Regard philosophique sur les significations symboliques de l’anneau dans Le Seigneur des Anneaux

Samuel Bonnaud-Le Roux – 2020

Introduction

J.R.R. Tolkien a toujours pris de la distance avec les multiples parallélismes établis par les commentateurs qui voulaient rapprocher Le Seigneur des Anneaux d'inspirations diverses et variées. Il répondit ainsi un jour à un critique qui avançait que « l'Anneau est, d'une certaine manière, der Nibelungen Ring1) » : « Ces deux anneaux sont ronds, et c'est là leur seule ressemblance2). »

Il serait réducteur, bien sûr, de chercher à ramener une œuvre aussi riche à une seule influence. Tolkien a pu être agacé par les multiples réceptions de son œuvre, qui furent la rançon de son succès. À ses yeux, il était vain par exemple de l’interpréter à tout prix comme une allégorie de la Seconde guerre mondiale3). Tel n’était pas le sens qu’il avait voulu lui donner, même s’il reconnaissait par ailleurs que les sombres années pendant lesquelles il a conçu son œuvre l’ont influencé4).

Pour autant, il n'est pas interdit de s'interroger sur les différentes sources culturelles dans lesquelles a pu puiser Tolkien, plus ou moins délibérément, en ses qualités de philologue et d’érudit. Comme l’ont souligné les universitaires Wayne G. Hammond et Christina Scull5), le thème d’un anneau d'invisibilité est ancien dans la littérature, depuis la philosophie grecque, en passant par Chrétien de Troyes6) et l’Arioste7).

La figure de l’anneau peut renvoyer, à travers l'histoire occidentale, à de nombreuses représentations culturelles. Elle se situe au carrefour de deux tendances contradictoires de prime abord : la simplicité et la richesse. D’un côté, l’objet est petit et discret, mais de l’autre, il est conçu dans un matériau en général peu commun et s’inscrit dans un imaginaire social. Celui-ci est variable selon les époques mais témoigne d’un certain statut. Ensuite, sa forme ronde est importante : dès l’Antiquité, les philosophes ont conçu le cercle, et surtout la sphère, comme des formes parfaites, en raison de leurs propriétés géométriques. Enfin, le contraste entre sa taille modeste et l’immense pouvoir magique qu’on lui prête soulève la question morale du libre arbitre : en situation de déterminer librement et par lui seul son usage de l’Anneau, quelle direction, bien ou mal, le porteur prendra-t-il ?

Dans cet article, nous nous nous proposons d’adopter un angle d’attaque plus rare, en examinant la portée symbolique de l'Anneau de pouvoir dans Le Seigneur des Anneaux, d’un point de vue philosophique. Sans prétendre à l’exhaustivité ni tomber dans le piège de la surinterprétation, il s’agira de s’appuyer sur quelques grands textes de l’histoire de la pensée pour montrer toute la dualité de l’anneau, qui peut symboliser soit la possibilité humaine du mal, soit un lien particulier tissé avec autrui.

Histoire de l’anneau dans l'Antiquité romaine puis dans la Chrétienté

Commençons par poser quelques repères historiques sur l’usage de l’anneau en Occident. L'historien Maximin Deloche, dans une étude de 1893, Le port des anneaux dans l'Antiquité romaine et dans les premiers siècles du Moyen Âge8), s’est penché sur ses significations chez les Romains, puis ses mutations à l'ère de la Chrétienté. Tout d’abord, à l'époque royale, l'anneau était en fer et constituait une marque d'honneur individuelle, remise par le souverain. Sous la République, la noblesse sénatoriale puis tous les sénateurs portaient un anneau d'or. Au IIIe siècle avant Jésus-Christ, les chevaliers romains, c'est-à-dire les citoyens appartenant à l’ordre équestre, possédaient cette décoration, comme les sénateurs et ceux qui leur étaient assimilés ou auxquels les magistrats en avaient fait individuellement la concession. Le reste de la population se servait de la bague en fer. Dans les derniers temps de la République et sous le régime impérial, de nouvelles catégories de citoyens furent pourvues de cette distinction. Les concessions se multiplièrent et eurent lieu souvent en faveur d'affranchis et de gens exerçant les plus vils métiers. Dans le premier tiers du IIIe siècle de l'ère chrétienne, la milice romaine tout entière et, bientôt après, tous les hommes libres de naissance purent porter l'anneau d'or.

Parallèlement, la coutume suivant laquelle le fiancé envoyait à sa fiancée un anneau, comme gage de la promesse de mariage, est attestée chez les Romains : elle est mentionnée par Plaute, au IIe siècle avant notre ère. L’anneau de fiançailles (« anulus pronubus »), était en fer. Ultérieurement, on constate que l’usage de l’anneau comme symbole du mariage s’est généralisé aussi bien chez les Romains que chez leurs envahisseurs germaniques. On voit ici la trajectoire historique qui s’est dessinée en Occident : de marqueur du pouvoir de la position sociale, l’anneau a ensuite symbolisé également l’union et la fidélité.

On retrouve également l’anneau dans le clergé jusqu’à nos jours. Maximin Deloche relève qu’une lettre circulaire, adressée en 511 par le roi des Francs Clovis Ier, atteste qu’à cette époque, les évêques étaient déjà munis d’un anneau pour certaines rites. Mais l’anneau le plus célèbre au sein de l’Eglise reste l’anneau du pêcheur, qui est remis à chaque Pape au début de son pontificat et fait partie de ses insignes pontificaux. Le Pape étant le successeur de Saint Pierre à la tête de l'Eglise, le nom de l'anneau se réfère au passage du Nouveau Testament dans lequel Jésus déclare à Saint Pierre, qui vient de réaliser une pêche miraculeuse à l'endroit où Jésus lui avait dit de jeter ses filets : « Ne crains point ; désormais tu seras pêcheur d'hommes9) ». Selon un rituel établi depuis le XIIIe siècle, cet anneau est le sceau privé du pape, utilisé pour sceller les encycliques, par opposition à la bulle de plomb, son sceau officiel. De nos jours, s'il ne sert plus à sceller, l'anneau du pêcheur reste un insigne du pouvoir pontifical. Après la mort d'un pape, il est solennellement brisé par le cardinal camerlingue, qui dirige le Vatican jusqu'à l'élection du successeur.

La comparaison entre l’anneau du pêcheur et l’Anneau chez Tolkien nous semble intéressante d’un double point de vue. D’une part, les circonstances de leur destruction sont différentes. D’un côté, le sort de l’anneau papal est lié à la vie de son porteur, symbole de son pouvoir spirituel qui perdure à travers les différents titulaires de la fonction. De l’autre, l’Anneau de pouvoir, loin de disparaître avec chaque porteur, dévie inexorablement le cours de sa vie, et plus profondément le cours de l’histoire de la Terre du Milieu. Ce n’est que par le choix délibéré de Frodo d’aller le détruire puis l’enchaînement des circonstances jusqu’à la chute de Gollum que l’Anneau finit par être détruit. D’autre part, on a affaire dans le premier cas à plusieurs exemplaires successifs, tandis que dans le second cas, l’Anneau est un objet unique et autonome.

