante #tindla- devenant alors tingla-, puisqu’un changement nd > ng se voit dans quelques mots ilkorins (voir gangel, gwilwering). Le –a final de tingla ne transforme pas la voyelle radicale en e par métaphonie (comme dans rest < #ristā) parce qu’il se trouve un n après cette dernière ; comparer avec lind (pas **lend) < *lindā.

  • tiog « épais, gras ».

Dérivé du radical TIW-, défini de même220). La forme primitive est dite être *tiu̯kā, -kā étant une terminaison adjectivale (cf. poikā « propre », dérivé de POY- ; RP, p. 437, et voir aussi tāch). Comme d’habitude, la semi-voyelle finale du radical donne une voyelle pleine lorsqu’elle est suivie par une consonne, d’où TIW-kā > *tiu̯kā plutôt que **tiwkā (et de même poikā pour **poykā, **pojkā)221). Le –ā final déclenche une métaphonie u > o avant de disparaître : *tiu̯kā > #tioka > #tiok > ilk. tiog.

  • toga « il apporte ».

Le radical TUK- signifie de même « tracer, tirer, apporter »222) ; il nous faut clairement supposer l’existence d’un radical verbal primitif #tukā- (le ā déclenchant une métaphonie u > o), auquel est ajouté la terminaison –so « il » ; cf. taga « il fixe, construit, fabrique » pour une discussion approfondie de ce développement.

  • tolda « il va chercher ».

La terminaison –a (« il » + présent) représenterait *-aso comme dans taga (et toga ci-dessus). Le radical TUL- signifie « venir, approcher, se déplacer vers (l’endroit du locuteur) »223) ; la formation *tultā- « faire venir » est peut-être notre meilleur exemple de la terminaison verbale –tā employée avec une signification causative. Dans la forme ilkorine tolda, le –a final a déclenché une métaphonie u > o comme nous aurions pu nous y attendre (cf. toga ci-dessus), mais le changement lt > ld est relativement surprenant. Dans notre autre exemple, lt devient plutôt lth : Balthor « Vala-roi » (Bal + tôr). Bien sûr, il s’agit d’un composé et représente donc l + t en contact secondaire, tandis que tolda est un cas où la combinaison lt existait déjà dans la langue primitive (*tultā) ; cela pourrait expliquer les différents développements de cet agglomérat en ilkorin.

  • tôr « roi », seulement utilisé pour Thingol (RP, p. 446 s.v. TĀ-, TAƷ-), mais la forme plurielle tōrin « rois » servait aussi à désigner les Valar (RP, p. 394 s.v. BAL-).

Le radical originel était apparemment TAƷ-, glosé « haut, élevé ; noble », devenant ultérieurement TĀ- lorsque la spirante postérieure Ʒ disparut et que la voyelle fut allongée par compensation. Un adjectif primitif *tārā (représentant probablement un #taʒrā encore plus ancien) est mentionné, et est défini par « élevé » ; la terminaison –rā est adjectivale (cf. quenya laira « ombreux », dérivé de #dairā à l’entrée dair ; voir aussi ungor). Tandis que l’ilkorin tôr pourrait être dérivé de *tārā lui-même, Tolkien lista aussi un nom primitif tāro, apparemment une forme personnelle de *tārā (avec la terminaison masculine –o, plus communément –ō, remplaçant le –ā final). Tāro « roi » (« seulement utilisé pour les rois légitimes de tribus entières ») est la forme citée comme source de l’ilkorin tôr, les changements étant parfaitement réguliers : la voyelle finale tombe et le ā long devient ô. Dans divers composés et expressions, tôr est raccourci en tor, apparemment parce qu’il n’est pas pleinement accentué : Tor Thingol « Roi Thingol » (RP, p. 446 s.v. ,TAƷ-), également dans le composé Tor-thingol (RP, p. 451 s.v. THIN- ; VT 46, p. 18) ; Tor Tinduma « Roi du Crépuscule », un titre de Thingol (RP, p. 452 s.v. TIN-, p. 451 s.v. THIN- ; voir tindum) ; Balthor « Vala-roi » (RP, p. 394 s.v. BAL-, -tor donnant -thor après la liquide l) ; Thorntor « #Aigle-roi », Roi des aigles = sindarin Thorondor (RP, p. 451 s.v. THOR-, THORÓN-).

  • Tor Tinduma « Roi du Crépuscule »

Un titre de Thingol (RP, p. 452 s.v. TIN-, p. 451 s.v. THIN-), composé de tôr et tindum avec la terminaison génitive –a (q.v.).

  • tōril un titre de Melian, signifiant manifestement « reine ».

Listé dans la même entrée TĀ-, TAƷ- que tôr « roi » (RP, p. 446-447 ; voir ci-dessus) et clairement dérivé de ce radical au moyen d’une terminaison féminine. Il n’existe pas d’autre exemple de –il féminin en ilkorin, mais comparer avec le doriathrin Thuringwethil « (femme de) l’ombre secrète » (RP, p. 451 s.v. THUR-) et avec le quenya tavaril « dryade femelle » (RP, p. 449 s.v. TÁWAR-).

