«
Les maîtres du savoir sindarins se souvenaient des Nandor comme des Danwaith
, ou, par confusion avec le nom de leur meneur, Denwaith
. Au début, ils appliquèrent ce nom aux Nandor qui vinrent en Beleriand oriental ; mais ce peuple s’appelait lui-même encore par l’ancien nom de clan *Lindai
, qui avait à cette époque pris la forme Lindi
dans leur langue. La contrée dans laquelle la plupart d’entre eux finirent par s’établir, en tant que petit peuple indépendant, ils la nommèrent Lindon
(< *Lindānā
) : c’était le pays au pieds occidentaux des Montagnes Bleues (Eryd Luin), arrosé par les tributaires du grand Fleuve Gelion, et précédemment nommée Ossiriand
par les Sindar, la Terre des Sept Rivières. »
1)
a langue des Nandor, ou nandorin, était la variété de telerin parlée par les Elfes qui suivirent Lenwë et refusèrent de passer les Monts Brumeux lors de la Grande Marche. Elle descendait ainsi du telerin commun, mais se sépara assez tôt des autres langues lindarines. Un certain nombre de Nandor chercha cependant à poursuivre le voyage vers l’Ouest et arriva en Eriador après avoir passé le vaste défilé que l’on connaîtrait plus tard sous le nom de Trouée de Rohan2). Lorsque les Nandor les plus occidentaux franchirent les Ered Luin et arrivèrent en Beleriand sous la conduite de Denethor, fils de Lenwë (un nom qui se prononçait désormais Denweg)3), leur langue comme celle de leur cousins Sindar avait considérablement changée. Néanmoins, leur parenté restait discernable, notamment du fait qu’elles partageaient certaines caractéristiques propres aux langues telerines, comme le changement kw > p4).
Le terme nandorin est couramment employé pour désigner la langue des Laiquendi d’Ossiriand5), les seuls Nandor avec lesquels les Ñoldor eurent affaire au Premier Âge, bien qu’elle désigne au sens propre l’ensemble des dialectes elfiques de cette branche. La branche d’Eriador du nandorin est parfois appelée leikvien, pour la distinguer de l’ossiriandrin6). Le nandorin perdura longtemps dans les régions où s’établirent les Nandor, et le nom de la Lórien est dit être une altération d’un nom nandorin original tombé en désuétude à l’époque de la Guerre de l’Anneau7), Lŏrinand « vallée d’or »8). La langue des Elfes vivant au nord de Mirkwood était supposée avoir la même origine9). Néanmoins, sous l’influence des réfugiés sindarins de Beleriand, les langues nandorines du Rhovanion furent progressivement abandonnées, malgré la résistance de certains Elfes, comme Nimrodel10). Cette variété de sindarin, influencée par les usages locaux, fut généralement connue sous le nom de sylvain.
Le nandorin fut d’une utilité considérable aux lambeñgolmor noldorins, leur donnant une meilleure compréhension de l’évolution des langues elfiques. Il permit de confirmer certaines théories antérieures concernant les strates primitives de celles-ci, comme l’existence des « e et o de Fëanor », tout en permettant de préciser les dates relatives de certains changements phonologiques majeurs11). Elles permirent aussi de constater l’absence de radicaux avec un J ou W médian, contrairement aux suppositions qu’avait faites Fëanor12). Une des caractéristique du nandorin était la conservation des d, g et probablement b originaux en tant qu’occlusives voisées, alors que ceux-ci étaient modifiés ou disparaissaient en quenya et en sindarin. Comme le sindarin, le nandorin n’avait pas de syncope médiale : q. pr. galadā > nand. galad « arbre » (sind. galadh, q. alda). Il semble aussi que le nandorin ait conservé un système de déclinaisons, comme on le voit dans le gén. pl. (Caras) Galadon « (Cité) des arbres »13).
’ossiriandrin ou ossiriandais était la variété occidentale du nandorin, parlée par les Elfes-verts, qui s’étaient établis en Ossiriand oriental sous la conduite de Denethor, fils de Elfes-verts « conservèrent leur propre parler » jusqu’à « l’ultime ruine » du Beleriand14). À la fin du Premier Âge, l’ossiriandrin vint à déteindre quelque peu sur le sindarin parlé aux Havres du Sirion par l’entremise d’Elwing, puisque son père Dior avait été le dernier seigneur des Nandor d’Ossiriand15). Cette influence fut sans doute facilitée par le fait que la parenté de l’ossiriandrin avec le sindarin était toujours reconnaissable16).