On peut penser que cette histoire européenne de l’anneau, passé du monde romain à la Chrétienté, a influencé Tolkien10). Dans sa lettre à une lectrice du 26 juillet 1956, Tolkien écrit ainsi : « Si vous relisez tous les passages concernant Frodo et l’Anneau, vous verrez non seulement, je pense, qu’il lui était totalement impossible de se défaire de l’Anneau, en acte ou en pensée, surtout au moment où son pouvoir était le plus fort, mais que son échec était annoncé depuis longtemps. Il a été reçu avec les honneurs parce qu’il avait accepté ce fardeau de son propre chef et avait ensuite accompli tout ce qui était dans les limites, extrêmes, de sa force physique et mentale11) ». Tolkien exalte ici l’humilité de héros discrets comme Frodo. Créature insignifiante au premier regard, ce simple Hobbit, qui n’aspirait qu’à une vie paisible, se retrouve, aidé de son jardinier, au centre d’un combat impliquant tous les peuples. À l’image du Christ qui donne sa vie pour racheter les péchés de l’humanité ou du Pape qui s’engage pour toute sa vie au service de l’Eglise, Frodo accepte de porter le « fardeau », terme récurrent dans l’œuvre pour désigner l’Anneau. À la différence du pape, élu parmi les cardinaux, Frodo n’a pas été choisi par le conseil réuni par Elrond, mais s’est porté volontaire, après avoir constaté la discorde régnant entre les peuples de la Terre du Milieu, incapables de décider ensemble. Par ailleurs, et cette fois à la différence du Christ, Frodo « échoue » dans sa mission : il y parvient presque mais au dernier moment, alors qu’il a consenti tant de sacrifices, il ne peut se résoudre à jeter l’Anneau dans le gouffre. Par ce refus, il laisse une opportunité à Gollum de le lui arracher, même si un ultime coup du sort fait tomber ce dernier en emportant l’Anneau avec lui.

Mais remontons à nouveau dans le temps et explorons une autre dimension spirituelle de l’anneau, tirée de la mythologie grecque : comment l’Anneau s’insère dans la dimension spatiale du récit.

L’anneau de Minos, ou la trajectoire de l’Anneau dans l’espace

L’Anneau de pouvoir imaginé par Tolkien évoque à plusieurs égards la mythologie grecque, qui regorge de récits de quêtes de trésors cachés ou d’objets fabuleux conférant à leur possesseur des pouvoirs magiques. L’histoire de l’anneau de Minos, en particulier, a été analysée par le professeur de littérature grecque Charles Delattre dans son livre Le cycle de l'anneau : De Minos à Tolkien. L’objectif de cet ouvrage est de dégager une structure commune en comparant plusieurs mythes construits autour d’un anneau qui est jeté à la mer par son propriétaire avant de lui revenir, entraînant pour lui des conséquences positives ou négatives. L’auteur se penche, non sur l'anneau en tant que tel, mais plutôt sur le parcours que suit cet objet, jeté à l'eau par son propriétaire, dans l'espoir d'un retour réel ou symbolique. Il se concentre en particulier sur le geste de la jactatio, rituel attesté depuis l’Antiquité. Des fouilles archéologiques ont confirmé cette pratique, qui a perduré jusqu’à nos jours et qui consiste à jeter des pièces dans une source, une fontaine ou un bassin (« stipis jactatio »). Selon Delattre, la jactatio induit une restructuration orthogonale de l'espace, autour de l’horizontalité de l'eau et de la verticalité de la chute de l'objet.

L’anneau de Minos apparaît dans le mythe de Thésée, que l’on peut résumer ainsi. À l’issue de la guerre qu’elle a perdue contre la Crète, Athènes s’est vue imposer la punition suivante : tous les neuf ans, la cité doit livrer sept jeunes hommes et sept jeunes femmes au Minotaure. Une année, lors du tirage au sort, Thésée, le fils du roi Egée, se propose pour combattre le Minotaure et embarque pour la Crète. Lorsque le navire athénien accoste, le roi de Crète, Minos, vient chercher en personne le tribut et tombe amoureux de Périboea, une des jeunes Athéniennes livrées. Périboea appelle Thésée à son secours, qui déclare à Minos qu'en qualité de fils de Poséidon, il est aussi noble que lui, bien que Minos soit le fils de Zeus. Minos prie alors son père Zeus, qui fait jaillir un éclair. Puis, pour mettre Thésée à l'épreuve, Minos lance un anneau dans la mer, et lui ordonne, s'il est vraiment le fils de Poséidon, de le lui rapporter. Thésée plonge immédiatement, avant d’être reçu dans le palais de son père, qui lui remet l'anneau de Minos.

Cette histoire nous est racontée par le poète Bacchylide dans une de ses Odes12). Voici le passage où est mentionné l’anneau de Minos :

Mais, dans son cœur, le gendre du Soleil
Se courrouça ; tramant un dessein inouï,
Il dit : « Zeus à la grande force,
Mon père, écoute-moi. Si c'est de toi vraiment
Que la Phénicienne aux bras blancs m'enfanta,
Lance à l'instant du ciel un éclair prompt
À la chevelure de feu,
Irréfutable signe.
Et toi, si c'est de Poséidon,
Qui fait trembler la terre,
Que la Trézénienne Æthra t'a mis au monde,
Rapporte alors du fond de l'abîme marin
Cet anneau d'or, qui brille sur ma main.
En te jetant sans peur dans le domaine de ton père
Tu vas savoir si le fils de Cronos,
Maître de l'univers et seigneur du tonnerre,
Exauce ma prière.

Cet exploit du héros grec pour prouver son ascendance divine évoque deux passages du Seigneur des Anneaux, qui se répondent symétriquement. Au deuxième chapitre « L’ombre du passé » du livre I de la première partie, Gandalf raconte à Frodo l’histoire de l’Anneau et comment Gollum est entré en sa possession. Faisant partie d’un peuple rattaché aux Hobbits, celui qui était autrefois nommé Sméagol a mis la main sur l’anneau après avoir tué son ami Déagol, qui avait trouvé cet objet scintillant au fond de la rivière. Par le meurtre primordial de son ami13), Sméagol s’accapare l’Anneau et se métamorphose peu à peu en Gollum.

La description de Sméagol brossée par Tolkien montre que, contrairement aux habitudes de ses congénères, ce personnage avait une prédisposition à se détourner de la nature et de ses hauteurs, et à porter son attention vers le sol et ses tréfonds : « [Sméagol] s'intéressait aux racines et aux origines, il plongeait dans les étangs profonds, il fouissait sous les arbres et les plantes en croissance, il creusait dans les monticules verts, et il cessa de lever le regard sur le haut des collines, les feuilles sur les arbres ou les fleurs s'ouvrant dans l'air : sa tête et ses yeux étaient dirigés14). » L’Anneau aurait en quelque sorte accentué cette tendance initiale à se projeter vers le bas, jusqu’à le consumer entièrement et à redéfinir son identité. Alors que dans le récit mythologique, l’anneau jeté vers le bas fait figure d’épreuve et de preuve positives pour le héros qui le rapporte du fond marin, chez Tolkien le fait pour Sméagol de se projeter vers le bas est inscrit dans la nature même du personnage et apparaît d’emblée négative. Elle renvoie à l’idée de fuir le monde vers lequel se dirige habituellement notre regard.

