Helge Kåre Fauskanger — Mai 2002 traduit de l’anglais par Juliεη |
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Articles théoriques : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs. |
oncernant la langue des Orques dans les Jours Anciens, « il est dit qu’ils n’avaient pas de langue qui leur soit propre, mais qu’ils prenaient ce qu’ils pouvaient des autres langues et le pervertissait à leur contentement ; pourtant ils ne créèrent que des jargons brutaux, à peine suffisants même pour leurs propres besoins, sauf quand il s’agissait de malédictions et d’insultes. »1) Un exemple de leur manière de prendre « ce qu’ils pouvaient des autres langues et [de] le perverti[r] » peut être trouvé dans UT (p. 92), où nous apprenons que Golug était un nom orquien pour les Ñoldor, manifestement basé sur le sindarin Golodh pl. Gelydh et apparemment une distorsion arbitraire de ce mot elfique. Cependant, il est également dit que Morgoth, le premier Seigneur Ténébreux, « avait créé une langue pour ceux qui le servaient »2).
À l’époque de Frodo, la situation linguistique était inchangée : « Les orques et les gobelins avaient leurs langues propres, aussi hideuses que toutes les choses qu’ils créaient ou utilisaient, et puisqu’un reste de bonne volonté et de pensée et perception véritables est nécessaire pour garder vivante et utile même une langue vile pour des buts vils, leurs parlers étaient de forme infiniment diversifiée, tout comme leur contenu était mortellement monotone, fluide seulement pour exprimer les insultes, la haine et la peur. »3) En effet « ces créatures, étant remplies de malice, haïssant même leur propre race, développèrent rapidement autant de dialectes barbares qu’il existait de groupes ou d’établissements de leur race, ce qui fit que le parler orquien leur était de peu d’aide pour converser de tribu à tribu. »4) D’où le fait qu’il n’y ait pas une unique langue « orquienne » que nous puissions analyser. La seule chose qui semble être vraie pour les langues orquiennes de toutes les époques est qu’elles étaient « hideuses et grossières, et totalement dissemblables aux langues des Q[u]endi »5). En effet, « Orques et Trolls parlaient comme ils voulaient, sans amour des mots et des choses »6). Par conséquent, leur attitude envers le Langage était totalement différente de celle des Elfes, qui aimaient et cultivaient leur langue. Tolkien était lui-même un philologue, un titre qui sous-entend littéralement amoureux ou ami des mots, et dans son monde inventé, une totale absence d’amour pour le langage ne pouvait qu’être une caractéristique du mal.
La diversité et la mutabilité des langues orquiennes était bien sûr un obstacle pour un Pouvoir Ténébreux utilisant les orques comme troupes d’assaut. Ainsi, en vue d’une administration efficace (c’est-à-dire d’un totalitarisme absolu), Sauron prit le temps de créer un espéranto pour ses serviteurs. Agissant ainsi, il imita apparemment Morgoth, son maître originel, comme cela est évident à la lecture de VT 39 (p. 27), cité plus haut.
« Il est dit que le parler noir fut élaboré par Sauron dans les Années Sombres », nous informe l’Appendice F, « et qu’il avait désiré en faire la langue de tous ceux qui le servaient, mais dans cet objectif il échoua. Du parler noir cependant, étaient dérivés nombre de mots qui étaient répandus parmi les Orques au Troisième Âge, comme ghâsh « feu » ; mais après la première défaite de Sauron, cette langue dans sa forme ancienne fut oubliée par tous excepté les Nazgûl. Quand Sauron réapparut, il devint une fois encore la langue de Barad-dûr et des capitaines du Mordor. » Il est affirmé plus loin que les Olog-hai, la féroce race des Trolls élevés par Sauron au Troisième Âge, ne connaissait aucune autre langue que le parler noir de Barad-dûr. Le terme Olog-hai lui-même appartenait au parler noir. Il se peut que le terme « parler noir » n’ait pas été le nom donné par Sauron à sa langue, mais plutôt un nom de mépris donné par d’autres. D’un autre côté le nom de Barad-dûr en parler noir était Lugbúrz, signifiant « tour sombre » exactement comme le nom sindarin ; par conséquent, Sauron lui-même aimait-il peut-être être associé avec les ténèbres, et utilisait le noir comme couleur officielle. Cela semble certainement être la couleur dominante des uniformes de ses soldats.
