Les groupes verbaux en quenya

Cinq Anneaux
Måns Björkman — Août 2009
traduit de l’anglais par Julien Mansencal
Article de synthèseArticles de synthèse : Ces articles permettent d’avoir une vue d’ensemble du thème traité mais ils nécessitent une bonne connaissance des principales œuvres de J.R.R Tolkien.
Cet article est issu du journal linguistique Arda Philology no 3, daté de 2011 et édité par Anders Stenström. Le traducteur remercie chaleureusement Måns Björkman et l’équipe éditoriale d’Arda Philology pour avoir autorisé la publication de cette traduction.

Le texte de Björkman est sous la protection du droit d’auteur. © Arda-sällskapet 2011

Les flexions verbales du quenya telles que Tolkien les envisageait à la fin de sa vie sont longtemps restées un sujet mal connu. Tolkien lui-même l’ayant peu abordé dans ses écrits1), les conjugaisons du quenya se sont longtemps appuyées sur les quelques formes verbales éparpillées dans le corpus, dont le nombre a lentement crû avec la publication de nouveaux textes.

Aujourd’hui encore, les détails de la conjugaison du quenya sont un domaine encore peu défriché. Dans son article « Le passé en quenya », Thorsten Renk écrit : « le passé des langues de Tolkien est un mélange de formes faibles et fortes […] nous pouvons fréquemment classifier les verbes en fonction de la forme qu’ils prennent au passé, mais pas prédire de manière exacte le passé d’autres verbes (dont nous ne connaissons que le présent) ». De la même manière, Helge Fauskanger mentionne dans son cours de quenya « les façons étranges ou irrégulières de former le passé », mais il ne développe guère davantage la question. Il est vrai que les différentes manières dont les verbes peuvent se conjuguer, telles qu’elles apparaissent dans les textes publiés ces dernières années, ont de quoi dérouter.

Dans cet article, j’examinerai de plus près la conjugaison du quenya dans les textes tardifs pour tenter de reconstituer un paradigme verbal qui corresponde au maximum de formes verbales possibles. Par « textes tardifs », j’entends ceux qui évoquent le quenya tel que Tolkien le concevait à partir de l’époque de la rédaction du Seigneur des Anneaux et après. Mes sources seront donc principalement les textes contemporains ou postérieurs aux années 1950. Les textes antérieurs seront consultés à la fin de l’article afin d’évaluer dans quelle mesure les formes verbales anciennes peuvent s’inscrire dans les groupes ultérieurs. Une liste de références de toutes les formes verbales concernées est donnée en appendice.

Comme le souligne Thorsten Renk dans l’article mentionné plus haut, il est possible de classer les verbes en fonction de la manière dont ils forment leur passé. Le passé est en outre l’un des temps les mieux attestés ; seul le présent/infinitif de l’aoriste l’est davantage. Ces deux temps ont donc constitué le cœur de mes recherches pour cet article.

Les formes du présent continu et du parfait sont également abordées, mais isolées, elles ne sont généralement pas suffisamment distinctes pour permettre une classification. Les formes isolées du présent continu et du parfait ont donc été écartées de cette analyse2), puisqu’il est impossible de déterminer de manière fiable quelle forme du passé ou du présent Tolkien aurait utilisée dans le texte concerné. De même, les formes du passé isolées construites directement à partir des racines ont été exclues, puisqu’en l’absence d’indications supplémentaires, la racine de l’aoriste ne peut être reconstruite avec la moindre certitude3). Toutes ces formes verbales isolées sont également listées en appendice.

Le futur est un temps que j’ai entièrement ignoré en raison de sa rareté (il n’apparaît qu’une douzaine de fois dans tout le corpus publié), mais aussi de son apparente uniformité. En effet, tous les verbes au futur des textes tardifs connus sont formés avec le suffixe -uva4).

La position des participes dans la conjugaison n’est pas claire. Ils ne seront pas du tout abordés ici.5)

J’ai choisi d’être inclusif plutôt qu’exclusif dans mes recherches. Tout ce qui ressemble à une conjugaison verbale a été pris en compte, qu’il s’agisse d’une forme non traduite griffonnée sur un bout de papier6) ou d’un passage glosé dans un essai linguistique tapé à la machine7). Mon raisonnement est le suivant : si les mots ont pu être remplacés, abandonnés ou changer de sens au cours de l’évolution du quenya dans l’esprit de Tolkien, la grammaire sous-jacente est restée plus stable. D’après nos sources, il semble bien que la grammaire du quenya ait moins évolué que le vocabulaire dans la période suivant la publication du Seigneur des Anneaux. Les formes rejetées par Tolkien ne sont pas incluses.

L’orthographe du quenya tardif a été uniformisée : les k sont devenus des c, les trémas et les accents sur les voyelles retirés et les voyelles longues systématiquement marquées d’un accent aigu. Je n’ai pas uniformisé l’orthographe des mots issus des textes antérieurs, ni les citations directes.

Je remercie chaleureusement Björn Fromén, qui a lu les versions préparatoires de cet article, pour ses précieux commentaires, conseils et encouragements. Les erreurs qui restent me sont entièrement imputables.

Terminologie

L’étude de la conjugaison du quenya nécessite de comprendre un certain nombre de concepts et de termes.

Groupe verbal : un ensemble de verbes qui présentent les mêmes conjugaisons. Connaître le groupe d’un verbe (et les conjugaisons de ce groupe) permet de déduire avec un degré raisonnable de certitude la manière dont ce verbe se conjugue.

Verbe radical : aussi appelé « verbe basique », c’est un verbe formé directement à partir d’une racine verbale. La racine est l’unité morphologique de base d’une langue, dont dérivent potentiellement tous les mots liés. tul- « venir », dérivé de la racine TUL, est un exemple de verbe radical8).

Verbe dérivé : ce verbe est formé en ajoutant un affixe dérivationnel à une racine. tulta- « convoquer », formé en ajoutant le suffixe dérivationnel -ta à la racine TUL, est un exemple de verbe dérivé9). Les groupes de verbes dérivés portent souvent le nom de leur terminaison dérivationnelle : tulta- est donc un « verbe en -ta ».

Voyelle radicale : il s’agit de la voyelle spécifique qui caractérise une racine donnée en quenya. Dans tul-, cette voyelle est u. La voyelle radicale est souvent utilisée dans la dérivation comme dans la flexion, par exemple dans utúlie « est venu » :

  • augment : la voyelle radicale est préfixée à la racine, utul ;
  • affermissement : la voyelle radicale est allongée, -túl-.

Épenthèse : la voyelle radicale est répétée avant un suffixe flexionnel pour rompre une séquence de consonnes interdite : or-o-nte plutôt que ⁑ornte.

N infixé : un n est inséré avant la dernière consonne de la racine. Sa réalisation dépend de la consonne qui suit :

  • avant une occlusive, elle est en partie assimilée et devient la nasale homorganique correspondante, par ex. tompe < *to-n-pe < top-.
  • avant une fricative sourde, elle devient l’occlusive sourde homorganique correspondante et assimile la fricative, par ex. rappe < *ra-n-fe < raf-. Un lissage analogique se produit parfois avant un s pour donner ns > ss en quenya tardif, par ex. passe < panse.
  • avant un l, l’infixe est totalement assimilé, par ex. ville < *vi-n-le < vil-.
  • avant un m ou un r, il subit une métathèse et inverse sa place avec la consonne suivante, par ex. carne < *ca-n-re < car-10)

Fort/faible : les conjugaisons ayant recours à des modifications au sein de la base verbale (affermissement de la voyelle, N infixé, etc.) sont dites fortes. Celles qui ajoutent des affixes à la base verbale (par ex. le suffixe -ne) sont dites faibles. Les verbes radicaux quenyarins ont toujours des conjugaisons fortes et sont parfois appelés « verbes forts » par Tolkien11). Certains verbes dérivés ont toujours des conjugaisons faibles et sont donc par conséquent appelés « verbes faibles »12).

Aoriste : en quenya, la base de la plupart des formes verbales est appelée « base de l’aoriste ». Son dérivé le plus simple (par ex. care de car- ou tulta de tulta-) peut servir d’infinitif, mais aussi de forme finie correspondant plus ou moins au présent de l’indicatif. La forme finie s’accorde en nombre et peut recevoir des affixes personnels. Tolkien utilise fréquemment le mot aoriste pour désigner l’une ou l’autre de ces formes. Je ferai la même chose dans cet article lorsqu’il n’existe aucun risque de confusion.

