Mains, doigts & numéraux eldarins et écrits associés — Partie Trois

Vinyar Tengwar J.R.R. Tolkien — Décembre 2005
édité et annoté par Patrick Wynne
traduit de l’anglais par Vivien Stocker
Article théorique Article théorique Article théorique Article théorique Article théorique

Cet article est issu du journal linguistique Vinyar Tengwar 48, daté de décembre 2005 et édité par Carl F. Hostetter. Le traducteur remercie chaleureusement le Tolkien Estate, Patrick H. Wynne, Carl F. Hostetter et l’équipe éditoriale de Vinyar Tengwar pour avoir autorisé la publication de cette traduction. Il remercie également les nombreux relecteurs de la traduction.

Le texte de Tolkien est sous la protection du droit d’auteur. © 2005–2022 The Tolkien Trust.

Plan de l’article :
Mains, doigts & numéraux eldarins et écrits associés

III. Variation D/L en eldarin commun

Dans l’introduction générale à MDN et aux écrits connexes du VT 47, j’ai noté que le texte intitulé « Variation D/L en eldarin commun » (auquel on se réfèrera ici par VDL) « peut être vu comme un développement directement dérivé d’affirmations plus brèves faites sur ce phénomène dans MDN », même s’il ne fut pas placé avec les documents de MDN dans les archives de Tolkien, se trouvant plutôt dans « Quenya C », une boîte contenant beaucoup de textes et notes tardifs (VT 47, p. 4–5). Les deux pages dactylographiées de VDL (composées, comme beaucoup de textes de « Quenya C », sur de vieux papiers Allen & Unwin datés de 1968) sont suivis d’une page seule dactylographiée portant un brouillon inachevé de la 7e page de MDN ; cette page ne porte aucun nombre, mais peut être commodément nommée « 7α », puisqu’elle précède clairement la composition des pages 7A et 7B. Comme 7A et 7B, 7α débute avec la conclusion (« mene Ráno tie ») de la phrase en quenya commençant au bas de la page 6B (ibid.) :

[…] mene Ráno tie, « entre le Ciel et la Terre va le chemin de la Lune ». La variation ened/enel était probablement ancienne ; en eldarin commun d et l, comme première consonne d’une base1), ou comme la troisième d’une extension, semble souvent avoir varié sans aucune différence sémantique claire2).
Ce ne fut pas toujours le cas. Les bases DUY et LUY de l’eldarin commun, par exemple, étaient distinctes. DUY signifiait « déborder, tremper, inonder », mais LUY était la base des mots pour « bleu ». Toutes deux devinrent LUY en quenya. Ce qui explique probablement la disparition en quenya de l’eld. com. *duinē « grande rivière (susceptible d’inonder les terres alentours) » vu dans Anduin « longue rivière » et Baranduin « rivière brune » : il devint identique à l'adj. luine « bleu ». Ce dernier apparaît dans Ered Luin « Les Montagnes Bleues » et également dans le nom de la rivière Loune qui s’en écoule, sind. Sîr LuinLoune dans le SdA est seulement la forme qu’on lui a donnée pour suggérer son changement dans l’adaptation locale du parler commun. Cependant, le quenya préserva DUY dans le verbe luita- « s’écouler », et le dérivé luime « crue, eau de crue, terre inondée »3).

Tolkien suivit de très près la formulation de la phrase finale dans le premier paragraphe de 7α dans 7A (voir VT 47, p. 31, n. 45) tandis que dans 7B, il omit la référence à la variation intervenant spécifiquement dans la première et la troisième consonnes des bases : « … en eldarin commun d et l se trouvaient comme variantes dans de nombreuses bases et éléments suffixaux sémantiquement apparentés » (VT 47, p. 11). Cependant, alors que 7A et 7B limitent la discussion à la variation d/l en eldarin commun à cette seule phrase, après laquelle le sujet des autres relations entre les noms des doigts et les numéraux reprend, (voir VT 47, p. 11 §22 ; VT 47, p. 31, n. 46), 7α développe le sujet de la variation d/l dans un second paragraphe, en en montrant un exemple avec les bases DUY « s’écouler » et LUY « bleu » et leurs dérivés. 7α fut abandonnée après le second paragraphe, probablement parce que Tolkien réalisa qu’il s’embarquait dans une digression qui s’avèrerait incommode comme partie de MDN. Néanmoins, le sujet avait évidemment enflammé l’imagination de Tolkien et c’est à ce moment qu’il dût écrire VDL, peut-être même avant de continuer à écrire les p. 7A et 7B de MDN (l’abandon de VDL à mi-phrase près du bas de sa seconde page pourrait avoir été occasionnée, au moins en partie, par le besoin de retourner à la tâche de complétion de MDN). Il est en tout cas clair que les trois premiers paragraphes de VDL furent directement basés sur 7α ; c’est encore plus évident dans les discussions des bases DAT/LAT et DUY/LUY, et dans le compte-rendu du nom de la rivière Loune. Ces points seront couverts plus en détail dans les notes éditoriales à VDL, ainsi que dans la section intitulée « Le problème de Lhûn » qui suit le texte. La première page du dactylogramme de VDL porte un nombre de corrections manuscrites mineures, dont la plupart ont été reprises dans le texte qui suit. Comme avec MDN et ELN, les numéros de paragraphes ont été ajoutés par l’éditeur et les propres notes de Tolkien, à l’origine interpolées dans le corps principal du texte, ont été déplacées vers une section « Notes de l’Auteur » à la fin de l’essai.