  • Tor-thingol « Roi Thingol » (RP, p. 451 s.v. THIN- ; VT 46, p. 18), le titre tor (tôr) « roi » étant directement préfixé au nom Thingol (comparer la forme non-composée Tor Thingol en RP, p. 446 s.v. TĀ-, TAƷ-).
  • Torthurnion évidemment = sind. Thorondor, « Roi des aigles » (RP, p. 451 s.v. THOR-, THORÓN-).

Les éléments sont tôr « roi » (q.v.) et thurnion « des Aigles » ; voir thorn.

  • tovon « à basse altitude, profond, bas ».

Le radical TUB-224) n’est pas défini, mais tous ses dérivés tournent autour de même thème que la traduction de tovon. La forme primitive est dite être *tubnā « profond », la terminaison –nā étant adjectivale. Sans nul doute, il nous faut supposer un développement *tubnā > #tobna (la voyelle finale déclenchant la métaphonie en a, de sorte que u devient o) > tobn, tovn > tovon. Comme dans le cas de thavon (q.v.), le –n finale devint manifestement syllabique, et une voyelle o se développa régulièrement devant.

  • trēw « fin, mince ».

Le radical TER- est apparemment verbal, puisqu’il est glosé « percer », quoique aucun dérivatif verbal n’y soit listé pour l’ensemble des langues elfiques225) (Une forme étendue TERES- est aussi listée, mais elle ne semble pas appropriée pour trēw). La forme primitive est dite être *terḗwā, traduite par « perçant, aigu » ; noter le glissement sémantique ayant eu lieu entre la langue primitive et l’ilkorin. *Terḗwā doit représenter un radical étendu TERE avec ómataina (voyelle radicale suffixée), ici sous la forme *terḗ- avec allongement de l’ómataina, et une terminaison –wā qui est normalement adjectivale (concernant cette terminaison, voir adu). Ici, la terminaison –wā prend presque un rôle participial, étant utilisée pour dériver un mot pour « perçant » à partir d’un radical verbal signifiant « percer ». Il semble clair que c’est la voyelle médiale de *terḗwā qui a reçut l’accent ; comme pour d’autres mots ilkorins, la voyelle inaccentuée qui précède disparaît (comparer avec brith < *b’rittē < #birittē et thrôn < *starāna)226).

  • trumb, trum « bouclier ».

Le radical TURÚM-227) n’est pas défini, mais tous ses dérivés sont glosés « bouclier ». Il s’agit manifestement d’une élaboration du radical TUR- « pouvoir, contrôle, maîtrise, victoire », la forme primitive *turúmbē présentant de plus un affermissement médian m > mb devant la terminaison –ē, qui sert ici à désigner un objet concret, bien qu’elle soit plus fréquemment employée pour des abstractions. Comme pour nombre de mots ilkorins, la voyelle inaccentuée précédant l’accent disparaît (cf. brith, thrôn, trēw). Contrairement aux monosyllabes en –nd ou –ng, il y a manifestement une simplification tardive –mb > –m du groupe final (comparer avec dim et dimb).

  • tūgh, « muscle, tendon, vigueur, force physique »228).

Le radical TUG-229) n’est pas défini ; tous ses dérivés sont en rapport avec des choses qui sont fortes ou tendues d’une manière ou d’une autre. La forme primitive donnée est *tūgu ; la terminaison –u pourrait s’observe dans les noms de parties du corps : cf. *mbundu « mufle, nez, cap » (RP, p. 424 s.v. MBUD-) et *ranku « bras » (RP, p. 437 s.v. RAK-). Par conséquent, il se pourrait que « muscle, tendon » soit la signification originelle, de base, de *tūgu, d’où se développèrent les significations plus abstraites « vigueur » et « force physique ». – En position post-vocalique, les g originaux devinrent des spirantes postérieures gh en ilkorin, de même que toutes les occlusives voisées se changèrent en spirantes dans de telles positions. Cependant, le son gh disparut ultérieurement en ilkorin, comme semble l’indiquer la forme alternative (ce qui reproduit le développement du « noldorin » / sindarin, qui possède aussi )230).

  • tund « grand, de haute taille ».

Dérivé du radical non défini TUN-231) ; la forme primitive *tundā présente un affermissement médian n > nd + terminaison adjectivale –ā. Nous voyons à nouveau qu’une voyelle suivie de n n’est pas affectée par la métaphonie en a ; par conséquent, ce u n’est pas infléchi en o (par opposition à olg, tovon ci-dessus). Comparer avec tung ci-dessous ; voir aussi lind (plutôt que **lend < # lindā).

  • tung « tendu, serré, étroit », (de cordes :) « résonnant ».