Présent continu : outre la base de l’aoriste, les verbes quenyarins possèdent également une base continuative qui est principalement attestée au présent (« présent continu » ; WPP I 410 hen-ta). Tolkien parle parfois de présent tout court pour désigner le présent continu.

Causatif : un verbe causatif indique que son objet est amené à un état correspondant à la racine ou au mot dont provient le causatif. Il est typiquement dérivé d’un verbe radical et il est possible de le paraphraser en « faire X », X étant le verbe radical à la voix active13). En anglais, certains verbes ont un caractère causatif, comme raise « augmenter » qui peut être paraphrasé en cause to rise « faire croître ».

Transitif/intransitif : les verbes transitifs prennent un objet direct, pas les verbes intransitifs. Il existe une correspondance entre la transitivité et la causativité chez de nombreux verbes. Un exemple en français : « elle ouvre la porte » (transitif/causatif) par opposition à « la porte s’ouvre » (intransitif/non causatif).

Attestations des groupes verbaux

Le seul texte où Tolkien mentionne des groupes verbaux en quenya14), texte qui m’a donné l’idée d’écrire cet article, est l’étude du verbe auta- « s’en aller, partir » dans « Quendi and Eldar ». En parlant du passé et du parfait, il précise :

Dans son sens le plus strictement physique « s’en alla (vers un autre endroit) », les formes régulières (pour un verbe en -ta de ce groupe) öante, öantie étaient utilisées.

Ce passage à lui seul nous permet de faire quelques observations de taille : il existe des groupes verbaux en quenya, et les formes öante, öantie sont des exemples de conjugaisons régulières typiques de certains verbes en -ta. (QE A *AWA, Quenya:3)

Les autres passages suggérant l’existence de conjugaisons au sens traditionnel du terme figurent tous dans « Words, Phrases and Passages from The Lord of the Rings ». Dans une description du mot anta- « donner », Tolkien écrit :

anta possède en quenya le passé régulier normal « faible » de ce type de verbes (formé avec le transitif (accusatif) -tā) : antane. (WPP II 329, calima [→ ¶5])

Nous avons à nouveau ici une conjugaison d’un verbe en -ta décrite comme « régulière ». Elle forme le passé avec la terminaison -ne au lieu d’un N infixé. Ce passage nous apprend également que cette conjugaison « faible » était typique des verbes transitifs/accusatifs en -ta et que le suffixe verbal de ces verbes était à l’origine -tā, avec une voyelle longue.

Ce passage mentionne plus loin :

[…] les verbes n’utilisant le -tā intransitif qu’au présent/aoriste [comme √MEN-, avoir pour objet, tendre, envisager, procéder, prendre la direction de, se diriger vers : menta-, mais passé mennē-, parfait emēnie […] ]15) (Ibidem ; les crochets sont de Tolkien)

Tolkien distingue ici un groupe de verbes en -tā intransitifs, représentés par menta- « tendre, envisager », qui présentaient à l’origine -tă avec une voyelle courte et qui perdent la terminaison dérivationnelle au passé et au parfait.

Une autre note se penche sur la racine PHAN et son dérivé fanta- « voiler, draper ». Ce verbe est dit être dérivé à l’aide du suffixe -tă et que :

Le passé était d’ordinaire « fort », c.-à-d. sans ce suffixe. Ainsi passé fāne-, parfait afānie-, mais ultérieurement un passé dérivé des causatifs (avec le suffixe -tā) le remplaçait souvent : fantanē-.

Il s’agit de la première mention d’une conjugaison forte, caractérisée par la perte du suffixe dérivationnel et l’allongement de la voyelle radicale. Tolkien fait à nouveau le lien entre la terminaison du passé -ne et les verbes avec le suffixe dérivationnel -tā.

Enfin, il existe un texte remarquable qui propose la « conjugaison des bases √TALAT ». Il vaut la peine de remarquer que cette note fournit aussi bien la conjugaison de talt-, « intransitif fort », que de talta-, « transitif faible ». La conjugaison forte correspond à celle du verbe auta au passé, mais elle s’en distingue au parfait, qui est formé en allongeant la voyelle radicale et sans n infixé : ataltie. Sa forme au présent continu est talta. La conjugaison faible semble correspondre à celle de anta-, complétée par la forme du présent continu taltea et la remarque suivante : « Avec tous les causatifs en -ta, présent continu talt]ea ? [sic] » (WPP Roots √TALAT16)).

Cinq groupes possibles

A partir des indices présentés ci-dessus, nous pouvons reconstituer les cinq groupes verbaux présentés dans le tableau 1. Ils partagent tous la terminaison -e au passé et -ie au parfait. Dans les sources tardives, les verbes dont le passé est attesté (et parfois le parfait) sont nombreux à suivre apparemment les mêmes conjugaisons que ces cinq verbes.

Infinitif auta anta menta fanta talte
Base aoriste auta- anta- menta- fanta- talt-
Présent continu talta
Passé oante antane menne fáne talante
Parfait oantie eménie afánie ataltie

Tableau 1

Plusieurs de ces verbes issus de sources tardives ont deux (voire trois) formes différentes pour le passé. Bien souvent, les différentes sont données côte à côte au même endroit. En d’autres termes, un verbe peut présenter deux (voire trois) types de conjugaisons.

Groupe auta

Huit verbes figurant dans les sources tardives semblent appartenir à ce groupe : apta-/auta- « refuser », auta- « s’en aller, partir », caita- « s’étendre », húta- « maudire », ista- « savoir », lenweta- « *partir », orta- « s’élever, se lever » et raita- « sourire ». En outre, le passé de nahta- lui correspond, mais pas son parfait (voir plus bas « Verbes irréguliers »).

Le passé et le parfait de ce groupe se caractérisent par le n infixé et l’épenthèse de la voyelle radicale avant cet infixe si cela s’avère nécessaire pour éviter une séquence de phonèmes interdite, par ex. passé oante < aw-a-n-te (plutôt que ⁑aunte < aw-n-te) pour aoriste auta < aw-ta. Chez húta-, la voyelle radicale devient brève au passé (et vraisemblablement au parfait) pour la même raison (donc hunte plutôt que ⁑húnte).

Pour ista, Tolkien donne la forme du présent continu istea, ce qui implique que les verbes de ce groupe auta ont une terminaison en -ea à ce temps.

Groupe anta

Quinze verbes semblent appartenir à ce groupe : anta- « donner », apta- « refuser », cesya- « (s’)intéresser », fanta- « voiler, draper », finta- « fabriquer, fignoler, décorer », hehta- « écarter, laisser de côté », henta- « examiner, observer de près », *lelta- « envoyer », mahta- « manier, manipuler », norta- « faire courir, chevaucher », orta- « lever, soulever », talta- « *chuter », tenta- « diriger vers, être dirigé vers », vista- « changer, altérer, alterner » et verya- « épouser ».

Cette classe se caractérise par le suffixe -ne au passé. Tolkien donne la conjugaison complète de henta-, avec le présent continu hentea et le parfait ehentanie, d’où l’on peut déduire le paradigme de ces temps. Voir également la note de Tolkien mentionnée plus haut où il se demande si tous les verbes en -ta causatifs doivent former leur présent continu en -ea.

Groupe menta

Six ou sept verbes semblent correspondre à ce groupe : auta- « s’en aller, partir », caita- « s’allonger, s’étendre »17), lelya- « aller, voyager », menta- « avoir tendance, envisager », tenya- « arriver », virya- « changer, altérer, alterner » et peut-être vista- « changer »18). Le groupe menta se caractérise par la chute du suffixe dérivationnel et l’ajout du n infixé au passé.

Groupe fanta

Deux verbes semblent correspondre à ce groupe : anta- « donner » et fanta- « voiler ». Ce groupe se caractérise par la chute du suffixe dérivationnel et l’allongement de la voyelle radicale au passé.