Variation D/L en eldarin commun (Note 1)

§1 Cela se produit, mais n’est pas fréquent, pour la première consonne de bases monoconsonantiques ou biconsonantiques. Lorsque cela se produit dans de tels cas, bien que l’on puisse observer une relation sémantique, la signification ou la fonction syntaxique n’est pas identique. Le cas le plus notable est celui de l’eld. com. DE/LE, radicaux des pronoms de la 2e personne ; mais DE semble à l’origine avoir été assigné au pluriel (cf. SE sing. TE pl. de la 3e personne)4). DAT/LAT est souvent cité comme un cas, mais DAT était verbal « tomber — par terre », alors que LAT était adjectival « au niveau du sol, bas, ras »5).

§2 Du fait de la conversion plus tardive du d initial en l en quenya (seulement) les bases ainsi précédemment distinguées devinrent identiques dans leur forme ; elles entraient aussi parfois en conflit avec d’autres bases qui n’avaient aucun lien de sens et ainsi l’une ou l’autre des concurrentes sortait de l’usage, excepté dans les dérivés distingués par leurs suffixes ou par leurs changements de consonnes médiales. Ainsi l’eld. com. DUY « s’écouler vivement, verser » (intrans.), qui resta en usage en telerin et en sindarin, et produisit les noms tel. duine, sind. duin « grande rivière (de courant vif) », ne se trouve pas en quenya à cause du conflit avec l’eld. com. LUY « bleu » ; eld. com. *luini- « bleu » et duini « rivière » : tous deux produisirent le q. luine et seulement l’adj. « bleu » survécut6). Mais DUY est représenté en quenya par luime « crue, marée haute » (Note 2)7).

§3 Le mot pour « bleu » survécut dans les trois langues : q. luine, tel. luine, sind. luin. Il apparaît dans le SdA dans Ered Luin « Les Montagnes Bleues »8). Le nom de la rivière Loune n’est pas apparenté. Les Hobbits n’auraient pas non plus éprouvé de difficulté avec la diphtongue ui9). Le nom de la rivière est clairement orthographié Lhûn sur la carte ; Lune en est une adaptation raisonnable pour l’anglais moderne [N.d.T. : Et Loune en français moderne]. Le nom sindarin ne peut avoir de relation avec luine. Il doit descendre soit de *slōn- soit de *slūn- en eldarin commun ou en sindarin préhistorique. Mais un tel radical ne se trouve nulle part dans les langages eldarins. Son nom est soit une invention spéciale comme nom spécifique de la rivière — une procédure que les Eldar adoptaient parfois, en particulier au Beleriand ; ou peut-être une adaptation d’un nom plus vieux. Dans ce dernier cas, ce fut probablement une altération d’un nom nain. Les Ered Luin étaient les restes d’une chaîne de montagnes qui formait la frontière orientale du Beleriand (habituellement nommée Ered Lindon par les Eldar), difficile à traverser. Mais les Nains avaient construit10) quelques grandes Demeures dans ces montagnes (commandant les seules passes), qui avaient certainement été fondées longtemps, même en temps elfique, avant la venue des Noldor exilés, probablement avant que les Eldar du Grand Voyage aient même atteint le Beleriand. Le khuzdûl, la langue des Nains, ne tolérait cependant pas deux consonnes initiales. Mais un nom tel que sulûn ou salôn conviendrait à la formation des mots nains à partir de la base SLN « chuter, descendre rapidement ». Le cours supérieur du Loune était très escarpé et rapide, et sans doute l’était-il déjà dans les jours anciens.

§4 La variation est plus fréquente sur la 3e consonne des bases trisyllabiques créées par « extension », dans lesquelles l/d/t ou r/d/t sont fréquents11). ENED/L appartiennent cependant à une petite classe de radicaux dissyllabiques qui étaient apparemment initialement formés d’après d’anciens radicaux monosyllabiques normaux par extrusion initiale de la sundóma ; la voyelle initiale était, dans ce type de formation, habituellement conservée, exceptée dans les composés ou dérivés créés dans les premiers temps de l’eldarin commun. Ainsi ened/l est le radical des mots pour « milieu » dans les langues eldarines, excepté dans l’ancien dérivé numéral nel. Il ne perd pas pour autant la véritable sundóma de l’eldarin commun, mais conserve l’ened/l- dissyllabique, excepté en quenya où, par la syncope plus tardive spécifique au quenya, il apparaît en tant qu’ende (tel. ened-, sind. eneð). Il n’avait pas et n’avait à l’évidence pas été pensé pour avoir de lien avec l’eld. com. EN « encore, une fois de plus ». En cela, ENED/L différait de ENET qui était une extension de EN « encore » et apparaissait en eldarin commun dans les formes enete, enet, ente, net(e)12).

§5 La variation n’intervient pas sur la 2nde consonne (finale) des anciennes bases dissyllabiques13) — des variations telles que TUD, TUL sont toujours sans rapport sémantique, comme le sont toutes extensions créées d’après elles.

§6 La variation est, cependant, fréquente dans les « radicaux » trisyllabiques, sc. ceux créés à partir de bases biconsonantiques existantes par extension comme forme de dérivation, la consonne de l’extension pouvant varier en l/d/t ou en R/D/T (Note 3). Il existait néanmoins, en eldarin commun, une petite classe de bases (triconsonantiques) trisyllabiques qui n’étaient pas des radicaux dérivés — des vestiges probables d’une ancienne période — dans lesquels l’extension fonctionnait apparemment non pas comme un ajout dérivatif mais comme un différentiateur. Ils étaient ainsi virtuellement des bases, puisque la 3e consonne était d’importance sémantique et ne pouvait être omise. Dans cette classe, toute variation de la troisième consonne était naturellement plus rare, mais on trouve une variation d/l, ou d/r si la consonne médiale était l. Les radicaux de ce type n’avaient en fait souvent aucune consonne initiale. C’était bien sûr une particularité de l’eldarin commun, dans lequel un nombre important d’éléments primitifs et de plusieurs bases qui fonctionnent comme des radicaux biconsonantiques normaux de verbes ou de noms/adjectifs, survenaient sous la forme ’/Voyelle/Cons. comme ET « hors de »14), AS « près de », EK « pointe acérée » ; UM « grand », IL « tout », IS « connaître », UB « considérer, avoir à l’esprit », UK « désagréable », etc.15) (Note 4).