Concernant le radical TUG-232), voir tūgh, ci-dessus. La forme primitive est dite être *tungā, montrant une infixation nasale et la même terminaison adjectivale –ā que dans *tundā (voir tund ci-dessus). Pris ensemble, les mots lind, tund et tung (< *lindā, *tundā, *tungā) semblent confirmer qu’une voyelle suivie d’un n n’est pas affectée par la métaphonie en a (ou nous aurions vu **lend, **tond, **tong). Alternativement, comme nous l’avons suggéré à l’entrée lind, il se pourrait que ces formes aient existé à une période, mais qu’un changement subséquent ait changé e et o en i et u devant n (et ñ = ng), comme semble être le cas en doriathrin – ce changement annulant incidemment les effets de la métaphonie en a qui l’avait précédé.

  • Tuor « force-vigueur »

Ce nom avait anciennement la forme tūghor, qui se décomposait en tū-gor. Le premier élément correspond explicitement à (q.v.). Le second est dérivé de GOR- « violence, impulsion, hâte »233). Dans cette entrée est listée la forme Tūgore, qui pointe vers un terme primitif gore « vigueur, #impulsion », qui deviendrait manifestement #gor s’il s’agissait d’un mot ilkorin indépendant. En composition, le g primitif devient manifestement gh en vieil ilkorin, ce qui correspond précisément au développement décrit par la « Note sur le développement de ñ, ʒ »234), qui indique que les g médians primitifs donnaient ʒ (gh). Ce gh disparut par la suite sans laisser de trace, suivant le développement régulier observé lorsqu’il est précédé d’une voyelle (cf. caun, daum, taum et particulièrement tūgh, ). Bien que Tuor soit dit être un nom ilkorin, il n’en va pas nécessairement de même pour le nom de son père. En effet, l’entrée KHŌ-N-235) liste Huor en tant que mot noldorin, la terminaison –or semblant en effet être commune aux deux langues ; cf. VT 45, p. 15).

  • tuss « chaume ».

Le radical TUP-236) n’est pas défini, mais est probablement en rapport avec une sorte de toiture, comparer avec le verbe quenya untúpa « bas-abrite » = « couvre » dans le chant Namárië du SdA (concernant la traduction « bas-abrite », voir le rendu en interligne en RGEO, p. 67). La forme primitive de tuss est dite être *tupsē ; il s’agit d’un exemple assez unique de terminaison –sē employée pour dériver un mot lié à la construction. Noter qu’en ass < #apsā, on voit le groupe primitif ps être assimilé en ss en ilkorin (comme l’est ks ; cf. tass < *taksē).

U

  • Uduvon nom de la forteresse souterraine de Melko[r] dans le Nord = quenya Utumno.

Le radical TUB- n’est pas défini en tant que tel, mais tous ses dérivés sont en rapport avec quelque chose qui est profond ou à basse altitude237). Dans l’entrée correspondant à ce radical dans « Les Étymologies », le nom primitif d’Utumno était dit être *Utubnu. Cette forme ne peut complètement s’expliquer ; *utub- est clairement une variante de TUB- avec voyelle radicale préfixée, mais la terminaison –nu ne semble pas apparaître dans un seul autre mot primitif mentionné par Tolkien. Cette difficulté mise à part, la forme ilkorine Uduvon apparaît de manière parfaitement régulière : après la perte des voyelles finales, nous aurions #utubn ; les occlusives sourdes sont voisées et les occlusives voisées deviennent des spirantes après une voyelle, ce qui produit la forme #uduvn. Finalement, une voyelle o se développe devant le n final syllabique, donnant Uduvon. Comparer avec un autre mot dérivé du même radical, *tubnā « profond », qui devient tovon en ilkorin, via#tobn > #tovn. – Dans une source plus tardive, Tolkien dériva le quenya Utumno de *Utupnu, traduit par « la Profondeur-cachée »238). *Utupnu aurait probablement donné l’ilkorin #Udubon, mais à l’époque où cette nouvelle forme primitive fut proposée, Tolkien avait rejeté l’ilkorin comme langue des Elfes de Beleriand, le remplaçant par le sindarin.

  • ulgund, ulgon, ulion « monstre, créature déformée et hideuse ».

Dérivé du radical ÚLUG-239) qui n’est lui-même pas défini ; il pourrait s’agir d’une extension d’ULU- « déverser, s’écouler » listé sur la même page, mais le lien sémantique serait alors obscur. Peut-être ÚLUG- est-il plutôt apparenté d’une certaine manière au quenya « mauvais, maléfique » (henulca « à l’œil maléfique » ; SD, p. 68). Quelle que soit la signification de base du radical, la forme primitive du mot pour « monstre » est dite être *ulgundō ; la terminaison –ndō semble être masculine (une variante à infixation nasale de –dō, comme dans *ñgolodō « Noldo » ?) Les trois formes variantes ilkorines listées se développèrent à l’évidence dans le même ordre : *ulgundō donna d’abord ulgund par simple perte de la voyelle finale. Ensuite, le –nd final des mots polysyllabiques fut manifestement simplifié en –n, ce qui implique peut-être que Elrond était une forme légèrement archaïque (il n’y a pas trace d’une telle simplification dans les monosyllabes ; voir gwen pour une liste de mots qui auraient alors été affectés). À la même période, le u inaccentué devint o, ulgund devenant donc ulgon (comparer avec celon, q.v., dérivé de *kelu-n). Plus tard encore, l’agglomérat lg + une voyelle devint li- (cela n’avait pas lieu en position finale, cf. olg, pas **oli). Peut-être que lg devint d’abord #lgh ; voir taum pour un autre exemple de la spirante postérieure gh devenant une voyelle (*-aghm > aum).

