La question de ND ou N(N)

 Quatre Anneaux
Helge Kåre Fauskanger — Août 2000
traduit de l’anglais par Damien Bador
Article théorique : La maîtrise globale des écrits de J.R.R. Tolkien est nécessaire pour bien saisir la portée des articles de cette catégorie, les sujets étant analysés de façon poussée par leurs auteurs.

Nous continuons notre série d’articles pas si excitants sur les différences entre le « noldorin » des « Étymologies » et le sindarin ultérieur de Tolkien en observant le comportement du groupe nd. En « noldorin » comme en sindarin, il est supposé devenir nn (ou même un n simple) dans certaines positions, mais il semblerait que Tolkien ait plus d’une fois changé les règles à ce propos, de sorte que les matériaux sont assez incohérents. Nous allons examiner le corpus et chercher à suggérer la manière dont il peut être régularisé au profit des lexicographes sindarins.

Nous sommes si chanceux que dans le SdA, Tolkien détaille certaines règles sur la manière dont nd / nn était supposé se comporter en sindarin. Dans l’Appendice E, le passage concerné dit ceci :

« nd devint habituellement nn, comme dans Ennor “Terre du Milieu”, q. Endóre, mais demeura nd à la fin des monosyllabes pleinement accentués comme thond “racine” (cf. Morthond “Noire-racine”) et aussi devant r, comme pour Andros “longue-écume”. Ce nd se voit aussi dans certains noms anciens dérivés d’une période antérieure, comme Nargothrond, Gondolin, Beleriand. Au Troisième Âge, les nd finaux des mots longs étaient devenus n par l’intermédiaire de nn, comme dans Ithlien, Rohan, Anórien. »1)

En gardant ces règles à l’esprit, examinons les mots du corpus « noldorin » qui seraient affectés par le développement que Tolkien esquisse ici et prenons en compte les matériaux sindarins ultérieurs le cas échéant.

Le comportement des « nd » finaux dans les monosyllabes

Le passage juste cité nécessite de l’exégèse, mais une chose est claire : la combinaison nd demeurait inchangé « à la fin des monosyllabes pleinement accentués ». Cependant, cela n’est pas vrai pour le « noldorin » des « Étymologies ». Dans bon nombre de cas, « Les Étymologies » rapportent un changement « noldorin » de nd en nn même à la fin des mots monosyllabiques, où cette modification ne devrait pas avoir lieu en sindarin selon les informations explicites données dans le SdA. Ainsi, on voit que Tolkien changea d’avis sur ce point. Lorsqu’il mit à jour le « noldorin » en « sindarin », il nous faut par conséquent ignorer le développement nd > nn dans les monosyllabes.

Dans les cas suivants, « Les Étymologies » listent les formes « anciennes » avec un nd intact (qui serait la seule forme sindarine) et la forme ultérieure lorsque nd était devenu nn. Nous n’avons ici qu’à ignorer le changement phonologique et adopter la forme ancienne dans nos lexiques sindarins : and > ann « long » (ÁNAD- / ANDA-), band > bann « contrainte, prison » (MBAD-), brand > brann « élevé, noble, fin » (BARÁÐ-), bund > bunn « museau, nez, cap » (MBUD-), chwand > chwann « éponge, fongus » (SWAD- ; la forme ou orthographe sindarine devrait plutôt être hwand, forme qui est en fait mentionnée dans la même entrée), chwind > chwinn « tourbillon »2) (SWIN- ; l’orthographe sindarine devrait être #hwind plutôt que chwind), fend > fenn « seuil » (PHEN-), gwend > gwenn, qui est à la fois un nom « demoiselle » (WEN- / WENED-) et l’ancien passé du verbe gwedi (lire évidemment #gweði = #gwedhi) « lier » (WED-), gwind > gwinn « soir, aussi adj.= gris-bleu pâle » (WIN- / WIND- ; on ne sait précisément si Tolkien rejeta ou non ce mot)3), hand > hann « intelligent » (KHAN-), ind > inn « pensée intérieure, signification, cœur » (ID-), lhand > lhann « vaste » (LAD-, cf. LAT- ; à cause d’une autre révision, il nous faut lire #land plutôt que lhand en sindarin), lhind > lhinn « air, mélodie » (LIN2- ; à nouveau, lire #lind au lieu de lhind en sindarin), lond > lonn « chemin » (mentionné sous AK-, mais dérivé du radical LOD-4)), nand > nann « vaste prairie » (NAD-), nend > nenn « aqueux » (NEN-), pend > penn « déclivité » (PEN- / PÉNED-), rhind > rhinn « cercle » (RIN- ; à cause d’une autre révision, il nous faut lire #rind plutôt que rhind en sindarin), rhond > rhonn « caverne » (ROD- ; de même lire rond pour rhond en sindarin - la forme sindarine rond est attestée en WJ, p. 414, quoique la même source indique que Tolkien avait altéré sa dérivation, la faisant désormais remonter à un radical RONO plutôt que ROD-), thind > thinn « gris, pâle » (THIN-), thlind > thlinn « fin, mince » (SLIN- ; du fait d’une autre révision, il nous faut lire #lhind, non thlind, en sindarin), tond > tonn « grand » (TUN-), tund > tunn « colline, tumulus » (TUN-). En plus de ceux-ci, il existe quelques formes que Tolkien biffa dans « Les Étymologies » : dend > denn « penché » (DEN- ; supprimé et remplacé par PEN-) et glind > glinn « bleu pâle » (GLINDI-).