§7 Ceux-ci appartenaient au type dit irréversible : c’est-à-dire qu’ils étaient traités comme s’ils avaient une consonne initiale et ne pouvaient pas plus être inversés (comme, disons, ET en TE) que ne le pouvaient KET en TEK sans perte d’identité. La raison de cette différence avec les réversibles tels que an/na « à, de, vers », al/la « non, ne pas », on/no « engendrer », or/ro « augmenter, s’élever », n’est pas entièrement comprise. Cela pourrait être dû en partie au ressenti de la représentation linguistique : e.g. ET semblait convenir au sens « hors », mais pas TE. C’était certainement dû, dans de nombreux cas, au fait que les formes inversées avec une voyelle qui suivait se confrontaient à d’anciens éléments qui étaient monosyllabiques (Note 5) : tel que KE16), TE, radicaux pronominaux ; LI « beaucoup », SI « ceci ». Que la réversibilité ne fut pas impossible là où un tel conflit n’intervenait pas est illustré par le passé (certainement irrég.) de is-ta « savoir » : sinte « sut, savait », à côté de isinte (sinte étant en fait l’ancienne forme)17).

§8 Quand ces deux raisons étaient opératives […]

Notes de l’Auteur

Note 1

C’est-à-dire une variation dans des bases sémantiquement apparentées. La variation peut former des bases sans aucun lien de signification : comme DUY « s’écouler », LUY « bleu ».

Note 2

À comparer à nanwe (eld. com. ndanmē) « reflux, marée basse »18) ; tel. duime, sind. duinen et tel. damme, sind. dannen19).

Note 3

Avec la limite que la troisième consonne d’un radical étendu ne pouvait pas répéter la consonne médiale.

Note 4

Cette variété avait largement augmenté dans les langues descendantes, en particulier en quenya, par la perte initiale des anciennes consonnes faibles : en quenya, eld. com. ȝ, h et g : en telerin ȝ, ñ, en sindarin h furent perdues.

Note 5

Au sens strict : i.e. ils n’avaient qu’une seule consonne suivie de la sundóma. Dans la structure eldarine primitive, aucun mot ne finissait par une consonne. Il est habituel de se référer aux bases avec 2 consonnes par la forme MAT « manger », indiquant les consonnes et la sundóma, mais en eldarin commun primitif elles n’apparaissaient que sous la forme MATA ou avec le A final remplacé par une autre voyelle.

Le problème de « Lhûn »

Le nom de rivière Lhûn apparaît pour la première fois dans une page manuscrite isolée, datant d’environ 1940, dans laquelle Tolkien décrit la forme altérée de la Terre du Milieu, après la « submersion du Nord » dans la Grande Bataille de la fin du Premier Âge : « Eredlindon était maintenant proche de la Mer (distant de 200 miles au plus loin). Un grand golfe de Mer entra par l’Ossiriand et une ouverture créée dans les Montagnes par laquelle [la Branduinen coula (plus tard corrompu en Brandivin) >] la Lhûn coula » (TI, p. 124). La phrase finale du même texte fournit une traduction : « Elendil et Valandil, rois de Númenórë naviguèrent jusqu’en Terre du Milieu et entrèrent par les bouches de l’Anduin (Grande Rivière) et la Branduinen et la Lhûn (Rivière Bleue) » (ibid.). Le nom Lhûn, tel qu’il fut conçu à l’origine, était ainsi à l’évidence le nold. lhûn « bleu » (RP, p. 421, s.v. LUG²-), se référant aux Eredluin « Montagnes Bleues »20) (ibid.) d’où s’écoulait la rivière — voir section « B » de la première carte de Tolkien pour le Seigneur des Anneaux, créée au début des années 194021) (TI, p. 302). Cependant, lorsque le Seigneur des Anneaux fut publié en 1954–1955, Tolkien avait apporté des révisions substantielles à la phonologie, au vocabulaire, à la grammaire et à l’histoire interne du noldorin, et le langage fut remanié en sindarin, langue des Elfes Gris. L’un des changements affectant le vocabulaire fut le remplacement du nold. lhûn par le sind. luin pour le mot « bleu », tel qu’on le trouve dans le nom Mindolluin « (Haute) tête-bleue » (DT, p. 242 ; RC, p. 439)22). Toutefois, en dépit de ce changement, le nom de la rivière Lhûn fut retenu sur la carte générale de la Terre du Milieu publiée avec le Seigneur des Anneaux. Cette conservation d’une forme apparemment obsolète était peut-être un simple oubli, attribuable aux contraintes de temps et au stress sous lesquels la carte finale fut produite, comme le décrit Humphrey Carpenter dans Tolkien : une biographie (p. 236, traduction modifiée) :

La question de la carte était un autre problème encore non résolu — ou plutôt des cartes, puisqu’il trouvait maintenant nécessaire d’inclure un second plan du Comté. « Je suis coincé », écrivit Tolkien en octobre 1953. « Vraisemblablement paniqué. Elles sont essentielles, et urgentes, mais simplement je ne peux pas les faire. » Finalement il confia ce travail à son premier cartographe, Christopher, qui réussit à interpréter les esquisses retouchées, surchargées et parfois contradictoires de son père, et à produire une carte d’ensemble lisible aux légendes claires, et un plan plus petit du Comté.

