Mains, doigts & numéraux eldarins et écrits associés — Partie Une

Vinyar Tengwar J.R.R. Tolkien — Février 2005
édité et annoté par Patrick Wynne
traduit de l’anglais par Vivien Stocker
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Cet article est issu du journal linguistique Vinyar Tengwar 47, daté de février 2005 et édité par Carl F. Hostetter. Le traducteur remercie chaleureusement le Tolkien Estate, Patrick H. Wynne, Carl Hostetter et l’équipe éditoriale de Vinyar Tengwar pour avoir autorisé la publication de cette traduction. Il remercie également les nombreux relecteurs de la traduction.

Le texte de Tolkien est sous la protection du droit d’auteur. © 2005–2022 The Tolkien Trust.

Plan de l’article :
Mains, doigts & numéraux eldarins et écrits associés

I. « Mains, doigts & numéraux eldarins »

Comme indiqué dans l’Introduction, le dactylogramme MDN est constitué de neuf pages numérotées 1–5, 6A et 6B, et 7A et 7B, où 6B et 7B sont des versions révisées de 6A et 7A. Il est clair que Tolkien acheva la révision de la page 6B avant d’écrire la page 7A, car le texte de 6B finit au milieu d’une phrase en quenya (imbe Menel Kemenye…), qui n’apparaît pas dans 6A mais qui se poursuit en haut de 7A et de 7B (…mene Ráno tie). Le texte principal donné ici est donc composé des p. 1–5, 6B et 7B et incorpore toutes les corrections et modifications faites sur le dactylogramme. Les modifications furent, pour la plupart, faites au stylo-bille, bien que quelques-unes furent écrites au stylo-plume ou dactylographiées au cours de la composition. Les lectures antérieures sont données dans les notes éditoriales et, sauf indication contraire, toutes les modifications furent faites à l’encre. Les passages tirés des anciennes pages 6A et 7A du dactylogramme qui diffèrent de façon significative des pages révisées 6B et 7B sont aussi présentés dans les notes éditoriales. Durant la rédaction de MDN, suivant sa pratique habituelle, Tolkien intercala ses notes directement dans le corps du texte principal. Elles ont été retirées et déplacées à la fin de l’essai dans la section « Notes de l’Auteur ». Des numéros ont également été ajoutés à chaque paragraphe de MDN pour faciliter les références croisées dans les notes éditoriales.

Les mots pour « main »

1. q.

§1 Les Eldar considéraient que la main avait une grande importance personnelle, juste derrière la tête et le visage. L’eldarin commun possédait plusieurs mots pour cette partie du corps. Le plus ancien (probablement) et celui qui a conservé un sens général et non spécialisé — faisant référence à la main toute entière (y compris le poignet) dans toute attitude ou fonction, avait probablement la forme maȝa en eldarin commun primitif, un radical spécifique au sens « main » et n’ayant aucune autre signification. Il pourrait avoir été apparenté (bien que ce soit naturellement purement hypothétique) à l’eld. com. MAGA, un radical signifiant « bon » — mais sans référence morale, excepté par implication : c.-à-d. qu’il n’était pas l’opposé de « mal, méchant » mais de « mauvais (endommagé, imparfait, inadapté, inutile) » et le radical adjectival dérivé *magrā signifiait « bon pour un usage ou une fonction, comme attendu ou désiré, utile, approprié, adéquat. »

§2 Puisque la fricative vélaire faible ȝ, bien qu’originellement peu rare en eldarin, semble avoir été perdue avant la fin de la période de l’eldarin commun (Note 1), le mot pour main devint ; mais le radical verbal dérivé maȝtā > maχtā : q. mahta- « manipuler, manier, diriger, s’occuper de » ; tel. matta ; sind. maetha. resta en usage en quenya, avec la paire duelle mát ; mais le seul pluriel en usage (à n’importe quelle période attestée) fut máli. Le pluriel en vieux quenya *mai et le pluriel réformé *már n’étaient pas utilisés, sans doute en partie à cause de leur conflit avec mai « bien » (adverbe issu du radical MAG1)) et avec már « demeure » ; mais le pluriel général ou complet était, dans de tels mots, rarement nécessaire (Note 2). Des affirmations générales telles que « les mains sont plus agiles que les pieds » étaient le plus souvent exprimées au singulier : « la main est plus agile que le pied ». Dans des cas tels que « ils levèrent leurs mains », main était, en syntaxe eldarine, toujours au singulier si chacun (ce qu’il n’était pas nécessaire d’exprimer) levait une main et toujours au duel si chacun levait les deux mains ; le pluriel était impossible. Dans le langage courant, le quenya était souvent remplacé par maqua : voir ci-après2).

§3 La forme sindarine maw était un mot obsolète et poétique, principalement préservé dans le langage ordinaire dans les dérivés comme maed « habile, adroit » (= q. maite) ou dans des composés anciens et obscurs tels que for-vaw > forvo « la main droite, le côté droit », har-vaw > harvo « la main gauche, côté gauche » ; molif « poignet » = « main-lien » : eld. com. *mā-limi, q., tel. málime (radical eldarin commun LIM « lier, joindre »)3).

§4 En telerin non plus, n’était plus en usage et fut remplacé par l’eld. com. makwā, excepté dans les dérivés ou composés identiques ou similaires à ceux cités pour le sindarin : comme forma, þarma, « droite-main », « gauche-main » = q. forma, hyarma4).

2. q. maqua

§5 L’eldarin commun possédait aussi le mot *makwā : q. maqua, tel. mapa, sind. mâb, mab-. Les anciens noms monosyllabiques étaient une petite classe, fréquemment remplacés par des formes modifiées en eldarin commun tardif ou dans les langues dérivées5) ; et appartenait aux quelques-uns qui se terminaient ou qui, durant la période de l’eldarin commun, en vinrent à se terminer par une voyelle (Note 3). Les usages de makwā indiquent qu’il était formé par addition de l’élément kwā, le radical de nombreux mots au sens de « entier, complet, tout » et signifiait, au début, « une main-pleine, main complète avec les cinq doigts ». Le mot devait avoir été créé en eldarin commun, mais après que *maȝa > ; la voyelle longue de aurait alors été raccourcie avant les deux consonnes kw, un processus phonétique normal (Note 4). Que makwā fut, à l’origine, connecté avec le jeu de main et le comptage primitif (voir ci-dessous) est visible en quenya, dans lequel sa fonction originale fut préservée : maqua continua d’être utilisé comme groupe numéral « groupe de cinq choses (similaires) » et le duel maquat pour « un groupe de dix » (Note 5). Mais puisque c’était un mot commode de forme normale qui n’offrait aucune difficulté de déclinaison (à l’inverse de ma : voir ci-dessus) et ressemblait à ma (la main entière dans toute attitude), il était généralement communément utilisé en quenya pour le membre « main »6). En telerin et sindarin, il devint le mot normal pour « main » : tel. mapa, sind. mâb7).

§6 NOTE : C’est la dérivation proposée par Pengoloð. Les anciens maîtres du savoir — influencés par le a court de makwa et n’ayant pas observé que kwa était un élément suffixé — supposèrent que makwa était seulement « accidentellement » apparenté à ma et était, en fait, dérivé de la base MAP (tel. mapa-) « se saisir de, empoigner », la forme en quenya étant dérivée de mapa avec kw substitué à p (pour différencier les deux labiales)8). Ils citaient la base NAP comme un autre type de différenciation. Mais il n’y a aucune autre preuve d’une base MAP (elle est introuvable en quenya ou en sindarin) : en telerin, le v. mapa- dérive évidemment de mapa « main » et non l’inverse, étant probablement une variation délibérée de NAP, pour exprimer « empoigner avec la main entière »9). Pour la signification de NAP, voir ci-dessous à propos des « noms des doigts »10).

§7 L’eldarin commun possédait deux autres mots pour « main », limités à l’origine à des attitudes et des fonctions bien particulières ; et aussi un mot pour le « plat de la main ou paume ».

3. q. kamba

§8 L’eld. com. kambā était un dérivé instrumental de KAB « tenir, contenir, retenir » (Note 6)11) ; il se référait ainsi à la main entière, mais fléchie, avec les doigts plus ou moins refermés, en coupe, dans l’attitude de réception ou de tenue12). Kambā devait être préféré au mot général lorsqu’on parlait de ces attitudes. Cela est exemplifié de manière frappante dans la légende de Beren, qui emporta l’un des Silmarils de la couronne de Morgoth ; mais sa main droite fut arrachée au poignet par Carcharoth, le loup qui gardait la porte supérieure d’Angband. On lui donna donc le titre Erchamon13) (en forme en quenya Erkambo) « Homme à la main-unique » et aussi Camlost « main-vide ». Ce dernier est dû au fait que, quand il ramena Lúthien à son père, le Roi Thingol demanda à voir le Silmaril, la dot que Beren avait juré de rapporter ou de ne jamais revenir en Doriath et Beren répondit :

§9 « Ma main tient le joyau » et il tendit sa main gauche, ouvrant lentement ses doigts ; et elle était vide. « Hélas ! » s’écria Beren, « il est dans l’autre main, mais elle n’est pas ici. »14) Ensuite, vint la grande chasse au loup dans laquelle Beren, Thingol et son grand champion Mablung mirent finalement Carcharoth aux abois. Beren fut mortellement blessé par le loup, mais Mablung le tua et déchira son ventre pour en sortir la main droite de Beren — sa kamba, tenant toujours le Silmaril et, de par sa protection, non-mortifiée et propre. Mais, à sa surprise, la main et le joyau parurent avoir un si grand poids que la propre main de Mablung fut entraînée vers la terre et contrainte de s’ouvrir, laissant l’autre chuter au sol. Il a été dit que le nom de Mablung (« la Mainlourde ») était prophétique ; mais ce fut peut-être un titre issu de l’épisode qui devint par la suite celui par lequel le héros entra dans la légende15).

4. q. quár16)

§10 L’eldarin commun avait une base KWAR « presser ensemble, serrer, tordre ». Un dérivé était *kwāră : q. quár, tel. pār, sind. paur. Il peut être traduit par « poing », bien que son usage principal soit une référence à la main hermétiquement fermée comme pour utiliser un instrument ou un outil artisanal plutôt qu’au « poing » utilisé pour cogner17). Cf. le nom Celebrin-baur > Celebrimbor. C’était une forme sindarisée du tel. Telperimpar (q. Tyelpinquar)18). C’était un nom fréquent parmi les Teleri qui, en plus de la navigation et de la construction de navires, étaient aussi renommés comme orfèvres. Le fameux Celebrimbor, défenseur héroïque de l’Eregion au cours de la guerre contre Sauron au Deuxième Âge, était un Teler, l’un des trois Teleri qui accompagnèrent Celeborn en exil. C’était un grand orfèvre et il vint en Eregion, attiré par les rumeurs du métal merveilleux découvert en Moria, l’argent-Moria, auquel il donna le nom de mithril. Dans l’ouvrage de ce dernier, il devint un rival des Nains ou plutôt un égal, car il y avait une grande amitié entre les Nains de Moria et Celebrimbor, et ils partageaient leurs compétences et leurs secrets d’artisan. Dans la même veine, Tegilbor était utilisé pour quelqu’un de doué en calligraphie (tegil était la forme sindarine du q. tekil « plume », inconnu des Sindar jusqu’à l’arrivée des Noldor). En eldarin commun et dans les langues dérivées, le *kwāra était aussi utilisé comme un symbole de pouvoir et d’autorité.

5. q. palta

§11 L’eldarin commun avait aussi le mot palatā19), un dérivé étendu du radical eldarin commun PAL : palat, palan- « vaste, étendu » (avec également, à l’origine, l’implication que l’étendue était plus ou moins plate et uniforme, sans entrave au mouvement ou à la vue). Cf. q. palan, adv. « loin et vaste » ; palda « vaste, large » (< palnā). palátā, q. palta, tel. plata, sind. plad20), signifiait « le plat de la main, la main tendu vers le haut ou vers l’avant, plate et tendue (avec les doigts et le pouce fermés ou écartés) »21). Cette attitude avait de nombreuses significations importantes comme gestes dans les coutumes eldarines (q. Mátengwie « langage des mains »)22). La paume de la main vers le haut était un geste de récipiendaire ou de quelqu’un demandant un présent ; les deux mains ainsi dirigées indiquaient que celui-ci était au service ou sous les ordres d’une autre personne. La paume de la main vers l’avant (Note 7) à l’égard d’autrui était un geste d’interdiction, commandant le silence, la halte ou l’arrêt de toute action ; interdisant l’avancée, ordonnant la retraite ou le départ ; rejetant une requête (Note 8). Le geste du Dúnadan Halbarad (RR, p. 50) n’était donc pas un signe elfique et il aurait été bien mal reçu par eux23). Dans un tel cas, leur geste était d’ouvrir les deux bras en grand, un peu en-dessous du niveau de l’épaule, paumes vers l’extérieur : dans ce cas, comme dans le geste humain, la paume ouverte signifiait « sans arme », mais le geste elfique ajoutait « dans aucune main » (Note 9). L’extension des doigts modifiait la signification. Le geste de récipiendaire ou de demandeur, si les doigts et le pouce étaient ouverts, indiquait la détresse et l’urgence du besoin ou la pauvreté. De la même manière, le geste d’interdiction était rendu plus hostile et menaçant, indiquant que si l’on n’obéissait pas immédiatement au commandement, la force et les armes pourraient être utilisées.

§12 Du même radical eldarin commun étendu, dérivait le verbe *pal’tā (Note 10), q., tel. palta « passer la paume sensible sur une surface : ressentir avec la main, caresser », etc. Le verbe sindarin de même sens, plada-, se substituait au radical des mots pour « paume » : plad de l’eld. com. palátā. L’omission par perte phonétique de la voyelle (courte) non accentuée avant l’accent eldarin commun était fréquente en sindarin, entre les occlusives et l, r, et usuelle en telerin, dans les mots dont la forme demeurait au moins dissyllabique en telerin24). En quenya, la position de l’accent eldarin commun n’était pas importante, puisque à une période ancienne, le quenya avait repositionné l’accent vers la première syllabe.

Gauche et Droite

§13 Les Eldar ne ressentaient aucune distinction entre la droite et la gauche. Il n’y avait rien d’étrange, de mauvais augure (sinistre), de faible ou d’inférieur à propos de la « gauche ». Ni rien de plus correct, approprié (droit), de bon augure ou d’honorable à propos de la « droite » (Note 11). Les Eldar étaient « ambidextres » et la répartition des différents services et devoirs habituels à la droite ou la gauche était une affaire purement individuelle et personnelle, non régie ni héritée d’une habitude raciale générale. Un Elda pouvait habituellement écrire des deux mains ; s’il écrivait avec la gauche, il commençait du côté droit, si c’était avec la droite, du côté gauche — car les Eldar trouvaient plus confortable que la main d’écriture ne soit pas de nature à recouvrir ce qui venait d’être écrit immédiatement avant la lettre sur laquelle elle était engagée (Note 12).

§14 En faisant les gestes décrits ci-dessus, chaque main était utilisée sans modification de la signification. Les faire avec les deux était plus emphatique, indiquant que le geste exprimait un ordre de toute la communauté ou d’un groupe, ou du roi ou de l’autorité via un héraut ou un subordonné. Les figures de pierre des Argonath levaient chacune une main, paume vers l’avant, mais c’était la main gauche (FdA, p. 494). C’était un geste humain : la main gauche était plus hostile et son usage autorisait à disposer la main droite sur une arme : une hache.

Les doigts

§15 Les cinq « doigts » comprenaient le pouce. Le mot eldarin commun était *leper- (Note 13), un dérivé de l’eld. com. LEP « ramasser, choisir » avec les doigts ; cf. q., tel. lepta-, sind. leutha-25). Pour « doigt », le quenya avait leper, plur. leperi ; de même en telerin ; sind. leber, plur. lebir26). Le numéral pour « cinq » était certainement apparenté. Outre la forme pleine eld. com. leper, il en existait sans aucun doute une forme plus simple *lepe (qui apparaît dans plusieurs noms pour les différents doigts d’une main). Une ancienne formation plurielle issue de celle-ci, avec l’eld. com. –m(e), était lepem(e) qui produisit finalement le mot pour « cinq » : tel. lepen, sind. leben, q. lempe avec la transposition en quenya < lepne avec la syncope quenya < lepene. La forme telerine pourrait remonter à l’eld. com. lepem avec une dissimilation du m : le –m final de l’eldarin commun survécu tel quel en telerin, mais comme n en quenya, et fut perdu en sindarin. Mais les trois formes remontent plus probablement à l’eld. com. tardif lepene avec une perte du sens de la pluralité et l’addition d’un e, sur le modèle des autres numéraux de 3 à 9, qui possédaient tous, en plus des formes courtes (comme nel- 3), des formes longues par addition d’une troisième consonne avec une sundóma, longue ou courte (comme nelede 3 ; q. nelde)27).

§16 Pour un autre mot pour « cinq » (q. makwa) : voir ci-dessus. Il était utilisé pour compter par cinq, avec le duel maquat « paire de cinq » pour « dix » : maquanotie était le quenya pour le « système décimal » de comptage.

§17 En quenya, les doigts étaient appelés, en comptant depuis le pouce vers l’extérieur : nāpo28) « pouce » ; lepetas29) « premier doigt ou index » ; lepenel ou lepende « doigt du milieu, majeur » ; lepekan « quatrième doigt, annulaire » ; lepinka « petit doigt, auriculaire ».