En écho à ce passage, on retrouve au chapitre « La Montagne du destin » le même mouvement, du haut vers le bas. Venant de récupérer l’Anneau au doigt de Frodo, Gollum entame une danse de célébration au bord de l’abîme, qui le précipite dans les flammes avec l’Anneau, scellant sa destruction : « «Trésor, trésor, trésor ! cria Gollum. Mon Trésor ! Oh, mon trésor! » Là-dessus, au moment où ses yeux étaient levés pour contempler son butin, il fit un pas de trop, bascula, balança un moment sur le bord, puis, avec un cri, il tomba. Des profondeurs, monta son dernier gémissement Trésor et c'en fut fait de lui. » Le lecteur est invité à suivre ce mouvement dans l’espace, le récit s’articulant autour d’une double chute : d’une part, la chute physique de Gollum et de l’Anneau dans l’abîme, et d’autre part la chute morale de Gollum causée par l’Anneau.

Cette destruction finale de l’Anneau peut d’ailleurs être rapprochée du passage à Cul-de-Sac, au début de l’ouvrage, où Gandalf demande à Frodo de jeter l’Anneau dans l’âtre pour que les flammes dévoilent ses inscriptions. Le feu joue le rôle de révélateur lorsque Frodo prend connaissance de l’histoire du bijou, puis de destructeur, au terme de sa quête. Se pencher sur l’Anneau renvoie ici à l’idée de s’assurer de la véritable identité de l’Anneau, avant de prendre la décision de son transport vers l’Est. Au lieu de lever le regard pour s’en remettre aux puissants de la Terre du Milieu, Gandalf l’abaisse en plaçant sa confiance dans les plus petits pour changer le cours de la guerre de l’Anneau. Littéralement, il ne prend pas de haut les Hobbits mais mise sur leur grandeur morale, qui finit par forcer le respect des autres peuples15). Le cycle de l’Anneau est bâti autour de cette opposition des gestes et des distances : tiré de l’oubli des eaux, l’Anneau surgit dans le monde pour être le centre des jeux de pouvoir, tandis qu’une ère de la Terre du Milieu se referme définitivement avec sa disparition. Dans les deux cas, il s’agit d’un mouvement du haut vers le bas, comme pour se concentrer sur un petit objet, dont la taille est inversement proportionnelle aux pouvoirs qu’il recèle. Ce symbolisme de la taille se retrouve également chez les personnages. Les peuples les plus grands confient leur salut aux plus petits, les Hobbits, aux talents insoupçonnés : le plus petit des objets, qui contient le mal absolu, est ainsi emporté vers la destruction par le plus petit des êtres. Enfin, la trajectoire verticale de l’Anneau lancé dans l’eau ou dans le feu témoigne du rapport qu’entretiennent les personnages avec l’objet. L’action de jeter un objet vers le sol, qu’accompagne un mouvement du corps vers le bas, revêt ainsi des significations de différents ordres. Là où le héros grec s’élance vers le bijou pour asseoir sa qualité de demi-dieu, ceux de Tolkien s’en dessaisissent pour mettre à nu la fonction assignée à l’Anneau ou bien pour l’anéantir. Dans le premier cas, l’objet est secondaire par rapport à la finalité poursuivie par le personnage, tandis que dans le second, l’objet lui-même constitue un protagoniste à part entière.

L'anneau de Gygès chez Platon, ou la réflexion de Tolkien sur la possibilité du mal

La réflexion conduite par Tolkien sur le mal commis par les hommes peut être rapprochée du mythe de l’anneau de Gygès, qui est rapporté par Platon au début du deuxième livre de La République. Inspiré par Hérodote, il raconte l’histoire d’un berger lydien16), Gygès, qui trouve un anneau lui permettant de devenir invisible. Après qu’un tremblement de terre a causé une ouverture béante près de l'endroit où il faisait paître son troupeau, Gygès découvre par hasard dans le sol ouvert devant lui un anneau d’or. Il se rend compte qu'en tournant vers l'intérieur de sa main le chaton de l’anneau, il peut devenir invisible. Il fait alors en sorte de faire partie des messagers envoyés au palais royal, où il séduit la reine, complote avec elle et assassine le roi pour s’emparer du pouvoir.

Le récit intervient à un moment où Socrate et ses interlocuteurs tentent de définir le concept de justice. Après l’intervention de Polémarque, selon lequel la justice consiste à « faire du bien aux amis et du mal aux ennemis » (332), le sophiste Thrasymaque soutient que la justice n’est rien d’autre, au fond, que l’intérêt du plus fort et que « Personne n’est juste volontairement, on est juste par contrainte » (360c). C’est alors qu’intervient Glaucon, autre protagoniste du dialogue, qui s'adresse à Socrate, pour poursuivre le débat initié par Thrasymaque. Sa conclusion est la suivante :

Si donc il existait deux anneaux de cette sorte, et que le juste reçût l'un, l'injuste l'autre, aucun, pense-t-on, ne serait de nature assez adamantine pour persévérer dans la justice et pour avoir le courage de ne pas toucher au bien d'autrui, alors qu'il pourrait prendre sans crainte ce qu'il voudrait sur l'agora, s'introduire dans les maisons pour s'unir à qui lui plairait, tuer les uns, briser les fers des autres et faire tout à son gré, devenu l'égal d'un dieu parmi les hommes. En agissant ainsi, rien ne le distinguerait du méchant : ils tendraient tous les deux vers le même but. Et l'on citerait cela comme une grande preuve que personne n'est juste volontairement, mais par contrainte, la justice n'étant pas un bien individuel, puisque celui qui se croit capable de commettre l'injustice la commet. Tout homme, en effet, pense que l'injustice est individuellement plus profitable que la justice, et le pense avec raison d'après le partisan de cette doctrine. Car si quelqu'un recevait cette licence dont j'ai parlé, et ne consentait jamais à commettre l'injustice, ni à toucher au bien d'autrui, il paraîtrait le plus malheureux des hommes, et le plus insensé, à ceux qui auraient connaissance de sa conduite ; se trouvant mutuellement en présence ils le loueraient, mais pour se tromper les uns les autres, et à cause de leur crainte d'être eux-mêmes victimes de l'injustice. Voilà ce que j'avais à dire sur ce point17).

L’histoire racontée par Platon nous fait réfléchir sur l’origine de la morale. Adoptons-nous un comportement moral à l’égard des autres parce que nous avons peur d’être punis si nous ne respectons pas les règles sociales ? Ou bien est-il possible d’envisager une conception plus authentique de la moralité, qui fait de la pratique du bien moral un choix personnel ? Glaucon défend l'idée que nous pratiquons la justice par contrainte, et non par choix. Si un homme avait la possibilité de devenir invisible, c’est-à-dire d’échapper à toute sanction de la part de ses congénères, alors il abandonnerait toute morale. Dans le récit de Platon, dès que Gygès a la certitude de rester impuni, grâce au pouvoir que lui confère la bague, le berger laisse libre cours à ses désirs les plus sombres : il court au palais, s’unit à la reine, et tue le roi.

