Elfique et langue humaine

Cinq Anneaux
Christopher Gilson — Janvier 1994
traduit de l’anglais par David Giraudeau
Article théoriqueArticles théoriques : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs.
Cet article est issu de la revue spécialisée à but non lucratif Vinyar Tengwar no 33 (p. 10—26) paru en janvier 1994. Il présente une étude des relations entre les langues inventées et les langues de notre monde. Christopher Gilson présentent de nombreux éléments de comparaison laissant à penser que J.R.R. Tolkien conçut ses langues comme le préambule à notre propre histoire linguistique. Le traducteur remercie Carl Hostetter et Christopher Gilson pour leur permission de traduire ce texte en français et de l’inclure sur ce site internet.

Elfique et langue humaine

I. Le rôle de l’occidentalien

1. Origines de l’adûnaïque

Selon le Silmarillion, la langue des premiers Hommes à atteindre le Beleriand « ressemblait par un grand nombre de mots et de tournures à la langue elfique » car « ces Hommes avaient des rapports depuis longtemps avec les Elfes Sombres à l’est des montagnes et avaient reçu d’eux une bonne part de leur langage » (Silm., p. 141 ; Silm.VF, p. 141). Dans le texte, cela explique comment Finrod Felagund apprit à converser avec les Hommes, apparemment parce que sa familiarité avec les différentes langues quendiennes lui était suffisante pour reconnaître la composante sombre-elfique1) dans le langage du peuple de Bëor. L’épisode ne donne que cet indice sur la nature de la langue de ces Hommes. Mais il n’existe certainement aucune affirmation selon laquelle elle était entièrement d’origine elfique, et la description semble plutôt suggérer un mélange de nombreux emprunts elfiques avec un idiome humain qui précéda leurs rencontres avec les Elfes. Nous pouvons supposer que l’influence sombre-elfique sur le langage ancestral des Edain doit provenir de ces Nandor qui ne quittèrent jamais le Val d’Anduin (Silm., p. 94 ; Silm.VF, p. 90) ou des Avari demeurant toujours encore plus à l’est. Ces Elfes et leurs descendants sont les peuples moindres de Mirkwood et de la Lórien, les Sylvains ou Elfes des Bois dans le Seigneur des Anneaux, qui furent gouvernés par les Sindar [et une Noldo, Galadriel, N.d.T.], aux Deuxième et Troisième Âges.

Les Hommes qui demeurèrent dans ces mêmes régions à une époque plus récente « descendaient des Edain du Premier Âge, ou de leurs proches parents » (LotR, p. 1128 ; SdA, App. F, p. 1224). Mais sans surprise les quelques exemples véritables de leurs propres mots, comme le rohanais kûd-dûkan « habitant de trou » (LotR, p. 1137 ; SdA, App. F, p. 1233 note de bas de page), ne présentent pas de connexions probantes avec l’elfique, ces peuples ayant peu ou pas de contacts avec les Elfes2). L’occidentalien, le parler commun importée dans ces régions, avait, au contraire, été à la fois « enrichie et polie sous l’influence elfique. » (LotR, p. 1128 ; SdA, App. F, p. 1222). Car durant le Deuxième Âge, le langage des Hommes de Númenor « demeura pour majeure partie leur langue humaine ancestrale, l’adûnaïque », ainsi à Pelargir, et dans d’autres forts et havres côtiers où ils s’établirent en Terre du Milieu, « l’adûnaïque fut parlé, et mêlé à de nombreux mots des langues des Hommes moindres, il devint la langue commune qui se répandit ainsi le long des côtes parmi tous ceux qui étaient en rapport avec Númenor » (LotR, p. 1129 ; SdA, App. F, p. 1223). Vers la fin du Troisième Âge, l’occidentalien était apparemment parlé dans le nord-est jusqu’à Dale, bien que cœxistant vraisemblablement avec d’autres langues humaines.

Puisque Tolkien autorise explicitement la possibilité d’une « coïncidence ou congruence linguistique », la théorie selon laquelle les ressemblances particulières entre les diverses langues elfiques et les langues humaines de notre propre ère sont dues à une relation historique entre elles repose tout d’abord sur son affirmation que ses histoires sont en fait celles de notre propre passé. La déclaration la plus claire à ce sujet pour en voir l’empreinte dans la vie de Tolkien touche en fait à l’identité des régions où les Hobbits vivaient autrefois et à présent (LotR, p. 2 ; SdA, Prologue, I/1, p. 12—13), mais comme je l’ai suggéré, c’est un indicateur suffisant. Car si nous trouvons des ressemblances entre le langage d’un certaine région à deux époques différentes, et que nous savons qu’il y a eu une occupation continue durant cette période, la possibilité que les ressemblances soient dues à un héritage est évidente et probable. C’est bien sûr une observation générale, et non universelle, et le cas de chaque mot particulier doit être considéré selon ses propres valeurs soit comme un exemple d’héritage partagé, comme un emprunt, comme une coïncidence ou une combinaison de ces phénomènes.

2. La position historique du taliska

Tandis que le schéma historique sous-jacent aux inventions linguistiques de Tolkien évoluait, les textes individuels furent parfois ouverts à une interprétation changeante. The Lhammas, par exemple, n’est pas inconsistant avec une relation historique entre l’indo-européen et l’elfique, via le taliska, mais nous devons tout aussi bien accepter que ce soit également consistant avec une possibilité alternative3). Tolkien pourrait avoir suggéré ici que l’adoption d’une langue elfique par des locuteurs du taliska (partiellement ou totalement) fut elle-même la première différenciation de leur langue avec celle de leurs relations humaines. Dans ce cas, une connexion apparente plus proche de certaines de ces autres langues humaines avec l’elfique pourrait encore être expliquée par des influences plus tardives. C’est « après de nombreux âges de changements » que les langues du Nord survécurent à leur parent taliska et « plusieurs milliers d’années avaient passé depuis la chute de Gondolin » (LRW, p. 179—180). The Lhammas était entièrement ouvert en tant qu’élaboration historique potentielle. Les Deuxième et Troisième Âges inventés par la suite auraient pu probablement trouver place dans cette trame temporelle, et cela peut même avoir été l’idée d’origine. Mais les détails surpassèrent finalement la trame.

Nous pouvons accepter (comme argument) que Tolkien avait en tête un schéma historique particulier pour expliquer la relation entre divers mots elfiques et humains. Ainsi, il semble raisonnable de se demander de quelle manière l’invention d’une chronologie pour l’arrière-plan historique du Seigneur des Anneaux affecta ce schéma, dans lequel les « faits » linguistiques tels que les véritables mots elfiques et ceux (naturellement) indo-européens demeurent largement inchangés. Une période indéfinie plus 6000 ans est toujours une période indéfinie. Mais dans le cas de la conception plus ancienne nous avons effectivement un « marqueur » relativement précis dans le nom Widris « Sagesse » (LRW, p. 275). Comme il a été montré, *widris est précisément la forme proto-indo-européenne qui aurait produit le grec ἴδρις ‘expérimenté’ et pourrait, par simple changement de déclinaison en *widros, être pris en compte pour le v. nold. vitr « sage » (voir VT 17, p. 12 ; VT 22, p. 20). Que Widris soit destiné à être directement parent avec le p.-i.-e. *widris signifie que la datation de l’indo-européen commun, le période théorique à laquelle les langues indo-européennes commencèrent à diverger de leur source commune, ne peut pas avoir été plus récente que la fin de la Guerre au Beleriand. Du moins il semble hautement improbable que *widris demeura inchangé durant plusieurs milliers d’années, et il semble clair que la période de temps mentionnée dans The Lhammas était destinée à être cette même période durant laquelle les langues indo-européennes se dessinèrent à partir de leur source par de lents changements divergents.

