Notes de lecture : En tant que présentations ou compilations, ces articles sont les plus accessibles à tous les lecteurs. Aucune connaissance sur J.R.R. Tolkien n'est requise. |
La carte annotée par Pauline Baynes et Tolkien est la propriété de © The Tolkien Estate Limited 2016 et celle illustrée par Pauline Baynes est la propriété de © HarperCollins Publishers Ltd 1970. Leurs images et extraits sont utilisés ici à titre informationnel.
Les informations ont été réunies par Vivien Stocker. Mes remerciements vont à Benjamin Bories, Eric Flieller, Dimitri Maillard et Didier Willis de l'association Tolkiendil, à Dominique Vigot d'Elbakin.net ainsi qu'à Alan Reynolds, Patrick H. Wynne et Morgan Thomsen des Mythopoeic et Tolkien Societies, pour leur aide dans le déchiffrage de cette carte. Merci également à Xavier Sanchez et Didier Willis pour leur aide dans la superposition des cartes de Terre du Milieu et d'Europe qui forment l'appendice de cet article. |
Cet article est amené à évoluer au fur et à mesure que les inscriptions sont déchiffrées ou que d'autres informations apparaissent. |
Le vendredi 23 octobre 2015, le quotidien anglais The Guardian publiait sur son site un article annonçant la découverte d'une carte de la Terre du Milieu annotée par Tolkien et jusqu'alors inconnue. Cette carte, découverte dans le volume personnel du Seigneur des Anneaux de l'illustratrice anglaise Pauline Baynes et alors revendue pour la somme importante de 60 000 livres sterling (environ 83 000 euros), comportait de nombreuses informations nouvelles, mais faisait également la lumière sur certaines informations qui n'étaient jusqu'alors présentes que sur une carte dessinée par elle.
En 1969, les éditions Allen & Unwin commissionnent à Pauline Baynes la création d'une carte illustrée de la Terre du Milieu pour un poster. Baynes était une artiste habituée à travailler sur les œuvres de Tolkien, ayant déjà illustré Le Fermier Gilles de Ham en 1949, Les Aventures de Tom Bombadil en 1961 ou encore les couvertures du Seigneur des Anneaux en 1964 et 1969. Qui plus est, Tolkien appréciait généralement ses illustrations (Lettres, p. 193) ; il avait même l'espoir qu'elle puisse illustrer Le Seigneur des Anneaux à sa publication, projet qui resta sans suite faute de moyens. Toujours est-il qu'en 1969, Pauline Baynes et Tolkien étaient à nouveau en contact pour la création de la carte illustrée publiée en 1970.
Jusqu'alors, la seule carte de la Terre du Milieu existante était celle présente dans Le Seigneur des Anneaux, inventée par Tolkien et redessinée au propre par son fils Christopher Tolkien (on la nommera « carte de 1954 » dans la suite). Cette carte diffère sensiblement de celle que les lecteurs connaissent habituellement, dans son format et dans ses informations, car Christopher Tolkien la redessina et la compléta en 1980 lors de son édition des Contes et légendes inachevés1). Néanmoins, aucune des cartes de Christopher Tolkien ne présente les informations présentes sur la carte finale de Baynes et jusqu'alors, nous n'avions pas de carte intermédiaire entre la carte de 1954 et celle de Baynes.
La carte découverte dans les documents appartenant à Pauline Baynes comble ce manque. En effet, il s'agit de la carte de 1954 que Tolkien et Pauline Baynes ont chacun annotée, en vue du dessin final de Baynes. La plupart des remarques sont d'intérêt purement documentaire, car elles se retrouvent sous une forme ou une autre dans la carte finale de Baynes, mais elles permettent une meilleure compréhension de la manière de travailler de Tolkien, sans compter qu'elles permettent de « canoniser » certaines informations de la carte finale dont on ne savait pas si elles venaient de Tolkien-même ou de Baynes seule.