Précisons que Socrate défend la thèse inverse de Glaucon, appelée intellectualisme moral, que l’on résume en général par la formule « nul n’est méchant volontairement18) ». Autrement dit, il n’y a pas en l’homme une volonté mauvaise qui le ferait mal agir en connaissance de cause ; les hommes font le mal en pensant faire le bien. Dans la conception socratique, le bien résulte de la connaissance de l’idée du Bien : la vertu est comprise comme une science, tandis que la méchanceté est de l’ordre de l’ignorance. Platon, qui endosse cette thèse, considère donc que l’homme qui fait le mal se trompe : le mal n’est pas une faute imputable à sa volonté mais une erreur par manque de savoir. Dans Le Seigneur des Anneaux, cette interrogation de Platon revient en permanence : les personnages mettant la main sur l’Anneau accomplissent-ils le mal sciemment ou bien à leur insu, si l’on considère que c’est en réalité l’Anneau qui poursuit sa volonté propre en provoquant le mal chez ceux qui le portent ou le convoitent ?

Chez Tolkien, l’Anneau ne se contente pas de rendre son porteur invisible, il lui confère également des pouvoirs qui paraissent proportionnels à leur puissance initiale. Tous les personnages dont le destin croise l’Anneau se trouvent confrontés à la tentation et seuls certains sages comme Galadriel, Gandalf ou Aragorn parviennent à trouver la force d'âme de le refuser, voyant qu’ils ne pourront résister à sa corruption. Le personnage de Gollum se rapproche de celui de Gygès dans la mesure où, dès qu’il prend possession de l’Anneau, il devient littéralement asocial et s’affranchit de toute règle de vie en commun. On pourrait néanmoins objecter qu’à la différence de Gygès, sa métamorphose intervient plus tôt, puisqu’il tue avant d’avoir l’Anneau, précisément pour l’acquérir. Le personnage de Boromir est un cas également intéressant mais différent. Considérant que l’Anneau pourrait être retourné contre Sauron, Boromir pense poursuivre le bien commun du Gondor, à la fois par piété filiale et amour de son peuple. Il pèche par naïveté, en ne voyant dans l’Anneau qu’une source de restauration de la splendeur passée du Gondor, sans percevoir qu’en réalité l’utilisation de l’Anneau par les Hommes ferait précisément le jeu de Sauron.

Etudier les relations entre chaque personnage tenté par l’Anneau et ce qu’il est amené à faire pour l’obtenir nous amène ainsi à une question centrale de la philosophie morale, celle de la responsabilité individuelle de nos actions. L’Anneau illustre, à notre sens, une réflexion de Tolkien sur cette responsabilité, qui se situe au point d’articulation entre la liberté humaine et la moralité. Examinons cette question à la lueur de la pensée kantienne.

Moralité et liberté chez Kant, ou l’Anneau comme symbole de la capacité humaine de se donner et de suivre ses propres lois sur le bien et le mal

Kant a critiqué la thèse platonicienne – nul n’est méchant volontairement – et a défendu une vision différente de l’expérience humaine, articulée autour de deux affirmations : d’une part, le choix du mal dépend de la volonté et en rend donc l’homme responsable, et d’autre part les hommes ne sont pas mauvais par nature mais sont enclins à un penchant au mal. Comment comprendre, par exemple, l’existence du mal chez des hommes ordinaires, qui ne sont ni des animaux ni des monstres ? Dans La religion dans les limites de la simple raison, il décompose la nature humaine en deux facettes : sa sensibilité, c’est-à-dire sa capacité à éprouver des désirs et des pulsions, qui le rattache à la nature et au monde animal, et la raison pratique, à savoir la capacité qu’a l’homme de s’extraire de l’ordre naturel, à travers notamment la morale et le droit. Kant souligne que la sensibilité, à elle seule, est innocente car elle ne peut être soumise au jugement moral, qui ne peut porter que sur des conduites dans laquelle la personne est capable de se détacher des inclinations naturelles et libre de consentir par la volonté. Kant en conclut que « pour donner un fondement moral du mal dans l’homme, la sensibilité contient trop peu ; car, en ôtant les motifs qui peuvent naître de la liberté, elle rend l’homme purement animal19) ». C’est donc vers la raison pratique qu’il faut se tourner pour enquêter sur l’origine du mal.

L’homme n’est justement pas un animal comme les autres, dans la mesure où il n’est pas entièrement formaté par le déterminisme de la nature. Il est capable d’agir pour des motifs, qui le rendent responsables aux yeux des autres. Le fondement du mal moral réside dans la capacité de l’homme à se donner pour sa conduite ses propres lois, qui sont différentes de la loi naturelle. Selon Kant, en tant qu’être de raison, l’homme a une disposition morale, qui lui fait se représenter la loi morale qui l’oblige. Kant considère que la raison consiste à pouvoir déterminer sa volonté par la loi morale, ce qui n’est possible qu’en s’extirpant des inclinations naturelles, et tout particulièrement de l’amour de soi, qui tend à la satisfaction de ses désirs et intérêts personnels. Cette faculté de délibérer avec soi-même, entre poursuite de son intérêt bien compris et prise en compte d’un intérêt général qui le transcende, peut être illustrée par la figure de Galadriel. Au chapitre « Le miroir de Galadriel », celle-ci résiste à la tentation et refuse de prendre l’Anneau que lui propose librement Frodo. « Durant maintes longues années, j'avais réfléchi, s’écrit-elle, à ce que je pourrais faire si le grand Anneau venait entre mes mains, et voyez ! Il a été mis à ma portée. Le mal tramé il y a longtemps se poursuit de bien des manières, que Sauron lui-même demeure ou tombe. (…) Je soutiens l'épreuve, dit-elle. Je diminuerai, j'irai dans l'Ouest, et je resterai Galadriel. »

Le problème du mal se noue ainsi au croisement de deux motifs, moral et sensible, qui sont en concurrence. L’homme est enclin à préférer ce qui le rendrait heureux plutôt que ce qui le rendrait moral, ce que Kant nomme le « penchant au mal ». Lorsque les deux aspirations se confrontent, il est tentant de faire prévaloir la réalisation de son désir sur l’accomplissement du devoir moral. Par conséquent, selon Kant, lorsque nous cédons à la tentation de suivre nos désirs au lieu de faire le bien, nous sommes entièrement responsables de ce choix. La raison en est, non pas le postulat d’une méchanceté innée, mais celui d’un mauvais emploi de notre liberté, qui repose sur une double possibilité d’accomplir le bien ou le mal, présente au cœur de la nature humaine.

La figure de Gollum, tiraillée entre le mal et le bien, nous semble illustrer cette vision kantienne du libre-arbitre humain. Elle nous ramène à la question, ancienne en philosophie, de savoir si le mal chez l’homme provient d’un acte libre et volontaire de la part de celui qui le commet ou bien s’il découle de causes extérieures. Cette interrogation peut être conduite à différents stades : à celui de l’intention, pour déterminer si le mal a été effectué en connaissance de cause, ou bien au stade des conséquences, en se demandant si l’agent a calculé ou anticipé les effets de son action. Elle peut ensuite être complexifiée selon la distance focale qu’on adopte : se place-t-on du point de vue direct de l’agent et de ses connaissances limitées, ou bien prend-t-on en compte toutes les déterminations extérieures qui l’influencent, parfois à son insu ?