  • ungol « obscurité »

Le radical UÑG- n’est pas défini dans « Les Étymologies »240), mais ses dérivés sont en rapport avec les ténèbres et l’obscurité. L’ancêtre immédiat d’ungol est clairement supposé être #ungl, le l étant syllabique, de sorte qu’une voyelle o se développa naturellement devant (voir legol). Le l de #ungl représenterait le reste d’une terminaison plus longue. Le mot complet pourrait avoir été #uñgla ; voir legol au sujet de la terminaison –la. Cependant, si l’on considère la signification abstraite de ce nom (« obscurité »), il serait plus probable que Tolkien ait voulu que la forme primitive ait été #uñglē, puisque « des noms formés avec la terminaison –lē semblent avoir été universaux et abstraits au sens propre »241). Noter que le mot ilkorin ungol en tant que tel n’est pas directement apparenté avec le premier élément du quenya Ungoliantë (dont l’adaptation « noldorine » / sindarine est Ungoliant). Il s’agit d’un composé du quenya ungo « ombre noire » (< #uñgō ou #uñgu) et liantë « araignée » ; voir RP, p. 442 s.v. SLIG- pour ce dernier. – Il se pourrait que Tolkien ait altéré la signification du radical UÑG- pour qu’il renvoie aux araignées plutôt qu’aux ténèbres et à l’obscurité (dans ce cas, il réinterpréta probablement le nom Ungoliant, puisqu’il voulait à l’origine que le second élément signifie « araignée »). Qu’une telle révision ait eu lieu est suggéré par le mot quenya ungwë. Dans « Les Étymologies », il était défini par « obscurité », mais dans l’Appendice E du SdA (dans la liste des noms des consonnes tengwar), ungwë est dit signifier « toile d’araignée » à la place.

  • ungor « noir, sombre, morne ».

Dérivé du même radical non défini UÑG-242) que ungol ci-dessus. À nouveau, ce radical semble renvoyer aux ténèbres et à l’obscurité (plutôt qu’aux araignées) à l’époque où Tolkien rédigea « Les Étymologies ». Ungor est indubitablement supposé représenter #uñgrā, la terminaison –rā étant adjectivale (cf. tārā « noble, élevé » à l’entrée tôr et le quenya laira « ombreux », dérivé de #dairā à l’entrée dair). Lorsque la forme uñgr apparut après la perte des voyelles finales, le r devint syllabique, et comme dans le cas d’un l syllabique final, une voyelle o se développa devant et produisit l’ilkorin ungor.

  • Urthin Gwethion un toponyme listé en RP, p. 457 s.v. WATH- et en VT 46, p. 21.

La formulation de cette entrée n’est pas claire ; Tolkien écrivit d’abord Urthin et au-dessus Gwethion, mais après Urthin la forme « noldorine » / sindarine Eredwethion fut ajoutée (= Ered Wethrin dans le Silmarillion publié). Urthin Gwethion semblerait être l’équivalent ilkorin d’Eredwethion. Urthin est apparemment « montagnes », pluriel de #orth, dérivé du radical ÓROT- « hauteur, montagne », à son tour une forme étendue d’ORO- « vers le haut ; s’élever ; haut » (RP, p. 433 ; orth est attesté comme mot doriathrin). On pourrait considérer Gwethion comme le génitif pluriel de gwath « pénombre, ombre, #ombre portée », d’où « montagnes des ombres ».

  • usc « fumée ».

Dérivé du radical non défini USUK- ; la forme primitive donnée est *us(u)k-wē, la terminaison –wē dénotant un nom abstrait (voir RP, p. 458 s.v. WEG-). Si USUK- est un radical verbal « empester, éructer », *us(u)k-wē pourrait simplement être un nom verbal « puant, éructant », plus tard employé dans un sens plus concret pour la fumée elle-même. Il semble qu’après la perte des voyelles finales, le –kw désormais final devint –k en ilkorin (comparer avec alch pour #alk, dérivé de #alk-wā « cygne »).