Tolkien a écrit ses remarques soit au stylo-bille vert soit au crayon à papier et celles de Pauline Baynes sont essentiellement écrites au stylo-bille bleu et parfois au crayon à papier. Les scanners de la carte, disponibles sur divers sites, ne proposant pas une définition suffisante, certaines des inscriptions ont été déchiffrées en travaillant la netteté et le contraste des images. Nous fournissons ici les fragments en couleur originale, plutôt que ceux retravaillés.
Notes sur le déchiffrage : les écritures étant parfois difficilement lisibles, certains mots ou expressions sont indéchiffrables ou sujets à caution. Dans ces cas, nous utilisons des crochets italiques avec le mot supposé et un point d'interrogation (par exemple [navires ?]) ou des crochets italiques avec des tirets lorsque le mot ou l'expression est totalement illisible (par exemple [—]). Tous les autres crochets, tirets ou points d'interrogation qui ne sont pas en italiques sont d'un des deux auteurs. Par ailleurs, certains mots ou lettres apparaissent barrés. Lorsqu'ils sont lisibles sous la rature, nous utilisons la forme indice pour le signaler. Ainsi dans « sails », le s final a été barré par l'auteur de la note.
Nous proposons une description de la carte en suivant l'ordre horaire : la partie nord-ouest > nord-est > sud-est pour terminer par la partie sud-ouest qui est aussi la plus intéressante en termes d'informations.
Mise à jour du 11 novembre 2015 : Le 09 novembre 2015, Blackwell’s Rare Books a publié la transcription complète de la carte. Notre article a été mis à jour en conséquence.
Mise à jour du 09 mai 2016 : Le 03 mai 2016, le blog de la Bibliothèque bodléienne d'Oxford a annoncé que la carte avait été acquise par la Bibliothèque bodléienne, bibliothèque où est déjà conservée une grande partie des archives de J.R.R. Tolkien. Selon cet article « La Bodléienne espère pouvoir exposer la carte au public dans un futur proche ».
Fragment 1 | Anglais | Français |
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F horizontal? vertical map of flora/fauna | F horizontal? vertical carte de la flore/la faune |
Le F majuscule qui précède le mot « horizontal » est presque certainement l'initiale du mot « format », Baynes s'interrogeant sur le meilleur format (horizontal ou vertical) à utiliser pour l'illustration.
Les navires et vaisseaux elfiques font référence aux deux bateaux elfiques que l'on observe aux larges des Havres Gris sur la carte finale de Baynes (Fragment 2b). Comme on peut le voir sur la miniature, les navires elfiques se dirigent effectivement vers l'est, en direction des côtes.
Fragment 3 | Anglais | Français |
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Elven-ships small, white or grey. | Navires elfiques petits, blancs ou gris. |
Il s'agit également d'une référence aux navires elfiques du Fragment 2b.
Fragment 4 | Anglais | Français |
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ER Eryn Vorn [black forest] a forest region of dark [pines ?] trees | ER Eryn Vorn [forêt noire] un région boisée d'arbres [pins ?] noirs |
Tolkien a positionné « Eryn Vorn » au stylo-bille vert à l'emplacement adéquat. C'est probablement également lui qui a colorié en gris la portion correspondante, avec le même crayon avec lequel il a entouré ses remarques. Eryn Vorn est absente de la carte de 1954 dessinée par Christopher Tolkien. Il l'a néanmoins rajouté sur sa carte de 1980 dessinée pour les Contes et légendes inachevés, peut-être sur la base de la carte de Baynes. Baynes a suivi la note de Tolkien en dessinant Eryn Vorn entièrement en sapins.
Tolkien a marqué « Hobbiton » au stylo-bille vert entouré au crayon avec une flèche vers sa position sur la carte pour que Baynes dessine le hameau au bon endroit. La lecture de l'indication au crayon, probablement de Baynes, assez incertaine semble bien être « [green] valley, [verte] vallée », ce qui semble cohérent avec le paysage rural du Comté, sans compter que la région est nommée « Green-hill country ». La lecture « green valley » est confirmé par la transcription de Blackwell.