olkien lui-même n’aimait pas du tout le parler noir. Un admirateur lui envoya une coupe à boire en acier, mais à sa grande déception il découvrit qu’elle était « gravée avec les terribles mots lus sur l’Anneau. Je n’ai bien sûr jamais bu dedans, mais l’ai utilisé pour les cendres de tabac »7). Il partageait manifestement l’opinion des Elfes et des Hommes du Troisième Âge, qui n’avaient certainement pas une meilleure opinion du parler noir qu’ils n’en avaient pour les autres langues utilisées par les Orques : « Il était tellement rempli de sons discordants et hideux et de mots infâmes, qu’il était difficile à maîtriser pour d’autres bouches, et de fait, rares étaient ceux qui voulaient s’y essayer. »8) Comme il n’existe pas de critères objectifs pour définir un son « [discordant] et hideux » ou un mot « infâme », ces affirmations doivent être considérées comme subjectives, reflétant un préjugé général contre toutes les choses orquiennes et tout ce qui découle de Sauron (bien qu’il puisse être soutenu que ce préjugé était mille fois mérité). Il est difficile d’identifier ces « sons discordants et hideux ». Le parler noir possède les occlusives b, g, d, p, t, k, les spirantes th, gh, (et peut-être f,kh, uniquement attestées dans les noms d’Orques), la latérale l, la vibrante r, les nasales m, n, et les sifflantes s, z, sh. Il se peut que cette liste ne soit pas complète, étant donné la taille de notre corpus. Les voyelles sont a, i, o et u ; la voyelle o est indiquée par Tolkien comme étant rare. Le parler noir ne semble pas utiliser le e. Les â et û longs sont attestés (ce dernier est aussi orthographié ú, mais An Introduction to Elvish, p. 166-167, a probablement raison de supposer que c’est simplement une incohérence d’orthographe de la part de Tolkien). Il existe au moins une diphtongue, ai, et au figure dans un nom d’Orque. (Comme nous ne sommes pas sûr de la langue à laquelle appartiennent ces noms, ils ne seront pas traités ici plus avant.)
Qu’est-ce qui, alors, était considéré comme déplaisant par les Elfes ? Il est affirmé que les Orques utilisaient un r uvulaire, comme le R français et allemand, et que les Elfes trouvaient ce son désagréable. Il a été suggéré qu’il s’agissait de la prononciation usuelle du r dans le parler noir ancien9). Le parler noir possédait également des groupes consonantiques qui n’apparaissaient pas dans le sindarin de l’époque : sn, thr, sk initialement, et rz, zg finalement. Quelle qu’en soit la cause, cette langue était généralement considérée comme singulièrement âpre : lorsque Gandalf cita l’inscription sur l’Anneau durant le conseil d’Elrond, « le changement dans la voix du magicien fut stupéfiant. Soudain elle devint menaçante, puissante, dure comme la pierre. Une ombre sembla passer sur le soleil à son zénith, et l’obscurité envahit un moment le porche. Tous tremblèrent, et les Elfes se bouchèrent les oreilles »10) - quelle réaction ! Il semble inévitable de conclure que cela était en grande partie fondé sur une haine de tout ce qui se trouvait « sous l’Ombre », plutôt que sur une laideur inhérente au parler noir lui-même.
’où venait le vocabulaire du parler noir ? Sauron n’avait sûrement pas plus d’ « amour des mots ou des choses » que ses servants n’en n’avaient, et on pourrait bien penser qu’il inventa simplement les mots de façon arbitraire. Cela pourrait être vrai dans certains cas, mais il semble qu’il ait également emprunté des mots à partir de plusieurs sources, même des langues elfiques : « Le mot uruk que l’on trouve en parler noir, conçu (est-il dit) par Sauron pour servir de lingua franca à ses sujets, avait probablement été emprunté par lui aux langues elfiques des premiers temps. »11) Il semble que Uruk soit similaire au quenya urco, orco ou au sindarin orch, mais il est identique à la forme elfique ancienne #uruk (variantes #urku, #uruku, d’où le q. urco, et #urkô, d’où peut-être le sind. orch). Mais comment Sauron pouvait-il connaître le quendien primitif ? Était-il celui qui s’occupa des Elfes que Morgoth captura à Cuiviénen, et peut-être même responsable des « manipulations génétiques » qui les transformèrent en Orques12) ? En tant que Maia, il aurait facilement interprété leur langue13). Pour les premiers Elfes, Morgoth et ses serviteurs auraient été des #urukî ou « horreurs », puisque la signification originale du mot était assez vague et générale, et il se peut que Sauron ait pris plaisir à raconter aux Elfes capturés qu’ils allaient devenir des #urukî eux-mêmes. À l’évidence, le mot resta dans sa mémoire.