3. Une nouvelle échelle de temps

Dans la chronologie révisée, cette date du début des divergences indo-européennes peut tout juste être plus ancienne que la fin du Troisième Âge, quand il n’y a encore aucun signe de quelques dialectes indo-européens commençant à émerger dans le nord-est du Vieux Monde. Bien entendu, nous ne pouvons pas faire un usage trop intensif de cet indice géographique, du fait que Tolkien ne s’est pas essayé à une exactitude géologique, mais toute la question des relations elfique-humain dépend de l’identité reconnue de l’Arnor et du Gondor avec l’Europe, dans un certain sens « historique ». Pour Tolkien le philologue, il semble que 6000 ans présentaient un plus grand obstacle que des montagnes ou des mers mal placées. Aussi tout naturellement retira-t-il Widris du Silmarillion. Et je pense qu’il devait avoir perçu la même difficulté à une plus grande échelle avec le corpus de ressemblances entre l’elfique et l’indo-européen, et le schéma historique les englobant (dont nous établissons l’hypopthèse comme argument) qu’il avait conçu, dans l’ancienne conception. Des mots cessent d’avoir cours dans chaque langue, et les changements de sons et de sens effacent finalement les connexions. La glottochronologie (l’étude de la fréquence de tels changements4)) est loin d’être une science exacte, mais il est clair que six millénaires supplémentaires de changements dans une langue humaine réduiront significativement le nombre de ressemblances qu’elle conservera avec une langue apparentée. Ou pour être plus précis, ce pourrait être vrai aussi longtemps qu’il n’y aurait pas d’accroissement opposé des ressemblances du fait d’emprunts.

Ce dernier point pourrait très bien fournir la clé de la manière dont Tolkien « accommoda » les ressemblances déjà existantes entre l’elfique et l’humain à sa conception étendue de la chronologie de la Terre du Milieu. S’il y avait des infusions d’emprunts elfiques dans le prédécesseur hypothétique du proto-indo-européen, durant les Deuxième et Troisième Âges, alors ces ressemblances conserveraient leur plausibilité historique. Je me dois de souligner que je ne suis pas ici en train de proposer que Tolkien mit véritablement au point les spécifications en détails. Nous ne savons pas clairement s’il fit jamais plus qu’inventer des langues elfiques avec une ressemblance plus qu’aléatoire avec les langues humaines qu’il préférait et ainsi conçut une explication générale à cela dans la légende des Elfes enseignant aux Hommes leur langue. Néanmoins, l’hypothèse proposée peut être « testée » à un égard. Cela implique que Tolkien imagina une langue humaine ancestrale au proto-indo-européen sur laquelle l’elfique exerça une influence durant les six millénaires après la fin du Premier Âge. Il existe une telle langue influencée par l’elfique et proéminente dans l’arrière-plan historique du Seigneur des Anneaux, à savoir l’occidentalien. La question suivante est donc de savoir si l’occidentalien pourrait être l’ancêtre du proto-indo-européen.

4. Occidentalien et indo-européen

Le corpus publié de l’occidentalien n’est pas très important5). Hostetter et Wynne ont examiné l’ensemble des occurrences au cours de leur dernier article (VT 32, p. 12—14). Ils démontrent de façon convaincante la capacité d’exemples attestés à caractériser l’occidentalien comme « une langue humaine, enrichie et polie sous l’influence elfique. » (LotR, p. 1128 ; SdA, App. F, p. 1222). Une douzaine de correspondances occidentalien-elfique sonst suggérées, soit bien plus que la moitié des éléments occidentaliens connus, de sorte que même si nous demeurions sceptiques sur certains d’entre eux, l’influence elfique n’en est pas moins claire. La dérivation de l’occidentalien à partir de l’adûnaïque est également claire, plus particulièrement dans le système des trois voyelles a, i et u comme étant les seules voyelles attestées, excepté dans le seul élement hloth- « une demeure ou un trou composé de deux pièces »6). L’allégation de Hostetter et Wynne, selon laquelle le terme pour garden [fr. jardin]] fut probablement dérivé d’une base elfique similaire de forme et de signification à la racine hypothétique de l’anglais garden et de ses mots apparentés, conviendrait à l’hypothèse que je propose ici. La seule preuve directe pour leur thèse est l’indication de Galadriel que le mot des Hobbits pour garden commence par un g-, ce qui est un début.

Une autre forme occidentalienne prometteuse est Karningul « Fondcombe ». Hostetter et Wynne relèvent la ressemblance très suggestive du premier élément avec la base SKAR- et son dérivé quenya harna « blessé ». Les cinq premiers sons du nom occidentalien apparaissent dans les mots anglais carnival, carnivore, et dans les deux carni- dérive au final de la racine oblique du latin carō (génitif carnis, accusatif carnem, etc.), qui signifie « chair ». La forme ombrienne7) karu « partie, section » est attestée, comparable au latin carō, tandis qu’existe la forme génitive osque8) carneis « d’une partie », très similaire au latin carnis. Ces reliques des voisins italiques du latin semblent non seulement confirmer que la variation du radical était une composante préhistorique de ce mot, mais suggère également qu’à l’origine « chair » fut généralisé à partir de la signification plus spécifique « (couper) un morceau de chair ». Les mots composés du latin dérivent de ce radical, tels que carnarium « garde-manger », carnifex « exécuteur public », carnivorus « qui se nourrit de chair » soutiennent cette possibilité. L’idée verbale apparentée se trouve dans le grec κείρω « je coupe » (avec des significations spécifiques comme « couper, trancher, laisser perdre, dévorer », dont le participe καρτός présente les mêmes voyelles que carō. Et un sens apparenté se retrouve dans le sanskrit krnāti « blesse, tue », qui conserve également le n présent dans carnis. Il y a probablement des termes apparentés dans les familles de langues voisines de l’indo-européen, tels que l’hébreu kāráth « (dé)couper, mutiler, détruire » et le finnois karsia « couper, tailler ». Phonétiquement et sémantiquement, une relation directe entre toutes ces formes et le premier élément de Karningul est tout à fait plausible.

Nous ne pouvons pas dire grand-chose de la grammaire occidentalienne, mais puisque son prédécesseur historique principal était l’adûnaïque, il pourrait être utile d’examiner ce que nous savons de la structure du nom dans cette langue, ou tout du moins de chercher un quelconque parallèle évocateur. Puisque nous savons que la variation du radical dans ce nom indo-européen particulier précède les langues historiquement attestées, nous pourrions chercher une variation similaire en adûnaïque, comme souligné dans Lowdham’s Report. Considérons la déclinaison de huzun « oreille » (SD, p. 430). Les formes sont le cas normal singulier huzun, sujet huzōn, objet huzun, huznu ; cas normal duel huznat, sujet huznāt ; et le cas normal pluriel huzīn, sujet huzīna. Deux parallèles criants sont :

1) l’occurrence de ō dans la seconde syllabe de la forme nominale employée comme sujet,

2) un contraste entre les formes contenant le groupe zn et celles ou z seul commence la seconde syllabe

de la forme, parallèle aux formes latines en rn versus le nominatif singulier avec r seul.