Groupe talta

Comme mentionné plus haut, la conjugaison « transitive faible » des bases TALAT semble correspondre au groupe anta-. Leur conjugaison « intransitive forte » constitue un groupe distinct auquel pourrait appartenir un autre verbe figurant dans les sources tardives en plus de talt- : carpa- « parler ». Bien que la forme citée présente un -a final, carpa- possède de nombreux points communs avec talt-. Il provient d’une racine disyllabique (KARAP) et son passé est formé au moyen d’un n infixé et de la répétition de la voyelle radicale. Si carpa- appartient effectivement au même groupe que talt-, la terminaison en -a peut s’expliquer de différentes manières. La forme carpa- pourrait être la forme continuative de *carp- (mais Tolkien n’avait guère l’habitude de citer des verbes uniquement sous leur forme continuative). La base talt- pourrait avoir talta- comme forme aoriste non fléchie (par analogie ou autrement). Ou encore, talt- et carpa- pourraient représenter deux sous-classes du groupe, avec de légères différences de conjugaison.

Identification de cinq autres groupes

Certains verbes conjugués figurant dans les sources tardives ne correspondent à aucun des groupes présentés ci-dessus. Il est nécessaire de définir cinq groupes supplémentaires pour les classer, comme dans le Tableau 2 ci-dessous. Ces groupes peuvent tous être considérés comme des variantes des cinq groupes déjà décrits.

Infinitif tengwa quete ea melya yore
Base aoriste tengwa- quet- ea- melya- yor-
Présent continu tengwea quéta ea melyea
Passé tengwane quente enge melenye yóre
Parfait etengwie éye emélie oiórie

Tableau 2

Groupe tengwa

Quatre verbes semblent appartenir à ce groupe : *la- « ne pas faire, ne pas être », ná- « être », ora- « [cela] avertit, prévient », tengwa- « lire ». Le groupe tengwa est défini par le suffixe -ne au passé, mais il se distingue du groupe anta en formant le parfait par la chute (dans les bases disyllabiques) de la voyelle finale et l’ajout du suffixe -ie plutôt que -nie.

La forme continuative de la- est attestée comme laia parce que la terminaison du présent continu était -aya à l’époque de l’eldarin commun. En quenya, cette terminaison devenait normalement -ea, mais lorsqu’elle se greffait sur ce qui était à l’origine un ā long (comme dans lā-), elle devenait -aia à la place 19).

Le verbe nahta- s’accorde avec ce groupe au parfait et uniquement au parfait, tandis que la conjugaison archaïque de ava- est identique à celle de tengwa-, si ce n’est que sa forme parfaite en dévie 20).

Groupe quete

Huit verbes semblent appartenir à ce groupe : car- « faire, fabriquer », ces- « chercher », men- « arriver », pas- « lisser, adoucir », quet- « dire, parler, raconter », raf- « agiter, brandir », váquet- « dire non » et yor- « enclore ». Il s’agit du groupe le plus rempli qui contienne des verbes basiques ou radicaux et il se caractérise par le n infixé au passé. Le verbe men- (une correction de ten-), dont la conjugaison intégrale est attestée, prend la forme eménie au parfait, d’où l’on peut déduire la manière dont se conjuguent ces verbes au parfait.

Groupe ea

Quatre verbes semblent appartenir à ce groupe : ea- « exister », ora- « [cela] avertit, prévient », tea- « indiquer » et ua- « ne pas faire ». En outre, le verbe irrégulier ava- (voir plus bas) présente une conjugaison qui correspond en partie à ce groupe. Le groupe ea se caractérise par la perte du -a final et le n infixé au passé. Dans la conférence Omentielva Nelya à l’origine de cet article, j’ai présenté les verbes ea- et tea- (décrits comme ayant à l’origine une terminaison en -ŋa) comme un groupe distinct. Il est effectivement possible de diviser le groupe ea en deux sous-classes : dans l’une, le passé se caractérise par le n infixé et le parfait par l’augment, l’allongement de la voyelle et la terminaison -ie ; dans l’autre, le passé se caractérise par le suffixe -ne et le parfait par le suffixe -ie. Cependant, les verbes de ce petit groupe présentent des structures inhabituelles qui semblent à même de donner lieu à des conjugaisons rares et apparemment incohérentes, dont certaines résistent à l’analyse21). Il me semble donc à présent plus parcimonieux de considérer qu’ils appartiennent tous au même groupe et de considérer leurs différences comme des variations. Contrairement au groupe menta, ces verbes n’ont pas de voyelle radicale affermie au parfait.

Groupe melya

Quatre verbes semblent appartenir à ce groupe : melya- « *aimer », orya- « s’élever », sirya- « *couler, s’écouler », virya- « changer, altérer, alterner ». Ce groupe se caractérise au passé par le n infixé et l’épenthèse de la voyelle radicale avant l’infixe pour éviter les suites phonémiques interdites, par ex. passé melenye < mel-e-n-y-e (plutôt que ⁑melnye < mel-n-y-e) pour aoriste melya < mel-ya. Il diffère du groupe auta au parfait, qui présente un augment mais pas de n infixé.

Groupe yore

Trois verbes semblent appartenir à ce groupe : sam- « avoir », undulav- « noyer, engloutir, submerger » et yor- « enclore ». Ce groupe se caractérise par l’affermissement de la voyelle au passé. La forme parfaite de yor-, oiórie, ne constitue sans doute pas un exemple de conjugaison irrégulière, mais plutôt une orthographe alternative de la forme attendue *oyórie 22).

Une proposition de paradigme verbal

A partir des groupes décrits ci-dessus, il est possible de reconstituer un paradigme verbal complet. J’ai réuni les conjugaisons selon les principes suivants23) :

  • Le groupe I comprend les conjugaisons « fortes » caractérisées par le n infixé et les suffixes directement greffés à la base verbale. Ia contient les verbes radicaux et Ib les verbes dérivés. Ces derniers perdent leur suffixe dérivationnel au passé et au parfait. Ia(1) contient les verbes radicaux monosyllabiques et Ia(2) les verbes radicaux disyllabiques. Ib(1) contient les verbes dont le suffixe dérivationnel commence par une consonne et Ib(2) les verbes en -a dont la base ne comprend qu’une consonne ou aucune.
  • Le groupe II comprend les conjugaisons « fortes » avec n infixé des verbes dérivés où la consonne du suffixe dérivationnel est conservée dans toutes les formes. IIa contient les verbes en -ta et IIb les verbes en -ya.
  • Le groupe III comprend les conjugaisons « fortes » caractérisées par l’affermissement vocalique. IIIa contient les verbes radicaux et IIIb les verbes dérivés.
  • Le groupe IV comprend les conjugaisons « faibles », où les temps sont marqués par l’ajout d’affixes. IVa et IVb diffèrent principalement au parfait : -nie dans IVa et -ie dans IVb.

Il faut noter que pour de nombreux groupes, nous n’avons pas de verbe qui soit attesté à tous les temps. Bon nombre de ces paradigmes sont des assemblages provenant de deux verbes différents. Le Tableau 3 le montre en donnant deux verbes pour chaque groupe. Le Tableau 4 présente les flexions de chaque groupe.

I. II. III. IV.
a(1).
quete
b(1).
menta
a.
auta
b.
melya
a.
yore
b.
fanta
a.
anta
b.
tengwa
Aoriste quete
mene
menta
auta
auta
ista
melya
orya
yore
undulave
fanta
anta
anta
henta
tengwa
la
Présent continu quéta
ména


istea
melyea



hentea
tengwea
laia
Passé quente
menne
menne
anwe
oante
isinte
melenye
oronye
yóre
unduláve
fáne
áne
antane
hentane
tengwane
láne
Parfait
eménie
eménie
oantie
isintie
emélie
órie
oiórie
afánie
ánie

ehentanie
etengwie
alaie
a(2).
talte
b(2).
ea
Aoriste talte
ea
ua
Présent continu talta
(carpa)
ea
Passé talante
(carampe)
enge
úne
Parfait ataltie
éye
uie

Tableau 3

Fort Faible
I. II. III. IV.
a(1).
quete
b(1).
menta
a.
auta
b.
melya
a.
yore
b.
fanta
a.
anta
b.
tengwa
Aoriste -e -ta / -ya -a -e -ta -a
Présent continu ˊ-a ? -ea ? -ea (ˊ)-ea
Passé -n-e (-v)-n-e -v-n-e ˊ-e -ane -ane
Parfait v-ˊ-ie (-v)-n-ie v-ˊ-e v-ˊ-ie v- -anie v- -ie
a(2).
talte
b(2).
ea
Aoriste -e -a
Présent continu -a (ˊ)-a
Passé -v-n-e (ˊ)-n-e
Parfait v- -ie (v-ˊ)-ie

Tableau 4. Les flexions de chaque groupe. Légende : n = n infixé, v- = augment, -v = épenthèse, ˊ = affermissement vocalique, ( ) = flexion employée quand la phonologie du quenya le permet ou le réclame.

