Interview de Nils Renard

Cette interview a été réalisée en novembre 2015, par Fanny Cohen Moreau à l'occasion du Séminaire ENS Tolkien.

« Je ne m’attendais pas à provoquer un tel évènement ! » N.R.

Le mardi 17 novembre avait lieu la troisième séance du séminaire sur l’auteur anglais Tolkien à Paris. Elle était consacrée aux clubs et aux associations qui ont jalonné la vie de l’auteur, ainsi qu’aux migrations des peuples dans la Terre du Milieu, des sujets présentés par Vivien Stocker et Dimitri Maillard. Pour l’occasion j’ai interviewé l’organisateur de ce séminaire Nils Renard.

Comment est né ce séminaire, qu’est-ce qui vous a donné envie de l’organiser ?

Nils Renard : L’idée m’est venue en discutant avec des élèves de toutes disciplines, tous cursus, tous âges confondus et très souvent Tolkien était un dénominateur commun entre nous tous. Mais dans le même temps, c’était un peu un goût caché, dont les élèves parlent peu finalement, tant par la nature même d’une œuvre qui s’appréhende dans et par l’esprit, que par la gêne à en parler dans un monde universitaire et de classes prépas qui nous a appris à cacher cela derrière des volumes de pléiades et de manuels. Toutefois, c’est en dialoguant que je me suis rendu compte qu’il faudrait un jour ou l’autre qu’un tel séminaire advint, et conscient que mon temps à l’ENS (et sur Terre parallèlement) était compté, je me suis dit qu’il fallait que je prenne les choses en main. Et donc en juillet, armé de mon seul amour de Tolkien et de mes lectures personnelles, je m’y suis lancé à tout organiser, à grande peine !

Comment s’est passé la collaboration avec l’association Tolkiendil ?

Nils Renard : Parmi les plus fervents soutiens de la première heure, et qui m’ont permis de dépasser l’amertume initiale consistant à me rendre compte que peu d’élèves de l’ENS se rallieraient avec constance, l’association Tolkiendil a été une aide plus que précieuse. C’était comme s’ils n’attendaient que cela pour proposer thèmes de conférences, communication et logos. Ma gratitude est immense et ils assument vraiment bien leur rôle de principale association sur l’œuvre [de Tolkien] en France. D’ailleurs, après les interventions des profs, ce sont les principaux intervenants dans ce séminaire. A regretter toutefois, mais la faute est mienne, la date tardive de ma mise en mouvement a réduit le nombre de personnes prêtes à venir et beaucoup ont proposé, mais bien peu sont venus vraiment. Finalement, dans ces moments-là, on se sent comme Théoden à rassembler les hommes du Rohan, « moins de la moitié de ce que j’espérais est venu », mais que voulez-vous, on ne peut en vouloir à personne, on est un peu en retard, et on ne peut que remercier ceux qui sont venus d’autant plus.

Comment s’est fait le choix des intervenants ?

Nils Renard : Pour être honnête, tout s’est passé à l’envers de ce que j’imaginais: je m’attendais à des hordes d’étudiants passionnés prêts à tout pour parler, et je constatais la difficulté qu’il y a convaincre les gens; la réponse universelle étant « pas le temps, bonne idée, mais pas le temps » ou « suis pas à Paris cette année » ou encore « j’ai vu que les films« . Par contre et j’ai été étonné, le nombre de chercheurs, doctorants, professeurs de tous bords est bien plus important que prévu et leur enthousiasme et leur aide constante ont été au-delà de toutes mes espérances. Finalement, ils attendaient une structure officielle et stable pour se rencontrer et intervenir. Je tiens tout particulièrement à remercier Isabelle Pantin et Vincent Ferré dont le soutien a été sans bornes, et leur confiance portée en ce projet infinie. Les thèmes se sont naturellement imposés au fur et à mesure, par un miracle étonnant qui contraste avec les difficultés matérielles sans nombre: ainsi le statut de l’œuvre et sa réception permettaient de bien commencer les deux séances, tandis que l’on entrera dans des analyses plus internes à l’œuvre elle-même et aux œuvres méconnues de Tolkien dans un second semestre.