Mais il y avait aussi d’autres sources au vocabulaire du parler noir. Le mot pour « anneau » était nazg, très similaire à la composante finale du mot valarin Mâχananaškâd « l’Anneau du Jugement »14). Étant un Maia, Sauron devait connaître le valarin ; cela pourrait en effet être sa « langue maternelle », pour utiliser le seul terme disponible. S’il semble blasphématoire de suggérer que la langue des dieux puisse avoir été un ingrédient au parler noir de Sauron, « rempli de mots discordants et hideux et de mots infâmes », il devrait être rappelé que selon Pengolodh, « l’effet du valarin sur les oreilles elfiques n’était pas plaisant »15). Morgoth étant techniquement un Vala, il doit avoir connu le valarin (ou au moins l’avoir appris à l’époque où il était captif à Valinor). D’après LRW (p. 178), il l’enseigna à ses esclaves sous une forme « pervertie ». S’il en est ainsi, il se peut que le valarin naškâd « anneau » ait donné nazg dans un dialecte orquien du Deuxième Âge, d’où Sauron l’aurait tiré.
Que devint le parler noir après la chute de Sauron ? Dans des formes encore plus abâtardies, il pourrait avoir subsisté un temps parmi ses anciens sujets. Même aujourd’hui il n’est pas entièrement mort, comme le montre cet article d’Ardalambion : « Satanist (?) Uses the Black Speech ».
« L’inscription sur l’Anneau était en parler noir ancien » nous informe l’Appendice F « alors que les injures de l’Orque du Mordor étaient dans la forme abâtardie utilisée par les soldats de la Tour Sombre, dont Grishnâkh était le capitaine. Sharku [sic, lire sharkû ?] signifie vieil homme dans cette langue. » (« Cette langue » signifie-t-elle le parler noir proprement dit ou sa forme abâtardie ? La formulation n’est pas parfaitement claire, mais il s’agit probablement de la dernière solution. Dans la note de bas de page du SdA, Livre VI, chap. 8, il est dit que sharkû – l’origine de Sharcoux, le surnom de Saruman – est « orquien ».)
otre unique exemple de parler noir pur est alors l’inscription sur l’Anneau : Ash nazg durbatulûk, ash nazg gimbatul, ash nazg thrakatulûk agh burzum-ishi krimpatul. « Un Anneau pour les gouverner tous, Un Anneau pour les trouver, Un Anneau pour les amener tous et dans les Ténèbres les lier. »16) Nazg signifie « anneau », également vu dans Nazgûl, « spectre(s) de l’Anneau ». Ash est le nombre « un », agh est la conjonction « et », dont la similarité avec le scandinave og, och est troublante. Burzum signifie « ténèbres », incorporant évidemment le même élément búrz, burz- « sombre » que dans Lugbúrz « Tour-sombre », le nom en parler noir que le sindarin traduit par Barad-dûr. D’où le fait que le –um de burzum doit être un suffixe abstrait comme le « -ness » du mot correspondant anglais « dark-ness ». Burzum a un suffixe ishi « dans ». Dans la transcription, il est séparé de burzum par un tiret, mais il n’y a rien de correspondant dans l’inscription en tengwar sur l’Anneau, donc il peut être considéré soit comme une postposition, soit comme une terminaison locative. (Il est remarquablement similaire au quenya –ssë et pourrait appuyer la théorie avancée par Robert Foster dans son Complete Guide to Middle-earth, que le parler noir était dans une certaine mesure basé sur le quenya et une perversion de cette langue. L’élément burz- « sombre » est également vaguement similaire au radical elfique pour « noir », MOR.) Bien que burzum-ishi soit traduit « dans les ténèbres », il ne semble rien y avoir qui corresponde à l’article « les », à moins que cela ne soit d’une manière ou d’une autre incorporé dans ishi. Mais les éléments dont nous disposons montrent que le parler noir ne marque pas de distinction entre les noms définis et indéfinis ; voir plus bas.
