The One Ring, deuxième édition - Supplément Tales from the Lone-Lands — Critique

Par Irwin Piot, novembre 2023

Cette critique concerne le supplément Tales from the Lone-Lands du jeu The One Ring, deuxième édition


Introduction

J’avais été déçu par Ruins of the Lost Realm mais j’ai abordé ce recueil d’aventure avec grand plaisir : si je ne pouvais préjuger de la qualité rôlistique de l’ouvrage, j’étais à peu près sûr que le livre serait beau et concis.

La charte graphique de la gamme est plaisante et j’apprécie toujours l’ensemble, aéré et sans pavés de textes superflus. On retrouve les mêmes crayonnés à l’intérieur ainsi que la traditionnelle illustration couleur d’Antonio De Luca en double-page au début de chaque chapitre. La couverture quasiment blanche contraste avec les précédentes qui étaient jusqu’à présent très sombres. Je m’aperçois d’ailleurs que cette somptueuse illustration de couverture s’étend sur le dos du livre mais pas sur la quatrième de couverture (je crois n’avoir jamais vu ce principe de mise en page auparavant) : du coup on n’a pas d’illustration sur un format panoramique mais on n’a pas d’unité dans la bibliothèque avec des dos uniformes… Personnellement j’étais très déçu parce que je n’aime pas du tout les collections avec des dos différents (et puis si l’illustration ne se poursuit pas sur la quatrième de couverture, je ne vois pas quelle est la plus-value en termes de composition).

Le livre est beau mais qu’y a-t-il donc dedans ?

Aventures proposées

Le livre propose un schéma désormais assez classique dans la gamme de l’Anneau Unique : six aventures sont proposées pour être jouées indépendamment, avec une continuité et une trame de fond qui permet de les jouer comme une campagne. Le scénario de fond s’articule autour d’une présence maléfique dans un ancien site oublié, et l’ancienne lignée d’un PJ est mise en avant pour aider à la fois à impliquer le groupe et pour offrir diverses solutions.

« A troll-hole, if Ever There Was One » (pp. 9-23) : J’ai trouvé la première aventure très sympa à la lecture, et la forme de l’introduction est une bonne idée qui nous met bien dans l’ambiance dès le début du livre ! L’aventure me paraît assez modulable et facilement adaptable pour y intégrer divers accroches supplémentaires ou modifier celles proposées. En la lisant, j’ai en tout cas rapidement eu des idées d’intrigues supplémentaires pour pouvoir l’intégrer dans ma campagne en cours : j’espère que l’alchimie va prendre !

« Messing About in Boats » (pp. 25-41) : En voyant l’illustration en double-page, j’étais enchanté par l’idée de faire une aventure sur une île lointaine – un lieu historiquement assez peu exploité dans les JdR de cet univers (ce qui semble plutôt logique). Le pitch initial exploite bien le potentiel de Lond Daer esquissé dans Ruins of the Lost Realm (page 21-23 et 79-84) et la belle illustration de la salle du trône de Nimue aurait eu davantage sa place dans le premier livre pour illustrer un Lieu d’aventure peu attractif. L’histoire de fond n’est pas inintéressante et certaines propositions pour le déroulement de l’aventure sont plutôt chouettes mais il y a plusieurs éléments un peu trop archétypaux (l’épée magique, le Fastitocalon…) que je ne conserverais sans doute pas si je décidais de faire jouer cette aventure. La présence des Lossoth semble ajoutée un peu artificiellement, et probablement uniquement pour pouvoir amener la dernière aventure du recueil.

« Kings of Little Kingdoms » (pp. 43-55) : Un pitch assez original pour un scénario qui est accessible à tout type d’aventurier. L’aventure est peut-être la plus classique de ce recueil. Il m’a semblé que tout y était moins détaillé que dans les autres aventures, comme si des coupes avaient été faites pour tenir dans le nombre de pages – ce qui n’est pas très gênant d’ailleurs. Il y est fait une référence au LdB que je n’ai pas trouvé (?).

« Not to Strike Without Need » (pp. 57-71) : Cette aventure est très intéressante à la lecture, tant par son histoire de fond que du point du vue du déroulement des différentes scènes pour les joueurs. De nombreuses options très différentes sont proposées à pas mal de moments, et c’est très plaisant d’imaginer les nombreuses façons possibles pour un groupe de mener à bien l’aventure. On y trouve enfin la description de Garth Tauron (dont la traduction « Fortress of the Woods » me paraît plutôt approximative) qui manquait vraiment dans le livre précédent. Axer une partie du scénario sur la propagation des informations parmi les Rôdeurs m’a semblé un thème très intéressant à mettre en scène. C’est au final le scénario qui m’a semblé le plus intéressant : j’ai peu de choses à redire dessus, si ce n’est que cette histoire se passe dans la Tharbad décrite dans Ruins of the Lost Realm, qui est hélas incompatible avec les écrits de Tolkien.