§18 Dans les jeux d’enfants, les noms donnés (auxquels de nombreuses histoires étaient attachées) étaient : atto/atya ; emme/emya ; tolyo ou yonyo ; nette ou selye ; wine ou winimo : c’est-à-dire « papa », « maman », « celui qui est dressé » ou « grand garçon » ; « demoiselle » (« fille »), « bébé »30). Les doigts et les orteils étaient nommés tille (plur. tilli) « extrémités, pointes » ; ou différenciés par ortil(li) « sur-pointe(s) » et nútil(li) « sous-pointe(s) »31). Les mêmes noms ludiques ataryo/taryo32), etc., pouvaient être donnés aux orteils.

§19 Dans le langage ordinaire « orteil » était taltil (plur. taltilli) ; le gros orteil était taltol ou tolbo33), et les autres orteils n’avaient pas de noms particuliers, mais étaient comptés depuis le gros orteil vers l’extérieur34).

§20 Le q. taltol35) « gros orteil » et tolyo, le nom ludique du lepende, contiennent tous deux le radical eldarin commun TOL « debout (à l’extérieur et au-dessus de choses voisines) », principalement appliqué à des objets qui étaient, par rapport à ceux auxquels ils étaient comparés, plus larges et plus épais : e.g. des cimes de montagnes, de très grands arbres ou un homme grand et fort. Une application topographique fréquente concernait les îles qui émergeaient de l’eau (mer ou rivière) avec des pentes abruptes (Note 14). Le q. tolbo est également apparenté : une « invention », évocation de TOL, plutôt qu’un dérivé d’une extension TOLob, puisqu’il ne survient que dans l’eld. com. tolbā « une protubérance, en part. conçue dans un but précis : un bouton ou le manche arrondi d’un outil » ; duquel tolbo est une forme « agentive » — il appartient probablement aux noms ludiques plutôt qu’aux noms normaux36).

§21 Les autres noms contiennent lepe- « doigt » (une forme plus ancienne du leper tardif)37) : lepetas (plur. lepetassi) est + eld. com. tassă issu de la base TAS « pointer, indiquer » (Note 15)38). lepende est + l’élément eldarin commun ened « milieu, centre » ; la forme plus ancienne lepenel est plus intéressante. Elle fut interprétée comme « doigt numéro-trois ». Mais une étude plus approfondie des noms des numéraux eldarins jusqu’à 10 suggère que la signification « milieu » était la plus ancienne et la source des formes du numéral 3. Dans les jours anciens, avant le Grand Voyage, tandis que la construction de la langue eldarine commune était en cours, jouer avec les mains et nommer les doigts allaient de pair avec le nommage des numéraux (ceux au-dessus de 2). La main était l’instrument de comptage primitif (Note 16). Durant le premier stade, une main était utilisée comme unité de groupe et les noms furent créés pour ses proéminences séparées. Plus tard, les deux mains furent disposées avec les extrémités des pouces se touchant. Du premier stade, vint le numéral 5 (voir ci-dessus) ; et aussi le mot makwā (voir ci-dessus) « main-pleine », qui continuait d’avoir en quenya, et dans l’usage familier, le sens « tas, groupe, partie composée de cinq choses ou éléments ». Maintenant, le doigt proéminent du milieu était aussi le troisième, que l’on compte depuis la gauche ou depuis la droite. Il est donc clair que l’eld. com. ened, enel « milieu » et le radical (e)nel-ed (q. nelde) 3 étaient apparentés39). Plus tard, dans l’eldarin commun organisé, ened, ende furent utilisés pour le nom et l’adjectif « milieu » et nel ou la forme étendue nelede pour « trois ». Mais en quenya, enel resta comme une préposition « entre » = la position centrale d’une rangée, d’une liste, d’une série, etc., mais était également employé dans le cas de trois personnes (Note 17). Il différait de l’eld. com. imbi et mīni (tous deux probablement dérivés de MI « dans ») en ceci qu’enel se référait à la position d’une chose entre d’autres de même type, tandis que imbi (q. imbe) et mīni (sind. mîn, min-) désignait un vide, un espace, une barrière ou tout autre chose intervenant entre deux autres choses (semblables ou non l’une à l’autre) : comme dans imbe met « entre vous et moi », imbe siryat « entre deux rivières » (Note 18) ; imbi Menel Kemenye mene Ráno tie « entre le Ciel et la Terre va le chemin de la Lune »40). La variation d/l observée dans ened/enel était probablement ancienne : en eldarin commun d et l se trouvaient comme variantes dans de nombreuses bases et éléments suffixaux sémantiquement liés41).

§22 D’autres relations entre les noms des doigts et les numéraux peuvent être observées. Les mots pour 8 et 9 en sont des cas évidents (Note 19). Ils appartiennent au second stade : l’usage des deux mains, collées pouce à pouce, mais comptant depuis le pouce vers l’extérieur puis retournant au second pouce après « cinq »42). Les doigts proéminents du milieu étaient ainsi 3 et 8. L’eld. com. TOL (« se dresser ») apparaît à la fois dans le nom ludique tolyo pour ce doigt et dans tolod- base du numéral 8, l’extension + d étant évidemment modelée sur neled- 343).

§23 Le numéral pour 9 était neter-. Cela ressemble au nom ludique nette pour l’annulaire, qui était aussi, dans le jeu à deux mains, le 9. Ce nom est l’un des anciens noms ludiques, puisque des formes liées se trouvent en telerin et sindarin (Note 20)44). Cette ressemblance fut rejetée comme étant « fortuite » par les anciens maîtres du savoir. Ils soulignaient que le nom ludique tolyo était évidemment plus ancien que les noms ludiques fantaisistes qui traitaient les doigts comme des membres d’une « famille » : père, mère et enfants. Il n’appartenait pas vraiment à ce groupe car, comme les mots des numéraux 3, 5 et 10 et les noms adultes des doigts, il dépendait de la position, de l’apparence ou de l’usage des doigts. La relation entre tolyo et tolod était ainsi naturelle et, de fait, tolyo était plus probablement dérivé du numéral que l’inverse45). Mais nette signifiait « sœur » ; et ne contient par le radical eldarin commun NET : il est dérivé de l’eld. com. NETH « sœur », dont il était une altération habituelle utilisée dans le langage familier affectueux (Note 21)46). neter contient NET ; mais comme dans le cas de 4 kan-at, 6 enek et 7 otos, c’est une invention sans aucune relation claire avec d’autres radicaux ou mots eldarins communs.

§24 Pengoloð cite ces objections, mais demeure de [l’] avis que la ressemblance entre nette et neter au point 9 du comptage à deux mains ne peut pas être une simple coïncidence. Son intéressante explication est, en bref, celle qui suit. Il accorde que bien qu’anciens (déjà [en] eldarin commun) les noms ludiques personnalisés sont plus tardifs que l’invention et l’organisation des numéraux de 1 à 10 et qu’ils furent imposés à un système ancien dont tolyo est une importante et intéressante survivance ; nette est donc en quelque sorte lié à neter ou en est dérivé. À présent tolyo possède un autre nom : hanno « frère » (Note 22) ; mais nette n’a pas d’alternative47).

Notes de l’auteur à « Mains, doigts et numéraux eldarins »

Note 1

À moins qu’elle ne fût placée avant les dentales t et s, auquel cas, elle était dévoisée en χ : χt, χs. Devant les autres consonnes, elle était perdue avec l’allongement de la voyelle précédente.

Note 2

En fait, en quenya, les mots tels que ceux employés pour les parties du corps, en particulier celles intervenant par paires, formaient rarement les pluriels en –li, à moins qu’ils fussent phonétiquement pratiques ou pour d’autres raisons, comme avec máli ; et la forme choisie, quelle qu’elle fut, suffisait aux deux fonctions.

Note 3

Les seuls autres survivants en tant que tels dans une ou plusieurs langues dérivées étaient : « lèvre » (q. ) ; srā (sind. rhaw) « chair » ; « eau dormante » (tel. « mare, lieu de baignade, en part. eau laissée dans un creux de roche par la marée descendante ») ; « vent » (q. « son du vent ») ; « arc, courbe » (tel. « arc » — à comparer à lūta- « arquer, courber », v.) ; grā (sind. graw « ours »). Tous ceux-là, à l’exception de pe et su, avaient probablement perdu une consonne en eldarin commun : ȝ dans lo et lu et un –w final dans sra, gra48).

Note 4

Bien que cela ne dut pas nécessairement être observé dans la période plus tardive de l’eldarin commun ce fut bien manifestement fertile en nouvelles inventions.

Note 5

Quelque peu similaire à notre usage de demi-douzaine et de douzaine pour six et douze.

Note 6

< kab-mā : bm semble être habituellement devenu mb, non mm, en eldarin commun.

Note 7

À hauteur d’épaules ou plus haut. L’élévation ajoutait de l’emphase.

Note 8

On ne levait donc jamais la main de cette manière pour saluer ou accueillir. Dans de tels cas, la main aurait été élevée paume vers l’arrière et, pour donner de l’emphase, avec une ondulation des doigts vers le signeur. En guise de salutation décontractée en passant, lorsqu’aucun autre échange n’était voulu, la main était tenue la tranche vers l’avant, avec ou sans mouvement des doigts.

Note 9

De leur point de vue, nécessairement, puisque les Eldar ne faisaient aucune distinction entre les mains et leurs opérations : voir plus bas sur Gauche et Droite. Le geste d’Halbarad était fait avec la main droite.

Note 10

(’) indique l’omission de la sundóma en eldarin commun (et non la perte phonétique). Dans le système eldarin commun de vocalisation des radicaux triconsonantiques, il n’était pas nécessaire d’insérer plus de deux fois la sundóma, à moins que la première ne soit initialement omise et remplacée par une sundóma extrudée initiale : dans ce cas, la vocalisation était ap’lata. De cette forme était dérivé le tel. aplat, sind. ablad « interdiction, refus » (en référence au geste), ne se trouvant pas en quenya ; mais cf. KAL « briller », kalar- (tel., q. calar « lampe »)49), aklara (tel. aclar, sind. aglar, quenya avec transposition alkar, « gloire, splendeur »).

Note 11

Une substitution « enfantine » ou pédagogique pour l’ancien terme germ. tehs-, tehswa- (i.-eur. deks- comme en latin dexter), qui fut préservée seulement en gotique et v. h. all., excepté de façon précaire dans les noms de lieux tels que l’île de Texel : dans lesquels la signification pourrait avoir été « sud »50). Cet usage de « droit » pour le sud se trouve en sanscrit et est habituel en celtique51) ; mais il est secondaire et dû au comptage des points cardinaux depuis une position faisant face à l’Est (le soleil levant). Le radical i.-eur. deks- était, en fait, probablement apparenté au radical dek- « droit, correct, bon, approprié », familier en anglais dans les emprunts au latin : decent, decorous, etc.

Note 12

Mais l’écriture était un cas particulier. Pour l’économie et la clarté, il était préférable que chaque lettre ait sa forme standard. Feanor avait conçu ses tengwar avec des formes plus pratiques pour la main droite et elles étaient considérées comme les formes « correctes » ; par conséquent, les tengwar étaient normalement écrites depuis la gauche avec la main droite, en particulier dans les livres et les documents publics. Si elles étaient écrites avec la gauche (comme souvent dans les lettres ou documents privés), les tengwar étaient inversées et étaient correctes dans un miroir52). Dans les « runes », d’arrangement et de formes plus tardives et plus élaborées, l’inversion était significative et il n’y avait aucune différence de pratique quelle que soit la main. Elles étaient écrites (ou gravées) dans n’importe quelle direction ou en alternance.

Note 13

Probablement une formation agentive : *lepero. Les voyelles courtes accentuées étaient probablement perdues en position finale en eldarin commun après l, r, n, m. Cf. *abaro « celui qui refuse » > abar : q., sind. avar, tel. abar, le nom donné par les Eldar à ceux de leur parentèle qui refusèrent l’invitation des Valar.

Note 14

Cf. le q. tolle « une île escarpée ». Il était utilisé sous la forme Tol- comme préfixe dans les noms d’îles : comme dans Tol-eressea. De même en sindarin : Tol Brandir.

Note 15

À l’origine, probablement apparenté aux éléments pronominaux démonstratifs : ta, se.

Note 16

Bien plus tard, mais avant la fin de la période de l’eldarin commun, les Eldar laissant derrière eux les débuts primitifs avec la main, conçurent un comptage en six et douze qu’ils utilisèrent dans tous les comptes plus élaborés ; mais dans l’usage familier et quotidien, beaucoup des termes décimaux restèrent usités.

Note 17

Dans cet usage, il était principalement utilisé pour des personnes ; il en dériva le mot enelmo : « un entremetteur, intervenant, intermédiaire, médiateur ».

Note 18

Cf. le sind. Minhiriath, nom de la région entre le Baranduin et le Gwathló53). En telerin, imbe survécu seulement comme nom : appliqué à « un vide, ravin ; passage bas et étroit entre de hauts murs ». En sindarin (en raison d’un conflit avec le réflexif im < immā, immō) imm, im (< imbi) survécu seulement dans imlad = tel. imbe, et imrad « un chemin ou une passe entre des montagnes, des collines ou dans une forêt vierge »54). Cf. Imladris « la Gorge de la Crevasse »55).

Note 19

Néanmoins, 9 fut d’abord expliqué par Pengoloð. La plupart de ces remarques sont dérivées de son traité sur « Les doigts et numéraux eldarins » (Eldarinwe leperi ar notessi). Car, sans sa survivance fortuite, nous ne saurions rien des jeux de mains ni des « noms de famille » des doigts, qui apparaissent rarement dans les textes en quenya.

Note 20

tel. nette ou diminutif nettice ; sind. nethig.

Note 21

Eld. com. *nēthā « sœur » : q. néþa, nésa : tel. nēþa ; sind. nîth56). De là, était déjà créée une forme diminutive/affectueuse en eldarin commun, par réduplication de la consonne médiale > netthi (comme il est fréquent dans de tels mots). Le q. nette, tel. nette et sind. neth en sont des développements normaux (tth > q., tel., sind. préhistorique tt ; sind. plus tardif > þþ > þ) ; nettice et nethig présentent l’addition supplémentaire du suffixe diminutif eldarin commun –iki.

Note 22

Dérivé familier (de même type que nette) < eld. com. KHAN « frère » : q., tel. hāno, sind. hawn (archaïque et donc remplacé par hanar dans le langage ordinaire, comme nethel pour nîth) avec le diminutif honig utilisé en jeu, comme nethig57)).

NKE : texte manuscrit sur neter 9, kanat 4 et enek 6

Le texte manuscrit non-titré appelé ici NKE (voir l’Introduction), consiste en trois pages écrites à l’encre, en utilisant apparemment le même stylo-plume que pour écrire la révision de MDN §15 (voir note de l’éd. 27) et le synopsis de Eldarinwe Leperi ar Notessi de Pengoloð. Dans le coin supérieur gauche de la première page, Tolkien écrivit et souligna le mot « Accepter », ainsi que la phrase « Accepter cette dérivation de neter. » Comme noté dans l’Introduction, les formes apparaissant dans NKE indiquent qu’il doit être antérieur aux pages 7A et 7B de MDN. La preuve irréfutable à ce propos, est l’usage dans NKE du tel. nettica, sind. netheg. Ces deux formes apparaissent également dans 7A, bien qu’à leur première occurrence, elles furent corrigées à l’encre en tel. nettice, sind. nethig et à leur occurrence suivante dans 7A, les formes directement tapées sont tel. nettice, sind. nethig — après quoi, ce sont seulement ces dernières formes qui apparaissent dans 7B et dans ELN (voir note de l’éd. 44). En outre, NKE glose nette comme « demoiselle » et cite yonyo « fils » et selye « fille » comme noms alternatifs des troisième et quatrième doigts, respectivement ; cela s’accorde avec 7A, tandis que dans 7B et ELN nette signifie « sœur » pas « demoiselle », yonyo « fils » est remplacé par hanno « frère » comme nom alternatif du troisième doigt et selye disparaît complètement, le quatrième doigt étant dit ne pas avoir de nom alternatif. Comme avec MDN, les « notes de bas de page » intercalées par Tolkien dans le corps du texte ont plutôt été placées dans une section finale « Notes de l’Auteur » séparée et des numéros ont été ajoutés à chaque paragraphe pour faciliter les références croisées.

§1 Le radical du numéral eldarin commun pour 9 était neter, qui ressemble au nom ludique quenya du 4e doigt (en comptage eldarin) : nette, qui est, dans la représentation à deux mains, pouces à l’intérieur, le 9e depuis la G ou la D. Le nom était suffisamment ancien pour apparaître dans les formes apparentées en tel. nette, nettica, sind. netheg. La ressemblance fut observée par les anciens maîtres du savoir (qui citent les formes telerines autrement non attestées) ; mais ce fut rejeté comme étant fortuit, car nette avait un sens approprié uniquement pour les jeux de mains enfantins dans lesquels les doigts étaient représentés comme une famille ou deux familles voisines : il signifiait « demoiselle », mais était un diminutif habituel « familial » de la base eldarine commune NETH (pas NET) « femme » (Note 1-1)58). Les autres numéraux avaient des radicaux qui ne pouvaient être appelés des bases primitives et n’avaient aucune signification excepté le numéro du numéral qui lui était attribué : 4 kan-at, 6 enek, 7 otos59).

