Runes

« « Jadis, c’était peut-être une entrée secrète, dit Thorin, mais pouvons-nous être sûrs qu’elle l’est encore ? Le vieux Smaug vit dans ces cavernes depuis assez longtemps pour les avoir explorées de fond en comble. »
« C’est possible… mais il ne peut l’avoir utilisée depuis bien des années. »
« Pourquoi cela ? »
« Parce qu’elle est trop étroite. “La porte a cinq pieds de haut et trois y marchent de front”, disent les runes, mais Smaug n’aurait pu s’introduire dans un trou de cette taille, pas même du temps où il était jeune, et certainement pas après avoir dévoré autant de nains et d’hommes du Val. »
»1)
Le Hobbit — Chapitre 1 « Une fête inattendue »

La porte secrète d’Erebor (© Anke Eissmann)

Ce mode d’écriture se retrouve notamment dans les illustrations du Hobbit, en particulier dans la Carte de Thrór, ainsi que dans les premiers brouillons de la lettre que Gandalf chargea Filibert Fleurdebeurre de transmettre à Frodo, publiés dans The Return of the Shadow, p. 154, 158. L’ensemble des textes attestés est listé dans le DRS. Il s’agit en fait d’une légère adaptation de l’alphabet runique anglo-saxon généralement connu sous le nom de futhorc, Tolkien lui-même ayant fait la remarques que ces runes étaient « similaires mais pas identiques aux runes des inscriptions anglo-saxonnes »2). Ce mode est appelé « runes anglo-saxonnes » dans une lettre à G.E. Selby, écrite en décembre 19373) et « runes anglaises » dans un brouillon de l’Appendice E du SdA4) et dans l’Avant-propos à la troisième édition du Hobbit, publiée en 1966. Cet Avant-propos donne d’utiles précisions sur le mode employé par Tolkien dans ce livre, indiquant notamment que toutes les lettres sauf ᛉ, qui représente X, se trouvent dans la Carte de Thrór, ajoutant que « I et U sont employés pour J et V », notant qu’il faut employer CW pour représenter Q et précisant que certaines lettres servaient à représenter des digraphes comme th, ng, ea ou st.

Dans cet Avant-propos, Tolkien explique que les runes des Nains d’Erebor « sont représentées dans ce livre par les runes anglaises », une conception déjà établie dans une lettre à Allen & Unwin datant d’août 1937, où Tolkien indique qu’elles furent « à regret substituées pour éviter l’abscons aux alphabets […] authentiques de la mythologie dans laquelle s’immisce M. Bessac »5). On peut ainsi les comparer au rohanais, représenté par le dialecte mercien du vieil anglais dans le SdA ou aux noms propres des Nains d’Erebor tirés de la langue nordique parlée à Dale et Esgaroth, remplacés par des noms vieux norrois extraits du Dvergatal de la Völuspá. Il est intéressant de noter que vingt lettres de ce mode apparaissent aussi dans le tableau des cirth de l’Appendice E du SdA, bien qu’elles y reçoivent presque toutes des valeurs différentes. À l’origine, Tolkien voulait d’ailleurs inclure dans cet Appendice un tableau des « Runes anglaises sous les formes qui furent employées pour la traduction des cirth dans le Hobbit. »6)

Il semble que Tolkien ait un temps envisagé que les cirth puissent être le lointain ancêtre des runes germaniques historiques. Dans le texte « L’Alphabet de Dairon » (angl. The ‘Alphabet of Dairon’), légèrement antérieur au Seigneur des Anneaux, où Tolkien assigne la création des cirth aux Elfes-verts d’Ossiriand, il note ainsi : « un alphabet apparenté fut tôt en usage parmi la branche orientale des Daniens, au-delà des Montagnes Bleues, d’où il se répandit aussi aux Hommes de ces régions, devenant les fondements de la skirditaila ou “série runique” taliskane. »7) Comme l’indique Arden R. Smith8), il se pourrait que Tolkien ait ainsi voulu créer l’ancêtre fictionnel des runes germaniques, dont l’origine réelle est encore aujourd’hui l’objet de débat. Déjà qualifiée de très douteuses dans un brouillon à l’origine de l’Appendice F du SdA9), puis ouvertement niée dans une version intermédiaire10), cette idée semble avoir été finalement rejetée. En effet, Tolkien indiqua dans une lettre à Rhona Beare datant de 1963 que « Les “cirth” ou runes du “S.d.A.” furent inventées pour cette histoire et, à l’intérieur de celle-ci, n’ont pas de lien historique supposé avec l’alphabet runique germanique, auquel les Anglais donnèrent le développement le plus élaboré. »11)

Avant de créer les cirth, Tolkien expérimenta justement divers systèmes adaptés à partir des runes anglo-saxonnes. Bien que la majorité de ces documents emploient des modes très proches de celui employé dans le Hobbit, et que certains de ceux-ci puissent mêmes être contemporains des premières versions de ce récit12), ils ont été publiés sous le titre « Documents Runiques Premiers » (angl. Early Runic Documents) dans le Parma Eldalamberon nº 15, p. 89-121. Ces divers modes sont plutôt considérés être les ancêtres conceptuels des cirth que des variantes des runes anglaises.

Il convient de ne pas confondre ce mode d’écriture avec les cirth qui apparaissent dans le Seigneur des Anneaux, et furent également nommées « runes naines »13) ou « runes des ?Nains »14) par Tolkien. Ce système d’écriture, appelé angerthas en sindarin est détaillé sur cette page.