Une autre liste, bien plus courte, couvre les cas où Tolkien ne mentionna que l’« ancienne » forme avec nd intact, sans inclure de forme « noldorine » ultérieure en nn que nous aurions de toute manière à ignorer. Les formes en question sont gwend « attache, amitié » (seulement mentionné dans l’entrée WEN-, WENED-, mais dit être dérivé de WED — ainsi le mot gwend possède-t-il une troisième signification en plus des deux mentionnées ci-dessus), lhand « espace ouvert, de niveau » (LAT-, cf. LAD- — à cause d’une autre révision, il nous faut lire #land en sindarin), lhend « mélodieux, doux » (LINDĀ- ; lire à nouveau #lend en sindarin), grond « bâton, matraque, massue » (RUD- ; ce mot apparaît dans le SdA et le Silmarillion), hwand « éponge, fongus » (SWAD- ; en sindarin, cette forme doit être préférée à chwand et à chwann, mentionnés dans la même entrée).

Ulmo (© Anke Katrin Eissmann)

Nous avons enfin le groupe le plus difficile : les cas où Tolkien ne mentionna que la forme « tardive » avec nn, mais où nous pouvons déduire qu’il devait y avoir une ancienne forme en –nd–, qu’il nous faut utiliser en sindarin. Dans certains cas, le « noldorin » nn devrait cependant aussi être nn en sindarin (voir plus bas au sujet de crann, donn), de sorte que nous ne pouvons mécaniquement altérer partout les nn finaux en nd. Il nous faut découvrir si nn descend de nd ou non dans chaque cas.

Il y a les mots « noldorins » qui devraient manifestement avoir nd plutôt que nn en sindarin : cann « audacieux » (KAN- ; Tolkien mentionne la forme primitive *kandā), † cunn « prince » (le « radical » KUND-Ū- semble en fait être une reconstruction du mot primitif ; voir aussi le terme quenya apparenté † cundu), gonn « grande pierre, roc » (voir la forme du radical GOND- ; la forme sindarine gond est mentionnée dans l’Appendice du Silmarillion, voir aussi gondram « pierre taillée » dans « Les Étymologies » elles-mêmes, entrée DARÁM-), ionn « fils » (, YON- ; voir le terme quenya apparenté yondo — à moins qu’il ne nous faille considérer que le sindarin #iond fut supplanté par iôn comme mot pour « fils » ; WJ, p. 337), lhonn « chemin étroit, détroit » (LOD- ; voir le composé Aglond dans l’entrée AK- ; la forme sindarine lond — définie par « havre entouré de terres » - est mentionnée dans l’Appendice du Silmarillion, entrée londë, bien que Christopher Tolkien ajoute curieusement lonn comme alternative entre parenthèses), ninn « mince » (voir le radical NIN-DI- et le terme quenya apparenté nindë), pann « cour » (PAD- ; voir le terme quenya apparenté panda « clôture » - mais l’homophone pann « vaste », dérivé du radical PAT-, devrait lui rester pann en sindarin, puisque ce mot vient d’un *patnā primitif plutôt que de #pandā).