§2 La théorie de Pengoloð doit, cependant, probablement être acceptée. Il objecte que la similarité entre nette/neter ainsi que la position de nette comme étant 9 dans la représentation à deux mains ne peuvent pas être fortuites et requièrent une explication. Contrairement à 4, 6 et 7, on peut se référer à une base eldarine commune capable de fournir un sens approprié. Il montre que l’élément adverbial eldarin commun EN « une fois de plus, encore »60), possédait manifestement l’extension en-et. Ceci est observé dans le q. ente « en outre, (de) plus, qui plus est » et dans la forme adjectivale enta « un autre, un de plus »61). Cf. le q. yunquenta 13 (12 et un de plus)62). Une autre forme nete, net était encore communément utilisée en quenya dans l’énumération de séries : habituellement sous la forme 1, 2, (3) nete, nete, nete… (Note 2-1) en se finissant sans conclusion pour décrire une longue série jamais entièrement comptée ou achevée par [un] nombre terminal définitif (a) 1, 2 nete nete 5 (tous les doigts de la main), (b) 1, 2, (3) nete nete … nete 10 (tout, le lot) (Note 3-1)63). Le traitement numérique primitif des doigts était plus ancien que les noms ludiques personnalisés, bien que les deux fussent interconnectés. Dans le traitement numérique, alors que la liste numérique était remplie, nete venait avant 5 ou 10 : un de plus au-delà du doigt proéminent du milieu. Dans la série primitive des noms ludiques « père » (pouce) et « mère » (index) étaient certainement les plus anciens, les autres étant juste des « enfants », bien que le remarquable petit doigt avait peut-être assez tôt un nom = bébé. C’est là que la ressemblance entre net(e) et nette devint effective : nete « un de plus au-delà du milieu » et avant la fin du comptage devint nette « demoiselle/fille » et fit que *tolya « proéminent » devint masculin et généra pour lui-même la variante définie selye « fille » et pour tolyo la variante yonyo « fils » : ainsi la famille fut complète. Hors du jeu de famille, nete dans la représentation à deux mains devint nete le dernier avant 10 et, dans l’organisation des numéraux dissyllabiques (la consonne additionnelle étant probablement, dans tous les autres cas, une imitation de (e)nel-ed) reçu l’ajout d’une dentale distincte r ; l/d, t, s étant déjà utilisés : neter 964).

§3 Bien que compliqué (comme les processus d’invention linguistique le sont) cela semble un compte-rendu raisonnable et probable. Il laisse, bien sûr, « inexpliqués » les véritables radicaux kanat 4, enek 6 et otos 7 ; mais ce n’est pas plus difficile que toute tentative de découvrir comment/pourquoi les équivalents de sens de, disons, er, enel/d, tol en étaient arrivés là. Le transfert de nete(r) à 9, ou plutôt la limitation à cette position, était un élément du processus de construction d’une série de 10 complète. Il laissait un vide à 4. Pourquoi kanat ? La réponse de Pengoloð [est] que c’était une période extrêmement inventive et que le mieux que l’on puisse dire c’est que (1) la sundóma a fut choisie parce que la sundóma e était déjà trop utilisée ; er, nelede, lepem, neter et peut-être déjà dans enek, et o était utilisée dans otos et tolod ; (2) n-t est répété, mais un k fut encore ajouté car la série était, jusque-là, entièrement dentale (excepté là encore dans enek). À l’objection que, tandis que ot dans otos n’avait pas d’autre usage en eldarin commun que 7 (il n’y avait pas de base primitive OT-) et alors que la base TOL avait une référence manuelle appropriée, l’eld. com. KAN signifiait « hurler, héler », etc. ce qui ne pouvait avoir d’intérêt, Pengoloð répondait que (a) nous ne savions par si KAN avait déjà été inventé et (b) kanat ne se heurtait en fait jamais aux dérivés de KAN « appeler » ce qui est probablement suffisant65).

§4 enek 6 ne peut, cependant, pas être entièrement éludé. À une période (probablement) plus tardive, les Eldar, disposant désormais d’un système numéral strictement basé sur les « décimaux » manuels 5 et 10 (Note 4-1), en vinrent à s’intéresser aux six, et un mot pour 6 x 2 (12) fut conçu avant même la fin de la période de l’eldarin commun (puisqu’il apparaît en quenya, telerin et sindarin)66). Mais à une période plus primitive de la main, six était hors d’une main et, sur deux mains, était de D > G [le] pouce G et de G > D le pouce D. Ils étaient trop fermement fixés comme le un (min ou er) (Note 5-1) pour fournir aucun numéral pour 6. Ce doit ∴ être une « invention » (probablement de la même période que neter, kanat, otso). Mais sa ressemblance de forme avec enele/enede67) pouvait difficilement être fortuite en particulier vis-à-vis de enete, puisqu’il avait des relations numériques avec 3 et 9 (3, 3 x 2, 3 x 3). enete (q. ente) fut probablement le plus influent. Dans une représentation à deux mains, en comptant [? vers l’extérieur] du pouce vers le petit doigt, [? puis à nouveau du pouce vers le petit], quel que soit le sens, 6 viendrait après le vide à [la] fin d’une main. NEK « diviser, partager, séparer »68).

Notes de l’Auteur à NKE

Note 1-1

Eld. com. ? netthĭ. Eld. com. tth > q., tel. tt ; sind. þþ > þ. nette signifiait « demoiselle approchant l’âge adulte » (dans son « adolescence » : la croissance des enfants elfiques après la naissance était à peine voire nullement plus lente que celle des enfants des Hommes). Le radical eldarin commun (wen-ed) wendē « jeune fille » s’appliquait à tous les stades jusqu’à l’adulte (jusqu’au mariage)69).

Note 2-1

Un et deux étaient de très anciens éléments, précédent de beaucoup la création d’une série numérale complète à 10 (ou 12) ; trois était probablement le plus ancien nombre après eux.

Note 3-1

Il était admis que [10] devait à l’origine signifier « (tous) les doigts » ; 10 était connu pour être le dérivé du radical kwā « complet, plein, tout, l’entièreté ».

Note 4-1

Il demeura ainsi. En dépit de leur intérêt plus tardif [? et théorique] prédominant pour six-douze (comme unités de groupe) et pour son usage, ils ne développèrent pas une nomenclature duodécimale complète, bien qu’ils inventèrent (après la période de l’eldarin commun pour les nombres au-dessus de 12) des noms spéciaux pour les multiples de six x six. De ceux-ci, 18 et 24 étaient aussi d’usage quotidien, ainsi que la « grosse » 144 (12 x 12) et 72 demi-grosse70).

Note 5-1

Lorsque l’on levait la main en brandissant le pouce, le pouce était en fait er « un (seul et différent) » ; mais c’était aussi, dans l’ancien comptage à une main, min- « premier de la série ».