Ce schéma structurel apparaît dans d’autres noms adûnaïques, tels que zadan « maison’= », duel zadnat ou khibil « source », duel khiblat, mais c’est principalement dans les noms avec la consonne finale -u que ce contraste survient au singulier, comme dans le cas sujet huzōn vs. le cas objet huznu. Tolkien déclare dans une note de bas de page (SD, p. 435) que le -u final de huznu provient du cas objet singulier dans d’autres déclinaisons (e.g. gimlu « étoile », batānu « route », etc.). Des cas objet singuliers tels que zadnu à côté de zadun existaient également mais étaient « moins fréquents ».

5. Gradation vocalique

Dans la discussion sur la structure générale des mots adûnaïques, il est dit que les arrangements de voyelles « ne ressemblent pas beaucoup au sémitique ; non plus que l’adûnaïque ne présente quoique ce soit de strictement comparable aux « gradations » de langues qui nous sont familières, telle que la variation e/o dans le groupe indo-européen ». La voyelle caractéristique d’une base « peut, cependant, être modifiée de certaines manières reconnues […] qui peuvent produire des effets qui ne sont dissemblables de ceux d’une gradation » (SD, p. 415—416). Dans l’histoire de l’adunaïque, le ō de huzōn est du à « l’affermissement du a de la dernière voyelle du radical » (SD, p. 430). La combinaison a + i et a + u engendrèrent les diphtongues ai, au qui furent « monophtonguisées en ē et ō longs (ouverts) respectivement » (SD, p. 423). Cela signifie que la survenue de ō entre z et n dans le sujet huzōn et l’absence de voyelle entre z et n dans l’objet huznu sont liées logiquement comme l’affermissement et la réduction, respectivement, du second u dans la forme normale huzun. Il est possible qu’une analogie comme huznu/huzōn/huzīn :: zadnu/zadān/zadīn mène à une autre formation *zadōn. Mais quelque soit la véritable chronologie de cela, il semble plausible qu’un radical adunaïque ou occidentalien karn- à partir du q. harna « blessé » aurait pu également avoir produit une forme sujet associée *karōn ou *karān. Le nom de rivière apparenté Ascar (ilkorin Askar) semble avoir influencé la consonne initiale dans Karningul, et pourrait aussi bien avoir contribué à l’alternation apparente entre *kar- et *karn-, puisque Ascar « précipité, (rivière) impétueux(-se) » est le sujet naturel en relation avec une vallée fluviale (découpée) comme objet.

Un exemple simple de la gradation e/o à laquelle Tolkien fait référence peut être observé dans le grec κλέπος « vol », à côté de κλοπός « voleur ». Ce système comprend également des degrés allongés de ces voyelles et un degré zéro, ainsi trouvons-nous comme exemple le nominatif πούς « pied » (< *pōds) à côté du génitif ποδός en grec, ou pēs (< *pēds) à côté de pedis en latin. Le système a dû être assez élaboré en proto-indo-européen et subit des changements significatifs dans l’évolution de ses descendants. Une source continuelle de changement était la tendance pour des terminaisons particulières à se répandre de nom en nom, ou pour la forme particulière d’un radical à être employée dans des cas où elle n’apparaissait pas auparavant. La variation du radical entre carō et carnis est un autre exemple de gradation. Le schéma est comparable à celui dans homō « homme, être humain », génitif hominis, accusatif hominem, etc. Un autre nom avec un ō final au nominatif est sermō « langage », sermōnis, sermōnem, etc. Parce que dans chacun de ces noms les cas obliques possèdent un n final juste avant leurs terminaisons de cas, il est généralement supposé que le nominatif disposa d’un n final à quelque stade plus ancien, i.e. que nous avions *karōn à côté de *karn-es et *ghomōn à côté de *ghomn-es. Dans un cas comme sermōnis le ō dans le radical du nominatif s’est apparemment répandu aux autres cas9).

Nous pourrions supposer que, par des processus similaires, des degrés de voyelles avec une explication plausible dans la phonologie de certaines formes nominales adûnaïques pourraient s’être répandues à d’autres formes dans la longue évolution des langues indo-européennes. Le schéma vocalique de khibil « source », sujet khibēl, duel kibl-āt, pourrait éventuellement avoir fait émerger le grec nominatif sing. πατήρ « père », gén. πατρ-ός, nominatif pl. πατέρ-ες, etc. ; ou le lat. abiēs « sapin », gén. abietis ; et probablement la variation dans le gothique nominatif brōþar « frère » [angl. brother], gén. brōþrs.

6. Autres parents

Un autre élément occidentalien avec de possibles connexions ultérieures est le -kil trouvé dans tarkil « descendant númenóréen » (LotR, 2e éd., vol. III, p. 409 ; SdA, App. F, p. 1226) et banakil « halfling » (LotR, vol. III, p. 416 ; SdA, App. F, p. 1233). Le dernier semble modelé sur le premier, qui est censé être emprunté au quenya. Cette dérivation dans The Etymologies le connecte avec le q. hildi « suivants » = « hommes mortels » (LRW, p. 364), et ainsi de manière éthnique avec « les Hildor, Ceux qui vinrent après, les plus jeunes Enfants d’Ilúvatar » (Silm., p. 99 ; Silm.VF, p. 95}), et en termes personnels avec la phrase d’Aragorn (et d’Elendil) Sinome maruvan ar Hildinyar tenn’ Ambar-metta ! « En ce lieu je demeurerai, et mes héritiers, jusqu’à la fin du monde » (LotR, p. 967 ; SdA, VI/5, p. 1032). L’occidentalien -kil ressemble, dans sa forme phonétique et ces associations sémantiques, au vieil anglais cild, la source (et le synonyme) et du moyen anglais et de l’anglais moderne child « enfant ».

C’est un mot curieux, car bien qu’il y ait une relation présumée au gothique kilþei « entrailles » et inkilþō « enceinte », il n’y a pas de termes apparentés précis. Le vieil haut allemand possède kind « enfant » (cf. kindergarten), mais s’il est apparenté à cild, il a dû être reformé sous l’influence de la racine de kin, kindred « parents, parentèle », etc. Le gothique et le vieux norrois possèdent barn pour « enfant » (connecté avec le v.a. bearn, écossais bairn). Il y a une ressemblance générale avec les consonnes dans l’hébreu yéledh « enfant mâle, fils », pluriel yəlādhī́m. La ressemblance est encore plus grande dans la construction yildhḗ « fils de », la forme employée en combinaison avec un autre nom, particulièrement à la lumière du q. hildi « suivants », et de la forme qu’il prend dans le mot composé Rómen-ildi « Orientaux » (LRW, p. 286). Incidemment, le finnois possède lapsi « enfant » sans connexion avec l’indo-européen, mais pratiquement identique au q. lapse « bébé » (LRW, p. 367).

Quelques ressemblances plus frappantes entre des mots adûnaïques et indo-européens peuvent être mentionnées plus brièvement. Dans la forme adverbiale akhāsada « dans l’abîme » (SD, p. 247), analysée comme étant akhās-ada « abîme-dans » (SD, p. 311), le deuxième élément est l’affixe ad, ada « à, vers », qui est certainement proche de la préposition latine ad de forme et de sens. Le premier élément n’est pas sans rappeler le grec χάσμα « un trou béant, abîme », qui possède le verbe apparenté χάσκω « je baîlle, bée ». Le nom bār, bārun « seigneur » (SD, p. 429) suggère le latin tardif baro, barōnem « homme » avec diverses significations spécifiques incluant « vassal, magnat », source de l’ancien français ber, barun et de l’anglais baron. L’origine de ce mot est incertaine. Les étymologistes médiévaux suggèrent d’une part que le grec pour « mercenaires » était barones car ils devaient être forts, impliquant une connexion avec βαρύς « fort ». Une autre conjecture se base sur le vieil anglais beorn « guerrier, héros ». Peut-être que tout cela pourrait dériver de l’adunaïque bārun. Notons finalement la possible ressemblance significative entre Akallabêth « la Déchue » (Silm., p. 281 ; Silm.VF, p. 278), dérivé du verbe kalab « chuter » (SD, p. 439), (u)kallaba « chuta » (SD, p. 429), et le latin calamitas « chute, malheur, calamité ». Nous devrions également comparer ces termes avec l’hébreu kālā́ « être fini, consumé, détruit ».