D’un autre côté, Tolkien corrigea la carte générale de la Terre du Milieu au moins deux fois avant que la Fraternité de l’Anneau ne soit publié le 29 juillet 195423), ce qui suggère que la conservation de Lhûn était intentionnelle. Lorsque que le Retour du Roi fut publié le 20 octobre 1955, Tolkien était certainement conscient que Lhûn apparaissait sur la carte, car il mentionne le nom dans sa discussion « Sur la traduction » dans l’Appendice F, affirmant que quelques noms occidentaliens « représentaient des formes altérées de dénominations elfes : comme Loune et Brandevin qui dérivaient de Lhûn et Baranduin. » Que Lhûn ait été inclus sur la carte générale par accident ou à dessein, il avait désormais besoin d’une nouvelle signification, car il ne pouvait plus signifier « bleu ». La première tentative de Tolkien de créer une nouvelle étymologie pour Lhûn apparaît dans un brouillon pour son guide aux traducteurs, « Nomenclature du Seigneur des Anneaux », qui date de 1966–196724. Au dos d’une page portant le brouillon d’une entrée sur Isengard et Isenmouthe sont écrites plusieurs versions d’une note sur Lhûn, probablement des travaux pour une autre entrée de la Nomenclature. La première version se présente sous la forme d’une note extrêmement brute :

Lhûn n’est pas apparenté à √luini- bleu mais est issu de sloun, slōn ou slūn.
slug-.
hlôn. Sind. slōna apparenté à slō- dans Gwath-lō, Ringlo etc. (s)lō = crue.
[Biffé : slugna] slōnā, slouna, slu.

Tolkien semble avoir débuté cette note sans idée claire de la signification de Lhûn, hormis qu’elle ne signifiait pas « bleu » ; il liste simplement un nombre de radicaux possibles, sans gloses, qui pourraient phonologiquement fournir une telle forme en sindarin. Dans la seconde ligne, il décide de relier Lhûn à l’élément –lō « crue », et toutes les versions subséquentes de la note présentent des variations de ce concept. La deuxième version est plus étendue et travaillée :

Lhûn n’est évidemment pas apparenté à *luini- « bleu » dans l’ancien nom Ered Luin, les « Montagnes Bleues ». Il semble être < sind. slōnā (q. ? hlōna) une rivière, en particulier donné à celles pleines d’eaux des montagnes en toutes saisons, comme Gwathlo, Ringlo. slōna est une forme adjectivale « en crue, pleine d’eau » < sind. (s)low̭-, (s)lowā > l(h)ô. slow- > slau > slô non accentué.

Dans le Seigneur des Anneaux, les noms Gwathlo « Grisfleur » et Ringlo (sans glose) apparaissent à l’origine sur les cartes avec un –o final bref24), bien que Ringló apparaisse dans le texte (RR, p. 46). Dans les cartes des éditions actuelles, ces noms furent corrigés en Gwathló et Ringló, et le nom sindarin de l’Entévière, Onodló, fut ajouté — cette dernière forme n’apparaît pas dans le Seigneur des Anneaux et est plutôt issue de l’essai tardif Cirion et Eorl, écrit vers 1969 (voir CLI, p. 346, 352)25). Les première et deuxième versions de la note furent biffées d’un seul trait diagonal et sur la demi-page en face, une troisième version fut écrite :

Lhûn & -lo
Sindarin √slow- couler librement (pleinement). Le nom *slowā développa > slǒw̭ (pas slou > slū) > slaw, slō non accentué > *hlawhlô ().
     slounā était une forme adjectivale « plein d’eau, en crue » > sind. slûn > lhûn. lhûn et –lō étaient appliqués aux rivières toujours pleines d’eau en toutes saisons, s’écoulant des montagnes, comme Ringlo, Gwathlo.
     Le radical (s)low- n’apparaît pas en q. où il est remplacé par √lǒnǒ comme dans lōn/lōne (pl. lōni) étang profond, ou puits [? alimenté] par une rivière.

Le paragraphe final de la troisième version remplace un paragraphe antérieur, rejeté en court d’écriture, qui se lit : « Le radical n’apparaît pas avec s- en q. mais cf. le q. lōn et lōne (pl. lōni) étang profond ou lac. Probablement issu de lowon- > lōn, un développement plus ancien [? que] owo > uo26) ». Au bas de la page sous cette troisième version, Tolkien écrivit deux autres explications alternatives :

Ou (s)lōnō- > lhûn profond, au sujet de l’eau ; appliqué à l’origine au Golfe ! L’étymologie de –lo [? étant différent], issu de lowo > lawa, lawa > law, lo non accentué.
     √low en sindarin > law- [>] lo. En quenya de lou > et lounē̌ > lūn. De façon similaire s-louni > lhûn.

Aucune de ces explications ne s’avèreront finalement satisfaisantes, car le texte final de la Nomenclature reste silencieux sur la signification et l’étymologie de Lhûn, disant simplement que Lune [fr : Loune] était une « anglicisation, c’est-à-dire une version hobbite du Lhûn elfique (tel quel sur la carte [générale]). C’est ainsi un nom étranger, et il doit être conservé dans la L[angue de] T[raduction], assimilé si besoin à l’orthographe d’un son comme celui de lūn » (RC, p. 773)27). Ce fut au moins un an (et probablement plus) après l’achèvement de la Nomenclature que Tolkien écrivit Mains, doigts & numéraux eldarins (MDN), qui date de 1968 ou plus tard. Sur la page 7α de MDN (présentée au début de cet article), Lhûn a complètement disparu, et le nom sindarin de la rivière Loune est dit être Sîr Luin *« Rivière Bleue ». Les lignes d’ouverture de VDL §3 telles qu’écrites au début suivent la formulation de 7α :