Si l'on suit la route vers le sud, jusqu'au niveau de Tharbad, Tolkien a dessiné en vert une zone marécageuse à la confluence de la rivière « Hoarwell » et d'un autre cours d'eau dont il note le nom, « Swanfleet » également en vert (la fin du nom apparaît sur le quart nord-est juste après la coupure). Le mot écrit en vert et entouré au crayon gris qui surplombe le marécage est « marshes ».
« Hobbiton » est relié à une ligne verticale tracée par Tolkien au stylo-bille vert (cf. Fragment 5). On reviendra sur cette ligne. Néanmoins, si on la suit jusqu'au bas de la part nord-ouest de la carte, on tombe sur le nom « Lond Daer » un port dont Tolkien marque la position au stylo-bille vert avec une flèche vers l'embouchure de la « Greyflood/Gwathló ». Le nom est suivi, au-dessous, d'un second mot qui est « [ruins] » tel qu'il apparaît sur la carte de Pauline Baynes au même endroit. Là encore, il s'agit de la première apparition de ce nom sur une carte. Baynes s'est contenté de mettre « Lond Daer [ruins] » dans l'embouchure sans donner de placement précis, mais Christopher Tolkien, dans sa carte de 1980, place le port sur la section sud de l'embouchure.
Sur le même fragment plus à l'est, on trouve deux ajouts de Tolkien au stylo vert de part et d'autre du nom « Enedwaith » : au-dessus du nom pointant entre le D et le W, se trouve un « H » ; au même endroit, en dessous pointe un « ^ ». Tolkien corrige en fait l'orthographe du mot en « Enedhwaith », ainsi qu'il apparaît sur la carte de Baynes. Il faut noter que l'orthographe non corrigée continue toutefois d'être celle la plus souvent rencontrée sur les cartes publiées.
Sous « Enedwaith », on observe des notes presque effacées de Tolkien au crayon à papier :
Fragment 7 | Anglais | Français |
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Sparse woodlands can be represented where I put pencil shade | Des bois épars peuvent être représentés où j'ai mis du crayonné |
Autour de ce texte, on distingue cinq endroits coloriés au crayon gris montrant les zones de forêt concernées : deux sur les contreforts des Montagnes de Brume, de part et d'autre de la ligne verte horizontale, au-dessus d'Enedwaith à droite du chiffre 2, une à l'embouchure du Gwathló et deux sur le cours de l'Isen, une à droite du nom discernable sur la coupure nord-sud et l'autre à son embouchure. Ces zones semblent confirmer la lecture « Sparse woodland can be represented where I put pencil shade ». Ces morceaux de forêt, repris par Baynes, ne sont pas présents sur les cartes ultérieures de Christopher Tolkien.
Enfin, juste au-dessous du mot « pencilshade » se trouve le nom « Isengard » écrit au crayon avec une flèche circulaire menant à la tour éponyme présente près la coupure du quart nord-est de la carte.
En repartant du nord des Montagnes de Brume et en descendant vers le sud, on distingue d'abord la mention « wolves » écrite et entourée au crayon à papier par Tolkien. Il indique à Baynes l'endroit où dessiner la silhouette de loup visible sur la carte finale.