Distribution des verbes dans les groupes

Il semble possible dans une large mesure de prédire à quel groupe doit appartenir un verbe donné. Les verbes dérivés avec le suffixe dérivatif -ta apparaissent dans quatre groupes : Ib(1) menta, IIa auta, IIIb fanta et IVa anta. Les verbes avec le suffixe -ya apparaissent dans trois groupes : Ib(1) menta, IIb melya et IVa anta. Les verbes dérivés à l’aide d’autres suffixes apparaissent dans les groupes Ib(2) ea et IVb tengwa.

On trouve des verbes radicaux dans trois groupes : Ia(1) quete, Ia(2) talte et IIIa yore. Ia(1) et IIIa comprennent des verbes à base monosyllabique, tandis que Ia(2) contient des verbes à base disyllabique.

Verbes dérivés

Pour autant qu’on puisse en juger, le groupe « faible » IVa contient tous les verbes causatifs en -ta et en -ya. En outre, les verbes en -ta de ce groupe semblent être tous transitifs. Les groupes « forts » Ib(1), IIa et IIb contiennent en revanche des verbes intransitifs/non causatifs24).

Quand un verbe apparaît à la fois dans le groupe IVa et dans l’un des groupes « intransitifs », il semble que cela corresponde à une conjugaison transitive et intransitive du même mot. Par exemple, orta- « (s’)élever » présente un passé du groupe II oronte qui est intransitif (« s’éleva ») et un passé du groupe IVa ortane qui est transitif (« éleva »).

Passage d’un groupe à un autre

Il existe, pour de nombreux verbes dérivés apparaissant dans plus d’un groupe, des éléments qui suggèrent que les verbes tendent à changer de groupe de manière systématique. Le Tableau 5 présente ces glissements d’un groupe à un autre.

Tableau 5

Tableau 5. Les passages d’un groupe de conjugaison à un autre. Les verbes sont donnés au passé et à l’aoriste.

Les deux verbes apparaissant dans le groupe « fort » IIIb, fanta- « voiler » et anta- « donner », apparaissent également dans le groupe « faible » IVa. Tolkien décrit (voir plus haut) la manière dont le passé fāne est souvent remplacé par fantanē à une date tardive. C’est déjà probablement le cas à l’époque de l’eldarin commun, puisque les formes citées semblent appartenir à cette période. De même, le passé fort de anta-, áne, est marqué d’un obèle †, un symbole typiquement employé par Tolkien pour marquer une forme archaïque ou poétique25). L’évolution áne > antane et fáne > fantane semble suggérer que le groupe IIIb correspond à une ancienne conjugaison causative et que les verbes de ce groupe tendent à glisser vers le groupe IVa.

De la même manière, un glissement du groupe Ib(1) au groupe II semble attesté. Parmi les sept verbes du groupe Ib(1) menta-, quatre appartiennent aussi au groupe II (IIa pour les verbes en -ta et IIb pour les verbes en -ya). Le passé Ib(1) de auta- « partir », anwe, est décrit comme « uniquement attesté dans un parler archaïque » (QE A, *AWA, Quenya:3). En outre, le verbe tenya- « arriver », qui est l’un des trois verbes du groupe Ib(1) à ne pas figurer également dans le groupe II, est marqué d’un obèle †, ce qui semble suggérer qu’il s’agit d’un terme archaïque. Lorsqu’on considère ces indices dans le contexte du glissement de IIIb vers IVa, ils semblent traduire une préférence croissante pour les conjugaisons où le suffixe dérivatif est conservé à tous les temps (au moins en partie) au détriment de celles où le suffixe disparaît totalement.

Les deux verbes du groupe IVb qui ne commencent pas par une consonne, ava- « refuser, interdire » et ora « [cela] avertit, prévient »26), présentent aussi des formes du groupe Ib(2). (Je laisse de côté le parfait de ava- qui ne correspond à aucun de ces deux groupes et en fait donc un verbe irrégulier.). La conjugaison « faible » IVb de ava- est marquée comme poétique ou archaïque avec un obèle dans une source. Cela suggère peut-être une préférence pour Ib(2) dans le cas des verbes dérivés ne commençant pas par une consonne, ou bien des racines aoristes à structure VCV. On peut noter qu’il s’agit d’un cas de glissement vers une conjugaison où la terminaison dérivative (-a) tombe, alors que les autres glissements semblent aller dans la direction inverse.

Verbes radicaux

Les règles qui dictent la répartition des verbes radicaux entre les groupes Ia(1) quete et IIIa yore ne sont pas complètement claires, mais elles semblent en partie liées à la manière dont le n infixé est réalisé au sein de chaque verbe. Cela dépend de la consonne finale du radical.

Les formes du passé attestées dans le groupe Ia(1) réalisent l’infixe des manières suivantes : -n-f > pp, -n-n > nn, -n-r > rn, -n-s > tt/ns > ss, -n-t > nt, -n-r > nd. Le dernier exemple correspond à yor- « enclore », passé yonde. Cette forme s’explique par l’origine de ce verbe, qui provient de la racine YOD-. Le d est préservé après n au passé, mais il devient r après o à l’aoriste.

Le passé yonde est marqué d’un obèle (†) indiquant une forme poétique ou archaïque, et une autre forme est donnée : yóre. Cela suggère peut-être que la conjugaison IIIb est favorisée dans les cas où un n infixé risquerait d’occulter le lien avec la forme aoriste, ce qui est très probable quand la consonne finale de la base est un b ou un d. Un autre mot trouvé dans IIIb corrobore cette hypothèse : undulav- « avaler », passé unduláve. Puisque lav- « lécher » provient de la racine LAB-, un passé Ia aurait sans doute donné soit ⁑undulamne, soit ⁑undulambe27). Avoir recours à l’affermissement vocalique pour indiquer le passé permet de conserver le v de l’aoriste.

Distribution des verbes par groupe : un résumé

Il serait hasardeux d’imaginer que les règles de distributions décrites ci-dessus s’appliquent à tous les verbes. Beaucoup d’entre elles sont déduites à partir d’indices très limités. Pour autant, aussi réduits soient-ils, ces indices ne se contredisent apparemment pas, et beaucoup de ces règles pourraient être correctes pour la plupart des verbes quenyarins apparaissant dans les sources tardives. Le Tableau 6 en fournit un résumé.

Conjugaison forte Conjugaison faible
I. II. III. IV.
a(1).
quete
b(1).
menta
a.
auta
b.
melya
a.
yore
b.
fanta
a.
anta
b.
tengwa
Verbes radicaux,
racines monosyllabiques.
Intransitifs (archaïque).
-ta
-ya
Intransitifs.
-ta
Intransitifs.
-ya
Verbes radicaux,
racines monosyllabiques
en -b ou -d.
Transitifs (archaïque).
-ta
Causatifs/transitifs.
-ta
-ya
Commence par une consonne.
-a etc.
a(2).
talte
b(2).
ea
Verbes radicaux,
racines disyllabiques
Ne commence pas par une consonne.
-a etc.

Tableau 6. Distribution des verbes dans les groupes.

Verbes irréguliers

Quelques verbes apparaissant dans les sources tardives ne semble pouvoir entrer dans aucune case. C’est tout à fait normal : la plupart des langues naturelles possédant un système de conjugaison ont quelques verbes irréguliers28). J’en compte 9 (sur 49), dont la plupart présentent aussi des conjugaisons régulières.

Auta- « s’en aller, partir ». En plus de ses différentes conjugaisons régulières, ce verbe apparaît également au passé sous la forme váne et au parfait sous la forme avánie. Elles sont dites être « les plus couramment employées » et construites sur la base « *wā » (QE A *AWA, Quenya:3). Les formes váne et avánie correspondent à la conjugaison régulière du groupe IVa pour une base aoriste *vá-, qui serait ce que donnerait *wā en quenya classique.