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) À comparer au sind. mae « bien » dans Mae govannen « bonne rencontre » (Let., p. 432 ; FdA, p. 274) et au gn. mai « bien » (adverbe de mora « bon ») dans le Gnomish Lexicon (GL).
2) Dans une lettre datant de 1954, Tolkien écrivit que « les langues eldarines possèdent des formes et des usages distincts pour le pluriel “partitif” ou “particulier”, et pour le pluriel général ou total. Ainsi yrch, « orques, quelques orques, des orques » apparaît aux pages 377 et 422 du vol. I ; les Orques, considérés en tant que peuple ou ensemble déjà mentionné, se disaient orchoth » (Let., p. 255 – traduction modifiée). Tolkien note ici, dans MDN §2, les terminaisons du « pluriel général ou complet » en quenya étaient –i et –r, comme dans *mai et *már « mains » (bien que ces mots ne fussent pas utilisés) ; les exemples les plus typiques du pluriel général sont les noms de race comme Quendi, Atani, Eldar, Valar, etc. La terminaison plurielle particulière en quenya était –li, comme dans i falmalinnar « sur les vagues écumantes » dans la Lamentation de Galadriel (FdA, p. 476) et máli « mains » dans MDN, bien que Tolkien explique, dans sa note de l’auteur 2, que l’usage du pl. particulier –li pour une partie du corps appariée n’était pas classique et que dans cet exemple máli suffisait à la fois pour la forme générale et la forme particulière du pluriel .
Associées au Shibboleth of Fëanor et au Problem of Ros, se trouvent plusieurs pages de notes linguistiques, écrites essentiellement sur des pages issues du script de l’adaptation radio du Hobbit par la BBC (diffusé en sept.–nov. 1968) et donc globalement de la même période que MDN. Ces notes contiennent deux versions d’une liste étiquetée « Mots pour la main », une série numérotée de cinq racines en eldarin commun (quatre dans la version antérieure) avec leurs dérivés en quenya, telerin et sindarin, apparemment un prédécesseur conceptuel de la section sur les mots pour « main » dans MDN. La version antérieure (ci-après « Mots pour la main 1 ») commence avec « plus ancien (?) √maȝ, māȝ(ă) > q. (Le gestionnaire ? Cf. mahta- gérer, manier, brandir). » Dans la version ultérieure (« Mots pour la main 2 ») √maȝ et māȝa (ce dernier encore glosé avec hésitation « ? le gestionnaire ») furent corrigés en √mag, māga et l’étymologie de mahta fut modifiée de « maȝtā > mahta » en « magta > makta > mahta ». Au bas de la même page est écrit « maga était distinct de maȝa & maya », avec magyā biffé sous maga. Une note sur une page différente affirme que « est issu de mag pas de maȝ. Tel. māga, sind. maw, q. . √may- magnifique ; māya, māyar, etc. »
3) Le radical LIM n’apparaît pas dans « Les Étymologies », mais le Qenya Lexicon (QL) donne LIMI-, sans glose mais signifiant clairement « relier » comme ses dérivés limin « il relie », limil « une chaîne », etc., le montrent.
4) Mots pour Main 2 cite « tel. comme prép. avec un génitif ; par (concernant des agents) » ; dans Mots pour Main 1, tel. est glosé par « par (la main de), d’un agent ». Les Notes d’ébauche mentionnent aussi « en tant que préposition = par (un agent) » et « ma comme prép. », bien que dans aucun exemple ces formes ne soient formellement identifiées comme étant du telerin. Le concept d’une préposition agentive ma utilisée avec un nom au génitif est ancien ; ma apparaît dans GL (vers 1917) glosé comme « avec un instrument, ou par un agent », utilisé avec le cas génitif et comparé au q. « main » (PE 11, p. 55). La même préposition existe apparemment aussi5en qenya précoce dans « Sí Qente Feanor » qui comporte la proposition ma Melkon *« par Melko », dans lequel Melkon est le génitif de Melko (PE 15, p. 32 & 39).
5) Le brouillon de cette section décrit dans la note de l’éd. 2 indique ici : « Les noms monosyllabiques (en particulier ceux avec un radical mono consonantique) était une petite classe en déclin souvent remplacée par des formes renforcées (ainsi que nis- le fut [par] nisse). » « Les Étymologies » s.v. NDIS-SĒ/SĀ mentionnent « q. nisse coexistant avec nis », tous deux signifiant « femme ».
6) Dans cette phrase, la forme ma doit être une omission pour ou .
7) Le début du §5, tel qu’il fut d’abord tapé, fournit un compte-rendu entièrement différent de l’étymologie de maqua :
L’eldarin commun possédait aussi le mot *makwā, à l’origine sans rapport avec *maȝa mais suffisamment similaire pour être facilement substitué à — les noms monosyllabiques étaient, dans toutes les langues, une classe en déclin. L’origine de makwā est incertaine et était généralement classée par les maîtres du savoir comme « non-dérivée » : un terme utilisé pour de très nombreux éléments du vocabulaire de l’eldarin commun, développés ou inventés à un stade tardif de son développement (et pour les inventions similaires faites indépendamment dans les différentes branches) ; cela signifiait que ces mots, bien que contenant trois consonnes ou plus
Cette explication fut abandonnée en milieu de phrase, au bas de la p. 1 du dactylogramme et biffée à l’encre, puis suivie immédiatement dans le dactylogramme par la version finale du §5 en haut de la p. 2.
« Quenya C » contient un texte de deux pages sur la mutation des consonnes initiales en sindarin, tapé au dos de vieux papiers Allen & Unwin de jan.–fév. 1968, qui cite le nom Lungumá, Lungumaqua « Mainlourde » (clairement un équivalent quenya du sind. Mablung, glosé « à la main lourde » dans MDN §9) et l’adjectif connexe lungumaite « main-lourde ». Ces formes sont suivies par une note :
L’eldarin commun possédait plusieurs mots pour « main » que les Eldar estimaient juste après le visage et la tête. Le plus ancien nom — pour la main entière, y compris le poignet, dans toute attitude ou fonction — était encore en usage dans le quenya . C’[était] sans rapport avec le suffixe instrumental –mā ou le radical interrogatif MA. Son radical eldarin commun était probablement MAȜA (pas identique mais peut-être apparenté à MAGA « bon — pour un but ou une fonction, utile, intact », etc.) ; cf. q. mahta- « manipuler, manier, s’occuper de, gérer ». Il n’a pas survécu comme mot indépendant en telerin et en sindarin, mais fut remplacé par l’eld. com. homophone mais sans rapport makwā, q. maqua, tel. mapa, sind. mâb (d’origine incertaine, mais probablement à l’origine une formation adjectivale de MAK « frapper »
La phrase finale de cette note fut biffée à l’encre et fut à l’évidence abandonnée avant d’être achevée (noter la parenthèse de fermeture et le point manquants). Au moment où cette phrase fut biffée, une note « Voir l’article sur Mains & Doigts » fut ajoutée en regard dans la marge gauche, désignant bien sûr MDN. Les affirmations présentes selon lesquelles « les Eldar estimaient [la main] juste après le visage et la tête » et « le plus ancien nom » désignant « la main entière, y compris le poignet, dans toute attitude ou fonction » sont clairement basées sur les phrases d’ouverture de MDN §1.
Cette note de « Quenya C », comme la première version rejetée de MDN §5 donnée ci-dessus, affirme que q. n’était pas liée à l’eld. com. makwā, ce dernier étant « d’origine incertaine ». Cependant, le texte « Quenya C » ajoute que makwā était « probablement à l’origine une formation adjectivale de MAK « frapper » ». Comparer MAK « frapper » à maka- « forger le métal (qui résonnait sous les coups des marteaux) » qui serait le premier élément du nom Makalaure (sind. Maglor) dans une note du Shibboleth of Fëanor (VT 41, p. 10). Dans Mots pour la main 1, makwā est expressément dit ne pas être dérivé de MAK, voir note de l’éd. 8.
8) Dans cette phrase, les formes makwa, kwa et ma doivent être des négligences pour makwā, kwā et — « le a court de makwa » se référant ainsi au premier a de cette forme, i.e., les anciens maîtres du savoir supposaient que le a court de ma- dans makwā indiquait qu’il n’était seulement qu’« accidentellement » apparenté à « main ».
L’idée que makwā était dérivé de MAP « se saisir de, empoigner » (dépeinte dans MDN §6 comme une théorie erronée) apparaît aussi dans les deux listes « Mots pour la main ». Mots pour la main 1 décrit makwā comme « non-dérivé », mais ajoute qu’il n’est « pas issu de √mak- occire, tuer ? mais une variante de mapa ? » (contredisant la note tardive citée dans la note de l’éd. 7 sur le nom « Mainlourde », qui affirme que makwā est probablement issu de MAK « frapper »). Mots pour la main 2 note l’existence d’un groupe de mots « de forme légèrement variable » dérivé des racines √NAP « empoigner, saisir rapidement (avec les doigts etc.) » et √MAP « retirer », incluant q. măqua (ou variante mākwa de māpa) « une [main] fermée ou se refermant (paume en bas) pour prendre » ; [q.] nappa « griffe, serre » (avec namma « griffe, serre » — dans lequel le double mm est certain — ajouté en face dans la marge) ; et sind. mâb (măpo) « le mot usuel pour main », tel. mapo. Ces deux dernières formes sont suivies d’une note « mais sind., tel. peut-être issus de √map- », signifiant peut-être qu’alors que le sind. mâb (măpo) et le tel. mapo pourraient dériver de makwā (une différenciation primitive d’avec √map-), ils pourraient aussi dériver directement de √map- plutôt que via la forme différenciée makwā. Une autre note sur la même page indique « N.B. q. ampa « crochet » n’est pas < √map … mais de √gap « courber » (tr.), gapna > gampa ; tel. gampa « crochet, crosse », sind. gamp. » Cp. La base GAP- dans « Les Étymologies », d’où le q. ampa « crochet » et le nold. gamp « crochet, griffe ».
9) Il est remarquable que Tolkien supprime ici la base MAP — affirmant qu’« elle est introuvable en quenya ou en sindarin » et que sa présence apparente dans le tel. mapa- « se saisir de, empoigner » est entièrement illusoire — car l’existence externe de cette base remonte jusqu’au QL (vers 1915), qui donne MAPA- « saisir », d’où map- « saisir, prendre », prét. nampe- (cette entrée est assimilée avec NAPA et indique que nampe sert de prétérit aux deux racines). MAP- « s’emparer avec la main, saisir » apparaît aussi dans « Les Étymologies » avec des dérivés incluant q. mapa- « empoigner, saisir » et ilk. (dor.) mab « main » comme dans Mablung ; et Mots pour la main 2 (vers 1968 ou plus tard) donne √MAP « retirer » avec √NAP (voir note de l’éd. 8).
10) Voir §17 et la discussion dans la note de l’éd. 36.
11) La note de l’auteur 6 affirme que l’eld. com. kambā, « dérivé instrumental de KAB « tenir, contenir, retenir » » est issu de la forme antérieure kab-mā. Il semble probable que la terminaison –mā de cette forme antérieure soit « le suffixe instrumental –mā » mentionné dans la note de « Quenya C » citée dans la note de l’éd. 7. Une note marginale à Mots pour la main 2 mentionne aussi l’« élément ma dans les instruments ». C’est probablement la même terminaison nominale que l’on trouve dans des mots tels que calma « lampe » (RR, p. 489, n. 1) < KAL- « briller » (RP, p. 409) qui fait référence à l’outil ou l’instrument par lequel l’action verbale est accomplie.
12) Mots pour la main 1 glose √kab comme « tenir, posséder, avoir en main » et dessine un contraste sémantique très intéressant entre kambā et makwā : kambā fait référence à la « main fermée ou vide (paume vers le haut) pour recevoir ou offrir » tandis que makwā désigne la « main fermée ou se refermant (paume vers le bas) pour prendre ». Mots pour la main 2 glose également q. măqua comme « une [main] fermée ou se refermant (paume en bas) pour la prise » < √MAP « retirer », mais glose simplement q. kamba comme « creux de la main ».
Le paquet de notes tardives dans lequel se trouvent Mots pour la main 1 & 2 (voir note de l’éd. 2) comporte aussi une page portant la note « kamba est issu de KAM non de KAB » (sur la même page que la note « est issu de mag pas de maȝ », ibid.). Une note en marge, écrite sur le verso de la même feuille contenant Mots pour la main 2, pourrait aussi fournir d’autres preuves de ce changement dans la racine de kamba :
qui rel. per. ye, pl. i
que rel. imp. ya
yenna leltanelyes « auquel vous l’avez envoyé »
yeo / yello / ion / illon camnelyes « de qui vous l’avez reçu »
Là, une distinction est faite entre un pronom personnel relatif ye, pl. i « qui » (cp. i hárar « ceux qui sont assis sur », CLI, p. 342) et un pronom impersonnel relatif ya « que » (cp. yassen « dans lequel », FdA, p. 476). Ces pronoms sont suivis de deux exemples, dont le second est yeo / yello / ion / illon camnelyes « de qui vous l’avez reçu ». Les quatre premières formes de cette phrase signifient toutes « de qui » : le gén. partitif sing. yeo, l’abl. sing. yello, le gén. partitif plur. ion, l’abl. plur. illon. La forme camnelyes « vous l’avez reçu » doit être constituée du pas. camne « avoir reçu » + pron. sujet –lye « vous » + pron. objet –s « lui » (cp. utúvienyes « je l’ai trouvé », RR, p. 297). La seule autre forme quenya au passé à terminaison en –mne dans le corpus publié est tamne, passé de tamin « je tape » s.v. TAM- « cogner », qui suggère que camne est issu de *cam- « recevoir » (= KAM dans la note « kamba est issu de KAM pas de KAB ». Tolkien assigna à la base KAM une grande variété de significations au fil des ans ; voir la discussion sur ocama dans VT 44, p. 13–14).
La phrase yello camnelyes est à nouveau écrite au milieu de la même page (en utilisant une autre pointe, plus large, que celle utilisée pour la note marginale) et sous camnelyes est ajouté cambelyes, ce dernier contenant apparemment le pas. cambe « a reçu » plutôt que camne. Le QL liste plusieurs verbes de base qui ont M comme seconde consonne dans le radical et qui forment leur pas. en –mbe, par exemple fum- « dormir », prét. fumbe ou fūme- (FUMU- « dormir ») ; et lomir « je cache », prét. lombe (LOMO-). Ces prétérits en –mbe dérivent probablement d’une infixation nasale, e.g., fum- > *fu-m-m- > *fumb- (sur mm > mb dans la première version conceptuelle du qenya, voir PE 12, p. 25). En quenya plus tardif, mm est généralement gardé tel quel (e.g. amme « mère », RP, p. 392 ; -mma 1 pl. exclusif « notre » dans Ataremma « Notre Père », VT 43, p. 13), bien que « Les Étymologies » donnent la paire ammale, ambale « bruant jaune » (Étym. s.v. SMAL- « jaune »), dans laquelle ammale semble être le développement phonologique régulier depuis l’original *asmalē et ambale une variante introduisant la combinaison mb « particulièrement à l’honneur » (RR, p. 480). Nous pourrions supposer de tout cela que le pas. cambe, comme camne, est issu de KAM, bien que par infixation nasale plutôt que par suffixation de –ne : *ka-m-mē > *camme > cambe. Sinon, cambe pourrait faire écho au prétérit du QL, avin « il part », prét. ambe, de la racine AVA- « s’en aller, partir, quitter » qui est probablement équivalente au AB- « s’en aller, partir » des « Étymologies » (voir s.v. AB-, ABAR-) ; dans cette optique, pas. cambe pourrait dériver de KAB par infixation nasale (*ka-m-bē), à côté du radical verbal *cav- « recevoir ».
Pour compliquer encore la chose, il existe quatre formes non-traduites écrites dans une colonne, à la droite de yello camnelyes, cambelyes, avec le même pointe large : lamma, lambe, lambie, lāmie. Les deux premières formes sont attestées ailleurs comme des noms quenya : lamma « un son » (Étym. s.v. LAM-) et lambe « langue » (RR, p. 490). Cependant, les deux dernières formes lambie, lāmie ressemblent à des verbes au parfait (hormis qu’il n’y a pas d’augment) et il est possible que ces quatre formes aient été conçues comme un paradigme verbal (cp. lamya- « sonner » < LAM-, RP, p. 417 ; VT 45, p. 25) — i.e., présent lamma, pas. lambe, parfait lambie ou lāmie — indiquant peut-être que cambe est le pas. du verbe *camma- « recevoir ». Des deux formes parfaites (si c’est effectivement ce qu’elles sont), lambie semble être basé sur le pas. lambe, rappelant l’affirmation de Quendi et Eldar selon laquelle « les formes du passé et du parfait devinrent de plus en plus étroitement associées en quenya » (WJ, p. 366). Comme pour l’absence d’un augment, le même essai note que les formes au parfait sans augment « ne sont pas rares en poésie » (ibid.).
La traduction de yenna en « auquel » dans yenna leltanelyes « auquel vous l’avez envoyé » est déconcertante. La lecture yenna (pas **yanna) est certaine et compte-tenu de ye « qui », on serait en droit d’attendre la glose « à qui » plutôt que « auquel » — bien que, selon l’OED, quel (angl. which) est parfois utilisé de façon dialectale = qui (angl. who), comme dans cet exemple de 1909 : Il est sur la grand-route pour obtenir tous les hommes pour lesquels il a demandé (Version originale : He is on the high road to get all the men for which he has asked). Le verbe leltanelyes « vous l’avez envoyé » contient le pas. leltane ; *lelta- « envoyer » est apparemment un causatif correspondant à lelya- « aller, se diriger (dans n’importe quelle direction), voyager » (WJ, p. 363). leltanelyes fut d’abord écrit tultanelyes (à comparer au q. tulta- « mander, aller chercher, convoquer », RP, p. 454 ; VT 45, p. 27), qui fut amendé en lentanelyes (à comparer à q. lenna « aller », RP, p. 418 ; VT 45 :27) avant d’être changé en leltanelyes.
13) Une forme plus familière est Erchamion « Une-Main », comme dans le Silmarillion (Silm., p. 172) et les Annales Grises (WJ, p. 51), bien qu’Erchamon « Homme à la main-unique » dans MDN semble clairement intentionnel plutôt qu’une erreur, comme le montre le quenya de même origine Erkambo.
14) Le présent récit des paroles de Beren à Thingol combine les éléments de la version du Silmarillion (Silm., p. 174, pris de la Quenta Silmarillion de 1937) avec ceux des Annales Grises (WJ, p. 69). Dans les récits du Silmarillion et des Annales Grises, la réponse initiale de Beren à la question de Thingol à propos de son serment est : « Alors même que je vous parle, il y a dans ma main un Silmaril. » (dans MDN, « Ma main tient le joyau »). Quand Thingol demande « Montre-le moi ! », le Silmarillion dit que « Beren tendit sa main gauche et ouvrit lentement les doigts ; mais elle était vide », une phrase qui est étroitement suivie dans MDN (« il tendit sa main gauche, ouvrant lentement ses doigts ; et elle était vide »), mais qui est totalement absente des Annales Grises. Dans les Annales Grises, Beren répond à la demande de Thingol qu’il dévoile le Silmaril en disant « Ça je ne le peux ; car ma main n’est pas ici » (dans MDN, « Hélas… il est dans l’autre main, mais qui n’est pas ici »), une réponse qui est entièrement absente du Silmarillion.
15) La discussion de l’eld. com. kambā se termine sans que Tolkien ne fournisse de forme telerine et même la forme sindarine n’apparaît qu’en tant qu’élément des composés Erchamon « Homme à la main-unique » et Camlost « main-vide ». Les Mots pour la main 1 & 2 citent tous deux le tel. camba comme « le mot usuel pour main » dans cette langue ; à comparer à MDN §5, dans lequel mapa est dit être le mot normal pour « main » en telerin. Mots pour la main 1 donne sind. camm « poignée » (également cam), tandis que Mots pour la main 2 a sind. cam « poignée, main qui tient » ; à comparer à nold. camb, cam « main » < KAB- « creux » dans « Les Étymologies » (qui donnent aussi la forme qenya kambe « creux (de la main) » plutôt que q. kamba comme dans MDN).