Dans le mot durbatulûk « pour les gouverner tous », les morphèmes pourraient hypothétiquement être segmentés en durb-at-ul-ûk « gouverner-pour-les-tous » (l’alternative est durb-a-tul-ûk, mais les suffixes ayant une structure voyelle-consonne créent un système plus ordonné, rappelons-nous que nous étudions une langue construite). D’une manière similaire nous avons gimb-at-ul « trouver-pour-les », thrak-at-ul-ûk « amener-pour-les-tous » et krimp-at-ul « lier-pour-les ». Les verbes avec la terminaison -at sont traduits par des infinitifs en anglais17) : durbat, gimbat, thrakat, krimpat = « gouverner, trouver, amener, lier ». D’où le fait que nous pouvons parler des verbes en –at comme des infinitifs, bien que cela puisse être également une forme « intentive » spéciale indiquant le but : l’Anneau a été créé dans le but de gouverner, trouver, amener et lier les autres Anneaux de Pouvoir. Le parler noir n’emploie pas seulement un suffixe –ul pour exprimer « les », mais aussi, et plus remarquablement, un suffixe plutôt qu’un mot séparé pour exprimer « tous » : -ûk.
uis il y a l’imprécation de l’Orque du Mordor : Uglúk u bagronk sha pushdug Saruman-glob búbhosh skai18). Dans PM (p. 83), cela est traduit « Uglúk à la fosse d’aisance, sha ! la saleté de fumier ; le grand imbécile à Saruman, skai ! »19) (Il en existe aussi une autre traduction ; voir plus loin). Il est dit qu’il s’agit d’une forme « abâtardie » du parler noir, mais il nous est bien sûr difficile de dire combien il diverge du standard originel de Sauron. Le son o est utilisé trois fois, bien qu’il nous ait été dit que « en parler noir [originel ?], o était rare ». Mais le son u est utilisé cinq fois (en excluant le nom humain Saruman), cela ne peut donc être simplement dû au fait que u soit devenu o dans ce dialecte orquien. Tolkien n’avait pas spécifié que le o était absent du parler noir (cf. le mot Olog-hai ci-dessous).
Les observations suivantes peuvent être faites : sha et skai sont évidemment de simples interjections de mépris ; ils ne sont pas traduits. Les mots composés de deux noms ont leur élément principal en dernier, comme en quenya ou en anglais : d’où le fait que « l’imbécile à Saruman » soit Saruman-glob plutôt que **glob-Saruman. (D’où bag-ronk = « aisance-fosse » et push-dug = « fumier-saleté », en segmentant hypothétiquement les éléments des noms composés de la manière qui semble la plus probable – mais bien sûr cela pourrait aussi être ba-gronk ou bagr-onk, pushd-ug ou pu-shdug). Les adjectifs suivent les noms qu’ils décrivent : « le grand imbécile à Saruman » est Saruman-glob búbhosh plutôt que **búbhosh Saruman-glob (voir aussi Lugbúrz « #Toursombre », #Lug Búrz étant orthographié en un seul mot). La traduction emploie à trois reprise l’article défini le, la, les, mais il n’a pas d’équivalent dans les mots orquiens (u doit être la préposition « à »). Cela suggère que le parler noir ne marque pas de distinction entre les noms définis et indéfinis (ce qui n’est pas en soi un défaut, puisque cela est aussi le cas dans des langues importantes comme le russe ou le chinois). Il est moins probable que le radical du nom isolé soit par défaut la forme définie, car dans ce cas ash nazg devrait être traduit par « l’anneau unique » et non « un anneau ». (D’un autre côté, Gandalf introduit sa traduction de l’inscription de l’Anneau par les mots « voici à peu près ce qu’il est dit en parler commun »20), un énoncé qui suggère que la traduction n’est pas exacte à 100 %. En théorie, c’est de plus une traduction de traduction, puisque Tolkien transcrit plus tard la version en parler commun apparaissant dans le Livre Rouge par de l’anglais…). Notons qu’une préposition u « à » est utilisée, indiquant que le parler noir a des prépositions aussi bien que des postpositions suffixées comme ishi (ou est-ce un des points où cette forme « abâtardie » du parler noir diffère du standard établi par Sauron ? Se pourrait-il que « à la fosse d’aisance » soit #bagronk-u en pur parler noir sauronien ?)