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) , 109) WJ, p. 368
2) , 90) RP, p. 408
3) , 4) , 5) , 131) , 175) RP, p. 393
6) N.d.T. : on peut également supposer que ce nom a conservé une forme archaïque alors que la phonologie de l’ilkorin continuait à évoluer, notamment du fait du rapprochement tardif de cette langue avec le « noldorin » au cours de la guerre contre Morgoth.
7) , 137) , 139) RP, p. 391
8) WJ, p. 375 ; cf. p. 407 n. 5
9) N.d.T. : cette correction est confirmée par le VT 45, p. 5, et a été intégrée à la traduction française des Étym.
10) , 11) , 18) , 130) RP, p. 392
12) N.d.T. : Ces noms sont orthographiés Ariad et Ariador dans le dialecte falathrin de l’ilkorin ; RP, p. 392 s.v. AR2-, 402 s.v. ÉLED-, 404 s.v. GAT(H)-. Tolkien proposa initialement une variante d’Argador orthographiée Argadon, avant de la rejeter ; cf. VT 45, p. 14.
13) N.d.T. : le radical YAR- possède aussi la forme alternative YOR- ; cf. VT 46, p. 22. Voir l’entrée ôr pour une discussion de la dérivation.
14) , 160) RP, p. 460
15) N.d.T. : le radical YAR- possède aussi la forme alternative YOR- ; cf. VT 46, p. 22.
16) , 100) RP, p. 442
17) N.d.T. : En PE 18, p. 34, 85, Tolkien précise que la préfixation de la sundóma servait souvent à indiquer la perfection ou la complétion dans les systèmes verbaux de l’eldarin commun. Combinée à un affermissement de la consonne initiale (doublement consonantique ou infixation nasale), cette préfixation prenait généralement un sens intensif, mais ce n’est pas le cas ici.
19) , 194) , 222) , 223) , 224) , 231) , 232) , 236) , 237) RP, p. 454
20) , 52) PE 21, p. 57
21) , 168) RP, p. 208
22) RP, p. 394
23) , 30) RP, p. 396
24) WJ, p. 403
25) RP, p. 394 ; VT 45, p. 7
26) N.d.T. : Le VT 45, p. 7 confirme que la forme primitive était *bal’tār.
27) RP, p. 414 ; VT 45, p. 23
28) , 45) , 151) , 152) , 154) RP, p. 423
29) N.d.T. : Dans la conception linguistique des langues elfiques contemporaine des Étym., on pourrait même supposer que l’une des deux langues (peut-être le noldorin, puisqu’une forme ilkorine ancienne est mentionnée) ait emprunté ce mot à l’autre.
31) Version originale : « this word is distinct in form from though related to Ilk. name Beleg »
32) RP, p. 467-468
33) PE 17, p. 155
34) PE 17, p. 42, cf. p. 115
35) N.d.T. : accentuation corrigée en suivant le VT 45, p. 9.
36) , 38) , 43) RP, p. 397
37) RP, p. 398
39) N.d.T. : En réalité, le PE 18 indique que le développement le plus fréquent était celui qui consistait à supprimer la deuxième voyelle caractéristique (ce que Tolkien appelle « une forme kalta »). Dans la première version de la « Tengwesta Qenderinwa »Tolkien précise toutefois que le noldorin préservait « un grand nombre » de développements semblables à celui que l’on observe ici (PE 18, p. 36-38), une affirmation qu’il reprend dans la deuxième version de cet essai, ajoutant qu’il en allait de même pour le sindarin (PE 18, p. 87), qui était à cette époque le nouveau nom du lemberin, la langue ilkorine des Teleri de Beleriand ; cf. PE 18, p. 26, 77.
40) , 42) RP, p. 424
41) RP, p. 425
44) MR, p. 350
46) , 158) RP, p. 426
47) L, p. 382
48) RP, p. 415
49) RP, p. 411
50) N.d.T. : non traduit en français.
51) N.d.T. : Le PE 18 appelle cela des « radicaux différenciés » en p. 34 et une « extension différenciée » en p. 86, où il est précisé qu’elle « avait toujours la forme i ou u » et où l’on trouve une référence précise à kelu :
« Mais l’élément ajouté [u] semble souvent être un différenciateur comme dans kel1-u à côté de kel2, et certains verbes anciens ont un u fixe comme terminaison de leur base. »
Version originale : « But the added element [u] often appears as a differentiator as in kel1-u beside kel2, and some old verbs have a fixed u as the end of their base. »
53) PE 19, p. 60
54) LRW, p. 365
55) , 56) RP, p. 416
57) , 69) RP, p. 399
58) RP, p. 450
59) VT 42, p. 11
60) RP, p. 453 ; VT 45, p. 9.
61) N.d.T. : à DIÑG-, le renvoi était initialement vers TING, TANG, orthographe conservée par les entrées à la lettre T ainsi que par le texte publié des Étym., en VO comme en VF.
62) RP, p. 400 ; VT 45, p. 9
63) N.d.T. : Une version antérieure de cette entrée faisait dériver ce mot de *doñmē. La toute première version du radical lui attribuait l’orthographe DŌƷO-; cf. VT 45, p. 9.
64) N.d.T. : Le correctif publié dans le Vinyar Tengwar no 45, p. 9, confirme que la base était DEM-, même si Tolkien l’avait originellement écrite DIM- :