Auta- se voit aussi attribuer la forme parfaite vánie, sans augment. Tolkien conclut que les formes du parfait sans augment étaient probablement causées par la présence d’une voyelle finale dans le mot précédent, qui entraînerait son élision, et que ces formes n’étaient « pas rares en poésie » (ibidem). Un autre exemple de forme parfaite sans augment est fírie « elle a expiré »29).

Une autre source mentionne « participe passé öā́vie ; vanwa, parti » (WPP Roots √AWA:1). La forme oávie ressemble davantage à un parfait, et la mention « participe passé » ne concerne peut-être que vanwa. Si tel est le cas, oávie pourrait être apparenté à la forme parfaite de l’eldarin commun *awāwiiē donnée dans QE30), bien que d’après cette même source, la forme quenyarine dérivée devrait plutôt être *avávie.

Ava- « refuser, interdire ». Ce verbe-ci a pour forme avávie au parfait. On peut constater une redoublement de toute la base verbale et non un simple augment. Tolkien procéda à quelques expériences avec des dérivations de ce genre pour des verbes à base monoconsonantique. On peut en trouver un équivalent dans la forme rejetée orórie, qui était apparemment censée être une forme de ora- au parfait31). Un autre exemple d’une forme parfaite avec une base redoublée est la forme primitive *awāwiiē mentionnée plus haut32).

Húta- « maudire ». Outre le passé régulier hunte, Tolkien propose une alternative, huntane. La forme attendue aurait été *hútane ; le n supplémentaire n’a pas de raison apparente d’exister. Cette duplication du marqueur du passé est peut-être normal pour les verbes dérivés avec une voyelle de base longue du groupe IVa ; húta- est le seul verbe connu dans ce cas.

Ista- « savoir ». Outre le passé régulier isinte, Tolkien propose une alternative, sinte. Cette forme est donnée comme exemple d’une base inversée et décrite comme « certainement irrég[ulière] ». Tolkien note également que sinte était « en réalité la forme la plus ancienne » (EHW III VDL §7). C’est vrai de plus d’une manière, car dans les sources plus anciennes, comme les « Étymologies » et le « Qenya Lexicon », la seule forme passée fournie pour ista- est sinte-33).

Ná- « être ». Outre le passé régulier náne34), cette copule apparaît également au passé sous la forme . C’est le seul cas connu où le marqueur du passé est une voyelle finale longue. Dans toutes les autres formes connues au passé, la voyelle finale est un e bref.

Le passé semble être remplacé par ane- lorsqu’un pronom enclitique est ajouté (seulement attesté pour les formes anen « *j’étais », anel « *tu étais », anes « *il/elle était »35)). Cette forme irrégulière pourrait constituer un deuxième exemple de base inversée (cf. ista- ci-dessus).

Nahta-. Ce verbe non traduit (dans d’autres sources, nahta- est traduit par « confiner, oppresser » ou « tuer ») est particulier à plusieurs titres. Le passé qui lui est attribué, nacante, suggère qu’il appartient au groupe IIa auta36). Pourtant, son parfait est anahtie, ce qui le classerait plutôt dans le groupe IVb tengwa. D’un autre côté, les gloses attestées suggèrent fortement qu’il s’agit d’un verbe transitif, qui devrait donc se conjuguer comme les verbes du groupe IVa.

Par ailleurs, une autre forme est associée à nahta- : anaktane. D’après la source, il s’agit d’une autre forme du parfait, une interprétation que corrobore l’augment de la voyelle de la base. Néanmoins, la terminaison en -e suggère qu’il s’agit peut-être plutôt d’une forme du passé. Un autre passé avec préfixe vocalique est attesté, onortane (voir norta- ci-dessous). En outre, la séquence consonantique kt est inhabituelle et donnerait habituellement ht en quenya classique. Il est possible que anaktane soit une forme de parfait archaïque qui, pour une raison inconnue, aurait repris le n du passé (cf. la note à ava- ci-dessus), mais aussi le -e, ou bien que ce soit une forme de passé archaïque avec un augment.

Nicu- « [cela] glace ». Très peu de verbes en -u sont attestés dans les sources tardives concernant le quenya. Deux apparaissent dans le poème « Oilima Markirya » : hlapu- « flotter au vent » et nurru- « murmurer, marmonner ». Dans les sources tardives, le seul verbe en -u conjugué à un temps fini autre que l’aoriste est nicu-, qui donne nicune au passé. À en juger par la terminaison du passé, sa conjugaison pourrait être simplement une variante du groupe « faible » IVa dont l’aoriste se terminerait par -u plutôt que par -a. Puisque nous ignorons comment nicu- est conjugué au parfait, je préfère le considérer pour le moment comme un verbe irrégulier.

Norta- « chevaucher ». Le passé de ce verbe est cité sous la forme « onortanen rokko, je chevauchais un cheval, ou avec ellipse de l’objet, nortanen, je chevauchais » (WPP Roots NOR-). La deuxième forme implique que la forme attendue du groupe IVa est nortane lorsqu’on enlève le pronom enclitique -n. Cependant, la première suggère une forme irrégulière onortane. Le o- initial pourrait être une voyelle radicale augmentée (cf. nahta- ci-dessus). Une autre explication consisterait à en faire le préfixe o- « ensemble »37), en référence au mouvement à l’unisson du cheval et de son cavalier.

Tenta- « diriger vers, être dirigé vers » (EHW IV AS vers 4, tentane:2). Outre la forme régulière du passé du groupe IVa tentane, on trouve également la forme irrégulière tenante. Cette forme forte est peut-être censée représenter un sens intransitif, par opposition au à la forme faible/transitive tentane.

Cette interprétation tendrait à être contredite par le fait que ce verbe est toujours traduit par « diriger vers, être dirigé vers », ce qui suggère qu’il prend toujours un objet direct38). D’un autre côté, le « vers » qui apparaît dans la traduction vise peut-être à indiquer au lecteur que tenta- correspond au verbe anglais direct et pas à l’adjectif direct, et qu’il n’est pas non plus synonyme de command, conduct. Tolkien a parfois recours à ce type de traduction développée pour clarifier le sens d’un mot39).

Si l’on part du principe que « vers » peut être gommé de la traduction, « diriger » serait transitif (« Je la dirige vers la porte ») et « être dirigé » intransitif (« Je suis dirigé vers la porte »). Une telle interprétation reste spéculative, mais elle permet d’expliquer cette combinaison inhabituelle des voix active et passive en un seul mot. En outre, comme nous l’avons déjà noté, les paires de conjugaisons forte et faible correspondent souvent à des formes verbales intransitive et transitive.

Quoi qu’il en soit, tenante est une forme forte irrégulière. Le groupe auquel sa dérivation ressemble le plus est II, mais on s’attendrait plutôt à ⁑tenente avec l’épenthèse de la voyelle radicale e.

Ajouter des verbes plus anciens au paradigme

J’ai voulu voir si les verbes quenyarins des périodes antérieures de la vie de Tolkien (le « qenya ») pourraient s’insérer dans le paradigme proposé. La plus ancienne période, jusqu’en 1937 environ, présente tellement d’idiosyncrasies dans ses conjugaisons verbales que le paradigme réclamerait des changements drastiques pour accueillir ces verbes. À partir de cette date, cependant, les verbes s’y insèrent assez bien. Les sources considérées sont principalement « Les Étymologies » et « Les Archives du Notion Club ». Les verbes de ces textes peuvent être répartis dans les groupes de la manière suivante :

  • Ia(1) accueille dix nouveaux verbes : hat- « briser », mer- « souhaiter, vouloir », rer- « semer », tak- « arrimer », tam- « tapoter », tap- « arrêter, interrompre », tir- « surveiller », top- « couvrir », tur- « manier, contrôler »40) et wil- « voler ». Les verbes kar- (passé karne) et raf- (passé rappe) sont identiques à car- et raf- mentionnés plus haut, mais la première occurrence de raf- est glosée « saisir » plutôt que « agiter, brandir ».
  • Ib(1) accueille quatre nouveaux verbes : farya- « suffire », lenna- « aller », ulya- « verser » et vanya- « partir ».
  • IIIa accueille deux nouveaux verbes : tul- « venir » et u-/um- « ne pas être, ne pas faire »41).
  • IIIb accueille un nouveau verbe : onta- « engendrer, créer ».
  • IVa accueille trois nouveaux verbes : onta- « engendrer, créer », sinta- « s’estomper » et ulya- « verser ».