Le mot pour « bleu » survécut dans les trois langues : q. luine, tel. luine, sind. luin. Il apparaît dans le SdA dans Ered Luin « Les Montagnes Bleues », et dans le nom de la rivière qui s’en écoule, sind. Sîr Luin — dans le SdA, la forme Loune est donnée pour représenter l’adaptation d’un nom elfique en parler commun par des peuples ignorants de la signification elfique. Bien que ce ne soit effectivement pas mentionné dans le SdA, les Hobbits appelaient les Ered Luin « Les Hauts de Loune »

À ce moment, Tolkien réalisa que quelque chose manquait, car il abandonna la dernière phrase (qui n’a pas de point final) et tapa la ligne suivante : « C’est tout à fait erroné !!! » À l’évidence, l’erreur était que le nom de cette rivière sur la carte publiée était Lhûn, un fait que Tolkien semble avoir oublié à la fois ici et dans 7α. La virgule suivant la glose « Les Montagnes Bleues » fut changée en un point, le reste du paragraphe après ce point fut biffé et Tolkien continua avec un nouveau compte-rendu étymologique de Lhûn (dans lequel il prend soin de se rappeler à lui-même, « Le nom de la rivière est clairement orthographié Lhûn sur la carte »). Tolkien affirme dans la dernière version de VDL §3 que si Lhûn était d’origine elfique, il aurait été une « invention spéciale » composée spécifiquement pour se référer à cette rivière, car *slōn- et *slūn-, les seules formes radicales desquelles Lhûn pouvait historiquement se développer, « ne se trouvent nulle part dans les langues eldarines ». Cependant, en dépit de cette affirmation, un radical *slōn- est en fait attesté dans les écrits tardifs de Tolkien. Par exemple, une demi-page déchirée portant une ébauche dactylographiée d’une portion de Quendi et Eldar, Appendice D (correspondant grossièrement aux deux paragraphes du haut de WJ, p. 394 du texte publié) a la note suivante sur le verso, écrite à l’encre :

hl, hr, hw, hy. Dans les composés avec des préfixes clairement perçus (ou entre d’autres éléments clairement analysés et séparés) ceux-ci restent (comme les l, r, w, y sourdes) comme dans ohlon (pas ollon) « diphtongue » issue de + hlōn « son » (< *slōn)28).

Le nom ohlon, pl. ohloni « diphtongue » apparaît dans Quendi et Eldar, Appendice D (VT 39, p. 9), avec les formes connexes hloni « sons » et adj. pl. hloníti « phonétiques » (WJ, p. 394–395). Une liste ébauchée nommée « mots pour son » placée dans le même paquet que la note présentée ci-dessus décrit le radical slon comme un « mot général = bruit », avec les dérivés q. hlóna, hlōn « un bruit » et hlonite « phonétique » (fournissant le singulier de hloníti). Dans la proposition alternative de Tolkien où Lhûn est « probablement une altération d’un nom nain », la base SLN « chuter, descendre rapidement » en khuzdûl et ses dérivés sulûn ou salôn semblent être des inventions ad hoc — je n’ai trouvé aucune preuve d’une telle base naine ou de telles formes ailleurs dans les écrits de Tolkien, publiés ou inédits. La réinterprétation de Lhûn comme étant de forme naine plutôt qu’elfique est similaire à ce qu’il advint à Felagund, le surnom de Finrod. Felagund, comme Lhûn, fut d’abord imaginé comme un nom noldorin ; dans la Quenta Silmarillion de 1937–1938, il est glosé « Seigneur des Cavernes » (RP, p. 137, 254), avec les éléments constitutifs apparaissant dans « Les Étymologies » dont le nold. fela « cave » et nold. †cunn « prince » (RP, p. 436, 415 ; VT 45, p. 24). Plus de vingt ans plus tard, dans des notes datées de décembre 1959, Felagund est dit être plutôt dérivé du nain felakgundu, felaggundu « creuseur de cavernes », un composé de felak « un outil semblable à un ciseau à large lame, ou une petite tête de hache sans manche, pour couper la pierre ; employer cet outil » et gundu « hall souterrain », en référence à « l’habileté de Finrod dans la taille fine de la pierre » (PM, p. 351–352).