En continuant au sud, on tombe sur la seconde partie du schéma sur la confluence entre la « Swanfleet » et la « Hoarwell » (cf. Fragment 6 ci-dessus). Outre l'inscription « R. Glanduin », le nom elfique de la rivière traversant les marais de « Swanfleet », écrite en vert et entouré en gris, on voit une astérisque écrite en vert et également entourée en gris par Tolkien. Les informations relatives à cette astérisque sont écrites sur le quart sud-ouest, également en vert et se lisent (cf. Fragment (*)) :
La lecture du mot barré avant Glanduin est très difficile. Nous proposons l'hypothèse [Glandin ?] qui est le nom mal orthographié que l'on trouve sur la carte de 1954. En effet, Tolkien corrige ici à la fois la position et l'orthographe des rivières Swanfleet et Glanduin qui furent mal positionnées sur la carte de 1954 où elles forment des portions du cours de la rivière Isen, à l'extrême sud des Montagnes de Brume (Reader's Companion, p. lxvi). Incidemment, et même si Tolkien indique « R. Swanfleet », en référence au texte dont il donne la référence (III 269), le nom « Swanfleet » ne correspond en fait qu'aux marais et pas à la rivière qui les traverse, comme ce fut corrigé dans la carte de 1980 et les suivantes. À noter que la transcription finale fournie par Blackwell ne propose pas la lecture du mot barré avant Glanduin ni d'ailleurs la portion de phrase que nous lisons « only (to lower) » et qu'ils lisent « [illegible]ing to lower ».
Les chiffres « 275 » et « 420 » sont presque certainement les pages du volume du Seigneur des Anneaux sur lequel s'est appuyée Baynes pour dessiner. On retrouve ces numéros de pages à plusieurs endroits, toujours au stylo bleu ou au crayon : Rivendell « 236 », la Moria « 318 », la Lothlórien « 368 » avec une indécision sur la valeur « 364 — » au crayon en-dessous, entre Cerin Amroth et Dol Guldur « 370 », « 405 » au niveau des Brown Lands, « 413 » au niveau des chutes du Rauros (cf. Fragment 10). Cette hypothèse est confortée par une autre inscription de Baynes (cf. Fragment 14).
Si l'on remonte au niveau de « Dimrill Dale », une inscription de Tolkien au crayon est difficilement lisible. Ce pourrait être « Durin's Stone », le pilier orné de runes laissé là en l'honneur de Durin, le père des nains.
Presque en face, sur les bords de Mirkwood, Tolkien a noté et entouré les lettres FIR au crayon, indiquant probablement là un bois de sapins, fir en anglais. Baynes a d'ailleurs dessiné Mirkwood tout en sapins.
Tout au nord des Montagnes de Brume, Tolkien indique en vert la région d'où sont originaires les Éothéod, les futurs Rohirrim, ainsi que leur ancienne capitale Framsburg, nommée en l'honneur de Fram vainqueur du dragon Scatha, à la confluence des rivières nommées plus tard Greylin et Langwell. « Éothéod » et « Framsburg » apparaissent pour la première fois sur la carte de Baynes, mais ne sont pas présents sur les cartes actuelles de Christopher, à l'inverse des rivières Greylin et Langwell ajoutées par lui, mais absentes de celle de Baynes.
À droite, près de la rose des vents, l'inscription de Tolkien en vert entouré de gris se lit probablement :
Ceci semble être une référence à la rivière « Carnen » dont il note le nom sur son cours : « The Red River (Carnen) ». La rivière affluente, qui descend d'Erebor est la « Celduin ».
Fragment 13 | Anglais | Français |
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Dorwinion [MILDOR ?] [ [Wine-land] ?] [horses] [kine] | Dorwinion [MILDOR ?] [ [Terres viticoles] ?] [chevaux] [bovins] |
Tolkien indique ici pour la première fois, la position du « Dorwinion », ces terres viticoles qui sont citées dans Le Hobbit ; le mot vient remplacer deux mots écrits en vert mais barrés de noir, que l'on devine être, sur le grossissement, le mot « MILDOR » suivi de sa probable traduction « [wine-land] ». Le terme « Mildor », jusqu'alors inédit, est probablement un terme envisagé par Tolkien pour accompagner ou se substituer au terme « Dorwinion » avant qu'il ne change d'avis. On peut supposer que « Mildor » est, comme « Dorwinion », un nom sindarin. Le racine dor commune aux deux termes signifie « terre(s) » ce qui conforte l'idée que « [wine-land] » est une traduction directe de Mildor, avec mil (?) « vin2) ». Immédiatement en-dessous, la mention [chevaux] et [bovins], une indication d'illustration de la faune des plaines de Rhûn que Baynes répercutera sur sa carte.