Appliquée au personnage de Gollum, la question revient à se demander quelle est exactement l’influence de l’Anneau de pouvoir sur son comportement. Est-il complètement transformé par le bijou au point que celui-ci lui fasse accomplir à son insu sa volonté propre, ou bien conserve-t-il son libre-arbitre, comme le laisse penser certaines fulgurances, exprimées dans ses dilemmes et ses dialogues avec lui-même ? À la lecture de certains passages du Seigneur des Anneaux, on peut penser que l’Anneau est l’élément corrupteur et déclencheur du mal chez Gollum. Par exemple, lors de l’ascension par Frodo de la Montagne du Feu pour détruire l’Anneau, on peut estimer que Gollum ne pense plus par lui-même. Il est tellement obnubilé par l’envie de récupérer l’Anneau que son discernement semble aboli, au point qu’on peut se demander ce qu’il reste de sa responsabilité individuelle. Devenu esclave de ses désirs et de ses pulsions, il a perdu sa liberté, et ainsi la possibilité de faire le bien. Gollum finit en quelque sorte par s’identifier totalement à l’objet de son désir. La métamorphose de sa personnalité finir par lui ôter jusqu’à la qualité de sujet à part entière d’une société, ce qui se traduit sur le plan du langage. D’une part, il parle de lui à la troisième personne, et d’autre part, son nom, qui n’est qu’un surnom, correspond à un simple bruit guttural. Charles Delattre écrit à cet égard, dans « Du Cycle de l’anneau au Seigneur des Anneaux », que « son goût du secret, sa hargne et sa méchanceté foncière sont résumés par l’attribution du répugnant surnom de Gollum20) ».

Néanmoins, une lueur d’optimisme demeure constamment, comme si la transformation de la personne qu’il fut n’était pas complètement achevée. Le pouvoir maléfique de l'anneau et les actions qu’il provoque chez Gollum sont contrebalancés par la compassion de Frodo qui, contrairement à Sam, ne voit pas en lui un cas désespéré. En retour, Gollum fait preuve d’élans de sympathie qui révèlent la persistance d’un bon fond. Gandalf le dépeint ainsi lorsqu’il raconte sa rencontre avec Bilbo au chapitre « L’ombre du passé » : « Même Gollum ne fut pas entièrement ruiné. Il s'était révélé plus résistant que l'un des Sages mêmes ne l'aurait deviné comme l'aurait pu un Hobbit. Il y avait un petit coin de son esprit qui lui appartenait encore, et la lumière vint par-là, comme par un interstice dans les ténèbres : une lumière venue du passé. »

En général, la relation entre Gollum et l’Anneau est abordée à partir d’un angle psychologique, qui consiste à demander de quel trouble mental est affecté Gollum21) (dédoublement de personnalités ou schizophrénie par exemple). Nous lui préférons ici une lecture morale. L’Anneau finit par posséder Gollum : tous deux sont à la fois sujet et objet l’un pour l’autre. Cette relation privilégiée à l’Anneau finit par le couper des autres. Contrairement à ce qui est souvent soutenu, Gollum ne nous semble pas incarner le manichéisme. Il témoigne en réalité d’une vision plus fine de la lutte morale intime que connaît chacun d’entre nous. Il ne s’agit pas d’opposer deux grands principes extérieurs, que seraient le Bien et le Mal, ou la Lumière et la Nuit, mais plutôt de décortiquer ces deux tendances au sein de la volonté et du comportement humains. Plutôt qu’une opposition tranchée entre deux entités transcendantes, le personnage de Gollum illustre l’idée qu’il existe une possibilité intérieure de nous orienter vers le bien comme vers le mal.

Cette analyse est corroborée par un passage du premier chapitre du Silmarillion, qui livre la vision qu’a Tolkien du libre-arbitre humain. Il y est question d’Eru Ilúvatar, le dieu créateur de l’univers : « Et il souhaita que les cœurs des Humains soient toujours en quête des limites du monde et au-delà, sans trouver de repos, qu’ils aient le courage de façonner leur vie, parmi les hasards et les forces qui régissent le monde, au-delà même de la Musique des Ainur, elle qui fixe le destin de tous les autres êtres22). » Ainsi, alors que les autres créatures sont prédéterminées, les Hommes, auxquels sont apparentés les Hobbits, ne deviennent bons ou mauvais que par leurs choix et leurs actes : à la différence des autres peuples, la partition n’est pas écrite, c’est à eux qu’il revient de la composer et de l’interpréter.

À la lueur de la distinction kantienne entre monde sensible et monde intelligible, on peut se demander à quel niveau l’Anneau influence ceux qui le convoitent ou l’utilisent : agit-il plutôt sur la sensibilité ou sur la raison ? À notre sens, les deux sont affectées mais selon un degré d’intensité variable en fonction des personnages. Chez Boromir et Sam, par exemple, l’emprise de l’Anneau joue surtout sur le plan rationnel. Lorsque Boromir tente de prendre l’Anneau à Frodo, il est pris de folie, comme s’il n’agissait plus lui-même mais que l’Anneau poursuivait sa propre volonté à travers lui. De même, Sam semble avoir perdu la raison quand, après avoir libéré Frodo au sommet de la tour de Cirith Ungol, il se montre réticent à lui rendre l’Anneau : l’espace d’un instant, son devoir de soutenir son maître semble s’éclipser au profit de la convoitise. En revanche, chez Gollum, l’accent est davantage mis sur le terrain sensible : il est comme possédé physiquement par l’Anneau, comme le montre l’aspect repoussant de son corps, qui frappe la vue de tous ceux qu’il rencontre.

La figure de l’anneau dans la pensée de Nietzsche, ou la réflexion de Tolkien sur le temps, la joie et le désir

Enfin, il est un dernier ensemble de thèmes chers à Tolkien que nous nous proposons d’analyser à la lueur de la pensée de Nietzsche. Chez ce dernier, dont l’écriture poétique tranche par rapport au style habituel des autres philosophes, la figure de l’anneau revient à plusieurs reprises. Elle doit se comprendre en lien avec deux grandes idées de son œuvre, la vie et l’éternel retour, dont il faut dire préalablement quelques mots.

Nietzsche part de l’idée que tout organisme vivant est animé par une volonté de puissance, c’est-à-dire une pulsion fondamentale qui tend constamment à s’élever et à augmenter sa propre puissance. Les valeurs elles-mêmes sont issues de cette logique de puissance, chaque organisme faisant le pari que ses valeurs lui permettront d’accroître sa puissance. Dans Par-delà bien et mal23), Nietzsche analyse l’histoire de la philosophie occidentale, depuis l’Antiquité, comme ayant condamné cette volonté de puissance. Il critique la tendance des métaphysiciens à établir une vérité pure et universelle, en particulier Platon qui, avec l’allégorie de la Caverne racontée dans La République, a inventé le Bien en soi. Cette tendance s’est prolongée à ses yeux avec le christianisme, qui a opéré une inversion des valeurs en privilégiant des valeurs hostiles au libre déploiement de la vie, comme la pitié, l’humilité ou encore la culpabilité. Nietzsche entend libérer les hommes des idéaux éthérés conçus par la philosophie morale platonicienne et la religion chrétienne, et créer à la place de nouvelles valeurs qui correspondent à ce qu’est la vie. C’est pourquoi toute son œuvre est traversée par un projet de « transvaluation des valeurs » : il s’agit de réévaluer les valeurs humaines traditionnellement admises à l’échelle collective.