DEM-
[Dans la première version au crayon la base fut apparemment écrite DIM-, et donne (apparemment après modification en DEM-) : « dim (dembē) obscurité ; demb morose, triste. »]
Cette formulation n’est pas claire. Faut-il comprendre que la nouvelle forme primitive de dim était dembē (et celle de dem (ou demb) dembā ?) ou qu’il ne s’est agi que d’une phase transitoire entre le changement de qualité vocalique du radical et celle de la forme primitive. La formulation semble conforter la deuxième solution, mais on ne voit guère pourquoi la forme primitive présenterait un changement de qualité vocalique tandis que l’ilkorin retrouverait le e originel. La première option verrait ce dérivé-ci conserver la qualité vocalique originelle, tandis qu’elle serait modifiée pour l’ilk. dim. Resterait à éclaircir ce que devient dimb et s’il faut orthographier dem ou demb le mot pour « triste, morose ».
65) Version originale : « Gelion shorter name of a great river in E. Beleriand; a Gnome [Noldo] interpretation (this would have been Dilion in Ilkorin); cf. Ilk. gelion = bright, root GAL. »
66) N.d.T. : cf. LB, p. 174, 181-182 ; RP, p. 407
67) N.d.T. : comme indiqué plus haut, le VT 45, p. 9, confirme que le radical est bien DEM-.
68) N.d.T. : l’entrée trumb, trum confirme que dimb serait une forme ancienne, une simplification mb > m ayant bien lieu après la perte des voyelles finales.
70) RP, p. 428
71) , 75) WJ, p. 413
72) N.d.T. : En réalité, WJ liste les formes q. pr. *ndore et *nōrē, dérivés de deux racines différentes, mais qui vinrent à se confondre en quenya.
73) N.d.T. : Également orthographié Dorthonion en RP, p. 294.
74) , 81) RP, p. 400
76) RP, p. 400 ; VT 45, p. 11
77) RP, p. 455
78) RP, p. 429
79) UT, p. 266
80) N.d.T. : le VT 45, p. 9, précise que l’entrée donnait : « Ilk. duin eau, rivière > nold. dans les noms de rivières comme Branduin ».
82) RP, p. 403 ; VT 45, p. 13
83) PE 18, p. 36, 61-62, 87
84) PE 18, p. 54, 102
85) RP, p. 401-402
86) RP, p. 418
87) , 89) RP, p. 401
88) WJ, p. 360
91) WJ, p. 414
92) N.d.T. : le radical ROD- était initialement orthographié RON-, et la glose « toit » du radical est apparemment un ajout très tardif ; cf. VT 46, p. 12.
93) N.d.T. : ce mot était orthographié « erdh » dans la VO des Étym., mais la VF corrige en erð à la suite du VT 45.
94) RP, p. 402 ; VT 45, p. 12
95) N.d.T. : La forme Ermabuin est aussi citée en RP, p. 154, sans qu’on sache s’il s’agit d’une autre variante de ce nom, d’une forme plus spécifiquement doriathrine ou d’une version rejetée par Tolkien.
96) N.d.T. : À l’origine, esg « carex » était supposé être un terme noldorin ; cf. VT 45, p. 13. La toute première glose d’EZGE- était « ombre ».
97) RP, p. 442 ; VT 46, p. 13
98) N.d.T. : les deux dernières gloses du radical ont été rajoutées en suivant l’addendum du VT 46, p. 13 ; elles ne sont pas intégrées dans la traduction française. Ce radical était initialement traduit par « dissimuler, cacher (de la lumière) ». Concernant le changement sk- > sg-, voir esgar2, pour le préfixe e-, cf. espalass.
99) N.d.T. : en VT 46, p. 14 est listé une autre entrée qui propose la glose alternative « côte », dérivé de SKAR-[2] et ? SKAT-[2] « ? […] arrêt(er), fin(ir) ; limite, bord » et le dérivé esgaroth « ? rive-bourg ». Pour l’élément e-, voir espalass et pour le changement sk- > sg-, voir l’entrée esgar2 ci-dessous. Appartenant au même folio que SKAL2-, qui est une addition tardive selon Christopher Tolkien (VT 46, p. 27 fo 134 ; cf. RP, p. 384-385), il est probable que cette entrée doive remplacer celle du radical ESEK-.
101) N.d.T. : il est plus probable que le changement sk- > sg- soit antérieur à la prosthèse générant le e- initial, puisque ascar (< *askarā) ne comporte pas de voisement du -k-. Pour la préfixation du e-, voir espalass.