L’adjectif **rhinn « circulaire » (RIN-) serait normalement mis à jour par nos soins pour donner le sindarin #rind, ce qui en ferait un homophone du nom « noldorin » rhind > rhinn, sindarin #rind, mentionné dans la même entrée. Toutefois, l’orthographe de l’adjectif **rhinn a été remise en question et est suspectée être une erreur de lecture pour rhenn (sindarin #rend) dans le manuscrit de Tolkien, ce qui éliminerait les homophones : le nom rhind > rhinn semblerait être apparenté au quenya rindë « cercle », tandis que l’adjectif aussi donné sous la forme « rhinn » correspondrait apparemment au quenya rinda « circulaire » : formes primitives #rindē et #rindā, respectivement. On s’attendrait à ce que #rindā produise le « noldorin » #rhend > rhenn, non **rhind, puisque le * final causerait une métaphonie en a et changerait le *i originel en e (pour une paire nom / adjectif similaire, voir l’entrée DEM- : le nom primitif *dimbē donne le « noldorin » / sindarin dim « tristesse », tandis que l’adjectif primitif *dimbā « triste » devient dem avec une voyelle transformée par umlaut). Nous ne pouvons cependant être certains que Tolkien ait voulu que l’adjectif « noldorin » **rhinn soit directement apparenté au quenya rinda, aussi est-il difficile de dire si nous devrions laisser le mot sindarin pour « circulaire » sous la forme #rind ou #rend. [Le VT 46, p. 11, confirme qu’il faut lire rhenn « circulaire », qui donnerait #rend en sindarin ; le marquage des noms a donc été changé en conséquence, N.d.T.]

Dans le cas de l’adjectif « noldorin » donn « bistre, basané, ombreux, suspect » (DUN-), un raisonnement subtil est nécessaire pour déterminer s’il devrait rester donn ou être changé en #dond en sindarin. Le radical DUN- pourrait avoir donné un adjectif primitif #dundā. Comparer avec la propre « reconstruction » de Tolkien de *kandā à partir de KAN-, qui donne le « noldorin » cann « audacieux » (sindarin #cand). De même, #dundā donnerait le « noldorin » donn, mais le sindarin #dond. D’un autre côté, donn pourrait aussi descendre d’une forme primitive #dunnā (#dun-nā, la dernière syllabe étant une terminaison adjectivale bien attestée). Comparer avec la forme primitive *k’rannā dérivée de KARÁN-, qui donne le « noldorin » crann ; celui-ci resterait tel quel en sindarin, puisque dans ce cas, nn ne descend pas d’un ancien nd, mais est resté nn tout du long. Par conséquent, si le « noldorin » donn descend de #dunnā, ce mot devrait aussi garder cette forme en sindarin. En plus du radical DUN- lui-même, les seuls indices dont nous disposions sur l’origine de donn sont les termes apparentés en doriathrin et en danien (nandorin), cités dans la même entrée, qui sont respectivement dunn et dunna. Le doriathrin semble préserver les nd finaux primitifs ; l’entrée NAD- liste le doriathrin nand « champ » comme étant apparenté au quenya nanda « prairie humide » (tous deux dérivant d’un #nandā primitif, qui donne aussi le « noldorin » nand > nann, en sindarin seulement nand). De la sorte, si donn descendait de #dundā, nous devrions nous attendre à voir **dund plutôt que dunn comme terme doriathrin apparenté. Par conséquent, donn doit plutôt venir de #dunnā (le nn originel restant inchangé dans le doriathrin dunn). Ainsi, donn plutôt que **dond serait aussi la forme sindarine de ce mot, qui ne contint jamais nd.

Voilà pour les monosyllabes. Il faut comprendre que si ces mots apparaissent dans des composés ou reçoivent une terminaison et ne sont donc plus monosyllabiques, le changement de nd en nn a aussi lieu en sindarin. Par exemple, le SdA (Livre I, chapitre 11 « Un Couteau dans la Nuit ») mentionne ann-tennath (signifiant évidemment « longs-courts ») comme forme versifiée elfique. Ce mot semble contenir and « long », donnant ici ann parce que ce mot n’apparaît pas en tant que monosyllabe, mais fait partie d’un composé. (Voir aussi ci-dessous au sujet d’andaith = #ann-daith « longue-marque ».)