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) Une ligne fut dessinée depuis la proposition « comme première consonne d’une base » jusqu’à une note écrite hâtivement dans la marge haute de la page : « Var. d-/l- comme cons. initiales d’une base était rare, mais pas inhabituelle comme 2e ou 3e consonnes d’une base (étendue). » Une note connexe écrite près de celle-ci est donné dans la note de l’éd. 5.
2) Cette phrase était suivie à l’origine par une note de l’auteur :
Ceci était beaucoup plus ancien et distinct que le changement en quenya normal d’un d > l initial ; néanmoins la préexistence de la variation dans la langue pourrait avoir l’avoir favorisé en faisant du l le changement normal, au lieu du changement médial intervocalique d > ð > r, ou le changement occasionnel > n- lorsque la deuxième consonne d’un radical était une nasale : comme dans le q. (archaïque et survivant principalement dans les noms topographiques) nuine « rivière (de gros volume, et susceptible de déborder) », sind. duin, tel. duine, comparé au q. luy-, luita- « déborder, inonder, tremper » ; tel. duita-.
Cette note fut immédiatement biffée et le texte principal de 7α continue avec un compte-rendu différent du destin de l’eld. com. *duinē : il devint identique à luine « bleu » en quenya et disparut ainsi du langage. Des formes hâtivement griffonnées sur la moitié basse de la page comprennent luyu « couler » (peut-être = q. luy- « déborder » dans la note de l’auteur) et caralluin (peut-être un composé de caran « rouge » + luin « bleu »), toutes deux biffées.
3) Les deux dernières gloses, « eau de crue, terre inondée », furent biffées et remplacées dans un griffonnage hâtif par « marée montante, marée haute, [? ou toute] marée », suivies par deux autres mots mal formés, peut-être « spr. tide », i.e., « spring tide » [marée de vive-eau] — une marée de vive-eau étant celle qui se passe juste après la nouvelle ou pleine lune, quand la différence entre les marées haute et basse est à son maximum.
4) Ici la référence à l’eld. com. DE/LE, radicaux des pronoms de la 2e personne, comme le « cas le plus notable » de la variation d/l de la première consonne des bases mono ou biconsonantiques rappelle l’affirmation faite dans Quendi et Eldar qu’il y a des preuves d’une variation d/l en quendien primitif, avec un « exemple notable étant de/le comme éléments pronominaux de la 2e personne » (WJ, p. 363). Quendi et Eldar ne fait pas mention de de comme étant, à l’origine, assigné au pluriel, mais la distinction entre le sing. le, pl. de apparaît dans le tableau des pronoms réflexifs en quenya associé à la « Phrase des Ambidextres », qui donne 2e pers. sing. imle et 2e pers. pl. inde < *imde (VT 47, p. 37, n. 58). Cette même tableau des formes réflexives montre également la distinction entre les 3e personnes du sing. SE et du pl. TE mentionnées dans VDL §1 : 3e pers. sing. inse < imse et 3e pers. pl. inte < *imte (ibid.).
5) La phrase finale du §1 trouve son origine dans une note entre crochets griffonnée dans la marge haute de 7α : « DAT “tomber au sol”, LAT “bas, au niveau du sol”? ».
6) La « Nomenclature du Seigneur des Anneaux » dit du sind. duin « rivière » que « l’elfique commun était duinē : radical dui « s’écouler (en volume) ». La forme q. aurait été luine (q. d initial > l), mais le mot n’était pas utilisé » (RC, p. 766, s.v. Baránduin). Ce compte-rendu ne fournit aucune raison particulière à ce que le q. luine « rivière » ne soit pas utilisé, tandis que VDL §2 et le texte corrigé de 7α attribuent tous deux cette disparition au conflit avec le q. luine « bleu ». (À noter que 7α, comme la « Nomenclature », donne la forme eldarine commune *duinē ; dans VDL §2, elle est dite être duini.) La première version de 7α présentait cependant un compte-rendu tout à fait différent. Selon une note de l’auteur rejetée (voir note de l’éd. 2), le sind. duin et le tel. duine étaient apparentés au q. nuine « rivière (de gros volume, et susceptible de déborder) », décrit comme « archaïque et survivant principalement dans les noms topographiques » ; le changement du d- initial > n- dans nuine à la place de l’habituel d- > l- était un développement occasionnel en quenya « quand la deuxième consonne d’un radical était une nasale » (pour d’autres exemples de ce phénomène, voir VT 47, p. 23, n. 25). Le nom Nunduinë, une grande rivière de l’ouest de Númenor mentionnée dans « Une Description de l’Île de Númenor » (CLI, p. 189), fournit un exemple tardif d’un reflet quenya du sind. duin survivant dans un nom topographique (la « Description » date d’environ 1965, voir CLI, p. 15). Nunduinë est, de manière transparente, *« Rivière Occidentale », de nún- « occident » (comme dans Núnatani « Occidentaliens, Dúnedain » (WJ, p. 386) et –duinë. Les affirmations de VDL §2 et 7α (corrigé) que le q. luine « rivière » ne survécut pas sont peut-être à prendre comme se référant seulement à luine comme mot indépendant, avec –duinë survivant dans des composés.
7) En plus du q. luime « crue, eau de crue, terre inondée », 7α (corrigé) cite aussi le verbe luita- « s’écouler » comme préservant DUY en quenya. La note de l’auteur rejetée de 7α (voir note de l’éd. 2) ne mentionne pas luime mais donne le q. luy-, luita- « déborder, inonder, tremper », tel. duita-. Cp. aussi le nold. uluithiad « inextinguible » dans le nom de Samsaget Harthad Uluithiad « Espoir inextinguible » (SD, p. 62), qui semble être apparenté au q. luita- « déborder, inonder, déborder », bien que le l de la forme noldorine fasse référence à une dérivation depuis LUY- plutôt que depuis DUY-.
8) Cette phrase continuait à l’origine après les mots « Les Montagnes Bleues » et fournissait un compte-rendu complètement différent du nom de la rivière Loune ; voir « Le problème de Lhûn » ci-dessous.