Contre la volonté d’affirmer un absolu qui vaut selon tous les points de vue, Nietzsche défend un perspectivisme, c’est-à-dire l’idée que chaque être vivant perçoit le monde environnant depuis une certaine perspective. Sur le plan des valeurs, cela signifie affirmer de manière hypothétique une interprétation et observer quelles en sont les conséquences en pratique, sans prétendre à une réponse définitive. Autrement dit, il importe pour lui de transformer des valeurs négatives et réactives, en valeurs affirmatives et actives, exaltant la vie. Lever l’entrave de valeurs qui affaiblissent l’homme, c’est pour lui devenir soi-même créateur de valeurs, c’est faire le pari d’essayer de forger de nouvelles valeurs par l’action. Plutôt que d’essayer de définir une fois pour toutes ce qu’est le Bien, Nietzsche se demande pourquoi il nous faut préférer le bien au mal.

L’interrogation nouvelle sur la raison d’être des valeurs amène les idées de l'éternel retour et du surhomme : le surhomme est celui qui, en sa qualité de créateur de valeurs, s’approprie entièrement le monde et parvient à imposer des valeurs qui méritent de se répéter indéfiniment. L’éternel retour, qui continue de nourrir de nombreuses interprétations, est une forme d’expérience de pensée sur le rapport que nous adoptons avec notre propre vie. Il peut être résumé schématiquement comme l’idée de conduire sa vie de sorte qu’on puisse souhaiter qu’elle se répète à l’infini. Dans Ainsi parlait Zarathoustra, partie III, Le convalescent, Nietzsche écrit : « Toutes les choses reviennent éternellement, et nous-même avec elles. Tout s'en va, tout revient ; éternellement roule la roue de l'être. Tout meurt et tout refleurit, éternellement se déroule l'année de l'être. ». Le thème de l’éternité est également présent dans la deuxième Considération Inactuelle, avec l’image de l’anneau et du serpent lové.

Cette figure du serpent qui boucle sur lui-même est inspirée de l’« οὐροϐόρος » (« ourobóros »), qui signifie littéralement « qui se mord la queue ». L’ouroboros est un dessin ou un objet représentant un serpent ou un dragon qui se boucle sur lui-même. L’anneau incarne donc l’idée d’une éternité de l’instant et d’un cycle infini. On se situe dans un réseau unique de causes où tout est enserré, sans qu’on puisse distinguer ce qui détermine et ce qui est déterminé, comme dans un cercle où le commencement et la fin se confondent. Chez Tolkien, l’anneau de Barahir, forgé à Valinor par les Noldor et transmis ensuite jusqu’à Aragorn, n’est pas sans rappeler l’ourobóros puisqu’il représente deux serpents aux yeux d'émeraude, le premier dévorant l'autre qui est couronné de fleurs d'or.

Dans Ainsi parlait Zarathoustra, la formule « Ô comment ne serais-je pas ardent de l’éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux — l’anneau du devenir et du retour ? » est scandée comme un refrain à sept reprises dans le chapitre qui clôt la troisième partie, intitulé « Les sept sceaux ou le chant de l’alpha et de l’oméga24) ». Ce chapitre se termine sur l’apostrophe suivante :

Si jamais j’ai déployé des ciels tranquilles au-dessus de moi, volant de mes propres ailes dans mon propre ciel :
Si j’ai nagé en me jouant dans de profonds lointains de lumière, si la sagesse d’oiseau de ma liberté est venue : —
— car ainsi parle la sagesse de l’oiseau : « Voici il n’y a pas d’en haut, il n’y a pas d’en bas ! Jette-toi çà et là, en avant, en arrière, toi qui es léger ! Chante ! ne parle plus !
— « toutes les paroles ne sont-elles pas faites pour ceux qui sont lourds ? Toutes les paroles ne mentent-elles pas à celui qui est léger ? Chante ! ne parle plus ! » —
Ô comment ne serais-je pas ardent de l’éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, l’anneau du devenir et du retour ?
Jamais encore je n’ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n’est cette femme que j’aime : car je t’aime, ô éternité !
CAR JE T’AIME, Ô ÉTERNITÉ ! »

Plus loin dans l’ouvrage, on retrouve l’anneau dans le chapitre pénultième, « Le chant d’ivresse », de la quatrième partie. Nietzsche s’y exclame :

Toute joie veut l’éternité de toutes choses, elle veut du miel, du levain, une heure de minuit pleine d’ivresse, elle veut des tombes, elle veut la consolation des larmes versées sur les tombes, elle veut le couchant doré —
— que ne veut-elle pas, la joie ! elle est plus assoiffée, plus cordiale, plus affamée, plus épouvantable, plus secrète que toute douleur, elle se veut elle-même, elle se mord elle-même, la volonté de l’anneau lutte en elle, — (…)25)

Ce ton prophétique de Nietzsche associe l’image de l’anneau à trois thèmes qui sont très présents dans Le Seigneur des Anneaux : le temps, la joie et le désir.

D’abord, l’Anneau unique, par sa forme, est le symbole d’un cycle de la nature perpétuellement renouvelé, qu’il s’agisse du rythme des saisons ou du déplacement de la lune. On peut noter à cet égard que contrairement aux trois Anneaux des Elfes, Narya, Nenya et Vilya, qui sont les plus puissants après l’Anneau unique, ce dernier n’altère pas le changement. En effet, le chapitre « Les Anneaux de Pouvoir et le Troisième Âge » du Silmarillion26) décrit leurs pouvoirs comme permettant d’échapper à l’écoulement du temps, de sorte qu’ils peuvent être interprétés comme une marque d’un éternel retour. Cela se traduit par exemple par l’absence de saison en Lothlórien. En revanche, ces trois Anneaux sont liés au sort de l’Unique et ne conservent leurs pouvoirs que tant qu’il existe. D’autre part, le texte de Nietzsche met en relief le fait qu’il n’est pas possible de dire où le métal doré et lisse d’un anneau commence ou s’arrête : sa forme et son apparence sans bordure font qu’il n’a ni début ni fin. Les porteurs de l’Anneau, mortels, ne font que parcourir la Terre du Milieu, mais leur parure se transmet de génération en génération. Le métal est une matière impérissable qui témoigne d’un passé qui n’est pas complètement perdu et établit de la continuité dans des vies humaines marquées par la finitude. À la fin du Seigneur des Anneaux, le lecteur peut néanmoins s’interroger sur ce qu’il advient de Frodo, qui embarque avec son oncle Bilbo aux côtés des Elfes pour les Terres immortelles.

Ensuite, l’anneau incarne par sa forme la joie qui « se mord elle-même », au sens où nous souhaiterions que chaque moment de joie se prolonge indéfiniment. En ce sens, la joie ne « désire » rien d’autre que sa propre expansion, son propre prolongement à l’infini. L’anneau n’y est pas un simple objet porté sur le doigt mais se rapproche d’un personnage à part entière. D’un côté, il est un instrument qui concentre pour chaque porteur le choix qui lui est ouvert de se servir de son pouvoir pour faire le bien ou le mal, d’un autre côté il semble être animé d’une volonté autonome, de même que la joie fait l’objet d’une personnification chez Nietzsche. Il est frappant de constater que, chez Tolkien, l’emprise de l’Anneau sur son porteur peut être décrite avec les mots mêmes de Nietzsche : la volonté de puissance de l’Anneau « lutte en [lui] », elle « se mord elle-même » et est toujours « affamée ».