Le comportement des « nd » intervocaliques

Après avoir noté que « nd devint habituellement nn », Tolkien cita Ennor « Terre du Milieu » comme exemple (contrastant avec la forme quenya, Endórë, plus conservatrice, où persiste le nd originel). Il nous faut donc conclure que le nd intervocalique devenait normalement nn. Tolkien ajouta : « Ce nd se voit aussi dans certains noms anciens dérivés d’une période antérieure, comme […] Gondolin… » En conséquence, Gondolin (plutôt que **Gonnolin) n’est pas vraiment une exception à la règle qu’il a établie ; il s’agit simplement d’un nom qui persista sous une forme archaïque — probablement avec l’aide d’une orthographe conservatrice. Chose intéressant, « Les Étymologies » citent Gondobar « Pierre du Monde » comme nom alternatif de Gondolin et mentionnent aussi Gonnobar, qui est évidemment supposée être une forme ultérieure (GOND-). « Les Étymologies » enregistrent aussi la transformation de nd intervocaliques en nn dans une poignée d’autres mots : andabon > annabon « éléphant » (MBUD-), findel > finnel « chevelure (tressée) » (SPIN-), gandel > gannel « une harpe » (ÑGAN- / ÑGÁNAD-), (tindumh >) tindu > tinnu « brune, crépuscule, début de nuit (sans lune) » (TIN-). Les gens écrivant en sindarin du Troisième Âge devraient utiliser les formes avec nn. Les monosyllabes discutés dans la section 1 supra, qui devraient se terminer par –nd plutôt que –nn en sindarin, changeraient aussi cette terminaison en -nn- si un suffixe lui était ajouté de façon à ce que –nd devienne intervocalique plutôt que final. Nous avons déduit que le mot sindarin pour « fils » devrait être #iond plutôt que ionn comme en « noldorin », mais même en sindarin, le pluriel collectif est ionnath, attesté dans la Lettre du Roi5). Tandis qu’une forme #iondath doit avoir existé antérieurement, elle serait archaïque en sindarin du Troisième Âge.

Tinúviel « fille du crépuscule », originellement un kenning pour le rossignol, mais aussi connu comme étant le nom que Beren donna à Lúthien, représente évidemment une forme ou une orthographe « modernisée ». L’entrée TIN- des « Étymologies » cite la forme très ancienne Tindūmhiell (où mh = v nasalisé, devenant plus tard un v normal. La même entrée fait référence à la manière dont Tindūmhiell devint Tinnúviel > Tinúviel (la consonne double étant manifestement simplifiée devant la voyelle accentuée). Le toponyme Tindobel « village éclairé par les étoiles » (dans l’entrée PEL(ES)- — l’entrée TIN- a la variante Tindubel « ville crépusculaire, éclairée par les étoiles ») contient le même élément tindu > tinnu « crépuscule » que Tin(n)úviel. Si nous devions le « régulariser » en sindarin du Troisième Âge, il nous faudrait par conséquent lire #Tinnubel ou #Tinnobel, mais puisqu’il s’agit manifestement d’un nom descendant du Premier Âge, il persisterait peut-être sous sa forme archaïque, comme les autres noms anciens que Tolkien mentionna dans l’Appendice E du SdA.

Voronwë (© Anke Katrin Eissmann)

Il convient de noter que le nd intervocalique devient normalement nn uniquement là où le groupe complet est perçu comme étant dans un seul morphème. Le changement n’advient pas là où le n et le d sont simplement l’un derrière l’autre dans un composé où le premier élément se termine par -n et le second commence par d-. Un exemple proéminent tiré du SdA est le nom Gondor, qui est composé de gon(d) « pierre » + dôr « terre »6). Le SdA donne aussi Baranduin, le nom elfique originel du fleuve Brandevin ; il s’agit de baran « brun, bistre » + duin « rivière ». L’épithète de Gandalf, Mithrandir ou « Gris Pèlerin » inclut randir « pèlerin, vagabond », qui correspond au radical verbal ran- « errer » + dîr « homme », ici utilisé comme terminaison agentive. Aucune forme **Gonnor, **Barannuin, **Mithrannir n’est mentionnée ou n’est sous-entendue exister. (Il existe cependant le curieux exemple Ennor pour « Terre du Milieu » ; il s’agit de en(d)- « milieu » + dôr « terre », qui aurait antérieurement été Endor — attesté en quenya. Phonétiquement, cet exemple semble entièrement parallèle à Gondor, aussi est-il étrange qu’Endor ne soit pas resté inchangé7).)