II. Flexions de nombre et de cas

7. Un marqueur pluriel indo-européen

Parmi les langues indo-européennes pour lesquelles des écrits ont survécu, le sanskrit est l’une des plus anciennes et possède peut-être la structure grammaticale la plus élaborée. Dans la recherche de signes d’une connexion historique entre les procédés grammaticaux de l’elfique et de l’indo-européen dans ce dernier, le sanskrit est un lieu prometteur pour commencer puisque certaines de ses flexions descendent probablement de temps préhistoriques. Considérons, par exemple, les cas du pluriel de áçvaḥ « cheval », un nom masculin avec radical en a et ákṣi « œil », un radical en i neutre :

Nominatif áçvāḥ « chevaux »ákṣīni « yeux »
Accusatif áçvān ákṣīni
Génitif áçvānām ákṣnā́m
Locatif áçvēṣu ákṣiṣu
Datif-Ablatifáçvēbhyaḥ ákṣibhyaḥ
Instrumental áçvāiḥ ákṣibhiḥ

En comparant ces formes (ainsi que leurs singuliers et leurs duels), nous pouvons identifier les deux bases comme étant áçv- « cheval » et ákṣ- « œil ». Ce qui reste dans chaque forme exprime certainement le nombre et le cas : nominatif pluriel -āḥ, -īni, accusatif pl. -ān, -īni, génitif pl. -ānām, -nā́m, locatif pl. -ēṣu, -iṣu, etc.10) De nombreux mots dans les mêmes déclinaisons confirment ces terminaisons, e.g. drumēṣu « sur les arbres » ou dēvḗṣu « parmi les dieux » pour la terminaison loc. pl. -ēṣu. D’autres déclinaisons peuvent posséder des terminaisons apparentées, comme dans dvārṣu « aux portes » et dhīṣú « dans des pensées », où la terminaison -ṣu possède par elle-même une fonction locative plurielle. Il est intéressant de noter que l’élément supplémentaire de la terminaison du loc. pl. áçv-ēṣu apparaît également dans le datif-ablatif áçv-ēbhyaḥ et dans la forme instrumentale alternative de certains noms tels que dēv-ḗbhiḥ. Cela suggère que toutes ces formes partagent le composant -ē- qui se suffixe au radical nominal afin de produire un radical pluriel distinct áçv-ē-, dēv--, drum-ē-, etc., auquel sont à leur tour ajoutés certains des suffixes de cas pluriels : -ṣu, -bhyaḥ, -bhiḥ11).

Le son sankrit transcrit par ē12) peut correspondre à la diphtongue oi dans certains mots grecs apparentés, comme dans le skt rirḗca « je suis parti » = gr. λέλοιπα ou skt vḗda « il sait » = gr. οἶδε. Le ē sanskrit correspond également aux diphtongues ai et ei dans certains mots grecs apparentés13), mais la formation radicale áçv-ē- peut clairement être apparentée avec celles que l’on trouve dans deux des quatre cas pluriels du grec (et du latin) de la déclinaison en o :

Grec Latin
Nominatifἵπποι « chevaux »equī « chevaux »
Accusatifἵππους equōs
Génitif ἵππων equōrum
Datif ἵπποισι(ν) equīs
ἵπποις

L’opposition, au pluriel, entre les cas nominatif et datif dans cette déclinaison grecque est exprimée par l’ajout de -σι, qui possède un parallèle dans certains noms à radical consonantique tel que le nom. pl. μνηστῆρ-ες « prétendants », dat. pl. μνηστήρ-εσ-σι. Dans une certaine mesure, le -οι- de ἵππ-οι-σι sert la même fonction que le -εσ- dans μνηστήρ-εσ-σι. Une forme alternative de ce dernier, μνηστήρ-σι, montre bien que le suffixe -σι peut véhiculer par lui-même la relation au cas et la pluralité (tout comme le loc. pl. skt dvār-ṣu ci-dessus), mais cela semble néanmoins secondaire, puisque dans des adverbes tels que θύρασι « à la porte, dehors » aucun sens pluriel n’est requis. Cela nous amène également à la ressemblance proche de ἵπποισι au locatif pl. sanskrit áçvēṣu, les terminaisons -οισι et -ēṣu possédant une correspondance régulière, excepté pour la voyelle finale, et disposent d’une possible connexion de leur signification14).

8. Pluriels latins et celtiques en -ī

La terminaison nominative plurielle latine révèle son identité ultime avec la terminaison grecque dans les diverses formes qu’elle prend dans les textes latins archaïques. Des formes telles que poploe pour populī « gens », foideratei pour foederātī « confédérés », servei pour servī « esclaves » et ploirume pour plūrimī « les plus » soutiennent l’hypothèse d’un développement tel que *oi > oe > ei > ē > ī sous-tendant le nom. pl. latin classique dans cette déclinaison15). La différence entre la forme de ce cas en sanskrit d’une part (cf. áçvāiḥ « chevaux »), et le grec et le latin d’autre part, ont mené à la théorie standard selon laquelle ce dernier a incorporé la terminaison plurielle des pronoms démonstratifs dans les déclinaisons de noms. Cf. gr. ἵπποις « ceux-ci », ἅλλοι « autres », lat. istī « ceux-là (près de toi) », quī « lesquels », aliī « autres », etc. Cette forme pronominale du nom. pl. se retrouve en sanskrit, comme dans tḗ « ceux-là, ils, elles » ou yḗ « qui, lesquels ».

Mais une terminaison nominative plurielle apparaît dans d’autres langues. Considérons les formes plurielles des cas du vieil irlandais fer « homme » avec celles, parentes, du latin vir.

Vieil irlandais Latin
Nominatiffir virī
Accusatiffiru virōs
Génitif fer virōrum, virūm
Datif ferib, feraibvirīs

Deux de formes irlandaises possèdent des suffixes de cas. Mais la variation de la voyelle du radical entre le nom. pl. et le gén. pl. fournit le seul moyen de distinguer ces cas. C’est probablement le résultat indirect de différences dans les anciennes terminaisons qui ont été partiellement ou complètement perdues après avoir exercé leur influence. Dans sa Grammar of Old Irish, Rudolf Thurneysen souligne les indices suggérant que les terminaisons primitives des cas pluriels était le nom. *-i < *-ī < *-oi, acc. *-ūs < *-ōns, gén. *-ŏn < *-ōm et dat. *-o-bis < *-oi-bhis (p. 181—182). Dans une certaine mesure, ces reconstructions représentent une tentative d’ajuster les indices irlandais avec ceux du sanskrit, du grec et du latin d’une manière phonétique plausible. Mais le contraste entre le nom. sing. fer et le pl. fir doit être rapproché de íasc « poisson » pl. éisc, son « monde » pl. suin, nél « nuage » pl. níuil, ball « membre » pl. boill ou baill, etc. Dans toutes ces formes, les consonnes finales des formes nom. pl. sont précédées d’un i, ce qui suggère probablement l’influence d’un suffixe disparu contenant une voyelle fermée ou antérieure ou un élément palatal.