16) quáre >> quár.
17) Mots pour Main 2 donne √kwar « fermer hermétiquement, serrer » >> « main serrée, poing », la glose modifiée rappelant celle de KWAR- « main fermée, poing » dans « Les Étymologies ». Mots pour Main 2 affirme aussi que cette racine n’était pas utilisée en telerin, au contraire de MDN, qui donne le tel. pār.
18) tel. Telepimpar (q. Tyelepinquar) » tel. Telperimpar (q. Tyelpinquar).
19) paltā >> palatā.
20) palatā >> palátā ; tel. palata, sind. palad » tel. plata, sind. plad.
21) Il n’y a aucune mention du radical PAL, eld. com. palatā ou de ses formes dérivées dans Mots pour Main 1 & 2 ; à la place, Mots pour Main 2 donne le cinquième mot pour main en eld. com. comme étant dond(a) « poing », d’où tel. donda « poing », sind. dond, donn, [q.] nonda « main, en particulier en [?empoignant] ». Avec le développement de l’eld. com. dond(a) > q. nonda au lieu de **londa, à comparer au radical *DORO « asséché, dur, rigide » > q. norna « raide, dur », sensé être « l’un des cas dans lesquels le d initial du q. devint n-, pas l-, par assimilation au n survenant plus loin dans le mot » (WJ, p. 413–414).
22) q. Málambe » q. Mátengwie. Le second élément de la forme corrigée, tengwie, n’est jamais apparue avant dans les écrits publiés de Tolkien. Selon Quendi et Eldar, q. lambe signifie « mouvement de langue, (moyen d’) utiliser la langue », le terme usuel et non-technique pour « langage » (WJ, p. 394) ; l’inadéquation de ce mot dans un terme censé décrire la signification des gestes des mains est évidente [N.d.T. : Pour un autre usage de lambe, cf. PE 17, p. 126]. Quendi et Eldar note aussi que les Maîtres du savoir dérivèrent, à la place, leurs termes pour « langage » du radical *TEÑ « indiquer, signifier », qui était jugé particulièrement approprié car il « n’avait aucune référence particulière au son » : ainsi tengwe « indication, signe, marque » ; tengwesta « un système ou de code de signes », incluait, dans son sens le plus large, « tout groupe de signes, y compris les gestes visibles, utilisés et reconnus par une communauté », bien que lorsqu’il n’était pas qualifié, il se référait à « un langage parlé » ; et tengwestie « le Langage, dans son entier », une formation abstraite dérivée de tengwesta. Le mot tengwie « langage » doit aussi être une formation abstraite, mais plutôt dérivée de tengwe « indication, signe, marque ».
23) Le geste d’Halbarad intervient dans « Le passage de la Compagnie Grise », lorsque les Coureurs du Nord tombent sur le Roi Théoden et sa compagnie, de nuit, sur les plaines du Rohan : « Les poursuivants arrêtèrent soudain leurs coursiers. Un silence s’ensuivit ; et l’on put voir, dans le clair de la lune, un cavalier descendre de selle et marcher lentement vers eux. Sa main luisait d’un éclat blanc lorsqu’il la tint levée, paume en avant, en signe de paix ; mais les gardes du roi saisirent leurs armes. » (RR, p. 50) Un curieux griffonnage parmi les Notes d’ébauche donne « Le geste dans SdA III 50 doit être fait par Halbarad », avec « Halbarad » biffé puis remplacé par « Elladan ? » Dans le passage cité, l’auteur du geste s’identifie lui-même sans ambigüité comme étant « Halbarad Dúnadan, Coureur du Nord ».
24) Une phrase à la suite de cette affirmation sur la perte des voyelles non-accentuées, fut biffée : « Dans ce cas, le tel. palata indique probablement que la position de l’accent fut altérée en sindarin primitif < palatā ». Cette suppression est à l’évidence concurrente de la modification du tel. palata > plata au §11 ; voir note de l’éd. 20.
25) Une forme additionnelle lepet- fut insérée après l’eld. com. *leper-, mais fut ensuite biffée. Deux formes furent également ajoutées au-dessus de q., tel. lepta- puis biffées ; Elles semblent être leppa (ou peut-être lepþa), lepta. La forme sindarine, telle que tapée à l’origine, était letha-, corrigé en leutha-.
26) sind. leber, plur. lebir, tel que tapé à l’origine, fut corrigé en sind. lebed, plur. lebid, un changement évidemment concomitant de l’addition de la nouvelle forme en eldarin commun lepet- à la phrase précédente (voir note de l’éd. 25). L’eld. com. lepet- fut rejeté plus tard, au moment où le sind. lebed, plur. lebid fut recorrigé en sind. leber, plur. lebir.
27) Ce compte-rendu du développement de l’eld. com. lepene < lepem laisse une étape inexpliquée : puisque le –m final était autorisé en eldarin commun (« le -m final de l’eldarin commun survécu tel quel en telerin »), pourquoi l’eld. com. lepem antérieur, une fois le sens de la pluralité perdu, devint *lepen avant d’être étendu en eldarin commun tardif en lepene ? La phrase précédente affirme que le tel. lepen « pourrait remonter à l’eld. com. lepem avec une dissimilation du m » et, alors que cela semble décrire un développement telerin en particulier, nous devons peut-être supposer que la dissimilation de lepem > lepen eut lieu plutôt en eldarin commun.
La clarification de ce point est l’une des principales améliorations apportées dans la révision manuscrite du §15 mentionnée dans l’Introduction. Cette révision consiste en une seule page, apparemment écrite avec le même stylo-plume utilisé pour écrire ELN et NKE. Tolkien avait la p. 5 du dactylogramme de MDN (sur lequel apparaît le §15) devant lui alors qu’il écrivait la révision ; ce n’est pas seulement évident au regard de la formulation similaire des deux versions, mais également grâce à un « Q » large, légèrement barbouillé et écrit de manière appuyée dans la marge gauche de la révision (apparemment pour tester la plume du stylo), qui se superpose précisément à un « Q » inversé et tête en bas, recouvrant une portion du texte de la p. 5 du dactylogramme — indiquant qu’alors que l’encre du « Q » sur la révision était encore humide, Tolkien posa la révision face vers le bas sur la p. 5 du dactylogramme. Le texte de la révision manuscrite est donné ici dans son entier (quelques corrections mineures ont été incorporées silencieusement) :
Les doigts. Les 5 « doigts » incluaient le pouce. Le mot eldarin commun était *leper-†, un dérivé de l’eld. com. LEP « ramasser, choisir avec les doigts » ; q., tel. lepta- « doigt, ressentir avec le bout du doigt ». D’où q., tel. leper, plur. leperi ; sind. leber, plur. lebir. Cette forme plus complète était cependant un développement plus tardif. Dans la période primitive où la dénomination des doigts et le développement du comptage par assistance des mains se déroulèrent en même temps, le radical basique simple apparu. L’une des plus vieilles formes était évidemment l’eld. com. lepem‡. Elle resta en usage après que *leperī fut devenu le pluriel usuel « doigts » et devint le mot pour 5 sc. (tous) les 5 doigts d’une main. La forme pour 5 était en telerin lepen, sind. leben et q. lempe. Puisque le -m final de l’eldarin commun devint -n (avec le même développement subséquent en n dans les langues dérivées), il apparaît que lepen, désormais plutôt considérée comme une formation plurielle, prit la forme lepenē sur le modèle des autres numéraux 3, 4 6, 7, 8 et 9 qui, dans la forme finale de la numération décimale de l’eldarin commun, avaient tous, dans leur formes complètes, des formes trisyllabiques comme nel se terminant par une sundóma courte ou longue étendue : tel nel-edē 3. Le q. lempe est issu de *lepenē > *lepnē avec une syncope en quenya > lempe avec une transposition en quenya ; sind. leben est issu de lepenē ; tel. lepenē̌bien qu’il pourrait être < lepem d’origine qui est probablement < lepenĕ.
† Probablement une formation agentive : *lepero (les voyelles courtes non accentuées e, a, o furent perdues en eldarin commun dans les mots de plus de 2 syllabes, après l, r, m, n) ; cf. *abaro « récusateur » > eld. com. abar : q., sind. avar, tel. abar le nom donné par les Eldar aux autres Quendi qui avaient refusé l’invitation des Valar.
‡ Utilisant l’affixe pluriel de l’eldarin commun primitif -m (? de l’ancien –me bien que n’ayant désormais pas de lien discernable avec d’autres éléments indiquant la pluralité, à moins que ce ne soit le radical me qui ait été finalement intégré au système pronominal).
Ici, l’affirmation du texte dactylographié que « le -m final de l’eldarin commun survécu tel quel en telerin, mais comme n en quenya, et fut perdu en sindarin » est remplacé par « le -m final de l’eldarin commun devint -n (avec le même développement subséquent en n dans les langues dérivées) ». Ce changement éclaire pourquoi l’eld. com. lepem devint lepen avant d’être étendu en lepenē : le -m final > -n était un développement phonologique normal de l’eldarin commun. La phrase finale de la révision, « ; tel. lepenē̌bien qu’il pourrait être < lepem d’origine qui est probablement < lepenĕ » est quelque peu curieuse — puisque, selon la phrase précédente, le lepem original était déjà devenu lepen en eldarin commun, il semble n’y avoir guère de raison de supposer que le tel. lepen ait été dérivé du lepem d’origine.
Le dactylogramme ne fournit aucune glose pour le q., tel. lepta-, suggérant que ces formes avaient, à l’origine, la même signification que la base LEP « ramasser, choisir avec les doigts » ; cependant, dans la révision, q., tel. lepta- est glosé « doigter, ressentir avec le bout des doigts ». L’équivalent sindarin leutha- (<< letha-) donné dans le dactylogramme n’apparaît pas dans la révision, peut-être parce que Tolkien réalisa que la diphtongue eu n’intervenait pas en sindarin tardif, dans lequel elle devenait y (un u avancé) ; voir SdA, p. 481, qui indique qu’une source du y en sindarin était l’« ancien eu », ainsi q. leuca, sind. lyg « serpent » (lŷg dans la première édition reliée). Comparer aussi la table des développements phonologiques de la forme non glosée lewth qui apparaît sur une feuille volante insérée dans le manuscrit des « Étymologies » (VT 46, p. 29) et qui inclut la séquence leuþ > liyþ > lŷþ.
Une note fut écrite verticalement dans la marge gauche de la révision mais sans indication de son point de référence dans le texte principal : « Le telerin perdait souvent les ĕ, ŏ (mais pas le a) des anciens ē, ō (eld. com. prim. ĕ, ă, ŏ furent perdus en quenya, telerin et sindarin) après les sonantes finales m, n, r, l, et s, mais retenus dans une syllabe accentuée. » Cette référence à la perte, en telerin, du ĕ issu du ē plus ancien après un –n final était peut-être destinée à indiquer que le tel. lepen (dont il est dit dans le texte principal qu’il dérive probablement de lepenĕ) pourrait également dériver, à la place, de l’eld. com. lepenē.
Avec l’affixe pluriel eldarin commun –m(e) mentionné dans les deux versions du §15, comparer « eme beaucoup : -m pluriel », cité dans une note supprimée apparaissant sur la même feuille volante dans « Les Étymologies » qui donne la table de lewth et ses développements mentionnés ci-dessus (VT 46, p. 29). La note sur eme « beaucoup » donne aussi plusieurs terminaisons plurielles dérivées de ce radical : tel. am, um, em comme dans edulam (peut-être *« premier-né », < edela, edēlā « premier-né, aîné », RP, p. 402, VT 45, p. 12) ; v. nold. -īme comme dans gondoimē (peut-être *« pierres », < *gond(o) « pierre », Let. p. 572–573) ; et « [plur.] nold. général –im » comme dans goloðuim (probablement *« Gnomes » < q. pr. ñgolodō (WJ, p. 383) + -ime). Le simple « -m pluriel » cité immédiatement après « eme beaucoup » apparaît aussi dans l’entrée ȜŌ̌ - « de, loin, de chez, venu de » dans « Les Étymologies », qui cite « le vieux partitif en q. –on (ȝō + pluriel m). »
Le radical pronominal me possiblement apparenté et mentionné dans la seconde note de l’auteur de la révision est le pronom 1ère pers. plur. exclusif « nous », comme dans emme « nous », me « (à) nous », men « (pour) nous », mello « (de) nous » et menya, -mma « notre » dans la première version de la traduction de Tolkien du Notre Père en quenya (VT 43, p. 8).
28) tolpe > nāpo (voir note de l’éd. 36).
29) lepetas >> leptas >> lepetas.
30) Les noms ludiques quenya pour « papa » et « maman » furent d’abord tapés (a)taryo et (a)milye. Ces formes furent ensuite biffées et atto/atya, emme/emya ajoutées au bas de la page à l’encre, apparemment avec le même stylo-plume utilisé pour écrire ELN, dans lequel atto/atya, emme/emya sont les formes écrites en premier. Les autres corrections faites à cette phrase furent : tolyon en première instance >> tolyo ; la première écriture du nom de l’annulaire était simplement selye, avec « nette ou » inséré plus tard ; la glose « dépasseur » en première instance » « dressé » ; et la glose « demoiselle » >> « petite fille » >> « demoiselle ». Un note écrite à la hâte au bas de la page donne « neth sœur nette, khan frère hanno » dans laquelle neth et khan sont les bases et nette et hanno sont leurs dérivés respectifs en quenya. Sur la p. 7B de MDN, nette « sœur » remplace nette « demoiselle » comme nom ludique de l’annulaire (voir §23), et hanno « frère » remplace yonyo « grand garçon » comme nom ludique alternatif pour le majeur (voir §24). Cependant, nette « demoiselle » et yonyo « grand garçon » au §18 ne furent jamais corrigés pour s’accorder avec les nouveaux concepts émergeants au §23–24.
Selon les Notes d’ébauche, les noms ludiques atto/atya, emme/emya étaient « dans l’usage “familial” effectif atto (« père, papa ») ou atya réd[uction] de at(an)ya « mon père » ; emme ou emya (em(en)ya) ». Les Notes d’ébauche mentionnent aussi la forme primitive ou radicale wini « petit » qui était probablement destiné à être la source de wine, winimo « bébé », bien qu’il fut ensuite biffé. Dans « Quenya C », une liste de mots elfiques pour « fils/fille » et « garçon/fille » écrite au verso d’une feuille de vieux papier Allen & Unwin de 1968, donne wine (wĭnĭ) « enfant encore en plein développement » avec les formes apparentées winyamo « jeune » et winima « enfantin ». Cette liste comprend aussi yon-, yondō « garçon » et nēthe « jeune femme » (à comparer à [l’eld. com.] *nēthē « demoiselle » dans la note de la p. 7A donnée dans la note de l’éd. 46) et donne atar(inya), atya et emil(inya), emya comme termes qu’un enfant utiliserait pour s’adresser à ses parents. wine (wĭnĭ) « enfant encore en plein développement » et ses formes apparentées peuvent probablement être associées au q. winya « neuf, frais, juvénile » < GWIN- « neuf, frais » (VT 45, p. 16). Bien que cette entrée ait été supprimée des Étymologies, une liste de racines de la fin des années 1950 incluse √win- « juvénile », d’où q. vinya « jeune » [N.d.T. : Cf. aussi PE 17, p. 191] et víne « jeunesse ». La forme winyamo « jeune » semble consister de façon transparente en winya « juvénile » + mo « quelqu’un, un » (VT 42, p. 34 note 3).
N.d.T. : Le terme demoiselle est ici préféré pour traduire le terme girl et ainsi garder la distinction avec daughter (fille, i.e. fille de son père).
31) Les Notes d’ébauche incluent une page donnant trois listes hâtivement écrites de noms de doigts en quenya, tous apparemment antérieurs à ceux apparaissant dans MDN. Dans la première de ces listes, les formes se terminent toutes par l’élément –til (la même page cite aussi la base TIL « pointer » et ses dérivés tille « doigt, pointe » et tilli « orteils »). En partant du pouce vers le petit doigt, les formes sont : tolle ou toltil « pouce » ; tastil ; enestil ou antil ; kantil ; et nihtil « petit ». Sous enestil et antil (qui sont reliés par une accolade), il y a enelde et sur sa gauche, enelle. Diverses notes étymologiques sont aussi fournies : tolle « pouce » « est < TOL- “dépasser”, comme tollă > q. tol “île” » ; tastil est issu de √tas « pointer » ; enestil est issu de ened- « milieu », avec la forme alternative antil issue de ȝan « orner » ; et nihtil est issu de l’ancien niktil (l’élément nik- est identifié dans une liste de racines signifiant « grand » et « petit » trouvée dans la boîte d’archives « Quenya C », écrite sur du vieux papier Allen & Unwin daté de 1968 ; cette liste donne √nik « petit » avec les dérivés níka (adj.), suffixe –inkĭ et lepinke « petit doigt »).
Le radical ȝan « orner » donné comme source de antil (le majeur) montre que la conception de cette période était que le ȝ- initial disparaissait en quenya ; contrastant avec « Les Étymologies » dans lesquelles le ȝ- initial produisait le q. h-, par exemple ȜAR- « avoir, tenir » > q. harya- « posséder ». ȝan « orner » pourrait être une variante de √han « ajouter à, augmenter, améliorer, honorer (en part. par un présent) » (VT 43, p.14), un autre exemple de l’indécision périodique de Tolkien entre ȝ et h dans les formes primitives, e.g. eld. com. maȝa « main » dans MDN vs. *maha « main » dans Quendi et Eldar, Appendice D (VT 39, p. 11). L’une des définitions de adorn (orner) dans l’OED fait certainement écho à celle de √han : « ajouter à l’honneur, la splendeur ou l’attractivité de quelque chose » (utilisé pour des personnes). √han est la source de la préposition han « au-delà » (VT 43, p. 14), le majeur est distinct des autres doigts en s’étendant au-delà d’eux. Une autre forme possiblement apparentée se trouve dans une liste de radicaux (datée de décembre 1959) découverte dans « Quenya C » : « √ȝăn, yăn « s’étendre » dans toute direction ; produisant les mots pour large et long. [Cf. l’esp. largo = long.] ȝandā long. yāna, yanda large. » Ici ȝandā « long » semble être la forme en eldarin commun donnant le q. anda « long » — à comparer aux « Étymologies », qui ont à la place le *andā primitif « long » < ÁNAD-, ANDA-.
La seconde liste, écrite immédiatement après la première, est également constituée de formes terminées par –til, bien que celles-ci diffèrent en ce qu’elles sont censées être les noms dans la « lang. enfantine ». Ces noms enfantins ont aussi des formes alternatives finissant en –yo ou –ye (respectivement masculin et féminin) : atar(til), ataryo « pouce » ; amil(til), amilye ; yontil, yonyo « garçon, fils » ; seltil, selye « fille » ; et hintil, hinye « bébé » (cp. q. hína « enfant » et le suffixe patronymique –hin comme dans Eruhin, plur. Eruhíni « Enfants d’Eru » ; WJ, p. 403). À noter que les formes alternatives ataryo et amilye de cette liste sont les mêmes que (a)taryo « papa » et (a)milye « maman », les noms du pouce et de l’index tels que tapés en premier lieu dans MDN et plus tard corrigés en atto/atya et emme/emya (voir note de l’éd. 30).