Concrètement, pendant le séminaire vous partagez le temps de parole avec les intervenants. Comment préparez-vous ces interventions? Comment se passe la collaboration avec les intervenants ?

Nils Renard : Pour mes préparations, honnêtement, j’y ai pensé depuis tellement longtemps, je m’étais tant de fois demandé ce que pourrait donner une analyse de l’œuvre, que pour la première séance, ça a été une évidence. La notion de phénoménologie m’a paru aussi évidente, car ce qui définit le rapport si complexe du monde de Tolkien à ses lecteurs posait clairement le problème de la phénoménologie. C’était aussi un moyen de réunir un questionnement qui s’est développé pour moi en même temps, mais en prenant des chemins divergents, sur le rapport de l’homme à un monde que désertent les explications cosmologiques et religieuses qui lui imprimaient un sens, au cours du XXème siècle, et que Tolkien a vécu en parallèle de Husserl, Heidegger, Merleau Ponty, en prenant lui, le chemin de la création d’un monde entièrement bâti sur le rêve.
Pour la deuxième séance, j’ai cherché davantage à introduire le questionnement sur le thème de l’intervenante Laura Martin-Gomez, avec plus de difficultés cependant car je suis plus un fan de l’intériorité de l’œuvre sur toute forme d’histoire littéraire. La collaboration avec les intervenants de Tolkiendil est très bonne ; je leur demande un résumé et j’ai jusqu’à présent été satisfait en temps et en heures!

Après deux séances, quels sont les retours que vous avez eus? Que pensez-vous de l’accueil que reçoit le séminaire ?

Nils Renard : Pour les retours, j’en ai eu peu sauf de mes amis proches dans le séminaire. Je dois vous avouer que j’ai un peu peur d’avoir dégoûté un certain nombre de personnes en prenant une orientation un peu trop intellectualiste et philosophique, au mépris de ce que le public a pu lire. Une personne m’a dit cela, en disant qu’elle aimerait mieux parler de l’œuvre en fan. Mais c’est un choix que j’assume et je pense que Tolkien aurait préféré qu’il en fût ainsi. C’est aussi pour lui rendre un peu son œuvre que je fais ce séminaire.
Mais sinon les gens sont très enthousiasmés, beaucoup songent plus à parler, alors qu’ils hésitaient au départ. Enfin ceux qui sont contents le disent, les autres désertent et j’ai peur de vider d’ennui la salle, mais bon, pour le moment ça va! Quant à l’accueil général, je suis submergé par son ampleur, je reçois des mails de toutes parts, surtout hors ENS et vraiment je ne m’attendais pas à provoquer un tel événement historique (enfin un peu quand même). Surtout que les professeurs me prennent aussi bien au sérieux et paraissent avoir attendu qu’un séminaire vînt pour réunir tout le monde. Je me sens un peu dépossédé du séminaire mais bon, c’est normal!

En parallèle du séminaire, quels travaux menez-vous en ce moment ?

Nils Renard : Je dois avouer que cela n’a rien à voir, je suis en master 2 d’Histoire, spécialisé sur l’Histoire des mondes juifs et le judaïsme (je travaille en recherches sur les relations entre les Juifs d’Europe et les guerres napoléoniennes, sur la conscription, les échanges, les regards croisés dans les mémoires…) et suis également des cours de droit et d’anthropologie à l’ENS (j’ai fait une licence de droit). Enfin, je ne détaille pas plus, mais fort peu de liens; j’ai hésité cependant longtemps à travailler sur Tolkien et Gracq, mais n’espérais pas être aidé dans cette voie par un monde de critiques un peu coincés, d’où le comblement d’une frustration dans ce séminaire !

Sur le net

 
asso/manifestations/seminaire_ens/interview_nils_renard.txt · Dernière modification: 06/04/2020 18:47 (modification externe)
Nous rejoindre sur https://discord.gg/cafByTS https://www.facebook.com/Tolkiendil https://www.twitter.com/TolkiendilFR https://www.instagram.com/Tolkiendil http://www.youtube.com/user/AssoTolkiendil
Tolkiendil - https://www.tolkiendil.com - Tous droits réservés © 1996-2024