«
Mais rien n’est préservé des plus anciens parlers des Hommes, sauf la langue des peuples de Bëor […] et Hador. Maintenant, la langue de ces peuples fut grandement influencée par les Elfes-verts, elle était jadis appelé taliska
et était encore connue de Tuor, fils de Huor »
1).
e taliska ou hadorien était la langue du Peuple de Hador, qui donna plus tard naissance à l’adûnaïque2). Le Peuple de Bëor parlait un dialecte étroitement apparenté, permettant une certaine compréhension mutuelle, le bëorien, bien que celui-ci ait compris « de nombreux éléments de caractère étranger »3). Une langue cousine du taliska aurait aussi été l’ancêtre de la langue du Nord qui donna naissance au dalien et aux langues du Val d’Anduin. Tolkien sous-entend même que ce parler serait à l’origine de la famille des langues germaniques : « de [cette langue], étroitement apparentée au taliska, sont issues après maints âges de changement des langues qui vivent encore au Nord de la terre. »4) Parmi les rares mots de taliska que nous connaissions se trouvent nóm « sagesse », nómin « [les] sages » et bëor « vassal », trois mots utilisés par le Peuple de Bëor pour désigner Finrod, le peuple de celui-ci et leur propre chef (dont le véritable nom était Balan), du fait qu’il ait choisi de suivre Finrod et de s’établir à Nargothrond en laissant le gouvernement de ses gens à son fils Baran5).
Tolkien aurait considérablement développé la grammaire et la structure du taliska6), qui apparaît avoir des liens complexes avec la structure et le vocabulaire des langues elfiques de l’époque de sa composition7) : dans le « Lhammas A », Tolkien indique que le « taliska semble avoir été largement dérivé du danien »8) (la langue des Nandor, également appelée nandorin). Mais dans le « Lhammas B », la situation est plus compliquée : si l’influence des Elfes verts demeure, il est dit que les Avari aussi « se lièrent d’amitié avec les Hommes errant en différents endroits et époques des jours les plus anciens, et leur apprirent ce qu’ils savaient »9), ce qui suppose une étroite proximité entre le taliska et certaines langues avarines.
Il semble également qu’avant d’adopter les tengwar de Fëanor, les hommes aient eu connaissance de l’Angerthas par l’intermédiaire d’une branche orientale des Nandor. Leur adaptation des cirth, connue sous le nom de « skirditaila ou “série runique” taliskane »10) semble avoir été à l’origine des séries runiques utilisées par les Hommes au Nord du Rhovanion.
Dans la version du « Lhammas », la langue des Elfes dérivait du valarin que leur avait enseigné Oromë, et n’était pas une invention qui leur soit propre. Par conséquent, il n’est pas surprenant d’y lire le commentaire suivant : « Les langues des Hommes, dès le début, étaient diverses et variées ; pourtant elles étaient pour la plupart de lointaines descendantes de la langue des Valar. »11)
De même, Tolkien imaginait à cette époque que tous les Edain abandonnèrent le taliska pour adopter les langues elfiques : « et cette langue était encore connue de Tuor, fils de Huor, fils de Gumlin, fils de Hádor, et fut préservée en partie par les sages de Gondolin, où Tuor vécut pendant un temps. Mais Tuor lui-même n’employait plus cette langue, car déjà à l’époque de Gumlin les Hommes du Beleriand avaient abandonné l’usage quotidien de leur propre langue et parlaient et donnaient même des noms à leurs propres enfants dans la langue des Gnomes. »12) Dans sa reconception de la situation linguistique des Dúnedain, seul le Peuple de Bëor est dit avoir abandonné sa langue au profit du sindarin13).
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