Le groupe II n’est pas représenté de manière certaine, bien que quelques formes du passé avec n infixé et suffixe dérivationnel soient attestées. L’une d’elles est sinte, qui est à cette époque l’unique forme passée de ista- (voir plus haut). La forme farinye, passé de farya- « suffire », pourrait appartenir à IIb si ce n’est que la forme attendue serait ⁑faranye, avec répétition de la voyelle radicale. Le passé sakkante « déchira »42) pourrait provenir d’une base aoriste *sakkata-, auquel cas il s’agirait d’un cas de conjugaison IIa, mais en-dehors de ce cas, le groupe II semble avoir été introduit à une date ultérieure.

Conjugaisons doubles

Trois des verbes mentionnés ci-dessus ont deux formes attestées au passé : ulya-, passé ulyane/ulle ; onta-, passé ontane/óne ; et farya-, passé farne/farinye. Ces doublons semblent confirmer les règles de distribution déjà observées :

  • Des formes passées de ulya-, ulle (Ib) est dite être intransitive et ulyane (IVa) transitive.
  • Comme les autres verbes du groupe IIIb (anta- et fanta-), onta- possède un passé « faible » du groupe IVa, ontane.
  • Le passé irrégulier de farya-, farinye, pourrait être interprété comme une première tentative de conjugaison du groupe II (comme suggéré ci-dessus), et comme beaucoup de verbes de ce groupe, il s’accompagne d’une forme Ib, farne.

Conclusion

Les conjugaisons attestées dans les sources tardives ne sont souvent illustrées que par une poignée de verbes, parfois même un seul. Certains points de cette analyse nécessiteront selon toute vraisemblance d’être réévalués quand et si de nouveaux exemples de verbes quenyarins tardifs sont publiés. Néanmoins, il semble clair que le quenya tardif possédait des groupes verbaux (au sens traditionnel du terme) et que les verbes n’y étaient pas répartis de manière aléatoire. Mes théories s’appuient parfois sur un nombre très réduit de formes verbales, mais elles ne semblent pas contredites par le moindre verbe attesté. Les groupes proposés constituent un paradigme cohérent qui possède à mes yeux une agréable symétrie.

Il est intéressant de souligner que ce paradigme semble avoir été à peu près en place dès l’époque où Tolkien rédigeait « Les Étymologies ». L’introduction de la conjugaison forte des verbes dérivées conservant le suffixe dérivationnel constitue apparemment le seul ajout ultérieur d’importance.

De nombreuses questions subsistent concernant les groupes et la distribution des verbes dans ces groupes. C’est notamment le cas pour les groupes contenant des verbes radicaux monosyllabiques, où l’on ne peut que hasarder des hypothèses concernant leur répartition dans un groupe ou dans l’autre. Ne parlons pas du groupe talte qui ne contient qu’un seul verbe de manière certaine.

Néanmoins, les règles sont suffisamment claires pour nous permettre de déterminer la manière dont certains verbes sont conjugués. Il est par exemple possible de supposer que urya- « être chaud »43) se conjugue *urunye au passé, puisqu’il s’agit d’un verbe intransitif en -ya qui appartient donc probablement au groupe « fort » IIb melya. De la même manière, puisque onta- « engendrer » appartient au groupe « faible » IVa, il est raisonnable de supposer qu’il prend un objet direct (par ex. *onta yondo « engendrer un fils » plutôt que, par exemple, *onta yondon), bien que cela ne soit affirmé explicitement nulle part.

Notre compréhension de la conjugaison du quenya a grandement évolué depuis les débuts de la linguistique tolkiénienne. D’un modèle apparemment simple, nous sommes passés à un système complexe de plusieurs groupes verbaux liés entre eux. Le paradigme verbal du quenya nous offre l’image maintenant claire d’une complexité qui se rapproche de celle observée dans de nombreuses langues naturelles.

Appendice : verbes aux conjugaisons attestées

Les formes marquées d’un obèle (†) le sont par Tolkien.

Les astérisques (*) indiquent mes reconstructions.

I. Conjugaison « forte » (avec n infixé)

Ia. Verbes radicaux

Ia(1). Verbes radicaux à deux consonnes (groupe quete)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
car- « faire, fabriquer » cára carne WPP Roots √ABA [→ ¶ū-] ; Etym. KAR-
ces- « chercher » cense WPP Roots KEÞ
hat- « briser » hante Etym. SKAT-
men- « arriver » ména menne eménie EHW IV AS vers 4, tentane:7
mer- « souhaiter, vouloir » merne Etym. MER-
pas- « lisser, adoucir » patte/(panse>)passe QP OP2 C 2 ii (f) : 4
quet- « dire, parler, raconter » quéta quente Óre ¶11, ¶16 ; PM XIV : 19
rer- « semer » rende Etym. RED-
tak- « arrimer » tanke Etym. TAK-
tam- « tapoter » tamne Etym. TAM-
tap- « arrêter, interrompre » tampe Etym. + AC TAP-
tir- « surveiller » tirne Etym. TIR-
top- « couvrir » tompe Etym. TOP-
tur- « manier, contrôler, [vaincre]44) » turne Etym. TUR-
váquet- « dire non » váquente QE A *ABA, Quenya:1
wil- « voler » ville Etym. WIL-
yor- « enclore » †yonde oiórie WPP I 319,Eregion:13 IIIa

Ia(2). Verbes radicaux intransitifs à trois consonnes (groupe talte)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
[?] *carp- « parler » [?] carpa carampe WPP III 400, lambe:7
talt- « glisser » talta talante ataltie WPP Roots √TALAT IVa

Ib. Verbes dérivés

Ib(1). Verbes en -na, -ta et -ya (groupe menta)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
auta- « s’en aller, partir » anwe QE A *AWA, Quenya:3 IIa, V
caita- « s’étendre » caine WPP I 394, cai-ta ; EHW II App. B : 14—15 IIa
farya- « suffire » farne Etym. PHAR- V
lelya- « aller, voyager » lende QE A *DEL, Quenya:1
lenna- « aller » lende Etym. + AC LED-
menta- « tendre, envisager » menne eménie WPP II 329, calima [→¶5)]
†tenya- « arriver » tenne EHW IV AS vers 4, tentane:7
ulya- « verser » ulle Etym. ULU- IVa
vanya- « partir » vanne Etym. WAN-
virya- « changer, alterner » virne WPP Roots WAL6:4 ; √WIS- IIb
[?] vista- « changer » virne WPP Roots √WIS- IVa

Ib(2). Verbes en -a (groupe ea)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
ea- « exister » ea enge éye [aussi engie par analogie] EHW IV App.[→¶Exists]
ora- « [cela] avertit, prévient » orne orie Óre ¶17, ¶26 IVb
tea- « indiquer » tenge Fr. QE¶14
ua- « ne pas faire » úne uie WPP Roots √ABA[→¶ū-]

II. Conjugaison « forte » (avec n infixé et suffixe dérivationnel conservé)

IIa. Verbes en -ta (groupe auta)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
apta-/auta- « refuser, interdire, dire non » avante QP OP2 C 2 iii (a):3 IVa
auta- « s’en aller, partir » oante oantie QE A *AWA, Quenya:3 Ib(1), V
caita- « s’étendre » ceante EHW II App. B : 14—15 [WPP I 394, cai-ta (glose)] Ib(1)
húta- « maudire » hunte WPP Roots √AYA-N [→¶SKŪ-] V
ista- « savoir » istea isinte isintie EHW III VDL, §7 + WPP I 410, hen-ta V
lenweta- « *partir, migrer, quitter sa demeure » lenwente WPP I 356 [→*lembas]
orta- « s’élever, se lever » oronte WPP I 394, oromardi IVa
raita- « sourire » reante WPP Roots √RAYA-

IIb. Verbes en -ya (groupe melya)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
melya- « *aimer » melyea melenye emélie WPP I 410, hen-ta
orta- « s’élever, se lever » oronye órie WPP I 394, oromardi ; I 410, hen-ta
sirya- « *couler, s’écouler » sirinye isírie WPP I 410, hen-ta
virya- « changer, altérer, alterner » virinye WPP Roots WAL-: 4 Ib(1)