En revanche, si le thème de la joie traverse Le Seigneur des Anneaux, il y est valorisé d’une tout autre manière. L’Anneau unique ne véhicule en effet aucune joie. Ce serait même exactement le contraire : il fait office de prison pour son porteur, qui se recroqueville sur ses passions. Cela contraste avec la joie simple mise en scène par Tolkien, celle qui est partagée avec ses proches, autour d’un bon feu ou d’un repas. La joie des moments passés avec ceux qui nous entourent est expansive dans l’espace et dans le temps car elle conduit chacun à sortir de ses désirs ressentis en son for intérieur pour se projeter vers l’extérieur. En un sens, elle se renouvelle en permanence, à l’image de la volonté de l’anneau nietzschéen. Lorsqu’il décrit le mode de vie hobbit, Tolkien met en avant des valeurs qui rappellent au lecteur la mise en pratique d’une forme de sagesse épicurienne, consistant à poursuivre les désirs naturels et nécessaires et à ne pas s’égarer dans la quête de désirs de possession, qui sont vains puisque jamais rassasiés. Elle s’exprime par exemple dans Le Hobbit27), à travers le dialogue d’adieu entre Bilbo et Thorïn :

Bilbo, empli de chagrin, mit un genou en terre : « Adieu, Roi sous la Montagne ! dit-il. C’est une amère aventure, si telle doit être sa fin : et une montagne d’or ne pourrait l’amender. Je suis pourtant heureux d’avoir pris part à vos périls – c’est plus que n’en mérite un Baggins.
— Non ! dit Thorïn. Il y a plus de bon en vous que vous ne le soupçonnez, fils de l’aimable Ouest. Un mélange de courage et de sagesse, en juste proportion. Si un plus grand nombre d’entre nous préféraient la nourriture, la gaieté et les chansons aux entassements d’or, le monde serait plus rempli de joie. Mais, triste ou joyeux, il me faut maintenant le quitter. Adieu ! ».

Enfin, l’idée d’une volonté qui lutte rejoint nos développements précédents sur le conflit intérieur de chacun, tiraillé entre la poursuite de ses propres intérêts et la prise en compte des intérêts des autres et des contraintes environnantes. Cette volonté de vivre et d’être heureux est à la fois celle de l’être vivant qui l’éprouve tout au long de son existence et celle de la joie elle-même, force vive qui cherche à s’émanciper. Mais elle illustre également la manière dont Tolkien aborde les liens entre le désir et le bonheur dans Le Seigneur des Anneaux. À cet égard, Tolkien nous paraît s’inscrire dans les pas des philosophes stoïciens et épicuriens de l’Antiquité, en mettant en avant la nécessaire régulation de nos désirs, qui ont tendance à n’être jamais assouvis lorsqu’ils portent sur des biens matériels. L’idée est que la satisfaction du désir d’un objet, par exemple, va nous conduire à jeter notre dévolu sur d’autres objets plus élaborés ou plus rares, et ainsi de suite dans une cupidité sans borne.

En l’occurrence, l’Anneau n’est pas un simple objet comme les autres, en raison de la puissance magique qu’il accorde, mais les sentiments qu’il déclenche illustrent le fonctionnement du désir humain. Son caractère unique rend compte du fait que lorsque plusieurs personnes convoitent un même objet, chaque désir individuel est exclusif des autres. À l’inverse, des biens qui ont vocation à être partagés, comme l’herbe à pipe ou un fût de bière, ne déclenchent pas un réflexe propriétaire puisque leur raison d’être est d’expérimenter la vie en commun. Tolkien prône ainsi, à travers la description de certains modes de vie, en particulier hobbit et nain, un bonheur simple, à portée de main, qui repose sur l’amitié, celle par exemple qui unit Frodo à Sam. Cette conception de l’amitié va de pair avec une sagesse qui valorise la simplicité des objets que nous désirons. Pour être véritablement heureux, nous montre-t-il, il importe de s’appuyer sur des biens pérennes qui, parce qu’ils sont immatériels, n’exigent pas que nous accumulions des propriétés tangibles. L’amitié nous apporte bien plus de bonheur que la possession d’un objet, aussi précieux soit-il, car elle diffuse de la joie.

Le danger le plus insidieux de l’Anneau réside dans le fait qu’en dépit du pouvoir apparent qu’il accorde sur le monde extérieur, il conduit en réalité son porteur à s’en éloigner. Car le désir d’acquérir ou d’utiliser l’Anneau à des fins personnelles incite à ne plus envisager, en termes kantiens, autrui comme une fin mais à le considérer comme un simple moyen d’assouvir sa soif de domination. Pire, ce désir finit inéluctablement par se retourner contre celui qui l’éprouve : c’est lui qui devient l’instrument de l’Anneau et non l’inverse. Il faut donc une grande lucidité pour résister à une perversion aussi subtile car c’est au nom du bien que certains pensent pouvoir l’utiliser pour le retourner contre Sauron. Cette crainte est exprimée au chapitre II « L’ombre du passé », lorsqu’en réponse à Frodo, qui lui demande si, en raison de sa sagesse et de sa puissance, il peut prendre l’Anneau, Gandalf refuse en s’écriant : « Car je ne souhaite pas devenir semblable au Seigneur Ténébreux lui-même. Pourtant le chemin de l'Anneau vers mon cœur passe par la pitié, la pitié pour la faiblesse et le désir de la force pour faire le bien. Ne me tentez pas ! Je n'ose le prendre, pas même pour le garder en sûreté, inemployé. Le désir de l’utiliser serait trop grand pour ma force. Je vais en avoir un tel besoin ! ». Par devoir, Gandalf parvient à résister à cette tentation, d’autant plus séduisante qu’elle part d’une noble intention, car il anticipe l’impossibilité de refermer une telle boîte de Pandore, une fois ouverte.

Conclusion

A la lueur du texte mythologique et des textes philosophiques que nous avons parcourus, nous avons illustré comment différents symboles s’entrelacent dans l’Anneau unique de Tolkien. Symbole ambivalent, il peut évoquer non seulement la tentation et la séduction, mais aussi l’alliance et la fidélité. Comme l’étymologie le laisse entendre, l’anneau est chez Tolkien au croisement du symbolique, « ce qui rassemble » (chez les Grecs, le « symbolon » était un objet servant de marque de reconnaissance entre initiés), et du diabolique, « ce qui divise » (« diabolikos » signifiant en grec « calomniateur »). Tandis que les premiers anneaux de pouvoir qui furent confiés aux Elfes, aux Nains et aux Hommes reflètent une telle dualité, l’Anneau unique est entièrement diabolique.

Dans l’œuvre de Tolkien, l’Anneau, par sa petite taille, concentre la lutte intérieure qui se joue au sein chaque individu entre le bien et le mal, ainsi que le rapport de force pour le pouvoir. Son rôle est ambigu : il permet d’un côté de rendre un corps invisible et de tirer parti de cet avantage pour accomplir le meilleur comme le pire, mais de l’autre, en dépit de son pouvoir magique, il n’absout pas son porteur de toute responsabilité individuelle. Bien au contraire, le pouvoir d’invisibilité offert par l’anneau met en exergue l’exercice de notre libre-arbitre et la nécessité permanente de le concilier avec notre relation aux autres.