Fragment 14 | Anglais | Français |
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2 towers teeth of Mordor p. 662 Haunted Pass | 2 tours dents du Mordor p. 662 Col Hanté |
Baynes fait ici référence aux Tours des Dents qui gardent la Porte Noire du Mordor. La présence du numéro de page 662 vient ici conforter l'hypothèse que tous les chiffres précédemment rencontrés et écrits au stylo bleu sont aussi des pages (cf. Fragment 9). Immédiatement en-dessous du paragraphe sur les deux tours de dents, Baynes a marqué en bleu « Grey », probablement pour recourir à cette couleur pour les Montagnes de Cendre (absent de l'image).
En vert, très lisible, on voit « The Undeeps » sur le bord de l'Anduin. A leur droite, le numéro 405 dont on a parlé plus haut, écrit au crayon et immédiatement suivi de :
Fragment 15 | Anglais | Français |
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400 desolate black brown (black swans) | 400 désolé brun< noir (cygnes noirs) |
Les cygnes noirs sont vus par la Fraternité durant leur descente de l'Anduin. Le terme « desolate » et la couleur brun-noir font référence à cette région, les Terres Brunes, des terres abandonnées et cuites par le soleil. On retrouve encore plusieurs numéros de page, 400 qui est peut-être une correction pour le 405 dont on a parlé, 415 déjà cité plus haut et enfin, coupé par la page, probablement « 657 ».
Au niveau de « Helm's Deep », on lit « tower 552 ». A leur droite, suivant les Montagnes Blanches, Baynes a écrit une longue phrase difficilement discernable :
Fragment 16 | Anglais | Français |
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blue & purple peaks of jet topped with snow | pics bleus & violets saupoudrés de neige |
La lecture du milieu de la phrase est vraiment délicate, néanmoins, si l'on compare ce morceau de la carte avec celle de Baynes, il est évident que cette note se rapporte à la couleur utilisée pour les Montagnes Blanches derrière Minas Tirith, un mélange de bleu et violet représentant la neige sur les pics, qui se détache du noir et gris utilisés pour la partie ouest des Montagnes Blanches et pour les massifs du Mordor.
Du côté du Mordor, au niveau de la Porte Noire, il y a également deux notes de Baynes, qui sont « heather bracken, bruyère fougère », soit une référence à la couleur et à la faune des marais, d'ailleurs entourés. Plus bas encore, près d'Ephel Duath, il y a le mot « indigo », pour la couleur à donner au massif.
Au sud et à l'est des Montagnes Blanches, Tolkien a inscrit plusieurs noms en vert. A l'extrême est, on lit « R. Adorn » sur la coupure de la page, le nom et la position « Edhellond » sur la côte à l'embouchure de la Morthond. Puis deux noms rapprochés, « R. Celos » et « Erui », deux rivières affluentes de l'Anduin inférieur. Le nom Celos est relié à une note en vert qui se lit :
Fragment 17 | Anglais | Français |
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If possible the vale between Celos and Sirith should be lettered Tumladen (III 36) | Si possible la vallée entre Celos et Sirith devrait être nommée Tumladen (III 36) |
Le texte est suivi d'un schéma de Tolkien précisant sa pensée sur la position effective de « Tumladen ». Ce nom apparaît dans le Retour du Roi où c'est un refuge pour les femmes, enfants et personnes âgées de Minas Tirith évacués avant la bataille contre les forces du Mordor. Cette vallée n'apparaît sur aucune carte de Christopher Tolkien, seulement sur cette carte et la carte finale de Pauline Baynes.
Enfin, pour finir sur le quart sud-est, de part et d'autre de « Near Harad », Tolkien a écrit au crayon les mots (Camels) et (Elephants), positions où Baynes dessinera les chameaux et éléphants du Harad attendus.