Les noms du moyen gallois ne possèdent pas de cas, mais la différence entre singulier et pluriel est souvent marquée par le changement d’une voyelle interne, comme dans bard « barde » pl. beird, corn « corne » pl. cyrn, gwr « homme » pl. gwyr, amaeth « laboureur » pl. emeith, etc. La tendance des formes plurielles à posséder i ou y juste avant la(les) consonne(s) finale(s) suggère encore une terminaison primitive avec une voyelle fermée, antérieure ou palatale, et la même reconstruction que pour le nom. pl. irlandais s’offre à nous, e.g. *bard-ī, *corn-ī, *wir-ī16).

Le parallèle avec les origines des altérations vocaliques comme marque du pluriel en noldorin et en sindarin est frappant. Nous retrouvons un pluriel elfique primitif dans *bal­-ī, pl. de *bálā, d’où le q. Vali, l’un des pluriels de Vala « Puissance, Dieu » (Ety p. 350) ; et dans *elenī pl. de *ĕlĕn « étoile », d’où le q. eleni, s. elin (L p. 281). Voici quelques pluriels comparables aux exemples gallois donnés ci-dessus : sindarin alph « cygne » pl. eilph (UT, p. 265 ; CLI, p. 660, note de bas de page), mallorn « arbre-doré » pl. mellyrn (Silm., p. 362 ; Silm.VF, p. 360), noldorin naw « idée » pl. nui (Ety p. 378), gwathel « sœur » pl. gwethil (Ety p. 392).

Dans cette relation, nous devrions également noter la théorie de Lowdham dans un ancien brouillon de The Notion Club Papers (SD, p. 302) : « Alda signifie un “arbre” – c’est l’un des mots les plus anciens que je possède – et orne lorsqu’il est plut petit et plus fin comme un bouleau ou un sorbier ; dans la seconde langue, je trouve galað et orn (pl. yrn) : je les rattache à galadā et ornē (pluriel ornei) ». Deux des trois dernières formes sont les mêmes mots « anciens » donnés dans la discussion sur les noms de Celeborn et Galadriel, ornē « arbre » et galadā « grande croissance » (UT, p. 266 ; CLI, p. 663). Cela semble impliquer que l’elfique primitif possédait, en plus des pluriels où le suffixe -ī était ajouté à la racine (*bal­-ī) ou au radical singulier (*elen-ī), d’autres noms où une dipthongue au pluriel (*ornei) prend la place de la voyelle du radical au singulier (*ornē). Ceux-ci produisirent les mêmes effets en quenya, en noldorin et en sindarin, sans doute parce que le même changement phonétique ei > ī découvert en latin ancien apparaissait en eldarin ancien17).

9. Pluriels gotiques en -ai

A l’image des noms grecs possédant la diphtongue oi, le gotique présente également des terminaisons plurielles en ai dans la déclinaison adjectivale. Considérons les formes de cas au masculin pluriel du gotique managái « nombreux » et celles du synonyme grec πολλοί.

Gotique Grec
Nominatifmanagái πολλοί
Accusatifmanagans πολλούς
Génitif managáizēπολλῶν
Datif managáim πολλοῖς

La correspondance du got. ái avec le gr. οι est démontrée par des termes apparentés tels que got. wáit « il sait » = gr. οἶδε (= skt vḗda), ou got. ains « un » et gr. οἴνη « le un sur un dé ». Là encore, les formes possédant une diphtongue dans leurs terminaisons de cas démontrent probablement l’influence de pronoms démonstratifs pluriels, tels que nom. þái « ceux-ci », acc. þans, gén. þizē, dat. þáim. Le fait que ces terminaisons surviennent dans la déclinaisons de l’adjectif mais pas dans celle du nom correspondant accrédite cette idée, en lien avec l’hypothèse que l’usage de démonstratifs (tout comme les adjectifs) pour modifier les noms est un facteur commun18).

Les formes génitives plurielles forment une énigme intéressante. Les terminaisons adjectivales sont -áizē au masculin et -áizō au féminin, tandis que les pronoms sont þizē au masculin et þizō au féminin. Bien que le gén. pl. þeira du vieux norrois et celui du vieil anglais þāra soient comparables aux génitifs gotiques en -áizē, la voyelle radicale gotique attestée dans le pl. þiz- dérive des formes génitives singulières, i.e. masc. þis, fém. þizōs19). Ce qui signifie que ces formes adjectivales gotiques sont plus anciennes que les pronoms attestés, et donc la preuve la plus archaïque en germanique du type de génitif pluriel avec une diphtongue originale dans le radical. Le -aiz- du génitif pluriel fut également étendu à la terminaison féminine singulière -áizōs dans certains adjectifs et pronoms. Tout comme les datifs pluriels grecs se terminant par -οισι(ν), les génitifs gotiques se terminant par -áizē et -áizō(s) correspondent phonétiquement à la terminaison locative pl. du sanskrit -ēṣu, excepté pour la voyelle finale. La syntaxe du cas génitif gotique inclue également certains usages adverbiaux de sens proche du locatif, e.g. insandida ina háiþjōs seináizōs « il l’envoya dans son champs » (Wright, op. cit., p. 185), avec la phrase háiþi seina « son champs » au génitif pour exprimer le but du verbe insandjan « envoyer ».

Tandis que le ai gotique et le ē sanskrit sont cohérents avec les éléments du grec et du latin ancien pour une diphtongue originale *oi, il est important de noter qu’ils peuvent tout aussi bien s’expliquer par un *ai original20). À cet égard, les flexions gotique et sanskrite correspondent également aux terminaisons plurielles de certains noms masculins comme le grec ναῦται « marins » = lat. nautae, qui pointe vers la diphtongue primitive *ai, tout comme de nombreux mots féminins à radical en -a, tels que le gr. θεαί « déesses » (dat. pl. θεαῖς), ou le lat. deae. Dans ces formes féminines, les cas avec αι et ae sont généralement supposées être des imitations par analogie des formes masculines correspondantes en οι et oe.

10. La ressemblance de certains pluriels quenya

Pour résumer, plusieurs des langues indo-européennes fournissent des preuves parallèles de la formation du pluriel de certains cas par déclinaison de la voyelle radicale dans certains noms, adjectifs et pronoms démonstratifs. En regroupant les diverses terminaisons selon les similarités phonétiques, nous obtenons le tableau suivant :

Grec Gotique Sanskrit Latin
-οι -ai -ē -oe -ei -ī
-αι -ae
-οι-σι(ν)-ai-zē -ē-ṣū
-ai-zō -ē-ṣūm
-οις -āiḥ -oes -eis -īs
-αις
-ai-m -ē-bhiḥ
-ē-bhyaḥ

Cet ensemble de formes indo-européennes possède une ressemblance avec certains cas du nom pluriel en quenya. Considérons tout d’abord les formes des cas au « Pl. 1 » de la déclinaison en quenya classique de cirya « navire » et (par contraste) de lasse « feuille » :

Nominatif ciryar « navires »lassī « feuilles »
Accusatif ciryai lassī
Génitif ciryaron lassion
Instrumentalciryainen lassínen
Allatif ciryannar lassennar
ciryain lassin
Locatif ciryassen lassessen
ciryais lassis
Ablatif ciryallon lassellon