La troisième liste est plutôt basée sur l’élément lep- et se rapproche étroitement des noms des doigts adultes donnés dans MDN : (lep)tolle, leptas, lepende, lepekan(t), lepinka. Dans cette liste, le mot pour « pouce » (lep)tolle remplace la forme rejetée (tal)tolle, sans doute parce que cette dernière devait signifier « gros orteil » (cp. taltol « gros orteil » dans MDN §19–20) ; lepende semble aussi être une correction de (ou en) lependa et lepinka était précédé par les formes rejetées lepenik (inachevée) et lepeniki. Cette même page donne aussi la note suivante avec encore un autre mot pour « pouce » : « Également lepet(ā) pouce « cueilleur ». lepem cinq. q. lepta, tel. lepet, sind. lebed. √LEP ramasser avec les doigts/pouce, en part. ramasser ou tirer avec les doigts, sélectionner, choisir. » Plus bas sur la page, apparaissent les formes Tel (inachevée et biffée), Tyelep, Tyelepelepta et Telpelepta (apparemment une correction de Tyelpelepta) ; elles doivent contenir le q. telpe, tyelpe « argent » (RP, p. 416) + lepta et peut-être faire référence à la discussion du sind. Celebrimbor, q. Tyelpinquar au §10.
32) Que ces formes antérieures aient été autorisées à perdurer est probablement un oubli, car elles furent remplacées par atto/atya dans la phrase précédente (voir note de l’éd. 30).
33) taltolpe >> tolbo.
34) La p. 5 du dactylogramme se finit ici. Le texte de 6B commence avec la première phrase du §20 (« q. taltol « gros orteil » et tolyo, le nom ludique du lepende, contiennent tous deux… ») et se termine avec les mots imbi Menel Kemenye au §21 (le reste de cette phrase en quenya apparaît en haut des pages 7A et 7B).
35) tolpe » taltol, une correction dactylographiée ; tolpe fut biffé à la machine à écrire et taltol tapé au-dessus, avec une marque d’insertion ajoutée à l’encre. C’était probablement la correction d’une erreur ; voir la discussion de la note de l’éd. 36.
36) Le texte de 6A correspondant au §20 diffère significativement. Tel que tapé en premier lieu, 6A établit que :
q. tolpe « pouce » et tolyo le nom ludique du lepende ou majeur, contenaient tous deux la racine TOL « dépasser ou se dresser ». Elle était utilisée pour les objets ou les formes (relativement) plus larges ou épaisses, dont la fin ou l’extrémité était un mot formé à partir de TIL « pointe » (q. tilma ou tile)†. Cf. q. tolle « une île », appliqué à celles qui émergeaient de l’eau brusquement, avec des pentes abruptes. C’était utilisé dans la forme Tol comme préfixe au nom d’une île : comme dans TolEressea. De même en sindarin : cf. Tol Brandir.
Le q. tolpe pourrait être considéré comme une invention, avec une référence au radical tol + un autre élément consonantique, bien qu’en fait il ne soit pas dérivé d’un radical étendu eldarin commun‡. Dans ce cas, pe est clairement une réminiscence de lepe et tolpe peut être considéré comme une forme compacte de tol-lepe. Le mot telerin était tolmo, une forme agentive ou personnalisée de tolma : cf. les formes personnalisées des noms ludiques des doigts en quenya. (Il n’y en a pas de traces en telerin et, dans les textes en quenya, ils n’apparaissent pas en-dehors des vocabulaires et notes étymologiques des maîtres du savoir. Pour les formes en sindarin, voir ci-dessous.)
† La différence entre tilma, tile et inga était que les premiers pouvaient pointer dans n’importe quelle direction, mais inga était seulement utilisé pour les formes pointant vers le haut et signifiait « sommet » ; et alors que til- était habituellement utilisé pour les terminaisons notablement plus fines et aiguisées que le radical, inga faisait d’abord référence à la position et pouvait être utilisé pour des sommets relativement larges. Ainsi, q. orotinga « cime de montagne », aldinga « cime d’arbre » contrastent avec nortil, l’un des mots pour un cap (de terre), seulement utilisé pour les extrémités de promontoires ou autres projections vers la mer qui était relativement aiguisées ou pointues.
Cf. aussi la forme régulière tolma « une protubérance aménagée pour servir un but précis, bouton, courte poignée arrondie », etc. tolbo « une souche, un moignon (comme pour un membre ou une branche tronqué).
Les corrections suivantes furent apportées à cette section de 6A : « q. tolpe “pouce” » > « q. tolbo “pouce” » (dans le premier paragraphe seulement ; voir la discussion ci-dessous) : « TOL “dépasser ou se dresser” » >> « TOL “se dresser, être debout (raide), relever la tête” » ; « Le mot telerin était tolmo, une forme agentive ou personnalisée de tolma » » « Le mot telerin était nāpo, une forme agentive (personnalisée) dérivée de NAP “saisir” ».
Les mots pour « pouce » et « gros orteil » étaient un point important d’incertitude dans MDN. Sur les p. 5 et 6A telles que dactylographiées au début, le mot quenya pour « pouce » était tolpe et la forme telerine était tolmo (cp. les tolle, toltil et (lep)tolle antérieurs, signifiant tous « pouce », dans les Notes d’ébauche citées dans la note de l’éd. 31). Après avoir complété 6A, Tolkien corrigea tolpe dans le premier paragraphe en tolbo ; ce ne fut cependant qu’un changement provisoire car tolpe et son étymologie demeurèrent inaltérés dans le second paragraphe. Probablement en même temps, le tel. tolmo sur 6A fut corrigé en nāpo et la référence à la base NAP « saisir » fut ajoutée. Finalement, Tolkien décida que nāpo devait être le mot quenya pour « pouce » et tolbo remplaça taltolpe comme forme alternative de taltol « gros orteil » (voir les corrections faites à la p. 5 données dans les notes de l’éd. 32 et 37). Ce fut le rejet du q. tolpe qui mena au remplacement de 6A par la révision 6B, puisque l’explication étymologique du second paragraphe de 6A devint invalide avec ce changement. Aucune étymologie du q. nāpo ni aucune mention à la base NAP n’apparaissent dans la page 6B ou suivantes du dactylogramme ; avec 6B, l’attention se porte alors sur l’étymologie du q. taltol et tolbo « gros orteil ». La référence « Pour la signification de NAP, voir ci-dessous à propos des « noms des doigts » » au §6 (la discussion sur le q. maqua) indique que, dès le début, Tolkien avait l’intention de faire dériver le nom du doigt de cette base — auquel cas, il est curieux que le q., tel. nāpo et NAP « saisir » apparaissent seulement dans MDN comme corrections au stylo-bille. La base NAP- est glosée, dans les Notes d’ébauche, « prendre, ramasser », censé s’appliquer « à l’acte des doigts et du pouce comme ramasseurs » ; une autre note glose littéralement nāpo « ramasseur » (cp. « lepet(ā) pouce, “ramasseur” » cité dans la note de l’éd. 31). Il doit être noté que « q. taltol “gros orteil” », les premiers mots du §20 (le début de la page de remplacement 6B), furent d’abord tapés « q. tolpe « gros orteil » » (voir la note de l’éd. 35). Ce retour de tolpe dans 6B doit être une simple erreur (peut-être favorisée par le fait que 6A commençait aussi par « q. tolpe »), puisque le rejet de tolpe aux p. 5 et 6A était clairement ce qui motivait en premier lieu l’écriture de 6B.
La première note de l’auteur, dans le passage de 6A donné ici, cite le q. orotinga « cime de montagne » < inga « sommet » (« seulement utilisé pour les formes pointant vers le haut ») ; cp. ingor « sommet d’une montagne » dans The Shibboleth of Fëanor censé contenir le « quenya inga “sommet, point le plus haut” utilisé adjectivement comme préfixe » (PM, p. 340).
37) « une forme plus ancienne des leper, lepet plus tardifs » >> « une forme plus ancienne du leper plus tardif ». lepet est ici tapé dans le corps du texte, alors qu’à son occurrence antérieure au §15, lepet était une insertion à l’encre (voir notes de l’éd. 29 et 30).
38) 6A avait la première version suivante : « leptas ou, sans syncope, lepetas était formé de lepe- + tassi- » corrigé en « lepetas était formé de lepe- + tassa- ». Pour les autres occurrences de leptas, voir les notes de l’éd. 33 et 35. 6A donne aussi, dans cette phrase, la base comme étant « eld. com. TAS “pointer, signaler ; indiquer” (probablement d’origine pronominale, en lien avec le radical ta “ce”) » — cp. la note de l’auteur 15, qui affirme que TAS était « probablement apparenté aux éléments pronominaux démonstratifs : ta, se. » À noter également, le nom primitif tastil (l’index), de √tas « pointer » (note de l’éd. 31).
39) La phrase correspondante dans 6A ne diffère pas de façon significative, sauf pour la note suivante (pour laquelle il n’y a pas d’équivalent dans 6B) qui apparaît après la mention de ened, enel « milieu » :
d et l s’inter-changeaient fréquemment en eldarin commun primitif, comme exemplifié par Dat/Lat « tomber (au sol) ». Il est établi par les Maîtres du savoir qu’en nandorin, la langue désormais presqu’entièrement perdue des Nandor (appelés plus tard Elfes Verts) d’Ossiriand, enel signifiait « au milieu, entre ». Le quenya a sans doute préservé une trace de cela dans enel, lepenel : les Nandor étaient, à l’origine, un détachement de Noldor égarés qui n’entrèrent en Beleriand que peu de temps avant la période exilique.
La variation entre d et l en eldarin commun est aussi mentionnée dans 7A et 7B, bien qu’aucun exemple ne soit cité ici, hormis ened/enel. L’assertion selon laquelle les Nandor étaient d’origine noldorine contredit les autres comptes-rendus ultérieurs dans lesquels les Nandor sont censés être une branche des Teleri. Voir les Annales Grises, entrée pour l’année 1350, qui dit comment Dân, de la troupe telerine d’Olwe, emmena de nombreuses personnes qui devinrent les Nandor (WJ, p. 13) ; et Quendi et Eldar, qui affirme que le nom Nandor « doit avoir été créé au moment où, dans les jours anciens de la Marche, certains groupes de Teleri abandonnèrent la Marche » (WJ, p. 384).
40) Après « imbi Menel Kemenye » le mot « entre » fut tapé puis biffé ; c’est à cet endroit que se termine 6B. Évidemment, l’intention première de Tolkien était que imbi Menel Kemenye « entre le Ciel et la Terre » soit simplement une proposition prépositionnelle, comme les deux autres exemples qui la précèdent. Cependant, il décida ensuite d’en faire une phrase complète, avec en conclusion « mene Ráno tie » (« va le chemin de la Lune ») qui apparaît dans une forme identique au début de 7A comme de 7B. Avec l’aoriste à la 3e pers. sing. mene « va », cp. √men « aller », cité en remplacement de la forme rejetée √ba(n) « aller » dans une note datant peut-être d’immédiatement après la publication du Seigneur des Anneaux (VT 42, p. 32) ; également √men « bouger, se diriger (dans une direction voulue par une personne) » dans les notes étymologiques associées à l’essai Ósanwe-kenta (vers 1959–1960) publié par Carl F. Hostetter dans VT 41 p.5–6.
La forme imbi dans imbi Menel Kemenye est certaine, car dactylographiée ; ce n’est à l’évidence pas une erreur mais plutôt la forme plurielle de imbe. Dans l’ « essai inédit sur la comparaison » auquel se réfère Bill Welden dans son article sur « La négation en quenya » (VT 42, p. 32), Tolkien mentionne « la préposition imbe « entre » deux choses comparées, ou dans une forme pluralisée imbi “parmi” plusieurs ». (Cet essai, bien que clairement tardif, ne porte aucune preuve de datation externe. Une note à la fin se réfère à une question posée par « Plotz », i.e. Richard Plotz, qui visita Tolkien à Oxford en novembre 1966 pour l’interviewer pour le magazine Seventeen (voir PE 10, p. 25), ce qui suggère que l’essai fut écrit fin 1966 ou après.) L’essai cite aussi comme exemples du plur. imbi les propositions « ankalima imbi eleni, ~ imb’ illi “plus brillante parmi les étoiles, ~ entre toutes” » et comprend la note étymologique suivante :
imbĕ < imbĭ est une forme renforcée de √imi « dans, parmi » donnant la préposition > « dans ». En forme absolue, le sens « entre deux choses », où celles-ci ne sont pas nommées, est exprimé par la forme dualisée imbit. Au sens de « parmi » devant des pluriels, elle est habituellement pluralisée > imbi même quand un nom pluriel suit.
Les exemples de cette préposition de MDN semblent se conformer à l’usage imbe/imbi décrit dans l’essai sur la comparaison. Dans MDN, le singulier imbe « entre » est utilisé lorsqu’il est suivi d’un nom explicitement duel (imbe met, imbe siryat) et le pluriel imbi est utilisé (avec le sens « entre » plutôt que « parmi ») lorsqu’il est suivi par deux noms au singuliers liés par « et » (imbi Menel Kemenye).
La conjonction enclitique –ye dans imbi Menel Kemenye est expliquée dans une note griffonnée à la hâte à l’encre sur le côté imprimé d’une notice de publication d’Allen & Unwin datant de jan.-fév. 1968 (le verso de la page porte un texte sur les « Monosyllabiques en eld. com. », se rapportant aussi à MDN ; voir note de l’éd. 48). Cette page ne fut pas placée avec MDN mais se trouve à la place dans « Quenya C », la boîte d’archives qui contenait également les textes sur la « Variation D/L en eldarin commun » et la « phrase des Ambidextres ». La note se lit :
-ye « et » ajou[té] au second d’une paire (sing. plur. — duel). En q. toujours normalement utilisé pour les paires habituellement associées comme le Soleil, la Lune ; le Ciel, la Terre ; la terre, la mer ; le feu, l’eau ; etc. [? C’est phonétiquement] une conj. Mais dans l’usage général, remplacée par ar (as) > √asa « à côté de ». Semble remonter à l’eld. com. ? As donne aussi en sind. « et » a, etc. En sind. ye- est perdu, mais en tel. ye pouvait être utilisé habituellement dans des paires ou préfixé [? sep.] et apparait avant chaque élément d’une liste. Ce ye est probablement apparenté au « voyez ! » — (maintenant voyez !) = kena, tira. Aussi en q. ou yea « Qui plus est ».
Le q. « voyez ! » apparaît dans l’exclamation d’Aragorn lors de la découverte d’un plant de l’Arbre Blanc sur le Mindolluin : Yé ! utúvienyes ! « Je l’ai trouvé ! Voyez ! » (RR, p. 297). La glose additionnelle de comme « maintenant voyez ! » suggère un lien avec la racine primitive DYĒ(1) dans le QL, d’où ʼyēta « regarder » et ʼyesta, ʼyendo « coup d’œil, regard ». Les deux formes équivalentes kena, tira (ce dernier corrigé en tíra) doivent toutes deux également signifier « voit ! » ; cp. ken- « voir, apercevoir », tiruva « remarquera » (M&C, p. 274–275). Grammaticalement, le q. –ye ressemble à la particule copulative latine –que « et » (PIE *kwe, d’où aussi le grec te en le sanscrit –ca), comme dans la célèbre devise Senatus Populusque Romanus « Le Sénat et le Peuple de Rome ».
Comparer le q. ar (as) « et » issu de √asa « à côté de » cité dans cette note avec la préposition quenya as- « avec » dans aselye « avec toi » dans Aia María IV (VT 43, p. 29–30 ; voir en particulier le 2e paragraphe de la p. 30), et le q. ar (as-) « vers, contre, près, sur (le mur) » issu de la racine ASA dans QL (PE 12, p. 33) [N.d.T. : Voir aussi PE 17, p. 41, 71, 145 & 174–175].
41) La phrase équivalente dans 7A est plus spécifique concernant la position où la variation d/l survient : « La variation d/l observée dans enel « au milieu » était probablement ancienne, puisqu’en eldarin commun d et l se trouvaient parfois comme variantes de la consonne initiale (ou comme troisièmes consonnes d’une extension) sans distinction sémantique claire. »
42) Dans 7A, ce paragraphe commence par :
D’autres relations entre les noms des doigts et les numéraux peuvent être établies, bien que moins certaines. Elles appartiennent au second stade : l’usage des deux mains. Qu’elles fussent collées pouce à pouce, comme décrit ci-dessus, est indiqué par quelques noms ludiques en quenya et sindarin.
Suit une note :
Il n’y en a pas de traces en telerin ; ils n’interviennent pas non plus dans les textes en quenya en-dehors des vocabulaires et notes étymologiques des maîtres du savoir ultérieurs (préservés de façon fragmentaire).
Les relations entre les autres noms des doigts et les numéraux sont censées être « moins certaines », bien que la relation entre le numéral 8 et tolyo, nom ludique pour le majeur, soit dite « assez probable » plus tard dans 7A. La note du passage ci-dessus sur les noms ludiques en telerin reprend, presque mot pou mot, une affirmation faite dans le passage de 6A cité dans la note de l’éd. 36 : « Il n’y en a pas de traces en telerin et, dans les textes en quenya, ils n’interviennent pas en-dehors des vocabulaires et notes étymologiques des maîtres du savoir. » Cependant, cette idée que les noms ludiques en telerin ne fussent pas consignés ne devait apparemment pas survivre ; voir note de l’éd. 44.
43) Les Notes d’ébauche incluent l’interrogation « TOLOT ou TOLOD ? ». Les écrits tardifs de Tolkien indiquent qu’il avait des difficultés à décider si la troisième consonne de la base étendue pour le numéral 8 devait être D, T ou TH. Une liste d’ébauche de numéraux à la fin de NKE donne le q. tolto 8, accompagné de la note « tolto pas do », alors que la liste des numéraux de 1–12 en quenya de ELN donne toldo 8. Cette hésitation est également évidente dans la discussion des numéraux eldarins dans l’essai contemporain « Les Rivières et collines des feux d’alarme de Gondor », dans lequel le radical eldarin commun pour 8 donné est tol-ot, mais avec une note en marge indiquant que Tolkien envisageait de le changer en tol-oth. Les ordinaux pour « 8e » dans cet essai furent d’abord dactylographiés q. toltea, tel. tolotya, sind. tolthui (cardinal toloth 8), puis corrigés en q. toldea, tel. tolodya, sind. tollui (cardinal toloð), avec le sind. tolthui autorisé à perdurer dans la note de l’auteur 5. Voir VT 42, p. 24–25, 27, et les notes éditoriales 52, 60, 62, 63 et 65 de cet essai.
44) La phrase équivalente dans 7A telle que dactylographiée au début se lit : « Le nom était relativement ancien car on le trouve dans le tel. nette, nettica et dans le sind. netheg ». Le tel. nettica et le sind. netheg sur 7A furent corrigés à l’encre en tel. nettice et sind. nethig, probablement peu de temps après avoir été couché sur le papier, car quelque vingt lignes plus tard, sur 7A, les tel. nettice, sind. nethig apparaissent comme les formes dactylographiées en premier lieu (dans la note de Tolkien sur NETH « frais, vif, joyeux » citée ci-dessous en note de l’éd. 46). Les tel. nettice, sind. nethig sont aussi les formes utilisées dans 7B (note de l’auteur 20) et dans ELN. L’affirmation de 7A que le q. nette se retrouve en telerin en tant que nette, nettica (>> nettice) semble contredire la note antérieure de Tolkien sur la même page, affirmant qu’ « il n’y a pas de traces en telerin » des noms ludiques (voir note de l’éd. 42). Il n’y a pas de mention, dans 7B, que les noms ludiques telerins n’étaient pas attestés ; en effet, tel. nette, nettice sont cités ici comme dans 7A. La note de l’auteur 19 dans 7B affirme aussi que sans « la survivance chanceuse » d’Eldarinwe leperi ar notessi « Les doigts et numéraux eldarins » de Pengoloð, « nous ne connaîtrions rien des jeux de mains ni des « noms de famille » des doigts, qui apparaissent rarement dans les textes en quenya » — et ELN fournit, de fait, une liste complète des « noms familiers » telerins des doigts.
45) La phrase équivalente dans 7A est suivie d’une note :
Ainsi le nom ludique quenya tolyo était une abréviation (pour aller avec atyo) de tolod-, sa relation avec ce dernier étant acceptable car il décrit la forme du majeur et n’est pas, à l’origine, lié aux noms plus fantaisistes des doigts en tant que personnes.
Dans la liste des noms ludiques des enfants de MDN §18, le pouce est appelé atya « papa » plutôt qu’atyo ; ELN donne, de même, atya. Cependant, les Notes d’ébauche possèdent une note isolée qui affirme « Changer les noms : altérer en atyo, amye » (amye est ici une proposition de remplacement pour emya « maman », nom ludique pour l’index à la fois dans MDN et ELN).