102) N.d.T. : le VT 46, p. 14 donne la traduction alternative « ? rive-bourg », descendant du radical SKAR-[2] et ? SKAT-[2] « ? […] arrêt(er), fin(ir) ; limite, bord », qui remplace probablement la précédente. Pour l’élément initial esgar-, voir l’entrée esgar1. La terminaison –oth correspondrait donc à « bourg » et devrait être apparenté au q. osto « cité, ville entourée de murs », descendant de OTH- « fort » (RP, p. 433 ; VT 46, p. 8), qui pointe vers une forme primitive #othō. Dans ce cas, on aurait : #skar(a)-oth > #sgaroth > Esgaroth. Cela rejoint dans une certaine mesure l’analyse de John Rateliff, qui remarque que le nom Esgaroth n’a jamais désigné le lac mais bien la ville qui se trouvait dessus. La Carte de Thror mentionne en effet explicitement « Esgaroth sur le Long Lac ». Rateliff ajoute que le deuxième élément du nom Esgaroth est identique au dor. roth « caverne » (pl. rodhin), dérivé de ROD- (RP, p. 439), mais ne justifie guère comment le changement de signification « cave » > « cité, endroit habité » pourrait se produire ; cf. HotH, p. 561-562, 566.
103) RP, p. 435 ; VT 46, p. 8
104) VT 45, p. 11
105) VT 46, p. 29
106) RP, p. 403
107) , 108) WJ, p. 336
110) WJ, p. 369
111) N.d.T. : le VT 45, p. 17, précise que go était aussi un terme doriathrin.
112) RP, p. 456-457 ; VT 46, p. 21
113) N.d.T. : le VT 46, p. 21, donne aussi le radical alternatif VAG-, qui ressemble toutefois plus à une reconstruction de la racine ou à la forme que celle-ci pris en quenya archaïque.
114) RP, p. 456 ; VT 46, p. 21
115) , 159) , 239) , 240) , 242) RP, p. 456
116) , 123) RP, p. 457 ; VT 46, p. 21
117) RP, p. 457
118) , 128) RP, p. 459 ; VT 46, p. 21
119) , 169) RP, p. 441
120) N.d.T. : cette analyse s’appuie sur une étape antérieure de la rédaction des Étym., avant que le q. pr. *wilwā ne soit changé en *wilmā et l’ilk. gwelu, gwelo en gwelm (q.v.), et a donc été placée éditorialement entre crochets. Cependant, la formulation de l’addendum donnant la forme gwelm en VT 46, p. 21 n’est pas claire, et il se pourrait que la modification gwelu, gwelogwelm ait finalement été rejetée.
121) RP, p. 458
122) RP, p. 406-407
124) , 127) RP, p. 459
125) RP, p. 458-459
126) PM, p. 377 n. 24
129) N.d.T. : avant d’être biffée, cette entrée fut modifiée ; les radicaux furent orthographiés WINID-, WIND-, et les termes ilkorins disparurent, probablement parce qu’ils ne pouvaient plus dériver de tels radicaux.
132) Silm., App.
133) RP, p. 417 ; VT 45, p. 25
134) RP, p. 418.
135) N.d.T. : le terme primitif a été corrigé en suivant le VT 45, p. 26. La traduction française ne prend pas en compte cette correction.
136) N.d.T. : le radical LIK- est écrit en regard de cette entrée et constitue peut-être une forme alternative, plus simple. La glose de laig commençait à l’origine par un terme désormais biffé, peut-être « rapide » ; cf. VT 45, p. 25.
138) , 141) RP, p. 417
140) RP, p. 403-404 ; cf. VT 45, p. 5, 13
142) PE 18, p. 36, 61, 85
143) RP, p. 419
144) , 145) WJ, p. 361
146) , 147) , 148) , 150) , 178) RP, p. 420
149) WJ, p. 385
153) N.d.T. : le radical avait à l’origine l’orthographe MÁSAG- (biffée) ; cf. VT 45, p. 32.
155) N.d.T. : la traduction française corrige cette erreur, qui est confirmée par le VT 45, p. 35.
156) N.d.T. : en anglais, le nom de cet oiseau est nightingale, dérivé des proto-germaniques *nakht « nuit » et *galan « chanter » par l’intermédiaire du moyen-anglais nihtgale ; on trouve des termes apparentés en néerlandais, en allemand, en danois et en suédois. Les noms eldarins discutés ici ont donc la même dérivation étymologique que dans les langues germaniques.
157) N.d.T. : à l’origine, murilind semble avoir été orthographié morilind ; cf. VT 45, p. 35.
161) N.d.T. : le radical alternatif YOR- est listé en VT 46, p. 22, où il est indiqué que la forme quenya fut changée en yōr. Dans la version originale du lexique suivait l’explication suivante :
Le terme quenya apparenté yár, devenant yar- avec une voyelle brève devant les terminaisons, pointe vers une forme quendienne primitive #jara (#yara), devenant ultérieurement #jār (avec terminaison #jar-) en eldarin commun. (Comparer avec le q. pr. *kwene « personne », eld. com. kwēn, kwen-, q. qúen, quen- : WJ, p. 360, 361.) En ilkorin, les ā longs deviennent ô (comparer par exemple avec côm, tôr), et le j- initial tombe (comparer avec arn « rouge » < #jarnā).
Mieux vaut maintenant faire l’hypothèse d’une forme q. pr. #jōro / yōro, devenant #yōr en eldarin commun. Toutefois, l’ilkorin ôr ainsi que le q. yaren resteraient dérivés de #jara / #yara, les ō longs primitifs semblant plutôt donner û en ilkorin ; cf. dûm.
162) RP, p. 432
163) RP, p. 414-415
164) N.d.T. : Il s’agit à nouveau du phénomène de déplacement de la sundóma qui fait partie des « vocalisations anormales » de la base ; cf. PE 18, p. 36, 61-62, 87.
165) N.d.T. : le radical OKTĀ- était originellement orthographié OHTĀ-.