Quatre de ces formes contiennent la dipthongue ai comme terminaison ou suivie d’un marqueur de cas supplémentaire : ciryai, ciryainen, ciryain, ciryais. Trois de ces formes apparaissent également dans une colonne du tableau du manuscrit de Tolkien de la Bodleian Library (manuscrit A26/2, folio 95, verso ; voir l’article de Patrick Wynne, Christopher Gilson et Carl Hostetter, « Les déclinaisons bodléiennes », Vinyar Tengwar no 28, p. 8—34), de pair avec un ensemble de terminaisons contenant la diphtongue oi :

kiryar -or
kiryai -oi
kiryaron -oron
kiryais (-aisi)-ois(i)
kiryainen -oinen

Les terminaisons -oi et -ois(i) sont phonétiquement identiques à celles du nom. pl. gr. ἵπποι et au formes dat. pl. ἵπποις, ἵπποισι et il est probable que des formes comme celles-ci (ou celles, parallèles, en -ai, -ais, -aisi) sous-tendent les formes similaires en latin, sanskrit et gotique. L’association, d’une part, du q. ciryais avec le loc. pl. ciryassen en quenya classique, et celle, d’autre part, du gr. ἵπποισι avec le loc. pl. skt áçvēṣu, complète un lien étroit de ressemblances phonétiques, morphologiques et sémantiques que ne peuvent résulter d’un accident. Il y a également la ressemblance isolée mais frappante entre le pronom sujet quenya toi « ils, lesquels » dans la Chanson de Fíriel, et le démonstratif masculin pluriel nominatif en grec homérique τοί « ceux-ci ».

11. Les pluriels finnois en -oi et -ai

Dans les langues indo-européennes, il n’y a pas de corrélation phonétique entre les terminaisons de cas au singulier et au pluriel. Ainsi, le latin possède le nominatif sing. equus, pl. equī ; l’accusatif sing. equum, pl. equōs ; le génitif sing. equī, pl. equōrum ; l’ablatif sing. equō, pl. equīs. Parce que chaque flexion est devenue une marque indivisible à la fois du cas et du nombre, il a eu un changement dans le degré de symétrie même dans des cas du quenya classique tels que l’accusatif sing. ciryā, pl. ciryai ; l’instrumental sing. ciryanen, pl. ciryainen ; l’allatif sing. court ciryan, pl. ciryain ; le locatif sing. court ciryas, pl. ciryais. Lorsque nous regardons la déclinaison d’un nom finnois (qui possède plus de cas que le sanskrit ou le quenya classique), nous trouvons une plus grande symétrie. Cela reflète probablement la construction préhistorique du système par la formation analogique de nouveaux cas. Considérons la déclinaison de Aurinko « le soleil », dont la base pourrait, de surcroît, être comparée au q. aure « (lumière du) jour » (The Lord of the Rings, vol. III, p. 385, 1ère éd. [voir également Silm.VF, p. 363, aurë « jour, lumière du soleil », N.d.T.]) :

Singulier Pluriel
Nominatif aurinko auringot
Partitif aurinkoa aurinkoja ou auringoita
Génitif auringon aurinkojen ou auringoiden
Inessif auringossaauringoissa
Élatif auringostaauringoista
Illatif aurinkoon aurinkoihin
Adessif auringollaauringoilla
Ablatif auringoltaauringoilta
Allatif auringolleauringoille
Abessif auringottaauringoitta
Translatifauringoksiauringoiksi
Essif aurinkona aurinkoina

Dans huit cas, le nombre est distingué uniquement par une altération entre la voyelle pure o et la diphtongue oi21). Et l’on retrouve un motif similaire pour la plupart des radicaux, comme les exemples suivants d’inessif le montrent : puussa « dans un arbre », pl. puissa ; työssä « au travail », pl. töissä ; padassa « dans un pot », pl. padoissa ; sodassa « à la guerre », pl. sodissa ; kaupungissa « dans une ville », pl. kaupungeissa ; vedessä « dans l’eau », pl. vedissä ; keväässa « pendant le printemps », pl. keväissä. Paula Marmor releva, il y a longtemps, la ressemblance entre l’inessif finnois et les terminaisons locatives quenya (Parma Eldalamberon no 2, 1972, p. 6). Certaines des autres identifications qu’elle suggéra ont été remises en question, mais il existe sûrement une ressemblance générale entre les suffixes ablatifs dans ces deux langues qui pourrait indiquer une connexion historique. Et le suffixe essif finnois -na, -, ressemble à l’allatif quenya -nna, et son sens de « qui est/étant à » (e.g. kotona « à la maison ») pourrait finalement dériver de l’emploi d’un allatif pour décrire une position comme le résultat d’un mouvement dans une direction donnée (e.g. q. falmalinnar « sur les nombreuses vagues »). Mais le modèle grammatical de formation des radicaux pluriels en oi, ai, ei, etc. est d’un intérêt tout particulier, puisqu’il fournit une relation commune avec le quenya, le finnois et l’indo-européen.

Cette dernière relation est connue depuis longtemps, bien qu’elle tende à être minorée par la linguistique comparative, puisque les éléments de vocabulaire (une fois les similarités clairement issues d’emprunts modernes éliminées) se limite à un groupe d’éléments apparentés ambigus du fait que l’on ne sait pas s’ils sont dûs à un héritage commun ou à un emprunt22). Pour le sujet qui nous concerne, nous nous limiterons à répéter le résumé de situation de Bjorn Collinder : « En ouralique commun, il n’existait pas de terminaison plurielle universelle. Le nominatif pluriel possédait la terminaison -t, les cas obliques pluriels avaient l’élément commun -i, qui semble s’être combiné aux mêmes terminaisons de cas que celles du singulier et ajouté au radical. […] L’indo-européen commun possédait un -i dans les pronoms pluriels comme le latin istī, quī. Le grec, le latin et le slave possèdent un -i pour le pluriel des radicaux nominaux en ŏ et ā. Le germanique dispose du i dans le pluriel de ses adjectifs. Meillet déclare : “C’est en effet par les adjectifs que la flexion des démonstratifs a été transposée dans celle des substantifs23).” Très probablement, mais il se peut que les démonstratifs aient préservé certains traits archaïques que les noms ont perdu. » (An Introduction to the Uralic Languages, Berkeley, 1965, p. 33).

12. Le rôle du danien et de l’adunaïque

Dans la conception historique qui précéda le Seigneur des Anneaux, où le taliska est essentiellement contemporain du proto-indo-européen, un genre de relation entre le quendien, l’indo-européen et les groupes finno-ugriques avec le sombre-elfique comme point de contact commun, est l’explication la plus simple de leurs similarités mutuelles et de leurs différences communes ou mutuelles. Notre meilleure information linguistique concernant le sombre-elfique vient directement des citations daniennes dans The Etymologies. L’hypothèse est que ces caractéristiques communes au quenya et à ces langues humaines étaient également présentent en sombre-elfique, qui influença leurs formes préhistoriques. À cet égard, un fait inattendu peut être significatif. Les Elfes Verts se « nommaient eux-mêmes les Danas » (Ety p. 353), et la forme de la terminaison plurielle contraste avec le q. Danar et le nold. Danath ou Dein (Ety p. 375). Ce -s final marquant le pluriel peut être le même que celui de nominatifs pluriels tels que le gotique dagōs « jours », handjus « mains », le grec ἀνέρες « hommes », le lat. rēgēs « rois », frūctūs « fruits », etc.