46) La phrase correspondante dans 7A donne à la place : « Le nom nette signifiait « demoiselle » et ne contient pas, à l’origine, la base NET, mais dérive de NETH « jeune femme » dont c’était une forme habituelle (créé par réduplication) dans l’usage affectueux familial pour des demoiselles/filles qui approchaient leur taille adulte. » Elle est suivie, dans 7A, d’une note donnant un compte-rendu de NETH et de ses dérivés assez différent de son équivalent (note de l’auteur 21) dans 7B :
La base NETH signifiait probablement « frais, vif, joyeux », même s’il possédait une association particulière avec les jeunes femmes : cf. l’adj. *nēthā, tel. nēþa « gai, vif, efféminé » (introuvable en quenya, sindarin) subs. *nēthē « demoiselle ». La forme en eldarin commun de nette était probablement netthi, tel. nette, q. nette, sind. neth, montrant le développement normal du tth dans chacune d’elles. En sindarin, seul le diminutif nethi était utilisé dans le jeu de mains ; Pengoloð cite à la fois nette et un dimin. nettice en telerin.
Un compte-rendu étymologique différent pour nette apparaît dans une note contemporaine trouvée dans « Quenya C » dans « Quelques réflexions sur le q. », un dactylogramme placé avec « Variation D/L en eldarin commun » et également tapé sur du vieux papier Allen & Unwin daté de 1968. La note, écrite à l’encre en haut d’une page (et n’ayant aucun lien thématique avec le texte dactylographié de la demi-page inférieure) commence par : « √net. neter 9. nom de doigt nette. nette = petite fille (sind. neth). √net svelte (joli, délicat) : netya- garnir, orner, netya joli, délicat, q. netil colifichet, [?petit objet] de parure personnelle ». Ce groupe de formes est suivi du diagramme d’une main (reproduit ici) indiquant les positions des doigts nette/selye, censé être les neuvièmes dans le comptage à deux mains « de droite à gauche ou vice-versa » et de tolyo, qui « est, de même, huit (*tolot) » (tolyo est suivi par deux mots qui pourraient se lire « gros garçon »). Diagramme d’une main indiquant les positions des doigts La note se conclut sur une liste de racines pour « homme » et « femme » et leurs dérivés :
  Eld. com. √NER mâle, homme     √nis- ? niss-, niþ ?
        nerd-                      niss
nerdo homme grand, fort             nisse femme
[nerkĭ >>] nerke petit homme                nisto grande femme
                                                nill- petit
Cette note de « Quenya C » fait écho à deux concepts antérieurs observés à la p. 7A de MDN : que nette signifie « demoiselle » et que selye était un nom alternatif du quatrième doigt. Ces deux idées furent rejetées en 7B, dans laquelle nette signifie « sœur » et où il est affirmé qu’il n’existe pas d’alternative (voir note de l’éd. 47). Cependant, à la différence de 7A et 7B, qui font toutes deux dériver nette d’une base NETH et affirment qu’elle « ne contient pas le radical eldarin commun NET », la note de « Quenya C » fait dériver nette « petite fille » (et plusieurs autres noms en quenya) de √net « svelte (joli, délicat) ». Cela semble être un concept antérieur aux étymologies données dans 7A et 7B et qui sous-tend l’affirmation faite dans les Notes d’ébauche que nette signifie à l’origine « jolie petite chose », mais devint plus tard un mot pour « petite fille ». La note de « Quenya C » semble impliquer que neter 9 était aussi dérivé de la même racine √net, bien que le lien de sens ne soit pas du tout clair, à moins que nous devions supposer qu’il soit dû au 9 tombant sur l’« annulaire » dans le comptage à deux mains (cp. netya- « garnir, orner », netil « colifichet »). La note glosant nette comme « jolie petite chose » mentionne aussi neter, mais dit seulement que « ler est de signification inconnue, quand bien même il en aurait eu une ? » Le radical nerd- dans nerdo « homme grand, fort » pourrait aussi apparaître dans le nom de l’épouse de Fëanor Nerdanel. Le nom Nerdanel apparaît pour la première fois dans un passage ajouté à la Quenta Silmarillion plus tardive (apparemment quelque part à la fin des années 1950 ; voir MR, p. 199, 300), où il s’agit d’une correction du Istarnië initialement tapé. Ce passage décrit Nerdanel comme « forte et libre penseuse, et emplie du désir de connaissance », ainsi que d’une « volonté de fer » ; de son père Mahtan le forgeron, elle « apprit de nombreux arts que les femmes des Noldor utilisaient rarement : le façonnage d’objets en métal et en pierre. » Ainsi l’élément nerd- dans Nerdanel pourrait se référer à sa force de corps et d’esprit ainsi qu’à son activité d’arts plus communément pratiqués par les hommes. (Le nom originel de Nerdanel, Istarnië, doit être basé sur le q. ista « savoir », en référence à son « désir de connaissance ».).
47) L’idée que nette signifiait « sœur » et était le seul nom ludique pour le quatrième doigt, et que hanno « frère » était le nom ludique alternatif pour le troisième doigt tolyo, émergea seulement durant l’écriture de 7B. Selon MDN §18, nette signifiait « demoiselle » pas « sœur » et avait une forme alternative selye « fille », et le nom alternatif de tolyo était yonyo « grand garçon ». Le §18 ne fut jamais corrigé pour s’accorder avec les changements ultérieurs, bien qu’au bas de la page sur laquelle §18 apparaît, Tolkien écrivit « neth sœur nette, khan frère hanno », probablement pour indiquer qu’il avait l’intention de rendre le paragraphe antérieur conforme aux §23–24.
De même, nette glosée « demoiselle » (pas « sœur ») et les noms alternatifs selye et yonyo apparaissent aussi dans 7A, qui finit avec le paragraphe suivant décrivant la réponse de Pengoloð aux anciens maîtres du savoir :
Ces arguments pouvaient sembler concluants. Pengoloð était en désaccord avec la conclusion, bien qu’il admettait leur force, en particulier (b). Il disait que l’occurrence à la place 9 attendue de deux formes aussi similaires que nette, neter pouvait difficilement être un simple accident et requérait une explication. Plusieurs points avaient été négligés. 1. Dans la liste des noms ludiques, nette/selye comme noms du 4e doigt offraient un parallèle à tolyo/yonyo : i.e. nette allait avec tolyo et n’était probablement pas (à l’origine) personnel, mais une description d’un doigt par sa position ou sa forme. Les critiques soulignent le fait que 4, 6 et 7 sont (ou semblent désormais être) « de simples inventions ».
Le point désigné par (b) ci-dessus est que « les noms ludiques (faisant des mains deux familles) bien qu’anciens, étaient plus tardifs et moins figés que les numéraux, desquels ils dépendaient plutôt que d’en être la source ». Le paragraphe final de 7A finit, apparemment, au milieu d’une phrase (il n’y a pas de ponctuation finale) au bas de la page et sans non plus énumérer les points que Pengoloð considérait avoir été négligés par ses prédécesseurs.
48) Cette phrase commençait à l’origine par « Tous ceux-là, à l’exception de pe et su, et peut-être ma, avaient probablement perdu une consonne en eldarin commun », avec « et peut-être ma » biffé durant la dactylographie. Les voyelles courtes dans pe, su, ma, lo, lu, sra et gra de cette phrase sont probablement une erreur pour , , , , , srā et grā.
Les Notes d’ébauche incluent une liste de formes monosyllabiques (chacun finissant par une voyelle longue), apparemment une version préliminaire de la liste des mots eldarins communs de cette note de l’auteur. Cette liste d’ébauche (qui fut biffée en intégralité de deux traits en diagonale) consiste en « lèvre », « arc », « humide ? » (biffé avant que la liste entière ne soit rejetée) ; phû (suivi d’un point d’interrogation) ; phâ « bouffée, [? souffle] » ; ; khâ « loin » ; « derrière » ; « vent » ; khō et . Adjacent à « lèvre » de cette liste, se trouvent deux propositions : et i pe (biffée) et et i péti (soulignée), peut-être censé signifier « hors des lèvres » ou « hors de la bouche » (voir la discussion sur pē̌pe ci-dessous). Pour les significations de phû et , voir « Monosyllabiques en eld. com. » ci-dessous. Le khō non traduit pourrait être associé à la base KH -N- « cœur (physique) » dans « Les Étymologies » (la forme KHŌ- sans le N d’extension apparaît dans le nom Khō-gorē > q. Huore, nold. Huor « courage », lit. « vigueur du cœur »). Une autre possibilité apparaît dans des notes écrites sur plusieurs morceaux de papier étroits placés avec la « phrase des Ambidextres » (voir note de l’éd. 54) ; ils comprennent une liste d’ébauche de radicaux prépositionnels, dont l’un est khō̌ « avec, acc[ompagné] par ».
Il existe également un texte d’une page intitulé « Monosyllabiques en eld. com. », écrit au verso d’une notice de publication Allen & Unwin datant de jan.-fév. 1968. Il ne fut pas placé avec MDN mais semble être des notes de travail pour la discussion sur les « anciens noms monosyllabiques » de MDN. Comme la note sur –ye « et » au recto de la même page (voir note de l’éd. 40), « Monosyllabiques en eld. com. » fut griffonné à la hâte au stylo-bille et tout ne peut pas être déchiffré avec certitude.
Monosyllabiques en eld. com.     cons. + voyelle
Toutes les combinaisons de consonnes initiales seules ou cbn. permises + toute voyelle (excepté que w/y étaient prohibées avant u/i) interviennent en eld. com.
Mais ce fut principalement [? dans ce cas] réservé (a) aux radicaux pronominaux, en particulier les dentales t, s, th, (n) ; et y. (b) aux [? usages prépositionnels] adverbiaux comme « (issu) de », [? « puis] avant ». (c) à l’exclamation, comme phū excl. de répugn. [? D’autres] noms furent créés seulement par additions dérivatives.
Les noms sans de telles additions étaient peut-être même primitivement exceptionnels et, dans tous les cas, peu ont survécu ou laissés [? des traces] décelables. Il s’agissait de « lèvre », ?, phā « respiration, bouffée d’inspiration », [« petit oiseau » »] « petit insecte, mouche », « main », « personne », mbā « mouton », « vent », skū ?, skā ?, « foyer, maison », ñ(g)ā « terreur, chose terrible », [biffé : ?,] « arc », srā « corps », [biffé : wā(w) chien,] grā [« ours » »] « chien ».
, phā, , mbā, , étaient prob. des noms à l’origine. [? probablement] mais aussi p-ê. < maȝa. , srā, grā montrent tous une perte de –w : kāw(з) > ou furent peut-être plus tard étend[us] en kawa, srawa, grawa (q. koa « maison », hroa « corps », roa « chien »). prob. < luȝu ; cf. luhta arquer. [? à l’orig.] < maȝa.
De ceux-ci, , , , , *kā, *hrā et *lū survécurent en q. mais ceux marqués * furent [? doublés ou étendus.]
pē̌pe, fawa foa, mbāba [? mbava] en q. māma.
seulement utilisé pour le son du vent ; comme nom + r/l : sūli, sūr(i).
En bas de la page, sont écrites trois notes additionnelles : « q., tel. calca verre » (cp. gn. celc « verre » dans GL), « LAP plier, courber » (cp. LAPA « envelopper » dans QL) et « T.S.V.P. » (cette dernière étant une direction vers la note sur –ye « et » écrite de l’autre côté de la feuille). La note sur calca « verre » relie encore plus cette page à MDN, car les Notes d’ébauche contiennent une note isolée presque identique : « q., tel. calca « verre » < KALAK- » (sans indice sur la façon de l’appliquer à l’essai).
La lecture faite pour les derniers mots de la phrase « De ceux-ci, , , , , *kā, *hrā et *lū survécurent en q. mais ceux marqués * furent [? doublés ou étendus.] » est extrêmement incertaine ; quelque soit ces mots finaux incertains, la phrase dans son entier indique probablement que *kā, *hrā et *lū seuls ont survécu en quenya tardif sous leur forme étendue dissyllabique plutôt que comme monosyllabes — cp. le q. étendu koa « maison » et hroa « corps » cités dans le paragraphe précédent du texte et lúva « arc », le nom de la marque recourbée ajoutée au telco « jambage » dans les écrits en tengwar (RR, p. 486). La forme pē̌pe à la ligne suivante doit être une forme réduplicative de « lèvre », signifiant peut-être * « lèvres, la bouche » (cp. peu « les deux lèvres, l’ouverture de la bouche », duel de « lèvre », VT 39, p. 9). Avec la dissimilation de *pēp- > *pēt- cela pourrait expliquer péti dans la phrase et i péti trouvée dans les Notes d’ébauche (voir ci-dessus). mbāba est aussi réduplicatif (< mbā « mouton »), mais avec mb affaibli en b dans la seconde syllabe ; la forme mbava (si la lecture est correcte) montre le développement habituel du quenya de l’intervocalique b > v mais, dans la forme finale māma, ce v est remplacé par m, apparemment par analogie avec la syllabe initiale (Quendi et Eldar cite le q. máma « mouton », mais de *māmā ; WJ, p. 395). fawa doit être une forme étendue de (< phā « respiration »), avec foa la forme finale en quenya ; comparer > étendu en kawa > koa « maison », etc.
Il est étrange que « main » ne soit pas mentionné comme l’une des formes qui survécurent en quenya. grā « chien » est une autre omission curieuse, étant donné que le q. roa « chien » apparaît dans le paragraphe précédent. Cependant, le mot pour « chien » faisait ici clairement l’objet de quelque incertitude. Le texte donne à l’origine wā(w) « chien » et grā « ours » ; wā(w) « chien » fut ensuite biffé et la signification « chien » assigné à grā. Cette hésitation sur le mot signifiant « chien » pourrait avoir motivé la liste de radicaux pour les noms d’animaux écrite dans la marge supérieure de cette page sous le titre « Onomatopée » : porok- korok « poule », « corbeau » (homophone de « foyer, maison »), yarr- « chien » et kăwāk « grenouille » (avec quāke, clairement la forme en quenya, écrite à gauche et remplaçant koake rejeté). Les radicaux wā(w) et grā « chien » eux-mêmes pourraient être onomatopéiques (cp. l’anglais wow, wowl, waul « hurler » et growl, tous échoïques à l’origine), bien que grā dans le sens d’« ours » fut peut-être, à la place, dérivé du radical noldorin GRAWA- « foncé, noir » (VT 45, p. 16), se référant la fourrure sombre de l’animal (il est affirmé dans la note de l’auteur 3 de MDN et dans « Monosyllabiques en eld. com. » que grā a perdu son –w final) — cp. le q. morko, nold. brôg « ours » dans « Les Étymologies » issus de la base MORÓK-, qui pourrait être une forme étendue de √MOR « sombre, noir » (Let., p. 535). Comparer aussi les mots pour « ours » dans les langues germaniques (v. angl. bera, v. nor. björn, anc. h. all. bero, etc.) qui sont apparentés aux mots pour « brun » (v. angl. brūn, néerl. bruin, etc.).
La plupart des radicaux onomatopéiques de cette liste apparaissent ailleurs dans les écrits de Tolkien : le radical porok- « poule » apparaît dans le QL dans poroke « grange à volailles » (GL a porog « volaille (domestique) ») ; les notes de Tolkien sur la version tardive de la Dernière Arche cite le verbe yarra- « grogner, gronder » (M&C, p. 275), apparemment le même radical observé dans yarr- « chien » ; et Quendi et Eldar cite *k(a)wāk, q. quáko « corbeau » comme exemple de mot échoïque ou imitatif eldarin (WJ, p. 395), presque identique à kăwāk « grenouille », q. quāke dans la liste.
49) Il est curieux que l’équivalent sindarin du tel., q. calar « lampe » ne soit pas donné ici, puisqu’il apparaît déjà dans le Seigneur des Anneaux dans le nom Rath Celerdain, la « Rue des Lanterniers » à Minas Tirith (RR, p. 43) et dans les brouillons Rath a Charlardain et Rath a Chelerdain (WR, p. 287, 388).
50) Texel est l’île la plus méridionale des Îles de la Frise-Occidentale, située au large de la côte nord-ouest des Pays-Bas.
51) Cp. le sanscrit dakṣiṇā-(diç-) « sud » < dakṣiṇā- « droit, méridional » et le gallois de(h)au, de « sud », lit. « droit(e) (main, côté) ».
52) Dans les Notes d’ébauche, Tolkien lui-même fit quelques tentatives dans cette pratique d’écriture des tengwar de droite à gauche en miroir. Deux exemples sont reproduits ici : Deux exemples d’écriture des tengwar de droite à gauche en miroir Le premier se lit Mordor (Mordor) tandis que le second est Tindómrl (Tindómrl, sc. Tindómerel ; voir Étym. s.v. TIN-). Le tremblement dans la calligraphie de Tolkien indique qu’il a sans doute écrit ces inscriptions en tengwar avec sa main gauche.
53) Minhiriath est glosé « Entre-les-Rivières » dans « Les Rivières et collines des feux de Gondor » ; voir CLI, p. 294.
54) Il y a ici une référence d’un intérêt particulier au « réflexif im < immā, immō » sindarin. L’élément réflexif im- et ses dérivés sont mentionnés plusieurs fois dans les écrits inédits tardifs de Tolkien. Par exemple, juste après le brouillon manuscrit de la « phrase des Ambidextres » dans « Quenya C » se trouve un certain nombre de notes écrites à la hâte griffonnées sur plusieurs feuillets étroits. L’un de ces feuillets porte la série de formes suivante (non précisé mais clairement du quenya) : « quiconque, quelqu’un ; toute chose ; im- « même » ; immo « le même », soi, réflexif général ; imma même chose ; imya adj. même, identique, soi-même » (les pronoms « n’importe qui, quelqu’un » et « toute chose » donnés sur cette page apparaissent aussi dans une note d’un « essai très tardif » cité dans VT 42, p. 34 n. 3 : pronom personnel indéfini mo « quelqu’un, un » et pronom personnel neutre ma « quelque chose, une chose »).
Sur cette page, à la suite de ces formes se trouve une table de pronoms personnels réflexifs en quenya, intitulée « Avec prons. » :
S.     1 imne] imni     Pl.     1 a imme
        2 a intye                                 b inwe
          b imle                                 2 inde, *imde
        3 inse, imse, insa                   3 inte, *imte
Les plur. 2 *imde et 3 *imte sont marqués avec des astérisques comme des formes primitives « hypothétiques ». Le sing. 1 imni n’est pas marqué avec un astérisque et donc est probablement une alternative à imne plutôt qu’une forme étymologique (cp. le sing. 1 óni dans la table des ó- « avec » fléchie avec les pronoms enclitiques donnés dans VT 43, p. 29). La forme sing. 3 imse fut ajoutée au-dessus à droite de inse et pourrait être soit une alternative, soit une forme étymologique.
Le pronom sindarin im apparaît deux fois dans le Seigneur des Anneaux : sur l’inscription de la porte de la Moria, Im Narvi hain echant « Moi, Narvi, je les ai faites » (FdA, p. 388) et dans le linnod de Gilraen, en composition avec la préposition an : ú-chebin estel anim « je n’ai gardé aucun espoir pour moi-même » (RR, p. 411). L’usage de anim dans le linnod de Gilraen est expliqué dans une note intitulée « Solution à anim », se trouvant dans un paquet de textes dans « Quenya C » précédé d’un intercalaire marqué avec la date de 1969. Cette note affirme que « im ne signifie pas “moi” mais “soi(-même)” et est un réflexif général ; anim “pour soi” ». En-dessous, est écrit un groupe de formes en quenya : imma, imba « même, soi-même », imme [? « la même personne »] et imya (non-glosé, mais cp. l’adj. imya « même, identique, soi-même » cité ci-dessus). L’inscription de la porte de la Moria est aussi expliquée dans une autre note de la même page, mais avec un stylo différent : « Mais im Narvi hain echant ne peut pas = “Moi, Narvi” puisque le verbe est à la 3 pers. Cela doit signifier “Ce fut Narvi lui-même (sc. en vérité, ce fut Narvi) qui les fit ». Narvi devait être un artiste très renommé chez les nains avant la mort de Durin et la venue du Balrog. » Cette seconde note comprend aussi une proposition non traduite Im Elrond echanthel (dans laquelle Elrond << Garo, la forme premièrement écrite peut-être non terminée) et les formes isolées Imli, Imni. Les commentaires de Tolkien à propos du sind. im dans ces deux notes semblent s’accorder avec la note de l’auteur 18 de MDN, qui indique que le réflexif im est une coalescence de immō, immā, clairement les formes en eldarin commun sous-tendant le q. immo « le même, soi » (réflexif général) et imma « même chose » donnés dans les notes de « Quenya C » citées ci-dessus.