Enfin, l’Anneau peut être destructeur à différents titres : lorsque son possesseur le passe autour de son doigt mais aussi lorsqu’il n’est pas porté mais qu’il est simplement convoité par tous ceux qui cherchent éperdument à se l’approprier. De ce point de vue, l’Anneau de pouvoir mis en scène par Tolkien nous fait réfléchir au désir humain, à son caractère parfois insatiable et à la manière de le canaliser en accordant du prix à des choses simples et à des moments partagés, qui procurent finalement une joie plus profonde et durable.

Bibliographie

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  • Évangile selon Luc, traduction Augustin Crampon, 1923.
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  • Platon, La République, livre II, 359b-360d, traduction Victor Cousin.
  • Platon, Protagoras, traduction Frédérique Ildefonse (dir.), Paris, Flammarion, 1997.
  • Vincent Ferré, Tolkien  : sur les rivages de la Terre du Milieu, Paris, Christian Bourgois, 2001.

Sur Tolkiendil

1) L'Anneau des Nibelungen est une légende, d'origine à la fois scandinave (Edda poétique, ensemble de poèmes en vieux norrois) et germanique (Chanson des Nibelungen, épopée médiévale en moyen haut-allemand) dont Richard Wagner s'est inspiré pour composer son célèbre cycle de quatre opéras. La tétralogie raconte l’histoire des Nibelungen, un peuple de nains, habitant sous les montagnes, d'où ils tirent de grandes richesses. Alberich, le roi des Nibelung, en voulant séduire une des sirènes gardiennes de l’or du Rhin, suscite leurs moqueries. Par dépit amoureux, il vole l'Or du Rhin afin de forger un anneau conférant à son possesseur immense puissance et richesse. Après avoir découvert que l’anneau lui a été dérobé par Wotan, le Père des dieux, Alberich maudit de rage l'anneau. Cette malédiction de l’anneau, qui cause la perte de son porteur, occupe désormais le cœur de l’intrigue…
2) Lettre à ses éditeurs Allen & Unwin à propos de la préface de l'édition suédoise du Seigneur des anneaux, in Lettres (de J. R. R. Tolkien), traduction Vincent Ferré et Delphine Martin, Paris, éditions Christian Bourgois, 2005.
3) Avant-propos à la deuxième édition, in Vincent Ferré, Tolkien sur les Rivages de la Terre du Milieu, Paris, Christian Bourgois, 2001.
4) Lettre n° 34 à Stanley Unwin, 13 octobre 1938, in Lettres (de J. R. R. Tolkien), traduction Vincent Ferré et Delphine Martin, Paris, éditions Christian Bourgois, 2005.
5) Wayne G. Hammond et Christina Scull, The J.R.R. Tolkien Companion and Guide: Reader's Guide, Houghton Mifflin, 2006.
6) Dans un passage d’Yvain ou le Chevalier au lion, ce dernier réussit à échapper à ses poursuivants grâce à un anneau d'invisibilité que lui avait donné la servante Lunete.
7) Au chant X de l’Orlando furioso, le chevalier Roger délivre la princesse Angélique, sur le point d'être dévorée par un monstre marin, grâce à un anneau merveilleux.
8) Maximin Deloche, « Le port des anneaux dans l'Antiquité romaine et dans les premiers siècles du Moyen Âge », Mémoires de l'Institut national de France, année 1896, volume 35, numéro 2, pp. 169-280, disponible en ligne à l’adresse http://www.persee.fr/doc/minf_0398-3609_1896_num_35_2_1563.
9) Évangile selon Luc, chapitre 5, verset 10, traduction Louis Segond.
10) Sur ces aspects de l’œuvre, voir en particulier : Léo Carruthers, Tolkien et la religion. Comme une lampe invisible, Presses universitaires de la Sorbonne, 2016.
11) Lettre n° 191 à Madame J. Burn, 26 juillet 1956, in Lettres (de J. R. R. Tolkien), traduction Vincent Ferré et Delphine Martin, Paris, éditions Christian Bourgois, 2005.
12) Bacchylide, Ode XVII, Thésée ou Les Jouvenceaux, traduction R.Flacelière, éd. E. de Boccard, 1958.
13) Cette scène a pu être rapprochée de celle du livre de la Genèse où Caïn tue son frère Abel, premier meurtre rapporté par la Bible. Voir : David Lyle Jeffrey, « Tolkien as Philologist », dans Jane Chance, Tolkien and the invention of the myth, The University Press of Kentucky, 2004.
14) J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, traduction Francis Ledoux, Christian Bourgois éditeurs, Paris, 1995.
15) Cette reconnaissance pour les petites gens qui font discrètement avancer les grandes causes est magnifiquement exprimée par la prédiction d’Elrond au chapitre « Le conseil d’Elrond » du Seigneur des Anneaux : « Mais il en va souvent de même des actes qui meuvent les roues du monde : de petites mains les accomplissent parce que c'est leur devoir, pendant que les yeux des Grands se portent ailleurs ».
16) La Lydie est une ancienne région occidentale de l'Asie Mineure, baignée par la mer Egée, dont la capitale était Sardes. Elle se situe aujourd’hui en Turquie.
17) Platon, La République, livre II, 359b-360d, traduction Victor Cousin, disponible en ligne à l’adresse : https://fr.wikisource.org/wiki/La_R%C3%A9publique_(trad._Cousin).
18) Cette position est exprimée dans plusieurs dialogues platoniciens, en particulier le Protagoras : « Pour moi, je suis à peu près persuadé que, parmi les philosophes, il n’y en a pas un qui pense qu’un homme pèche volontairement et fasse volontairement des actions honteuses et mauvaises ; ils savent tous au contraire que tous ceux qui font des actions honteuses et mauvaises les font involontairement (…) », 352c.
19) Emmanuel Kant, La religion dans les limites de la simple raison, Paris, Librairie philosophique Vrin, 1994.
20) Charles Delattre, « Du Cycle de l'anneau au Seigneur des Anneaux » in Tolkien, trente ans après (dir. Vincent Ferré), Paris, Christian Bourgois, 2004.
21) En ce sens, on peut utilement se reporter à l’article de Bruno Delorme, La question du double dans l’œuvre de Tolkien, publié sur Tolkiendil en 2015, ou plus récemment à l’article de Luc Perino, « Récits d'un jeune médecin… en Terre du Milieu », paru au sein de l’ouvrage Tolkien et les sciences en 2019.
22) J.R.R. Tolkien, Le Silmarillion, traduction Pierre Alien, Paris, Pocket, 2003.
23) Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal, traduction Cornélius Heim, Paris, Folio, 1987.
24) Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, traduction Henri Albert, Paris, Société du Mercure de France, 1903.
25) Ibid.
26) « C'étaient les Trois qui avaient été faits en dernier et qui avaient le plus grand pouvoir : Narya, Nenya et Vilya, les Anneaux du Feu, de l'Eau et de l'Air, sertis de rubis, de diamant et de saphir. Sauron les désirait par-dessus tout, car ceux qui les portaient pouvaient échapper aux effets du temps et reculer la fatigue du monde. Il ne put les découvrir, car ils avaient été confiés aux mains des Sages qui les cachèrent et ne les employèrent plus ouvertement tant que Sauron garda l'Anneau Unique. », Le Silmarillion, « Les Anneaux de Pouvoir et le Troisième Âge ».
27) J.R.R. Tolkien, Le Hobbit, traduction Francis Ledoux, Paris, Le livre de poche, 2007.
 
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