III. Conjugaison « forte » (avec allongement vocalique)

IIIa. Verbes radicaux (groupe yore)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
sam- « avoir » sáme WPP Roots √PEN- [→ ¶√PEN]
tul- « venir » túle SD 2 NCP Nuit 67:14, I A [Etym. TUL- (radical)]
u-/um- « ne pas être, ne pas faire » úme Etym. UGU-
undulav- « noyer, engloutir, submerger » unduláve WPP I 394, undulóve
yor- « enclore » yóre WPP I 319, Eregion:13 Ia(1)

IIIb. Verbes dérivés (classe fanta)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
anta- « donner » †áne ánie WPP Roots √ANA/NĀ:2 IVa
fanta- « voiler, draper » fáne afánie WPP Roots √PHAN [¶In Quenya the]: 1—2 IVa
onta- « engendrer, créer » óne Etym. ONO- IVa

IV. Conjugaison « faible »

IVa. Verbes en -ta et -ya (groupe anta)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
anta- « donner » antane WPP II 329, calima [→ ¶5)] IIIb
apta- « refuser, interdire, dire non » aptane QP OP2 C 2 iii (a):3 IIa
cesya- « (s’)intéresser » cesyane WPP Roots KEÞ
fanta- « voiler, draper » fantane WPP Roots √PHAN [→¶In Quenya the]:1—2 IIIb
finta- « fabriquer, fignoler, décorer » fintane WPP I 222, Glorfindel:7
hehta- « écarter, laisser de côté » hehtane QE A *HEK, Quenya:2
henta- « examiner, observer de près » hentea hentane ehentanie WPP I 410, hen-ta
*lelta- « envoyer » leltane EHW I, note ed. 16:3
mahta- « manier, manipuler » mahtane EHW IV AS vers 1, mahtane:2
norta- « faire courir, chevaucher » nortane WPP Roots NOR- V
onta- « engendrer, créer » ontane Etym. ONO- IIIb
orta- « lever, soulever » ortea ortane ortanie WPP I 394, orta ; I 410, hen-ta IIa
sinta- « s’estomper » sintane Etym. THIN-
talta- *« glisser » taltea taltane WPP Roots √TALAT Ia(2)
tenta- « diriger vers, être dirigé vers » tentane EHW IV AS vers 4, tentane V
ulya- « verser » ulyane Etym. ULU- Ib(1)
verya- « épouser » veryane Inscriptions volitives IV, veryanwesto:3
vista- « changer, altérer, alterner » vistane WPP Roots WAL-:4 Ib(1)

IVb. Verbes en -a (groupe tengwa)

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
la- « ne pas faire, ne pas être » laia láne alaie EHW IV AS vers 2, ú:2
ná- « être » [?] ná náne anaie EHW IV App.:1, tableau V
ora- « [cela] avertit, prévient » órea orane orie Óre ¶17, ¶26 Ib(2)
tengwa- « lire un document écrit » tengwea tengwane etengwie Inscriptions volitives V, tengwiesto:2

V. Verbes irréguliers

Base aoriste Continuatif Passé Parfait Sources Voir aussi
auta- « s’en aller, partir » váne avánie/vánie QE A *AWA, Quenya:3 Ib(1), IIa
ava- « refuser, interdire » áva/†ávea aune/†avane avávie EHW IV AS Ligne, ú:3
farya- « suffir » farinye Etym. + AC PHAR- Ib-(1)
húta- « maudire » huntane WPP Roots √AYA-N [→¶SKŪ-]
ista- « savoir » sinte ísie WPP I 410, hen-ta ; Etym. IS- IIA
ná- « être » né/ane EHW IV App. [→¶ imp.]
nahta- [« occire »] nahtea nacante anahtie/anaktane WPP I 410 hen-ta [EHW IV AS Ligne 4, Melcorello:2 (glosse)]
nicu- « [cela] glace » níqua nicune WPP Roots √NIK6:1
norta- « se dépêcher, chevaucher » onortane WPP Roots NOR- IVa
tenta- « diriger vers, être dirigé vers » tenante EHW IV AS vers 4, tentane:2 IVa

Formes non-classifiées

Formes verbales isolées (autres que l’aoriste) ne permettant aucune classification fiable.

Présent continu

hríza « il neige » (passé hrinse ; WPP Roots √NIK-:8)

mánata « bénit » (Inscriptions volitives I, nai:2)

síla « brille » (WPP I 90, síla)

Passé

ahyane « changea » (PM XIV:1)

camne/cambe « reçut » (EHW I, ed. note 16:4—5)

hrinse « il neigea » (présent continu hríza ; WPP Roots √NIK-:8)

norne « courut » (WPP I 366f, namárië)

querne « tourna » (EHW IV AS vers 3, querne)

tarne « tint » (WPP I 394, ar:7)

lantane « tomba », ohtakáre « guerroya », sakkante « déchira » (SD 2 NCP Nuit 67:14, I A)

Parfait

apárie « a appris » (WPP Roots √PHAN [→ ¶In Quenya the]:4)

fírie « a soufflé » (MR 3 II Laws [→ ★]:51, note)

irície « a tordu » (Fr.QE ¶25)

ócómie (aoriste ócom- « rassembler » ; WPP Roots √KOB, KOM-)

utúlie « est venu » (WPP III 245f, utúlien ; NCH II:4)

utúvie « a trouvé » (WPP III 250, utuvienyes)

Bibliographie

Fauskanger, Helge. "Lessons 6: Past Tense". Quenya Course. Ardalambion. Fév. 2003. 23 Sep. 2009.
Fauskanger, Helge. Quettaparma Quenyallo. Ardalambion. 22 Déc. 2009. 7 Juin 2010.
Renk, Thorsten. "The Quenya Past Tense". Parma Tyelpelassiva. [2007]. 23 Sep. 2009. Traduction : "Le passé en quenya". Tolkiendil. [2013].

Références abrégées

A l’attention des lecteurs qui ne seraient pas familier du système de notation de M. Björkman, nous ajoutons à l’article original une liste des abréviations utilisées pour les références :

  • EHW : « Eldarin Hands, Fingers & Numerals and Related Writings », Vinyar Tengwar 47—49.
  • Etym : « The Etymologies », The Lost Road, History of Middle-Earth V. Traduction : « Les Étymologies », éditions Christian Bourgois.
  • Fr. QE : « From Quendi and Eldar, Appendix D », Vinyar Tengwar 39, p. 4—20. Traduction : « Tiré de « Quendi & Eldar », Appendice D », Tolkiendil.
  • Inscriptions volitives : « Five Late Quenya Volitive Inscriptions », Vinyar Tengwar 49, p. 38—58.
  • MR : Morgoth’s Ring, History of Middle-Earth X.
  • Óre : « Notes on « Óre » », Vinyar Tengwar 41, p. 11—19. Traduction : « Notes sur « Óre » », Tolkiendil.
  • PM : The Peoples of Middle-Earth, History of Middle-Earth XII.
  • QE : « Quendi and Eldar », The War of the Jewels, History of Middle-Earth XI, p. 357—424.
  • QP : Quenya Phonology, Parma Eldalamberon 19.
  • SD : Sauron Defeated, History of Middle-Earth IX.
  • TQ : « Tengwesta Qendarinwa », Parma Eldalamberon 18, p. 23—109.
  • WPP : « Words, Phrases and Passages from the Lord of the Rings », Parma Eldalamberon 17, p. 11—191.