Mais il semble clair que l’identification du sind. im comme réflexif dans ces textes est une réinterprétation tardive de la forme et que lorsque les phrases Im Narvi hain echant et ú-chebin estel anim furent publiées pour la première fois, le sind. im était en fait un pronom sing. de la 1ère personne. C’est clairement déclaré dans une analyse de l’inscription de la porte de la Moria qui apparaît dans des notes écrites après la publication du Seigneur des Anneaux [N.d.T. : Cf. aussi PE 17, p. 41–46] (les mêmes notes qui fournirent les informations sur les noms en khuzdul cités dans RS, p. 466, n. 36, 39 et dans TI, p. 174, n. 18, 21, 22) et qui inclut l’entrée « im, nominatif emphatique distinct de la 1ère personne du sing. je, je moi-même. » Im comme pronom de la 1ère personne remonte au goldogrin — cp. im « je » dans la proposition im len « j’ai ou suis venu » dans le GL (PE 11, p. 53 s.v. len adj. « venu, arrivé »). Il intervient probablement aussi dans le chant non traduit de Lúthien dans le Nouveau Lai de Leithian (vers 1955 ou après) : le linnon im Tinúviel, apparemment *« pour toi je chante, moi, Tinúviel » (LdB, p. 606).
L’usage du sind. im « entre » comme préposition dans le nom Taur-im-Duinath « la Forêt entre les Fleuves (sc. Sirion et Gelion) » (Silm., p. 114 ; WJ, p. 197 §108) semble être en contradiction avec l’affirmation de la note de l’auteur 18 où le sind. im, imm « entre » (< imbi) survécu seulement dans les composés imlad et imrad. Cependant, la dernière occurrence de Taur-im-Duinath est dans « LQ 2 », un dactylogramme de secrétaire de la Quenta Silmarillion tardive daté d’environ 1958 (WJ, p. 173) et il est possible que lorsque MDN fut écrit quelque dix années plus tard, Tolkien avait soit oublié ce nom, soit envisagé de le remplacer. Cette région est appelée Taur i Melegyrn « Forêt des Grands Arbres » et Taur na Chardhîn « Forêt du Silence Méridional » dans la version révisée de la seconde carte du Silmarillion (WJ, p. 185), bien qu’il ne soit pas dit clairement quand ces deux noms furent ajoutés ; ils n’apparaissent pas sur la seconde carte telle qu’elle fut originellement dessinée, quelque part dans les années 1930 (cf. RP, p. 470–472, 477).
55) Cette dernière phrase fut rajoutée à l’encre.
56) Dans « Les Étymologies », la base NETH- signifie « jeune », avec les dérivés q. nessa, nold. neth « jeune » (d’où le nom de la déesse Nessa, nold. Neth) ; et q. nése ou nesse, nold. nîth « jeunesse » (< *nēthē). Une nouvelle signification (quoique clairement apparentée), « jeune femme », est assignée à NETH- à la p. 7A de MDN, avec une note expliquant que cette base signifiait littéralement « frais, vif, joyeux », mais avec une « association particulière avec les jeunes femmes », comme observé dans les dérivés q., tel. nette, sind. neth « demoiselle » ; tel. nēþa « gai, vif, de demoiselle » ; et [l’eld. com.] *nēthē « demoiselle » (voir note de l’éd. 46). NKE §1 glose NETH simplement par « femme » (une version alternative de ce paragraphe dans les Notes d’ébauche donne aussi √NETH « personne femelle, femme » ; voir note de l’éd. 58). Enfin, dans 7B, la signification de NETH- devient « sœur », avec les dérivés q. néþa, nésa : tel. nēþa ; sind. nîth — remplaçant peut-être ainsi la base THEL-, THELES- « sœur » donnée dans « Les Étymologies », d’où le q. seler, nold. thêl. Cp. le changement accompagnant la base signifiant « frère » décrite dans la note de l’éd. 57.
57) Dans « Les Étymologies », la base KHAN- signifie « comprendre, saisir », avec un grand nombre de dérivés en quenya ou en noldorin. Dans MDN, l’eld. com. KHAN signifie « frère », mais cela ne signifie pas forcément que KHAN- « comprendre » a cessé d’exister. L’eldarin, tel que présenté dans « Les Étymologies », tolérait les bases homophones si les significations étaient suffisamment distinctes, comme AM1- « mère » et AM2- « haut », LAS1- « feuille » et LAS2- « écouter », LIN1- « étang » et LIN2- « chanter », etc. D’un autre côté, KHAN « frère » remplace probablement l’ancien TOR- « frère » des Étymologies (tout comme NETH- « sœur » de MDN remplace probablement la base THEL-, THELES- « sœur » des « Étymologies ».
58) Les Notes d’ébauche incluent une page, écrite au stylo-plume, qui semble être un brouillon (ou une version alternative) de NKE §1. Elle affirme que nette « avait une signification définie et particulière ; mais le plus important était qu’il n’était pas dérivé de la base eld. com. NET. C’était un mot « familier » habituel pour une « demoiselle » ; et il était dérivé par réduplication de la consonne médiale, part. fréquente dans des mots comme netthi issu de √NETH « personne femelle, femme ».
59) Cette phrase est probablement le point de référence d’une note isolée écrite en haut de la page : « 6, 7 restent de pures inventions numérales. Il doit être noté que les deux se trouvent hors de la représentation à une seule main, tandis que leurs positions à deux mains étaient 1 (pouce), 2 (index), qui étaient fixées pour le pouce & l’index (père, mère). »
60) Cp. le préfixe quenya en- « de nouveau » (CLI p. 352, n. 43) comme dans enyalien « pour la commémoration » (ibid.), enquantuva « remplira » (FdA p. 476) et Envinyatar « le Renouveleur » (RR p. 160) [N.d.T. : Cp. aussi PE 17, p. 68]. Les notes hâtivement griffonnées sur les mots et éléments relatifs au « milieu » citées dans VT 41, p. 16 n. 5 (à peu près contemporaines de MDN) comprennent une note marginale selon laquelle les formes telles que enet « milieu » et en- « mi- » (préfixe) nécessitaient d’être distinguées de « en = hen “encore” ». hen « encore » comme alternative de en était probablement un concept éphémère ; un groupe de notes connexes, au recto de la même page, affirme à la place que HEN, étendu en HENET, était la base de « milieu » (ibid). Dans ce groupe de note, le h- initial originel disparaît dans les formes dérivées en quenya, e.g., les dérivés de HEN, HENET « milieu » comprennent le q. entya « central, milieu » et ente « centre » ; ainsi hen « encore » produirait encore en- en quenya et ne contredirait pas les formes déjà publiées telles que enquantuva et Envinyatar. Comparer à l’essai antérieur Quendi et Eldar (vers 1959–1960) dans lequel le h- initial originel est conservé en quenya, e.g., *HEK « à coté, à part, séparé » > q. hehta- « mettre de côté, laisser, exclure, abandonner, délaisser », et *HO « hors, à partir de, parmi » > q. verbe préfixe hō- comme dans hókiri- « amputer » (WJ p. 365, 368).
61) Les notes griffonnées à la hâte du VT 41, p. 16 n. 5 citées dans la note de l’éd. 60 mentionnent aussi le q. enta en lien avec en- « encore » bien que l’argumentation soit quelque peu obscure en raison de plusieurs mots illisibles : « en- “encore” comme [dans] enquantuva est prob[ablement] [?] “plus loin, au-delà” [? en ce qui concerne le temps influencé par ? seulement dans] q. enta, seulement avec les verbes. [? racine] ēn. » Les Notes d’ébauche comprennent un texte d’une seule page écrit au stylo-bille qui donne une courte version de NKE §2 et qui glose enta comme « “un autre” dans le sens “un de plus” (mais pas, sauf par implication, “un autre différent”). » Ailleurs dans les Notes d’ébauche, la base KES est donnée, avec les dérivés ekes « autre », exa « autre » et exe « l’autre ». La première forme ekes « autre » pourrait simplement être une forme de la base avec une sundóma préfixée de laquelle les deux autres formes seraient dérivées : exa « autre » semble être une adjectif (sans doute < *ek’sā) tandis que exe « l’autre » est le nom équivalent (probablement < *ek’sē).
62) Cette note sur yunquenta fut écrite dans la marge, en face de la référence au q. enta dans le texte principal. Une note séparée écrite dans la marge supérieure de la troisième page de NKE donne le q. yunquente 13 (avec un –e final plutôt qu’un –a).
63) Le q. nete, net signifiant apparemment « un de plus, un autre » et « encore communément utilisée en quenya dans l’énumération de séries » pourrait être parent du sind. ned, connu seulement dans la proposition nelchaenen ned Echuir « le trente-et-unième jour de l’Éveil » dans le facsimilé III de la Lettre du Roi (SD, p. 128–129). Cette proposition apparaît sous la forme nelchaenen uin Echuir dans le facsimilé I avec uin au lieu de ned. nelchaenen signifie évidemment *« trentième » plutôt que « trente-et-unième » et, comme Carl F. Hostetter le note dans son analyse de la Lettre du Roi (VT 31, p. 31), cette apparente contradiction « peut s’expliquer si l’on considère qu’en comptant le nombre de jours depuis une date donnée, la date de départ n’était pas comprise dans le décompte. Ainsi nelchaenen uin (>> ned) Echuir pourrait être plus littéralement traduite par *“le trentième jour depuis [le début de] l’Éveil” ». L’étymologie de uin (de façon transparente o « depuis » + in « le ») conforte cette interprétation et le sind. ned, s’il est apparenté au q. net(e), pourrait, de façon similaire, être une préposition signifiant « depuis » dans le contexte d’« énumération de séries » de jours.
Cependant, le numéral quenya yunquenta 13, lit. « 12 et un de plus » (< adj. enta « un autre, un de plus », un parent de nete), suggère une explication alternative au fait que nelchaenen ned Echuir signifie « le trente-et-unième jour de l’Éveil » : si le sind. ned, comme le q. net(e), signifie littéralement « un de plus, un autre », alors nelchaenen ned pourrait signifier « le trentième et un de plus », sc. « le trente-et-unième jour » (avec Echuir signifiant « de l’Éveil », puisqu’en position génitive).
Le fait que NKE fut écrit quelque vingt années après la Lettre du Roi augmente la probabilité que l’eld. com. en-et et ses dérivés (partageant tous le sens premier « un de plus, une fois de plus ») n’existaient pas encore comme concepts quand la Lettre du Roi fut écrite (Hostetter (ibid.) propose que le sind. ned soit apparenté au verbe *nedia- « compter, calculer » (< NOT- « compter, calculer », RP, p. 432), observé dans la forme contemporaine genediad « comput » de la Lettre du Roi, et au q. noti *« numéro(tation) »). Néanmoins, la phrase en « arctique » (en fait du qenya) apparaissant dans la lettre de Noël écrite par Tolkien en nov. 1929 à ses enfants (voir Lettres du Père Noël, p. 31) suggère que l’association de l’élément ent- avec séquence et répétition existait déjà à la fin des années 1920. La phrase arctique débute par la phrase Mára mesta an ni véla tye ento « Adieu jusqu’à la prochaine fois que je vous verrai », dans laquelle l’adverbe ento « prochain, par la suite » est à l’évidence dérivé de l’adj. enta (sur les adverbes en –o formés depuis les adjectifs en –a, voir la Early Qenya Grammar d’environ 1923, PE 14, p. 47, 80). En fait, ento pourrait parfaitement être la forme adverbiale de enta « un autre, un de plus », signifiant littéralement *« une fois de plus, un autre temps ».
Il a également été proposé que ned dérive de NÉD- « milieu, centre » (plus récemment par David Salo, A Gateway to Sindarin, p. 276). Mais, ainsi que l’a noté Carl F. Hostetter (http://groups.yahoo.com/group/lambengolmor/message/694 [lien mort]), cette dérivation échoue sur le plan de la phonologie puisque le d original en position finale d’un mot, devient –dh en noldorin et sindarin : cf. nold. enedh « noyau, centre » < NÉD- (RP, p. 428), sind. sâdh « pelouse, gazon » < SAD « décaper, écorcher, peler » (VT 42, p. 20), etc.
64) I.e., nete s’est vu attribué l’ajout distinctif –r (produisant neter 9), puisque les autres extensions dentales –l/-d, -t et –s étaient déjà utilisées dans d’autres radicaux numériques.
65) La note suivante fut écrite dans la marge gauche en face de la discussion sur kanat dans le texte principal :
Faire tel., sind. cenet, cened. La forme sindarine cened est habituellement considérée comme étant a > e sous l’influence du voisinage de neled 3, lepen 5, enek 6. Mais elle pourrait être une forme plus ancienne, kanat [? étant différenciée] de façon délibérée en ancien quenya pour ôter la monotonie du e. Si c’est [le cas], kenet semblerait être basé sur (e)net.
Ce concept, que le sind. cened reflète l’ancienne forme de l'eldarin commun tandis que kanat serait une modification tardive faite en ancien quenya pour éviter « la monotonie du e » dans la série numérique, est réitéré dans les Notes d’ébauche :
La base kan + at n’a pas de lien avec les noms des doigts. La √KAN signifie « hurler », avec un large développement des sens (similaires à ceux du germ. hait-) : « appeler (convoquer, nommer), commander, exiger ». Elle n’a pas de connexion avec 4, du moins aucune qui puisse être perçue désormais. Mais les sind., tel. avaient KENET, probablement la forme plus ancienne ; soit le q. altéra KENET en KANAT puisque la sundóma E était sur-utilisée, soit les sind., tel. altérèrent KANAT en KENET sous l’influence de neled, lepe, enek, etc. Dans [le] premier cas (plus probable) kenet était évidemment un nombre basé sur enet (voir neter) par addition d’un K (utilisé car les autres numéraux étaient principalement tous dentaux.
Cependant, le tel. cenet et le sind. cened semblent avoir été des concepts éphémères — ELN, qui fut écrit après MDN, donne tel. canat et sind. canad 4 et l’essai contemporain « Les Rivières et collines des feux de Gondor » donne également tel. canat, sind. canad 4 < kanata (VT 42, p. 24).
66) Les Notes d’ébauche donnent l’eld. com. yūneke 12, censé être « clairement un duel de 6 enek », d’où le q. yunque, tel. yūnece, sind. ýneg. Un compte-rendu plus détaillé de ce sujet apparaîtra dans la Partie II dans l’Appendice sur le q. enque 6, minque 11 et yunque 12 suivant ELN.
67) La glose « milieu » suivant ces formes fut biffée. Le e final de enele fut ajouté plus tard, et il se peut qu’il en soit de même pour enede.
68) À ce stade, le texte s’arrête net. Tolkien était clairement insatisfait de l’explication étymologique de enek 6, car il écrivit verticalement, dans la marge gauche en face du compte-rendu de l’origine de ce radical, une note dans une écriture large et décidée : « Abandonner la tentative d’expliquer enek ! »
Le reste de la page porte quelques notes sur otok, une variante de otos 7 (ces alternatives remontant aux « Étymologies », lesquelles donnent la base OT- (OTOS, OTOK) « sept »), et une liste brute partielle de numéraux en quenya et sindarin. L’écriture manuscrite de Tolkien devint de plus en plus hâtive et difficile alors que le travail sur la page progressait et la plupart des notes sur otok sont illisibles. Cependant, ce qui suit peut être établi avec certitude : « otok > q. osko, tel. otoc(o), sind. odog » (tous = cardinal « sept »), dans lequel la forme telerine fut corrigée en otos(o). Près de cette note sont écrites les formes ototya et ochui, apparemment les formes ordinales correspondantes à « septième » en telerin et sindarin, respectivement. Le tel. ototya 7e apparaît aussi dans « Les Rivières et collines des feux de Gondor », bien qu’il soit expliqué par une modification de la forme originale *otosya (< radical ot-os) par analogie avec la terminaison –tya dans d’autres ordinaux tels que le tel. canatya 4e (VT 42, p. 25). Cependant, le tel. enetya 6e issu du radical en-ek (ibid.) montre aussi qu’en telerin la médiale ky devint ty, ce qui suggère que ototya dans NKE pourrait aussi dériver de *otocya < otoc(o). « Les Rivières et collines des feux de Gondor » donnent le sind. othui 7e < eld. com. otsōya (ibid.), tandis que le sind. ochui dans NKE semble dériver de la forme eldarine commune *otkōya non fournie par Tolkien (pour tk > ch en sindarin, cp. echor « cercle extérieur » (*et-kor) dans Rammas Echor « grand mur du cercle extérieur », RR, p. 21).
Les Notes d’ébauche fournissent une affirmation similaire : « otos avait aussi otok > q. otko > osko > oxo ». Ce fut ensuite corrigé pour simplement lire « otos > otso », sous lequel fut ajoutée une note « après [? simp.] ot » signifiant apparemment qu’en quenya une forme courte ot fut analogiquement dérivée de otso (bien qu’historiquement, comme NKE le notait précédemment, « il n’y avait pas de base primitive OT- »). Ailleurs sur la même page, les formes tel. okko, sind. odog apparaissent ; sous okko est écrite une variante orthographique occo et un s fut écrit au-dessus du premier k, indiquant de façon évidente la variante osko. Aux côtés de ces formes se trouve la note « tk > sk en q., tel., sind. » qui explique le développement phonologique de otok > q., tel. osko. Les concepts phonologiques de ces notes furent clairement quelque peu fluides et expérimentaux ; en tout cas, il est difficile de réconcilier le q. otko > osko > oxo avec *et-kelē « source, jaillissement d’eau » > q. ehtele (RP, p. 411 s.v. KEL-) ou le tel. otoc(o) 7 dans NKE avec okko (occo), osko des Notes d’ébauche.
69) Le brouillon de NKE §1 décrit dans la note de l’éd. 58 explique que nette « demoiselle » signifiait « pas un enfant/bébé femelle, mais une [demoiselle] approchant l’âge adulte, dans son « adolescence » ». Ce même brouillon cite également « la base wen(ed), q. wende « jeune fille » » au lieu « du radical eldarin commun (wen-ed) wendē « jeune fille » ».
70) Sur cette affirmation que le système numéral eldarin resta strictement décimal, avec seulement un développement partiel de la nomenclature duodécimale, comparer « Les Rivières et collines des feux de Gondor », qui affirme que « déjà en eldarin commun, les multiples de trois, en particulier six et douze, étaient considérés comme particulièrement importants, pour des raisons arithmétiques générales ; et finalement à côté de la numérotation décimale, un système duodécimal complet fut institué pour les calculs et une partie de celui-ci, comme les termes spéciaux pour 12 (douzaine), 18 et 144 (grosse) étaient d’usage courant » (VT 42, p. 24). Des tableaux présentant un système complet de numéraux duodécimaux existent encore dans les écrits de Tolkien, dont l’un est une liste de radicaux numériques dans les « Langues valiennes et oromiennes » datant probablement de la fin des années 1930, citée comme la source du radical nakat 18 (q. nahta) dans PE 14, p. 17, note 6.
 
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