En poursuivant depuis le bord est de la côte du Gondor, on distingue plusieurs notes de Tolkien : la position du cap d'Andrast et du Drúwaith Iaur dont le nom est suivi de l'inscription [Old Púkel-land], lieu de vie du peuple des Drúedain. Une fois encore, ces toponymes étaient absents de la carte de 1954, mais Christopher Tolkien les rajouta dans la carte de 1980.
Dans la mer, trois notes de Tolkien écrites et entourées au crayon sont visibles de part et d'autre de « The Bay of Belfalas ».
Le chiffre 3 fait référence au nombre de mâts des navires gondoriens, qui évolue entre un seul et trois. Là encore, Tolkien oriente Baynes en lui indiquant comment représenter les bateaux : des navires de diverses tailles et mâtures pour les gondoriens et de voilure rouge ornée pour les pirates. Baynes utilisera une voile rouge avec un œil pour les corsaires et des sortes de caravelles pour les gondoriens (cf. Fragment 21).
La dernière partie de la carte est sans doute la plus importante en termes d'informations. Elle est composée de cinq paragraphes de notes, quatre de Tolkien et un de Baynes. Le premier de Tolkien, en vert, a été décrit plus haut sous l'astérisque (*) (cf. Fragment 8). Sous ce paragraphe, Tolkien a marqué deux annotations au crayon qui font référence aux chevaux, bovins, éléphants et chameaux déjà cités précédemment que Baynes devait dessiner.
Tolkien compare ici la bataille aux portes de Minas Tirith aux batailles menées par Pyrrhus Ier d'Épire contre les armées romaines en 280-279 av. J.C.
Immédiatement à gauche du fragment 19, Tolkien écrivit plusieurs lignes au crayon à papier (le passage en gras désigne un morceau de la phrase que Tolkien a repassé en vert) puis d'une dernière au stylo-bille noir :
Ce passage est sans doute le plus intéressant de tous. En quelques lignes, Tolkien remet en contexte sa Terre du Milieu par rapport à notre planisphère. Ainsi, si, contrairement aux affirmations de la journaliste du Guardian, il était connu grâce à ses lettres qu'Hobbiton et Rivendell étaient à la latitude d'Oxford (soit ~51/52° N) ou Minas Tirith à celle de Florence (~43/44° N ; Lettres, p. 526), Tolkien propose ici d'autres références géographiques. Ainsi, malgré l'affirmation trop rapide des journalistes, Tolkien cite la latitude de la ville italienne de Ravenne qui est grossièrement à la même latitude que Florence, uniquement pour situer Minas Tirith, et non pas comme son inspiration. Dans la phrase suivante, Tolkien positionne finalement la Cité Blanche sur la ville serbe de Belgrade (également à la latitude approximative de 43/44° N). Le bas de la carte, à la latitude du Far Harad et à 1450 miles d'Hobbiton, correspondrait à la latitude de la ville de Jérusalem, soit une latitude approximative de 31/32° N. Enfin, la cité d'Umbar serait positionnée sur la latitude de l'île de Chypre (soit environ 33/34° N). Voir ci-dessous notre appendice sur la tentative de superposer la carte de la Terre du Milieu et la carte de l'Europe.
Ce dernier paragraphe est précédé des chiffres « 16 x 16 », probablement une indication d'échelle pour la carte dessinée par Tolkien. Le texte se déchiffre :
Ce dernier écrit est particulièrement compliqué à déchiffrer, car il semble y avoir deux, voire trois paragraphes mélangés : un premier de biais qui va de « ([Could be ?]) » jusqu'à « masted », puis un second horizontal finissant par le mot « pre-steam » qui pourrait également intégrer le 9 et le signe > ou chiffre 7 ; et enfin un troisième, peut-être la suite directe du second, sous la flèche horizontale qui fait référence à Christophe Colomb.