Du point de vue phonologique cependant, certains mots des « Étymologies » « devraient » avoir nn pour nd en sindarin du Troisième Âge : sous GOND- nous avons Gondost « #Cité du roc » comme nom de Gondolin, plus deux composés qui en dérivent, en l’occurrence Gondothrim « #le Peuple de Gondost » (Gondost-rim « Gens de Gondost » devenant Gondothrim) et Gondothrimbar « #la Terre du peuple de Gondost ». Dans ces mots, nd appartient à un morphème unique et est intervocalique, ce qui devrait normalement déclencher le changement nd > nn. Peut-être le nd de ces mots a-t-il persisté à cause de l’analogie avec le nom plus connu de Gondolin (quoique nous ayons déjà noté que les Étym. mentionnent bien un changement de nd en nn dans Gondobar > Gonnobar, autre nom encore de Gondolin). Il nous faudrait aussi observer de plus près le nom Gondolin lui-même. Lorsqu’il indique que « nd se voit aussi dans certains noms anciens dérivés d’une période antérieure », Gondolin fut le seul exemple de nd intervocalique que Tolkien vint à lister (les deux autres concernent la survivance atypique des –nd finaux dans les noms « longs » : Nargothrond et Beleriand). Concernant l’origine du nom Gondolin, il est dit dans l’Appendice du Silmarillion, entrée gond, que « le Roi Turgon élabora le nom de sa cité cachée, Ondolindë en quenya (quenya ondo = sindarin gond et lindë “chant, chanson”) ; mais celle-ci était toujours connue dans la légende sous la forme sindarine Gondolin, qui était probablement interprétée comme gond-dolen “Roc Caché”. »8) Ainsi le n et le d de Gondolin appartenaient à un seul morphème du point de vue des intentions originales de Turgon (gond = quenya ondo, roc ou pierre). Mais l’étymologie populaire gon(d)-dolen attribuait le n et le d à des morphèmes séparés, rendant évidemment ce mot moins susceptible de devenir **Gonnolin. (Incidemment, la même étymologie populaire aiderait à la perte du d final de Gondolind = Ondolindë. Puisque le nd final survécut dans les deux autres exemples de « noms anciens » que Tolkien mentionna en parallèle, Nargothrond et Beleriand, on peut effectivement se demander pourquoi il fut simplifié en –n dans Gondolin(d). L’association avec dolen « caché » l’expliquerait, puisque ce mot ne se termina jamais par –nd.)

À la lumière de ce qui précède, bon nombre de mots « noldorins » des « Étymologies » qui présentent un nd intervocalique peuvent être acceptés tels quels en sindarin, puisqu’ils représentent des composés dont le premier élément se termine en –n et le second début par d- : le nom de rivière Baranduin ou Branduin a déjà été discuté (BARÁN-). Nous trouvons aussi un certain nombre de noms masculins ou de formes agentives qui se terminent par –dir « homme » : les noms Brandir (BARÁÐ-, DER-) et Handir (KHAN-), plus le nom commun rhandir « errant, pèlerin » (RAN- — lire randir en sindarin9) à cause d’une autre révision et voir Mithrandir dans le SdA)10).

Tuor agenouillé (© Anke Katrin Eissmann)