Plusieurs textes antérieurs emploient les vocables d’ossiriandique17), ossiriandeb18), ossiriandren ou ossiriandais19). Le Lhammas précise que « dans leur propre langue » les Laiquendi « étaient appelés Danas »20). Une première version de ce texte affirmait que la langue des Danas différait de celle de Doriath, mais une correction subséquente établit un rapprochement entre les deux21). En WJ, p. 365, note 55, Tolkien nota que l’élément -wing du nom Elwing était tiré de l’ossiriandrin, mais revint sur cette idée et finit par décider qu’il s’agissait en fait d’une forme lénifiée du sindarin gwing22).
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En savoir plus sur l’ossiriandrin.
e dialecte des Leikvir, les Nandor qui étaient demeurés à l’Est de l’Ered Luin, était appelé leikvien dans les textes du Lhammas23). On ne dispose malheureusement d’aucun texte dans cette langue et il semble que les Ñoldor n’aient guère eu d’informations à son sujet24). Vu qu’ossiriandais et nandorin sont souvent utilisés comme des termes interchangeables, il est probable que les deux branches du nandorin de part et d’autre des Montagnes Bleues sont demeurées très proches l’une de l’autre. Néanmoins, l’ossiriandrin semble avoir peu à peu divergé sous l’influence du sindarin de Doriath25). Après la chute du Beleriand, le sindarin se répandit vers l’Est au détriment du leikvien26). La langue nandorine orientale perdura néanmoins longtemps en Eriador et au Rhovanion, où on la connaissait sous le nom de parler sylvain au Troisième Âge.
Le leikvien eut une influence considérable sur les langues des Edain, qui en dérivaient en grande partie27). L’Appendice sur les runes de The Treason of Isengard ajoute d’ailleurs qu’un alphabet apparenté à l’Angerthas Daeron était en usage parmi les Leikvir et servit de base à la « série runique » ou skirditaila taliskane28). Dans son article « Influence du vieil anglais sur la langue danienne de J.R.R Tolkien »29), Arden R. Smith fait l’hypothèse que le nom Leikvir ait pu être un terme leikvien. Il estime ainsi que la terminaison –r de ce nom est « remarquablement similaire » au pluriel observé dans le vieux norrois gestr, gestir. Cela lui paraît cohérent avec le système de correspondance alors élaboré par Tolkien, l’ossiriandrin contemporain du Lhammas partageant un grand nombre de caractéristiques phonologiques et grammaticales avec le vieil anglais.
olkien commença par nommer cette langue danien, du nom que portait alors le meneur elfique séparatiste dans les récits du Silmarillion, Dân. S’il estima d’abord que les Daniens étaient d’extraction telerine, il considéra ensuite pendant longtemps qu’ils appartenaient à la branche noldorine des Elfes30). À l’époque de la rédaction du Lhammas, Tolkien attribuait à cette langue une place à part, mais vint progressivement à considérer qu’elle se rapprochait de celle du royaume de Doriath :
« Et leur langue n’était pas semblable aux langues des Lembi, mais était à part, différente des langues de Valinor et de Doriath et des Lembi [
changé en : différente des langues de Valinor et des Lembi, et proche de celle de Doriath, quoique différente.] Mais le parler des Elfes-verts en Ossiriand s’éloigna de celui de leur propre parentèle demeurant à l’Est d’Eredlindon, étant fort affectée par la langue du peuple de Thingol. »
31)
À cette époque, Tolkien considérait que la langue des Edain était purement d’origine danienne, « ayant été apprise à l’Est des Montagnes d’une branche des Daniens, apparentés aux Elfes d’Ossiriand qui étaient appelés Elfes-verts. »32) Dans l’Appendice sur les Runes de TI, Tolkien affirma en outre que l’écriture runique qui devint connue sous le nom d’Alphabet de Dairon trouvait son origine parmi « les elfes daniens d’Ossiriand (qui étaient à l’origine de race noldorine). »33) Un alphabet du même type aurait été en usage « dans la branche orientale des Daniens, au-delà des Montagnes Bleues, d’où elle se répandit aux Hommes de ces régions […] »34) Tolkien semble ensuite avoir abandonné cette origine de l’Angerthas à l’époque où il décida que les Nandor étaient d’origine telerine et non ñoldorine.