Une traduction assez différente de l’imprécation orquienne a été publiée dans Vinyar Tengwar : « Uglúk dans la fosse à fumier avec le puant Saruman-crasseux, entrailles de pourceau, gah ! »21) Cette traduction semble être plus tardive que celle mentionnée plus haut22). Il semble que Tolkien ait oublié la traduction originale et en ait simplement élaboré une nouvelle. Nous choisissons de retenir la traduction donnée dans PM (p. 83) comme celle authentique, bien que ce choix soit clairement arbitraire.
xcepté l’inscription sur l’Anneau et l’imprécation, le corpus ne comporte guère plus que les mots Olog-hai et Uruk-hai, dénotant des races de créatures particulièrement résistantes et guerrières évidemment développées et élevées par Sauron : respectivement des variétés d’Orques et de Trolls. Hai désigne manifestement un peuple ou une race.
Il est remarquable que le mot Nazgûl soit utilisé à la fois dans un sens pluriel et singulier. Peut-être qu’un simple nom n’est ni singulier ni pluriel, mais a un sens très général ou générique, et que des qualificatifs comme ash « un » ou hai « peuple » sont ajoutés si la signification a besoin d’être plus précisée. Ainsi, quand on fait référence aux Spectres de l’Anneau en général, il pourrait être acceptable de dire simplement Nazgûl, mais un Spectre de l’Anneau en particulier serait #ash Nazgûl (signifiant peut-être soit « un certain Spectre de l’Anneau » / « un Spectre de l’Anneau », soit « le seul Spectre de l’Anneau »). La « race » ou catégorie entière des Spectres de l’Anneau serait proprement #Nazgûl-hai. Mais tout cela est pure spéculation. Nous n’avons jamais vu le mot Nazgûl dans un contexte en parler noir.
Pour une analyse indépendante de la grammaire du parler noir, voir l’article Une deuxième opinion sur le parler noir, par Craig Daniel. |
es noms d’Orques, dont la signification est inconnue, sont exclus. L’abréviation p.n.a. signifie « parler noir abâtardi » et identifie en pratique les mots issus de l’imprécation de l’Orque du Mordor, sauf dans le cas de sharkû. Bien sûr, il se peut que certains de ces mots ne diffèrent pas de leur forme en pur parler noir sauronien. Nous ne le saurons jamais.
’historien Alexandre Nemirovsky, spécialisé dans l’histoire des Hittites et des Hourrites qui vécurent à l’âge du Bronze tardif, croit que le parler noir de Tolkien pourrait être inspiré par les langues de ces peuples anciens. Comme nous le savons, certaines langues inventées par Tolkien furent à coup sûr influencées par des langues pré-existantes ; il est bien connu que le quenya et le sindarin furent à l’origine inspirées par le finnois et le gallois, respectivement. Ce qui suit est une version légèrement éditée de l’explication que Nemirovsky m’envoya ; il m’a aimablement accordé la permission de l’utiliser ici :
ien sûr, nous ne voyons ici que les parallèles grammaticaux ; mais de nombreux mots du parler noir ont beaucoup en commun avec les mots hourrites-ourartiens. Examinons la liste suivante (les formes du parler noir sont données en italique gras, celles du hourrite-ourartien en italiques) :
Au passage, Sauron signifierait « Celui Qui est Équipé avec des Armes », « Celui Qui est Armé » en hourrite (Sau “Les Armes” + -ra, terminaison comitative, + n - “Celui” ou -on, -onne, une terminaison substantive)46). Uglûk peut-être traduit par « Effrayer-tout le monde ! », puisque ugil- signifie « provoquer la peur chez quelqu’un » en hourrite.
En prenant en compte le fait que nous connaissons très peu de mots orquiens, ce fait supplémentaire que tant d’entre eux ont des parallèles possibles en hourrite-ourartien semble plus significatif qu’il ne l’aurait été autrement, et cela pourrait indiquer que nous avons affaire ici à quelque chose de plus qu’une simple coïncidence.
Évidemment, ce n’est rien de plus qu’une proposition purement hypothétique. Mais en prenant en compte tous les traits communs entre le hourrite et l’orquien47) et la situation du problème hourrite dans les études linguistiques en Angleterre dans les années 20, 30 et 40, je ne peux m’empêcher de me demander : et si Tolkien avait vraiment utilisé des notions de hourrite alors qu’il esquissait son parler noir ?