« Wonder of the Northern World » (pp. 73-89) : C’est la première aventure du recueil qui offre des moments assez épiques et grandioses, une situation très appréciable en jeu de rôle. J’ai particulièrement aimé le traitement des Nains dans ce scénario, exploitant beaucoup de facettes de leur culture. Les enjeux du conseil offre aux actions des PJs des conséquences majeures sur la suite de l’aventure (ce qui rappelle aussi certains événements importants de Ténèbres sur la Forêt Noire, où les actions des PJs pouvaient d’ailleurs avoir des ré-percussions encore plus importantes). Une bataille finale épique est possible, mais le MJ devra par contre tout mettre en scène car il n’y a ni règle ni aide disponible…

« The Quest of Amon Guruthos » (pp. 91-112) : On retrouve nos Lossoth de la seconde aventure pour une première partie à l’ambiance du Grand Nord assez originale. Ensuite, on y rencontre une Avar dont l’exploitation ne me convainc pas (que ce soit comparativement aux Eldar ou bien compte tenu de l’espèce de malédiction qu’elle peut lancer sur les PJs…). L’exploration et les enjeux sont très agréables à imaginer à la lecture, notamment la vision fugitive du passé. En revanche, je m’interroge sur la fin du scénario : le cahier des charges de toute série d’aventures de fantasy doit-elle se conclure par un combat contre un big boss très grand et très méchant ? Ce principe expliquerait la présence de l’ennemi final, qui me semble peu nécessaire étant donné que la principale adversité est vraiment la lutte contre l’Ombre – et je trouve cela assez dommage de l’occulter pour la fin… Mais, n’ayant pas joué l’aventure, peut-être qu’elle y trouve parfaitement sa place en séance ? Pour moi, le vrai maillon faible de ce scénario reste le développement de l’Elfe Aya. Il y a aussi une coquille page 95 : un renvoi vers la « page XX » est mentionné.

Conclusion

Cela faisait assez longtemps que je n’avais pas dévoré aussi vite un supplément de la gamme (en incluant donc la première édition). J’y ai vraiment retrouvé ce qui m’avait fait rêver dans Contes et Légendes des Terres Sauvages, avec un scénariste aux commandes qui manie très bien les stéréotypes pour en proposer quelque chose de vraiment intéressant. Étant donné le classicisme assez marqué des premières histoires, je dirais que le bon déroulement de ces scénarios va sans doute davantage dépendre de l’ambiance générale de la table et des joueurs que du travail du meneur. J’ai aussi apprécié le fait que les diverses accroches concernant la Moria (distillées dans Ruins of the Lost Realm) aient ici été complétées par plusieurs nouveaux éléments : le supplément à venir arrivera donc sur un socle solide et bien établi.

Quelques petites déceptions, cependant : en introduction est avancée l’idée de mettre en avant la lignée d’un PJ comme fil conducteur de la campagne mais, dans les faits, c’est un filigrane extrêmement léger, qui ne concerne que la moitié des scénarios et n’est au final pas très intéressant. J’étais un peu déçu de l’exploitation trop superficielle de cette bonne idée.

Le défaut des plans (déjà identifié dans les suppléments précédents) persiste : les plans/illustrations proposés sont très beaux et peuvent beaucoup contribuer à l’ambiance… mais il fallait pour cela en proposer une version pour les joueurs. En l’état, ils ne sont quasiment jamais utilisables en aventure ; et je ne reparle pas de l’absence d’échelle, souvent problématique. J’ai prévu d’en utiliser deux dans ma prochaine séance mais j’ai dû commencer par passer un petit moment à retoucher tous les éléments secrets qui ne doivent pas être vus par les joueurs… Quand c’est beau mais inutilisable en partie, je trouve que cela passe quand même bien à côté de l’objectif ludique initial.

Les choix onomastiques sont par moment fort critiquables car la reprise des noms de personnages légendaires (souvent pour des persos lambda – comme Elwing ou Valandur par exemple) a plutôt tendance à me sortir de l’univers ; ce constat existait déjà dans Ruins of the Lost Realm et dans la V1 donc ce n’est hélas pas maintenant que cela va changer.

Enfin, c’est dommage que la parution des deux modules Ruins et Tales ait été à un an d’intervalle : je trouve que ces livres auraient mieux fonctionné s’ils étaient sortis en même temps – voire même s’ils n’en avaient formé qu’un seul. En V1, la série d’aventures au Rhovanion étaient sortie en premier et je trouvais le début de la politique éditoriale de la gamme plus intéressante. Elle n’avait cependant pas été reproduite pour les suppléments suivants (le Rohan, l’Eriador et Erebor) mais je trouve cela regrettable.

Les points positifs :

  • Des aventures globalement intéressantes et facilement adaptables
  • Une bonne idée d’implication des PJs
  • Des accroches pour la venue du supplément sur la Moria
  • De belles images et une mise en page aérée et confortable

Les points négatifs :

  • Quelques idées peut-être trop classiques
  • Un développement décevant de l’implication des PJs
  • Une exploitation critiquable des Avari
  • Les « plans » toujours aussi problématiques à l’usage
 
divertissements/jdr/critiques/critiqueoneringlonelands.txt · Dernière modification: 06/01/2024 12:43 par Irwin
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