Un autre groupe de mots où nous ne devrions pas changer le nd intervocalique « noldorin » en nn en sindarin sont les composés où d est en fait une forme lénifiée de t. Un exemple apparaissant tant dans « Les Étymologies », le SdA (Appendice A) et le Silmarillion est l’épithète d’Idril, Celebrindal « Pied d’argent » : Il s’agit d’un mot composé de l’adjectif celebren (celebrin-) « [fait] d’argent » et tâl « pied », ce dernier apparaissant sous la forme –dal dans cette position. Il semble que cela ne pourrait jamais devenir **Celebrinnal. (Dans « Les Étymologies », entrée KYELEP- / TELEP-, Tolkien changea Celebrindal en [C]elebrendal [lénifié en Gelebrendal], mais ce changement peut être ignoré en sindarin.) Un autre exemple figurant dans le SdA comme dans « Les Étymologies » est le nom d’aigle Thorondor « Roi des Aigles » (THOR- / THÓRON-), qui est constitué de thoron « aigle » + taur « roi », ce dernier se manifestant ici sous la forme –dor. Dans les Étym., ce nom apparaît aussi comme élément du toponyme Cilthorondor (KIL-) ou Cil-thorondor (THOR- / THÓRON-), signifiant apparemment « Faille de Thorondor ». Le mot andeith ou « marque longue » (un diacritique indiquant les voyelles longues), mentionné dans l’entrée TEK- des Étym., réapparaît dans l’Appendice E du SdA sous la forme andaith en sindarin du Troisième Âge. Il est constitué de and = ann- « long » + #taith « marque » (anciennement teith, forme donnée dans les Étym.), le t initial de ce dernier mot étant lénifié en d dans le composé andaith = #ann-daith.

Le mot mindon, qui est défini par « tour » (MINI-) et par « colline isolée » (TUN-) dans « Les Étymologies », contient aussi un t lénifié : sa forme ancestrale est diversement donnée comme étant *minitaun ou *minitunda. Un autre mot incorporant un t lénifié est muindor « frère », avec son « pl. analogique » muindyr : l’élément final provient du radical TOR- « frère ». Dans ces mots, nd devrait aussi perdurer en sindarin. Le nom Lhúndirien ou Luindirien est dit signifier « Tours Bleues », un autre nom des Eredluin ou « Montagnes Bleues » (LUG2- ; orthographiées Ered Luin dans le Silmarillion publié). La partie –dirien de ce nom semblerait être ce qui est traduit par « tours » ; cf. quenya tirion « tour de garde » (TIR-). Ainsi, nous avons encore un t lénifié, mais on peut douter que ces noms « noldorins » des Ered Luin soient toujours valides dans le sindarin ultérieur de Tolkien. (Dans tous les cas, le lh de Lhúndirien doit devenir un l- simple en sindarin ; de plus, -dirien comme pluriel de #-dirion serait une formation étrange en sindarin : lire #diryn11) ???) Si je devais écrire en sindarin, je désignerais les Montagnes Bleues par le nom Ered Luin, point.

Glorfindel à cheval (© Katrin Anke Eissmann)

Cela nous laisse avec seulement une poignée de noms « noldorins » avec nd intervocalique. Le nom Glorfindel (LÁWAR- / GLÁWAR, GLAW-(R)-, SPIN-, PHIN-) apparaît dans le SdA lui-même, aussi nous ne pouvons l’altérer en **Glorfinnel. On peut toutefois noter que dans une source tardive, Tolkien écrivit que l’usage de ce nom « dans le Seigneur des Anneaux est l’un des cas d’emploi quelque peu aléatoire des noms trouvés dans les légendes anciennes, désormais nommées le Silmarillion, qui échappèrent à une reconsidération dans la forme publiée finale du Seigneur des Anneaux. Cela est malheureux, puisque ce nom est maintenant difficile à expliquer en sindarin »12). On ne nous dit pas précisément ce qui était « de travers » avec le nom Glorfindel (c’est-à-dire pourquoi il ne correspondait pas très bien à la vision tardive qu’avait Tolkien du sindarin), mais une partie du problème pourrait fort bien avoir été qu’un nom de cette forme aurait dû devenir **Glorfinnel à la fin du Troisième Âge. La solution la plus simple serait de considérer qu’il s’agissait simplement d’une forme archaïque du Premier Âge, préservée ou revitalisée par son possesseur réincarné (puisque Tolkien décida en effet que Glorfindel de Fondcombe était la même personne que le Glorfindel de Gondolin jadis au Premier Âge)13). Quelques autres noms des « Étymologies », Borthandos (BOR-, KHAN-) et Findabar / Findobar (PHIN-, MBAR-) peuvent aussi être considérés archaïques. Discuter s’ils devraient être #Borthannos ou #Finnabar / Finnobar en sindarin du Troisième Âge n’est pas très intéressant tant qu’il n’y a aucune preuve que ces noms aient aussi été utilisés dans les âges ultérieurs.