La lecture « small white star on main sail all black 5 masted » fait référence aux navires gondoriens aux voiles décorées d'étoiles dont Tolkien parle précédemment (cf. Fragment 18).
Le second groupe pourrait être compris comme « [weather beaten ?] », et effectivement, le navire gondorien le plus à l'ouest, au large d'Andrast, est sur une mer déchaînée (cf. Fragment 21b) et le bateau pirate a son drapeau rouge qui flotte au vent (cf. Fragment 18). Grâce à la transcription fournie par Blackwell, il s'avère que l'expression est en fait « weatherbeaten galleons ».
Enfin, Baynes fait référence au navire de Christophe Colomb, clairement à destination de ces mêmes navires gondoriens, qu'elle a dessinés sous forme de caravelles (cf. Fragment 18b) suivant la vision classique de ce type de navires (cf. Figure A).
Figure A
La transcription finale de Blackwell permet de voir que le chiffre 9 est associés aux galions battus par les éléments et que c'est le chiffre 7 qui apparaît ensuite.
En considérant les informations laissées par Tolkien sur cette carte, ajoutées à celles de ses Lettres, à propos des latitudes, il nous est possible de tenter une superposition de la Terre du Milieu avec l'Europe afin de percevoir au mieux la grandeur effective de la Terre du Milieu telle que Tolkien la percevait.
Les données que nous possédons sont, en résumé, les suivantes :
À partir de ces correspondances, plusieurs essais de superposition ont été menés.
1. En centrant Minas Tirith sur Belgrade, en latitude et en longitude (villes européennes de référence en vert et villes de Terre du Milieu en rouge) :
Essai 1 : Cartes de Terre du Milieu et d'Europe superposées par nos soins (projection Lambert conique).
2. En positionnant Minas Tirith sur la longitude de Belgrade, mais avec la latitude moyenne entre Ravenne et Florence (villes européennes de référence en rouge et villes de Terre du Milieu en bleu) :
Essai 2 : Cartes de Terre du Milieu (incluant le Beleriand englouti) et d'Europe superposées par nos soins (projection Lambert conique conforme classique).
Comme on peut le constater, il est vain de vouloir faire coïncider à tout prix les latitudes données par Tolkien, qui ne sont que des approximations à titre d'information. Toutefois, on peut constater une certaine cohérence entre les deux cartes, notamment sur les deux tiers supérieurs de la carte de la Terre du Milieu (grossièrement tout ce qui est au nord des Montagnes Blanches). En centrant Minas Tirith sur Belgrade, les latitudes de Florence et Ravenne coïncident également. Il est également tout de suite flagrant que la latitude d'Oxford coïncide presque parfaitement, à quelques degrés nord près, avec celle d'Hobbiton et Rivendell, comme Tolkien l'affirmait. Au sud, toutefois, la coïncidence des latitudes est loin d'être parfaite. Avec ce centrage, il est impossible de faire concorder les latitudes de Troie, Chypre et Jérusalem avec respectivement celles de Pelargir, Umbar et la bas de la carte de Terre du Milieu, comme si la partie sud était « resserrée » vers le nord. En effet, il apparaît clairement que Pelargir et Umbar sont beaucoup plus proches de Minas Tirith que ne le sont la ville de Troie et l'île de Chypre des villes de Belgrade ou de Florence. La raison en est peut-être toute simple : l'essentiel de l'action du Seigneur des Anneaux a lieu sur les deux tiers nord de la carte. Tolkien a sans doute donc pris un soin plus particulier à ses régions, et à leur correspondance avec l'Europe, que pour la partie sud d'Umbar et du Harad qui ne sont que mentionnées et non visitées. On pourrait également noter que dans les deux superpositions, Hobbiton et le Comté tombent sur la Hollande, mais que ça ne fait pas de ce pays une inspiration pour les terres des hobbits, comme Tolkien le fait remarquer dans l'une de ses lettres (Lettres, p. 354).