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) N.d.É. : On sait depuis la publication de cet article que Tolkien y avait consacré plus de temps qu’on ne l’imaginait. Les différentes versions tardives de la grammaire du verbe quenya sont désormais publiées dans le PE 22.
2) Par ex. utúlien « je suis venu » (WPP III 245f, utúlien). D’autres formes conjuguées de tul- « venir » sont attestées, mais pas pour cette période. N.d.É. : On sait désormais que le verbe tul- « venir » formait à cette période l’aoriste tulë (PE 22, p. 140) et le passé tuldë ou túlë (PE 22, p. 140, 152).
3) Par ex. tarne « se tint » (WPP I 394, ar:7). La base aoriste pourrait être *tar-, *tarya- ou *tarta-, entre autres possibilités. N.d.É. : L’aoriste de ce verbe n’est toujours pas attesté. La forme tarta- est néanmoins improbable, étant donné que le suffixe -ta marque généralement un verbe causatif.
4) N.d.É. : C’est effectivement ce qu’on croyait jusqu’à la parution du PE 22, qui a montré que Tolkien envisageait plusieurs formes du suffixe marquant le futur pour les verbes faibles ; cf. PE 22, p. 104–105, 114–117, 126–127, 131–132, 159, 164.
5) N.d.É. : Les participes en quenya sont d’une grande complexité, d’autant que Tolkien a fréquemment changé d’idées sur certains points. Le PE 22 fournit de nombreux détails à leur propos.
6) Par ex. WPP I 410, hen-ta.
7) Par ex. QE A *AWA, Quenya:3.
8) Étym. TUL.
9) Ibidem.
10) En ce qui concerne la formation du passé, Tolkien considérait « *karne < √KAR » comme un exemple de suffixation (de -ne) (TQ 2 D §6:8). Je préfère considérer carne et les formes de ce genre comme des exemples de N infixés ayant subi une méthathèse, ce qui permet d’obtenir un système flexionnel plus symétrique ne nécessitant pas de traitement ad hoc pour les verbes dont les racines se terminent par m ou r.
11) Par ex. TQ 2 C §1 d.
12) Par ex. TQ 2 D §9:1.
13) N.d.T. : Le français n’exprime pas le causatif de manière morphologique, contrairement à d’autres langues.
14) N.d.É. : Depuis la parution de cet essai, le PE 22 a permis d’en apprendre beaucoup plus sur la notion de groupes verbaux en quenya. Les verbes faibles se divisent globalement en cinq groupes : les verbes « semi-forts », les verbes en , les verbes en -u, les causatifs et les verbes dérivés divers, formés à partir de racines nominales ou adjectivales ; cf. PE 22, p. 113–118.
15) Fauskanger considère (2009, menta-) que les formes en eldarin commun citées ici n’étaient pas préservées en quenya, puisque « le quenya menta- appartient plutôt à la catégorie des verbes causatifs (transitifs) qui présentent des formes « faibles » au passé d’après le même texte (en -në, d’où *mentanë « envoya », et vraisemblablement *ementië au parfait « a envoyé »). » Cependant, le menta- causatif dont il parle provient d’une source distincte, et il est possible que Tolkien n’ait pas eu le même mot à l’esprit au moment de la rédaction de l’explication citée ici.
16) Tolkien n’offre aucune traduction en anglais de talta-/talt-, mais les éditeurs de « Words, Phrases and Passages » observent (ibidem) qu’il mentionne la base √talat « glissant, dérapant, tombant » dans une lettre à Christopher Bretherton écrite le même jour que cette note.
17) Tolkien décrit caita comme une base du « présent » (WPP I 394, cai-ta). S’il entend par là que caita est un présent continu, alors nous avons là un exemple unique de forme continuative pour le groupe menta. Cependant, la forme citationnelle des verbes quenyarins est normalement l’aoriste, et c’est peut-être là le sens du propos de Tolkien : comme indiqué précédemment, les formes verbales de l’aoriste peuvent être employées là où l’anglais [N.d.T. : et le français] emploient des formes du présent, et l’occurrence spécifique de caita que Tolkien explique ici (dans la lamentation de Galadriel) est traduite par le présent lies « s’étend » [N.d.T. : Traduction modifiée.]. Je considérerai donc pour mon propos que caita est effectivement une base de l’aoriste.
18) Une source est formulée de telle sorte que virne (orthographié « wirne ») semble être le passé aussi bien du verbe intransitif virya- que du verbe transitif vista-, voire du seul vista- (WPP Roots √WIS-). Cependant, une autre source présente virne et virinye comme les formes de virya au passé et vistane comme celle de vista (WPP Roots WAL-).
19) EHW IV AS vers 2 ú ; cf. WPP I 410, hen-ta.
20) D’après la liste de formes très complète de ava « refuser, interdire » donnée dans EHW IV AS vers 2, ú:3. Une autre source donne le verbe ava- « dire non » en n’indiquant que sa forme passée avane ; il pourrait s’agir d’une autre phase conceptuelle de ce verbe, avec une conjugaison régulière du groupe tengwa-.
21) Par exemple, Tolkien indique que la forme parfaite de ea- est éye, de « e-ēŋiı̯ē > ẽŋie [>] ēiı̯ē », mais il remarque que cette forme est rare et souvent remplacée par la forme analogique engie (EHW IV App. [→ ¶Exists]). Concernant ua-, Tolkien semble avoir hésité à le faire dériver de Ū, UGU ou AWA, des racines qui auraient sans doute donné lieu à des conjugaisons différentes. La conjugaison attestée dérive de l’une d’elles sans que l’on sache exactement laquelle, mais les formes conjuguées sont dites être utilisées en « quenya archaïque ou en poésie », et il serait donc possible de supposer qu’elles sont quelque peu archaïques (WPP Roots √ABA [→ ¶In archaic]).
22) Cf. aiya vs. aia (Joy AM I-IV + vers 1).
23) L’ordre des conjugaisons diffère quelque peu de celui présenté dans ma conférence à Omentielva Nelya.
24) Cette règle comporte une exception flagrante : le verbe transitif vista « changer » présente bien un passé « fort » virne (voir plus haut la note au groupe menta). Cependant, la régularité avec laquelle les autres verbes transitifs sont fléchis en suivant une conjugaison faible suggère fortement qu’il s’agit d’une mauvaise interprétation de la source et que le passé virne appartient au verbe intransitif virya « changer, alterner » et à lui seul.
25) WPP Roots √ANA/NĀ:2 ; concernant la signification de l’obèle, voir Etym ¶20.
26) On compte bien deux verbes si ava- « dire non » est le même mot que ava- « refuser, interdire », voir plus haut.
27) Cf. la racine UB « avoir à l’esprit » qui donne le vieux quenya umne au « futur-passé » (EHW III, ed. note 15:4), ainsi que la forme passée cambe « reçut », probablement issue de la racine attestée KAB. Il semble que cambe et la racine KAB aient été ultérieurement rejetés en faveur de camne < KAM (EHW I, ed. note 16:2—5).
28) À noter que par « verbes irréguliers », j’entends les verbes pour lesquels les outils linguistiques établis (modifications phonétiques, assimilation, nivellement analogique) ne permettent pas de réduire les formes à l’un des paradigmes réguliers.
29) MR 3 II Laws [→ ★]:51, note.
30) QE A *AWA, Quenya:3. L’astérisque à *awāwiiē est de Tolkien.
31) Óre ¶17.
32) QE A *AWA, Quenya:3. Cependant, *awāwiiē fut changé en *a-wāniiē « à l’époque préhistorique », avec l’intrusion d’un n infixé sur le modèle du passé, ce qui donna lieu à la forme quenyarine avánie (ibid ; les astérisques sont de Tolkien).
33) Etym. IS- ; QL ISI(1).
34) Régulier si l’on considère que la base aoriste est ná- et pas na-, contrairement à ce qui est parfois indiqué.
35) EHW IV App. [→ ¶ imp.].
36) Il suggère également que ce verbe est distinct de nahta- « confiner, oppresser », puisque ce verbe-là est dérivé de la racine NAKH- (WPP Roots √NAKH-) qui devrait plus probablement donner le passé *nahante.
37) Etym WŌ, cf. QE A *WO.
38) Par ex. « diriger vers la porte », « être dirigé vers la porte ».
39) Par ex. « unque “un creux” » (LR App. E II (i) Note:9), c’est-à-dire que unque est un nom et pas un adjectif.
40) N.d.É. : Également « vaincre », PE 17, p. 115, 124.
41) Christopher indique que l’entrée pour UGU- et UMU- dans « Les Étymologies », source du verbe u-/um-, pourrait avoir été supprimée, mais sans certitude.
42) SD 2 NCP Nuit 67:14, I A.
43) WPP Roots √AS- ; √UR-.
44) N.d.É. : PE 17, p. 115, 124.
 
langues/langues_elfiques/quenya/groupes_verbaux_quenya.txt · Dernière modification: 08/07/2021 15:14 par Elendil
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