Finalement, nous avons Eredlindon « Montagnes du Lindon (Ossiriand) » (ÓROT-, LIN2-, LUG2- ; le Silmarillion publié emploie l’orthographe en deux mots Ered Lindon). L’élément intéressant est bien sûr Lindon ; serait-il prononcé #Linnon aux âges ultérieurs ? Dans l’entrée LIN2-, Tolkien écrivit en fait : « Lindon, Lhinnon nom ilk[orin] d’Ossiriand ». L’idée est probablement que Lindon est la forme ilkorine correcte, tandis que Lhinnon en est une adaptation « noldorine ». Lhinnon correspondrait au sindarin #Linnon, ce qui pourrait sembler encourageant si nous voulons changer nd en nn. Mais puisque l’ilkorin fut remplacé par le sindarin en tant que langue indigène de Beleriand lorsque Tolkien révisa son mythe au début des années cinquante, le scénario linguistique complet subit de grands bouleversements qui doivent aussi être pris en compte. Dans la source post-SdA « Quendi & Eldar », le nom Lindon est présenté comme n’étant ni ilkorin ni « noldorin » ; Tolkien l’expliqua désormais comme un emprunt au nandorin (elfique sylvain) : « Les Sindar […] adoptèrent les noms Lindi et Lindon, leur donnant les formes Lindil (sing. Lindel) […] et Lindon »14). À l’évidence, la forme sindarine fut et demeura toujours Lindon. La même source liste Glinnil comme terme sindarin hérité pour les Lindi ou Elfes lindarins, aussi le changement du nd intervocalique en nn avait eu lieu dans les mots sindarins à l’époque où le nom Lindon fut emprunté au Nandorin : ce mot ne fut pas entièrement adapté, peut-être délibérément, s’il continuait à être reconnu comme un emprunt.

Le comportement de « nd » devant « r »

Tolkien affirma en outre que nd demeurait « aussi devant r, comme Andros “longue-écume”. » Cela semble fort bien s’accorder avec le matériel « noldorin » des « Étymologies ». Nous avons le nom d’aigle Lhandroval (RAM-), qui réapparaît sous sa forme sindarine Landroval dans le SdA lui-même, gondrafn ou gondram « pierre taillée » (DARÁM-) et pendrad ou pendrath « passage montant ou descendant, escalier » (PEN- / PÉNED-). Le mot anrand « cycle, âge » semblerait être une exception ; manifestement, la forme primitive *randā citée dans cette entrée est uniquement l’origine de la seconde partie d’anrand. Si le an- préfixé est une forme de and « long », comme dans l’exemple de Tolkien ci-dessus, Andros, nous pourrions nous demander pourquoi ce mot n’apparaît pas sous la forme #andrand. Une autre exception semble être le nom Finrod (PHIN-, RAUTĀ-), où le premier élément représente find « chevelure » ; pourquoi pas #Findrod ? Suivant une note de Tolkien publiée dans le VT 41, p. 9, le nom Find-raud > Findrod > Finrod présente « une perte du d médian devant un d qui suit, comme dans le vrai nom sindarin Thinrod “noble membre des Thindrim (Sindar)”. »15) Le mot anrand peut alors s’expliquer de la même manière : la forme #andrand fut changée à cause du d qui suivait dans l’élément –rand, supplantant la règle normale selon laquelle nd est préservé devant r. (Mais le mot pendrad « escalier » [PEN- / PÉNED-] ne s’intègre pas à ce système… il aurait plutôt dû être #penrad, et il nous faudra probablement utiliser cette forme amendée dans nos dictionnaires sindarins. Cependant, les écrivains peuvent simplement utiliser pendrath, de même signification, et éviter ce problème.)