166) RP, p. 438
167) RP, p. 439
170) , 173) , 174) , 181) , 182) , 189) , 191) RP, p. 447
171) , 198) , 201) RP, p. 445
172) N.d.T. : **tâch est corrigé en tāch en suivant le VT 46, p. 17 : la traduction française ne tient pas compte de cette correction.
176) N.d.T. : l’accent a été corrigé en suivant le VT 45, p. 6 ; correction non intégrée dans la traduction française.
177) N.d.T. : une note isolée citée dans le VT 46, p. 17, dit : « Ilk. taig (*taikā) “pentu, grand, profond” semble être une fusion d’AIKA et TĀ- ; cf. Taiglin “profond-étang”, nom de rivière. », ce qui indique que la forme primitive était plutôt une somme des deux radicaux qu’une fusion de ceux-ci, et permet mieux d’expliquer l’évolution du sens en ilkorin.
179) N.d.T. : une note citée en VT 46, p. 17, indique clairement que Taiglin est bien de l’ilkorin et signifie « profond-étang ».
180) WJ, p. 309
183) N.d.T. : le –m final de gwelm ne semble pas être devenu syllabique, contrairement à talum, à moins que ce mot ne corresponde à une période plus ancienne de l’ilkorin.
184) RP, p. 447 ; VT 46, p. 17
185) RP, p. 449
186) N.d.T. : tangol était initialement écrit : « n[oldorin] tangl ; VT 46, p. 17.
187) RP, p. 448
188) WJ, p. 382
190) RP, p. 446
192) N.d.T. : **taurē a été corrigé en *tau̯rē, suivant le VT 46, p. 17 ; cette correction n’est pas prise en compte dans la traduction française.
193) VT 39, p. 7
195) RP, p. 416-417
196) N.d.T. : C’était tout à fait exact à l’époque de la rédaction des Étym. En revanche, Tolkien décida tardivement qu’« en tel. la syncope de la seconde voyelle dans une séquence de 2 voyelles brèves de même qualité n’était pas régulière » ; Lettre no 347. Dans ce contexte, telpe serait plutôt l’adaptation quenya du telerin telepe.
197) RP, p. 449 ; VT 46, p. 18
199) N.d.T. : le VT 46, p. 16, confirme que la forme primitive est probablement *stalrā, et c’est la forme que donne la traduction française.
200) N.d.T. : en français dans le texte.
202) RP, p. 444
203) , 211) , 212) , 214) RP, p. 451
204) RP, p. 451 ; VT 46, p. 18
205) RP, p. 430
206) RP, p. 451 ; VT 46, p. 19
207) N.d.T. : la traduction française corrige bien le radical **THŌN- en THON-, mais omet de changer **thôn en thōn ; cf. VT 46, p. 19.
208) N.d.T. : Sachant toutefois que Dorthonion était dans l’aire d’influence du mithrimin, lequel fut généralement conservé dans les toponymes du Beleriand septentrional, il est possible que ce nom n’appartienne pas au sindarin classique ; cf. PE 17, p. 133-134.
209) N.d.T. : **thórod est corrigé en thôrod suivant le VT 46, p. 19 ; la traduction française n’intègre pas cette correction.
210) N.d.T. : la version originale donnait le pluriel erroné **thurin, suivant l’orthographe adoptée dans The Lost Road. J’ai corrigé à la suite du VT 46, p. 19. Comme l’indique la suite de l’entrée, Fauskanger avait deviné qu’il s’agissait d’une coquille.
213) N.d.T. : voir aussi l’entrée estorn.
215) MC, p. 222-223
216) RP, p. 452-453 ; VT 46, p. 19
217) VT 46, p. 19
218) MR, p. 388
219) RP, p. 452
220) RP, p. 453 ; VT 46, p. 19
221) N.d.T. : le de *tiu̯kā a en fait une valeur consonantique, comme l’indique la correction du VT 46, p. 19.
225) RP, p. 450 ; VT 46, p. 18
226) N.d.T. : la localisation de l’accent est confirmée par le VT 46, p. 18, qui corrige le **terēwā de la version originale en *terḗwā, comme le fait la traduction française. La forme ilkorine **trêw y est également corrigée en trēw, ce qui cette fois n’est pas pris en compte par la traduction. La forme originale du radical était TERÉW-, et une note biffée lors de la modification de celui-ci signalait à propos de trēw : « Dans ce mot le w est peut-être à l’origine un suffixe adjectival, le radical étant *tere, *terē. » ; ibid.
227) RP, p. 455 ; VT 45, p. 20
228) N.d.T. : les Étym. donnent l’orthographe incorrecte **tûgh, **, corrigée ici suivant la leçon du VT 46, p. 19.
229) RP, p. 454 ; VT 46, p. 19
230) N.d.T. : la forme primitive *tūgu était initialement orthographiée *tūga.
233) RP, p. 406
234) PE 18, p. 104
235) RP, p. 413
238) MR, p. 69
241) Version originale : « nouns made with the ending –lē seem properly to have been universal and abstract » ; VT 39, p. 16
 
langues/langues_elfiques/ilkorin/ilkorin_langue_perdue_app1.txt · Dernière modification: 19/05/2022 11:51 par Elendil
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