9) Cette remarque de Tolkien sur le fait que les Hobbits n’avaient aucune difficulté à prononcer la diphtongue ui est une réponse à une affirmation ambiguë faite dans le compte-rendu rejeté de Loune cité dans la note de l’éd. 8 ; dans le compte-rendu antérieur, le nom sindarin d’origine de cette rivière était Sîr Luin, qui on reçut la forme Loune « pour représenter l’adaptation du nom elfique en parler commun par des peuples ignorants de la signification elfique ».
10) Ceci fut d’abord dactylographié « Mais les Nains avaient quelques grandes Demeures », corrigé en « Mais les Nains avaient déjà, au Premier Âge, construit quelques grandes Demeures », qui fut à nouveau modifié pour la version finale.
11) Un commentaire entre parenthèses fut biffé à la fin de la phrase : « (avec pour seule limitation que la cons. 3 ne doive pas répéter la cons. 2) ».
12) NKE §2 mentionne aussi l’élément adverbial eldarin commun EN « une fois de plus, encore » et son extension en-et, de laquelle étaient dérivés le q. ente (< enete) « en outre, (de) plus, qui plus est » et net(e) « était toujours communément employé en quenya dans l’énumération de séries » (VT 47, p. 15–16).
13) Le terme « dissyllabique » appliqué aux bases telles que TUD et TUL doit dépendre de l’affirmation de la note de l’auteur 5, c’est-à-dire que s’il est habituel de se référer aux bases biconsonantiques « par la forme MAT “manger”, indiquant les consonnes et la sundóma, […] en eldarin commun primitif elles n’apparaissent que sous la forme MATA ou avec le A final remplacé par une autre voyelle ». Ceci était apparemment vrai des bases triconsonantiques en eldarin commun primitif, puisque qu’on s’y réfère en tant que « trisyllabiques » et « (triconsonantiques) trisyllabiques » dans le §6.
14) OR « haut » fut supprimé après ET « hors de » car c’était une base « réversible » ; voir §7.
15) Des huit bases listées ici, quatre apparaissent dans « Les Étymologies » : ET- « en avant, dehors » ; EK-, EKTE- « lance » ; IL- « tout » et IS- « connaître ». À AS « près de », comparer √asa « à côté de », d’où le q. ar (as) « et » (VT 47, p. 31, n. 44) et la prép. as- « avec » dans aselye « avec vous » dans Aia María IV (VT 43, p. 29–30). UM « grand » apparaît aussi (en um) sur la liste des racines pour « grand » et « petit » de « Quenya C » (voir VT 47, p. 26, n. 35 et la note de l’éd. 15 à ELN), avec le dérivé úme « grandeur » et le suffixe –úme « [grand], en quantité », d’où liyúme « armée » (um et úme furent subséquemment biffés). Cette liste compare um « grand » avec √um « abonder », d’où úme « grande collection ou foule de choses de même type » ; úma « grouiller » (verbe) ; umba « essaim » ; úmea « abondant, fourmillant, grouillant » (√um « abonder » semble être apparenté à — ou être une conception plus tardive de — la base UB- « abonder » dans « Les Étymologies », cette dernière avec les dérivés en qenya úve « abondance, grande quantité » et úvea « abondant, en très grand nombre, très grand »). Une base UB « avoir à l’esprit » apparaît plusieurs fois dans des écrits inédits de Tolkien, parfois (mais par toujours) associé avec le suffixe futur –uva. La note isolée suivante, datant apparemment du début des années 1940, fournit un exemple particulièrement intéressant : « √UB “réfléchir à, avoir à l’esprit”. Sens dér[ivé] q. “avoir l’intention (de faire quelque chose maintenant ou un jour)”. V. nold. ūba- “ressasser, réfléchir à”. Q. úvie “considérer une question (en vue d’une décision)”. Le verbe survit seulement sous la forme –uva utilisée comme terminaison du futur en q. On trouve l’ancien pas. f. dans l’anc. q. umne futur dans le passé, matumne « j’allais manger ». Si « f. » dans la dernière phrase = « fort », c’est extrêmement déconcertant, puisque l’anc. q. umne semble plutôt être un passé faible (< *ub- + suffixe pas. –nē) ; mais il est difficile d’imaginer ce que cette abréviation pourrait représenter d’autre. [N.d.T. : Le verbe primitif indépendant semblant être ubā-, il faut sans doute comprendre que le passé est fort dans le sens où la voyelle finale tombe devant le suffixe du passé. On peut comparer avec le passé faible q. úvane ; cf. PE 22, p. 167–168.] UK « désagréable », apparemment un radical onomatopéique mimant un cri du dégoût, est probablement apparenté à la racine UG « détester » (d’où le q. úra « désagréable »), qui apparaît dans l’essai tardif de Tolkien sur la négation (VT 43, p. 24). Comparer aussi le radical oko- « méchant, mauvais », d’où le. q. olca, sind. ogol, d’une note à l’encre datant d’environ 1957–1959 ; en-dessous fut ajouté au crayon : « ? uk : ukla > q. ulca ».
16) Le radical pronominal KE cité ici est probablement le radical de la 2e personne du sing. KE- qui apparaît dans la Early Qenya Grammar (PE 14, p. 52, 85) ainsi que dans des textes inédits beaucoup plus tardifs.
17) C’est-à-dire que sinte « savait » est irrégulier parce qu’il était formé depuis le radical inverse SI « savoir » plutôt que du radical régulier IS vu dans ista « savoir », passé isinte (apparemment < *isi-n-tē ; cp. le q. auta- « s’en aller, partir », avec le pas. öante < *áwa-n-tē, WJ, p. 366).
18) Une conception alternative de ces formes apparaît dans des notes écrites au bas de 7α, qui donne dan- « se replier, revenir, céder la place (quand on avance), retourner », avec le dérivé danmi > lanwe « marée descendante » (le mot « retraite » était aussi écrit à gauche de danmi et lanwe, indiquant peut-être la signification littérale originelle de ces formes). Immédiatement en-dessous de dan- et de son dérivé se trouve une note sur le nom Nandor : « Les Nandor sont ainsi nommés non pas parce qu’ils revinrent vers l’ouest, mais parce qu’à un certain moment de la Marche ils abandonnèrent [>> ils s’en retournèrent >> ils dirent “nous retournons chez nous” >> ils perdirent courage et n’allèrent pas plus loin, et certains retournèrent chez eux]. Et ainsi ne furent pas bien vus des Eldar ou des Avari. »