À l’origine, il est évident que Tolkien considérait le système des runes anglaises comme étant l’alphabet employé par les Nains de la Montagne Solitaire. Par la suite, il affirmera qu’il « existait indubitablement un lien historique entre les deux. »15) Tolkien affirma encore que les runes anglaises, qu’il désignait en 1947 comme « l’adaptation nanesque spéciale de l’alphabet runique anglais »16), étaient employées en Terre du Milieu au même titre que les cirth17). Il semble avoir abandonné cette idée entre 1964 et 1966.

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Présentation des runes

Les Runes anglaises de Tolkien

Lire l’article « Les Runes anglaises de Tolkien »  Article de synthèse  Article de synthèse Per Lindberg — Novembre 2016
Il s’agit d’une tentative de décrire le mode utilisé par Tolkien pour orthographier l’anglais moderne avec les runes du vieil anglais (anglo-saxon) dans le Hobbit. Dans cet article elles seront appelées runes anglaises. Dans l’avant-propos Tolkien les appelle « runes anglaises », et dans une carte à K. Farrer (DRS 7) il les nomme « l’adaptation nanesque spéciale de l’alphabet runique anglais ». Il les a aussi appelé « runes anglo-saxonnes », voir par exemple l’avant-propos à The Return of the Shadow/. Toutefois, Tolkien a spécifiquement rédigé un tableau différent pour les runes anglo-saxonnes dans DRS 29, aussi ce terme devrait-il être évité.
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Un index des runes anglaises de Tolkien (DRS)

Lire l’article « Un index des runes anglaises de Tolkien (DRS) »  Note de lecture  Note de lecture  Note de lecture  Note de lecture Per Lindberg — Novembre 2014
Il s’agit d’une tentative d’indexer tous les spécimens de l’usage que fit Tolkien des runes anglaises, en particulier dans le Hobbit. Cet index peut être nommé DRS (Spécimens Runiques de Daeron), en accord avec le DCS et le DTS (les Spécimens de Cirth et de Tengwar de Daeron, voir le site du Mellonath Daeron). Cet index a été compilé avec l’aide du Mellonath Daeron. Merci également à Damien Bador de Tolkiendil pour avoir repéré plusieurs spécimens moins évidents.
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Analyse des textes en runes

Lettres lunaires et cycles lunaires : Peut-on dater la Carte de Thror ?

Lire l’article « Lettres lunaires et cycles lunaires : Peut-on dater la Carte de Thror ? »  Article de synthèse  Article de synthèse Andreas Möhn — Avril 2010
La caractéristique la plus remarquable de la Carte de Thror était certainement les ingénieuses lettres lunaires qu’Elrond découvrit à la veille de la mi-été, en 2941 TA. « On ne peut les voir que si la lune brille derrière elles, et de plus, pour la variété la plus ingénieuse il faut que ce soit une lune de la même forme et saison que le jour où elles furent écrites. »
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L’utilisation ésotérique des runes et des écritures elfiques par J. R. R. Tolkien

Lire l’article « L’utilisation ésotérique des runes et des écritures elfiques par J. R. R. Tolkien »  Article théorique  Article théorique Didier Willis — octobre 1999, janvier 2013
Je me propose d’étudier avec vous quelques-unes des illustrations du Hobbit et du Seigneur des Anneaux. Nous nous concentrerons sur les inscriptions runiques, en commençant par la carte de Thror dans le Hobbit. Nous ouvrirons ensuite une parenthèse pour rappeler et préciser ce que sont les runes, en les replaçant dans leur contexte historique. Fort de cette introduction, nous pourrons alors aborder les inscriptions du Seigneur des Anneaux, en essayant d’en dégager la symbolique.
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Blason

1) Version originale :
« “It may have been secret once,” said Thorin, “but how do we know that it is secret any longer? Old Smaug has lived there long enough now to find out anything there is to know about those caves.”
“He may — but he can’t have used it for years and years.”
“Why?”
“Because it is too small. ‘Five feet high the door and three may walk abreast’ say the runes, but Smaug could not creep into a hole that size, not even when he was a young dragon, certainly not after devouring so many of the dwarves and men of Dale.”
»
2) , 15) Lettre nº 25
3) RS, p. 7
4) , 6) PM, p. 76
5) Version originale : « regretfully substituted to avoid abstruseness for the genuine alphabets […] of the mythology into which Mr Baggins intrudes » ; Lettre nº 15
7) Version originale : « a related alphabet was early in use among the eastern branch of the Danians, beyond the Blue Mountains, whence it also spread to Men in those regions, becoming the foundation of the Taliskan skirditaila or ‘runic series’. » TI, p. 455
8) Cf. « Certhas, Skirditaila, Fuþark: A Feigned History of Runic Origins », Tolkien’s Legendarium, Verlyn Flieger & Carl F. Hostetter éd. Londres : Greenwood Press, 2000
9) PM, p. 22
10) PM, p. 75
11) Version originale : « The ‘cirth’ or runes in the ‘L.R.’ were invented for that story and, within it, have no supposed historical connexion with the Germanic Runic alphabet, to which the English gave its most elaborate development. » Lettre nº 245
12) Notamment ER 6-7, cf. PE 15, p. 90.
13) TI, p. 463
14) RS, p. 460
16) DRS 7, Lettre nº 112
17) VT 6 : lettre à Jane T. Sibley, 1964
 
langues/ecritures/runes.txt · Dernière modification: 09/07/2023 16:32 par Irwin
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