Nous avons vu que les marques du pluriels de l’elfique primitif *-ī et *-ei sont attestés, et qu’elles produisirent la terminaison i en quenya24), et les alternances vocaliques en noldorin et en sindarin où les voyelles des syllabes originales finales furent perdues (voir § 8.). Le danien possède un exemple d’alternance vocalique dans urc « gobelin », pl. yrc (Ety p. 379), mais nous pouvons également dire que les voyelles dans les syllabes finales n’étaient pas toujours perdues dans cette langue. En effet, un certain nombre de mots daniens se terminent par un -a final : cwenda « Elfe » (Ety p. 366), dunna « sombre (en parlant d’une couleur), noir » (Ety p. 355), garma « loup » (Ety p. 360), golda « un membre du peuple sage, Gnome » (Ety p. 377), hrassa « précipice » (Ety p. 363), sc(i)ella « ombre, écran » (Ety p. 386). Nous pouvons très bien supposer que ces termes peuvent avoir des pluriels en -ai, comparable à l’accusatif pluriel ciryai attesté par la suite en quenya classique, ou que Tolkien pourrait avoir envisagé les relations grammaticales à la langue humaine tout au long de ces lignes, si cette chronologie historique avait survécu.

Avec l’invention des Deuxième et Troisième Âges, une grammaire nouvellement élaborée de l’adunaïque (et son descendant théorique en occidentalien) peut avoir fourni un lien étendu entre l’elfique et les langues qui « existent encore dans le Nord ». Dans ce cas, il est probablement significatif que l’adunaïque possède à la fois des termes avec la terminaison plurielle normale -ī, tels que naru « mâle », pl. narī (SD, p. 437) ou bār « seigneur >, pl. bārī (SD, p. 438), mais aussi des noms avec une diphtongue dans leurs pluriels. L’exemple complètement décliné est manō « esprit », avec le cas normal pl. manōi et le cas sujet pl. manōim (SD, p. 438). Le nom anā « humain » peut former son pluriel de deux façons, anī et anaī (SD, p. 437). Et il existe des noms pluriels de peuples similaires à cette dernière forme, tels que Adūnāi, Adūnāim « Hommes de l’Occidentale » (SD, p. 312 & 438) et Eledāi « les Eldar » (SD, p. 397). Ces terminaisons plurielles peuvent correspondre aux pluriels indo-européens comme le gr. ἵπποι « chevaux » = lat. equī ou le gr. ναῦται « marins » = latin nautae, de même que des radicaux verbaux finnois tels que auringoi- « soleils » ou keväi- « sources ». L’expansion de ces dernières à d’autres radicaux vocaliques, comme pui- « arbres » peut également refléter des formes adunaïques telles que nardū « soldat » pl. nardū̆wī (SD, p. 438).

Finalement, nous pourrions noter le parallélisme de certains constructions adverbiales. Lowdham déclare, « il ne réellement faire aucun doute que ēruvō est le nom sacré de Ēru avec un élément suffixé signifiant “de” » (SD, p. 249). Cet éléments est donné séparément sous la forme ō « de » (SD, p. 429). Un tel suffixe apparaît justement dans des ablatifs singuliers latins tels que equō, et possède le même sens que, par exemple, dans Deum dē Deō « Dieu de Dieu » ou ipsō factō « de ce fait par lui-même ». Il existe un exemple (dans une ancienne version des « Fragments » de Lowdham) d’un pluriel adverbial dans la phrase azgaranādu avalōi-si « fit la guerre ? aux Puissances » (SD, p. 311). Ici, avalōi-si dérive de Avalōi « dieux » (SD, p. 305). Ce genre de combinaison pourrait clairement sous-tendre la terminaison dative grecque -οισι et, avec de légères variations, le génitif gotique -aizē (voir l’adunaïque « à » ; SD, p. 429), et le locatif sanskrit -ēṣu. D’autre part, une connexion potentielle avec l’illatif finnois pl. -oihin et l’inessif pl. -oissa est assez probable.

13. Reconstructions

Je me suis appliqué à retracer cette trame particulière de ressemblances de forme et de sens parce que sa pénétration, en profondeur dans les anciennes langues européennes et leurs prédécesseurs inventés par Tolkien, est à vrai dire plutôt flagrante lorsque tous les indices sont rassemblés. Et il ne fait aucun doute qu’une trame d’influence et d’héritage linguistiques, connectant ces faits préexistants et ceux inventés, fut en fait suggéré intentionnellement par ces derniers, offert dans le cadre d’une relation entre « la Terre du Milieu » et notre propre histoire. D’autres ressemblances remarquables dans les mots et les motifs grammaticaux sont également apparus dans la discussion. Et je pense qu’un autre examen de l’adunaïque et de l’elfique à la lumière de leur relation historique mutuelle établie ainsi que celle avec les autres langues humaines plus récentes peut révéler de nombreuses autres connexions, non seulement avec l’indo-européen et le finnois, mais certaines plus éloignées encore25).

De manière ostensible, l’adunaïque et le quenya ne sont que des expérimentations esthétiques de Tolkien, et leurs ressemblances avec des langues connues de ses lecteurs furent employées afin de renforcer la vraisemblance des histoires inventées où elles prennent place. Mais les faits grammaticaux disparates démontrant qu’elles sont sont liées entre elles par une ressemblance inventée sont eux-mêmes marginaux dans l’étude de leurs langues respectives. Du moins n’ai-je jamais lu de discussion sur l’indo-européen indiquant que le datif grec soit de forme similaire à l’inessif finnois. Non pas que l’idée soit nouvelle, mais la déclinaison du quenya classique apporte certainement la relation potentielle (si l’on note les diverses ressemblances), et l’adunaïque, en tant que langue préhistorique influencée par le quenya classique et comme parent lointain, fournit une clé historique telle une passerelle au-dessus du vide entre le grec et le finnois, par exemple. Puisque de nombreux spécialistes de linguistique historique pensent effectivement que le grec et le finnois sont parents à quelque distance (tout comme des groupes de familles de langues de plus en plus nombreux, selon l’école de pensée), nous pouvons découvrir que les langues de Tolkien représentent (du moins en partie) une reconstruction théorique originale de notre propre préhistoire linguistique lointaine.