19) Dans les deux formes sindarines duinen et dannen, le suffixe eld. com. d’origine –mē avait probablement été remplacé par le sind. nen « eau » (e.g., comme dans Bruinen « Bruyandeau », FdA, p. 248).
20) Le nold. Eredluin contient la forme plurielle de lhûn « bleu » et la variation entre lh et l dans ces noms est due au fait qu’en noldorin, le *l originel était généralement assourdi en lh au début des mots, mais restait inchangé en position médiale ; cp. LOT(H) « fleur » > nold. lhoth, qui apparaît médialement comme –loth dans le nold. gwaloth « floraison, bouquet de fleurs », Gwingeloth « Fleur d’Écume » et Nimloth (RP, p. 421). De façon similaire, en noldorin, le *r originel devint un rh dévoisé en position initiale, mais restait voisé médialement ; par exemple, *risse- > nold. rhis, rhess « un ravin », -ris dans Imladris (RP, p. 439). Tolkien modela le dévoisement des l, r initiaux en noldorin d’après le gallois, dans lequel le même phénomène intervient : e.g., le gal. llost « queue » < *lonp-st, gal. rhwym « alliance » < *reig-smen. C’est également vrai pour la conservation des l, r dévoisés en position médiale : e.g. le gal. llong « navire », cadlong « navire de guerre, cuirassé » et le gal. rhodio « marcher, flâner », ymrodio « se promener, déambuler ».
21) Christopher Tolkien fit une copie au propre d’une ancienne carte au crayon et aux craies de couleur en 1943 (TI, p. 299), fournissant un terminus ad quem.
22) Le nom Mindolluin n’est pas traduit dans le Seigneur des Anneaux, mais apparaît dans l’index inachevé de Tolkien pour le livre. Cet index, compilé en 1954–1955, est la source de nombreuses gloses fournies par Christopher Tolkien dans ses index aux Silmarillion et Contes et légendes inachevés (RC, p. lxxxi).
23) Selon J.R.R. Tolkien: A Descriptive Bibliography de Wayne G. Hammond assisté de Douglas A. Anderson, Tolkien reçut une épreuve de la carte générale de la Terre du Milieu le 25 janvier 1954, qu’il retourna le 16 mars ; du 4 au 6 mai, Tolkien reçut et approuva les épreuves finales de la carte générale (p. 92, 94).
24) Voir le glossaire sindarin-anglais dans An Introduction to Elvish, entrées Gwathló et Ringló (p. 80, 88).
25) L’index inachevé de Tolkien pour le Seigneur des Anneaux donne le nom sindarin de l’Entévière comme étant Onodiōl (RC, p. 334). Il contient onod « ent » (Lettres, p. 317) et un autre élément par ailleurs non attesté *iōl, qui signifie apparemment « remous, eau de crue » — dans la Nomenclature, Tolkien dit qu’Entwash [Entévière] est une forme modernisée du Rohan Entwæsc, qui finit en –wæsc « eau de crue » (RC, p. 769). Le sind. *iōl est peut-être apparenté au radical yul- observé dans le q. yuldar « gorgées » et yulma « coupe » dans la Lamentation de Galadriel (FdA, p. 476) ; dans Quendi et Eldar Tolkien donne ce radical sous la forme *JULU « boire », d’où le q. yulma, sind. ylf « récipient à boisson » et le q. yulme « alcoolisme, beuverie » (WJ, p. 416, n. 33).
26) Le développement owo > uo cité ici apparaît aussi dans la Qenya Phonology, selon laquelle óu̯o > uo (PE 12, p. 12) ; cp. nuo « demain » < NOWO « devant, au devant ; après, au sujet du temps ; demain » dans le Qenya Lexicon.
27) Dans l’essai « Les Rivières et colline des feux de Gondor », écrit près de deux ans plus tard (mi-1969), Tolkien affirme que le sind. (*loga) était dérivé d’une base eldarine commune LOG « humide (et doux), trempé, bourbeux ». Un autre dérivé de cette base, *logna, produisit le sind. loen « trempés, submergés », mais la forme quenya lóna n’était apparemment pas utilisée car elle aurait été identique au q. lóna « étang, mare » < LON, d’où également le q. londe, sind. lond, lonn « havre » (VT 42, p. 10). Une note étymologique supprimée dans le même essai donne la base (s)log, avec le sind. lhô > eld. com. sloga, « un terme utilisé pour des cours d’eau variables et susceptibles de déborder leurs bancs en saison et de causer des inondations lorsqu’ils étaient gonflés par des pluies ou par la fonte des neiges » (VT 42, p. 9).
28) Dans les écrits tardifs de Tolkien, il y a cependant des composés en quenya dans lesquels hr- devient –rr- après un préfixe, contredisant apparemment cette note. Par exemple, Mirröanwi « Incarnés ; ces (esprits) « mis en chair » » apparaît dans l’Athrabeth Finrod ah Andreth et son Glossaire (MR, p. 315, 350), des textes datant de 1959 (MR, p. 304). (Quendi et Eldar et la note sur ohlon furent écrits vers 1959–1960 ; voir WJ, p. 359). Mirröanwi est clairement analysable comme contenant le préfixe mi « dans » + hröa « corps », bien que le –rr- soit peut-être dû au fait que ce composé soit une ancienne formation, puisque le Glossaire cite sa forme primitive comme étant *mi-srawanwe. Deux autres exemples interviennent dans la liste des noms de mois alternatifs du « calendrier de la Nouvelle Ère » dans des versions plus anciennes (vers 1949–1950) de l’Appendice D du Seigneur des Anneaux (PM, p. 135). Là, le q. Hríve « Hiver » devient –rríve après un préfixe dans Norríve *« Après-hiver » (cp. la préposition n « après (seulement au sujet du temps) » dans QL) et Meterríve *« Dernier-hiver » (cp. métima « ultime, final » < MET- « fin » ; M&C, p. 274, RP, p. 424). À l’inverse de Mirröanwi, ces noms de mois ne sont clairement pas d’anciens composés, car le calendrier « Nouvelle Ère » est décrit comme ayant été créé en Gondor à la fin du Troisième Âge pour commémorer la chute de Sauron (PM, p. 133).
 
langues/langues_elfiques/quenya/mains_doigts_numeraux_eldarins_3.txt · Dernière modification: 09/03/2022 16:22 par Elendil
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