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) N.d.T. : Le terme de la VO est ici Dark-elven, en référence aux Dark Elves, les Elfes Sombres.
2) N.d.A. : Patrick Wynne indique l’exemple d’un marqueur grammatical en véritable rohirique, présenté dans l’ethnonyme róg pl. rógin, le mot traduit par wose (UT, p. 387 ; CLI, p. 789 n. 14), qui possède des affinités elfiques. Cf. sind. êl, pl. elin, elenath ; Drû, pl. Drúin, Drúath (UT, p. 385 ; CLI, p. 788 n. 6), bëorien Nóm pl. Nómin « le(s) Sage(s) » (Silm., p. 141 ; Silm.VF, p. 141).
3) N.d.A. : Patrick Wynne et Carl Hostetter déclarent que « nous disposons d’une affirmation explicite de Tolkien lui-même » que l’elfique et l’indo-européen sont « génétiquement liés » (VT 32, p. 25). Je suis d’accord que la référence dans The Lhammas à « des langues qui existent toujours dans le nord de la terre » inclut certainement certaines branches de l’indo-européen. Mais ce que le texte dit (LRW, p. 179) est que le taliska « fut grandement influencé par les Elfes Verts », et que le taliska est apparenté à ces autres langues humaines. Il n’établit pas que ces dernières furent également influencées par les Elfes Verts. D’un autre côté, dans le Lammasethen il est dit que le taliska « était lui-même d’origine quendienne » (LRW, p. 194) mais il n’y a aucune mention d’une parenté avec des langues humaines septentrionales plus tardives. Pour combiner ces deux textes, nous devons supposer qu’ils sont conceptuellement consistants sur ce point particulier, et également que l’un fait référence à l’influence alors que l’autre parle d’origine, deux concepts linguistiques distincts. L’interprétation proposée par Hostetter et Wynne est une alternative plausible (comme je l’ai dit précédemment), mais en tant que telle elle est basée sur des faits demeurés implicites dans ces textes et n’est pas la seule explication possible.
4) N.d.T. : Glottochronologie n.f. Technique statistique utilisée pour dater le moment où deux langues apparentées se sont séparées ou pour mesurer l’intervalle de temps qui sépare deux états d'une même langue.
5) N.d.T. : Il est important de rappeler que cet article fut écrit en 1994, soit 2 ans avant la publication du 12e tome de la série The History of Middle-earth, intitulé The Peoples of Middle-earth. Ce volume contient à lui seul un peu plus d’un tiers du vocabulaire de l’occidentalien actuellement porté à notre connaissance.
6) N.d.T. : De fait, The Peoples of Middle-earth (The History of Middle-earth, volume XII) nous donne d’autres formes avec un o telles que : bolg-, Bolgra, sôval, Tôbi, etc.
7) N.d.T. : L’Ombrie est une région centrale de la péninsule italienne.
8) N.d.T. : L’osque était une langue qui influença profondément le latin. Elle était parlée dans la région centre-méridionale de la péninsule italienne.
9) N.d.A. : L.R. Palmer, The Latin Language (Faber & Faber, 1954 ; Oklahoma Press, 1988), possède une explication fouillée mais claire du développement théorique des flexions du latin à partir du proto-indo-européen.
10) N.d.A. : Notons que représente une consonne fricative nommée cérébrale (skt murdhanya « produit dans la tête ») car elle est articulée au sommet de la bouche et se prononce comme le sh de l’anglais shun [que l’on peut comparer au ch français de chose, N.d.T.]. Le symbole ç représente ici une consonne fricative palatale (parfois transcrite par ś ), articulée à mi-chemin entre le s cérébral et celui dental, ce dernier correspondant au s commun se retrouvant notamment dans l’anglais sin et le fr. sou.
11) N.d.A. : Cf. Saul Levin, The Indo-European and Semitic Languages, 1971, p. 116—119, 125—126, 140—143, pour une discussion sur cette indication du sanskrit et celles du grec, du latin et du gotique donnée ci-dessus.
12) N.d.A. : Ce son sanskrit est souvent orthographié simplement e puisqu’il n’y a pas de distinction phonémique de longueur comme celle du a, du i et du u. « Bien que e et o soient basés, dans la plupart des cas, sur ăi et ău respectivement, ils sont à présent, et ce depuis 300 av. J.-C., prononcés comme les simples voyelles longues ē et ō de la plupart des langues européennes » (Arthur A. MacDonell, A Sanskrit Grammar for Students, 1927, p. 3).
13) N.d.A. : Le skt ḗmi « je vais » = gr. εἶμι, tandis que le skt ḗdhas « bois de chauffage » est apparenté au gr. αἴθω « je brûle ».
14) N.d.A. : Le datif grec est employé avec un sens locatif, par exemple dans ἑσταότ᾽ ἔν θ᾽ ἵπποισι καὶ ἅρμασι κολλητοῖσι « alors qu’il se tenait dans son char attelé » (Iliade 4.366, trad. de A.T. Murray), littéralement « … sur les chevaux et chariots liés ensembles ».
15) N.d.A. : La forme courte du dat. pl. grec ἵπποις correspond parfaitement bien avec le datif-ablatif latin equīs, et d’autres formes latines du même cas, telles que castreis pour castrīs « forts », supportent le même développement théorique que dans le nominatif. La ressemblance entre l’instrumental pl. sanskrit alternatif áçvāiḥ, le datif grec et l’ablatif latin, ainsi que le recouvrement partiel de leurs fonctions (cf. lat. equis virisque « avec des chevaux et des hommes »), ont mené à la théorie de l’identité ultime de ces trois cas différents dans cette déclinaison particulière : áçvāiḥ = ἵπποις = equīs.
16) N.d.A. : Cf. D. Simon Evans, A Grammar of Middle Welsh, 1964, p. 27—28 ; Kenneth Jackson, Language & History in Early Britain, 1953, p. 581.
17) N.d.A. : Il est envisageable que *ornei puisse dériver de *ornē + -ī, par analogie avec des pluriels comme *elenī, en supposant que *ei était la combinaison de sons la plus proche de * ē-ī qui soit permise dans la phonologie quendienne primitive.
18) N.d.A. : Voir par contraste les terminaisons plurielles du nom masculin : nom. dagōs « jours », acc. dagans, gén. dagē, dat. dagam. Seule la terminaisons accusative -ans s’accord avec l’adjectif fort, bien que le ē final du génitif et le m final du datif soient les mêmes.
19) N.d.A. : Joseph Wright, Grammar of the Gothic Language, 1924, p. 125.
20) N.d.A. : got. áiz « cuivre, monnaie » = lat. aes, et skt ḗdhas « bois de chauffage » est apparenté au gr. αἴθω « je brûle ».
21) N.d.A. : Il existe également trois cas qui possèdent seulement des formes plurielles, le comitatif aurinkoine, l’instructif (ou instrumental) auringoin et le prolatif auringoitse. Charles Eliot, A Finnish Grammar, Oxford, 1890, p. 28.
22) N.d.A. : Ou du moins est-ce vrai des noms et des verbes jusqu’à un certain niveau, bien que la raison pour laquelle quelqu’un pourrait supposer que le mot ouralique pour « nom » (cf. finnois nimi, lapon namma, vogul nääm, hongrois név, selkup nim, etc.) fut emprunté à l’indo-européen, ou vice versa, n’est pas claire. Dans le cas des pronoms comme le finnois minä « je », lapon mon, -, ziryen me « je », meno « me, moi », etc. ; ou le lapon ton, - « tu, toi », hongrois , selkup tan, etc., il semble que le crédit de la preuve réside dans la démonstration du fait que la ressemblance avec les pronoms indo-européens n’est pas dûe à un héritage.
23) N.d.T. : En français dans le texte.
24) N.d.T. : Notons également le passage issu du chapitre Quendi and Eldar (XI p. 407 note 2) où Tolkien fait dériver la terminaison adjectivale plurielle du quenya -ve de la forme archaïque -vaī.
25) N.d.A. : Même l’hébreu que l’on peut retrouver en anglais révèle certaines similarités grammaticales avec l’adunaïque. Ainsi, le pluriel cherubim et seraphim possèdent la même terminaison que les formes auc cas sujet pluriel bārim « seigneurs », banāthim « épouses », etc. (SD, p. 437—438). Dans B’nai B’rith, le nom d’une société fraternelle internationale juive (hébreu bənē bərīth « fils de l’alliance »), la terminaison plurielle est probablement apparentée avec les formes indo-européennes -ai ou -oi (voir Levin, op. cit., p. 117, 129, etc.) et ainsi avec les pluriels finnois, adunaïques et elfiques. Les connexions sont nombreuses, mais leur considération requiert une discussion à part entière.
 
langues/textes/elfique_langue_humaine.txt · Dernière modification: 08/07/2021 15:24 par Elendil
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