Le comportement des « nd » finaux dans les polysyllabes

Peut-être devrions-nous lire #anrann ou #anran comme forme réelle d’anrand en sindarin du Troisième Âge, car demeure la question de savoir ce qui finit par arriver à nd à la fin du second élément d’un composé. Après avoir observé que nd « demeura nd à la fin des monosyllabes pleinement accentués comme thond “racine” (cf. Morthond “Noire-racine”) », Tolkien ajouta qu’« [a]u Troisième Âge, les nd finaux des mots longs étaient devenus n par l’intermédiaire de nn, comme dans Ithlien, Rohan, Anórien. » Eh bien, quelle est donc la longueur de ces « mots longs » ? L’exemple de Rohan, donné par Tolkien, dont le n final représente un ancien nd semblerait indiquer qu’un mot de deux syllabes est suffisamment long pour qu’intervienne cette réduction. Pourtant Tolkien cite dans le même paragraphe un mot de longueur similaire, Morthond « Racine Noire », sans réduction similaire en **Morthon. Alors que thond « racine » pourrait être un « monosyllabe pleinement accentué » en soi, Morthond n’est ni monosyllabique ni accentué sur la syllabe se terminant par –nd. Dans le SdA, il est présenté comme étant le nom contemporain d’une rivière au Troisième Âge, aussi ne pouvons-nous réellement supposer qu’il est particulièrement « archaïque » (cf. SdA, chapitre 2 du Livre V, « Le Passage de la Compagnie Grise », où Elladan dit à Gimli : « Nous sommes descendus de la source du Morthond […] vous n’aurez pas à demander par la suite d’où vient ce nom : Racine Noire l’appellent les hommes. »16) De fait, le SdA semble indiquer qu’il existait des mots « contemporains » de plus de deux syllabes où persistait néanmoins un –nd final ne s’étant pas changé en –nn puis en –n, comme le Merethrond « Grande Salle des Fêtes » mentionné dans le Livre VI, chapitre 6 « Nombreuses séparations » ; il est composé de mereth « fête » + rond « (grande) salle ».

Pourtant notre corpus contient bien des exemples d’un développement de nd en n via nn à la fin des polysyllabes. Pour citer d’abord une source postérieure au SdA, nous avons aerlinn, mot qui signifie approximativement « #chant sacré » ou hymne en RGEO, p. 70. (Il se trouve dans l’inscription en tengwar que Tolkien plaça au-dessus de sa transcription du chant A Elbereth Gilthoniel : Aerlinn in Edhil o Imladris, habituellement considéré signifier quelque chose comme « #Hymne des Elfes de Fondcombe ». Selon une autre suggestion, aerlinn signifie « #chant de mer », puisque cet hymne était chanté par des Elfes de retour d’un pèlerinage aux Emyn Beraid, près de l’océan.) L’élément final d’aerlinn est apparemment #lind, la forme sindarine du mot qui apparaissait sous la forme lhind « mélodie » en « noldorin » (LIN2-). Nous pouvons trouver des exemples similaires en « noldorin » des « Étymologies ». Les entrées DOȜ / DÔ- et LIN2- donnent les mots dúlind, dúlinn et dúlin(n) pour « rossignol », confirmant ainsi le développement nd > nn > n dans les « mots longs » dont Tolkien parle dans l’Appendice E (quoiqu’un dissyllabe semble être suffisamment « long »). De plus, les entrées AM2- et PEN- / PÉNED- prises ensemble fournissent tous les membres d’une trilogie ambend > am-benn > amben comme mot pour « en montée, ardu » (le second élément étant une forme lénifiée de pend « déclivité »). Dans l’entrée DUL-, nous avons aussi trois formes explicitement attestées dans le cas du nom « Gondolind, -inn, -in », c’est-à-dire Gondolind > Gondolinn > Gondolin. Les entrées KHOR- et ID- montrent aussi comment le nom Húrin évolua à partir de Húr-ind (signifiant apparemment quelque chose comme « #esprit vigoureux ») et en passant par Húrinn. Nous avons enfin la suite complète mœrilind > mœrilinn > merilinn > merilin « rossignol » (TIN- ; le changement de ö [ici orthographié « œ »] en e eut manifestement lieu à la même période qui vit –nd devenir –nn17))

Visage de Lúthien (© Anke Katrin Eissmann)

Dans un certain nombre d’autres cas, « Les Étymologies » ne mentionnent que la forme « originelle » en –nd et celle « finale » en –n, sautant la forme intermédiaire en –nn. Ce sont Aglond > Aglon « défilé, passe entre de hauts murs » (AK- ; dit être un toponyme), Banwend > Banwen « Vána », nom d’une Valië (orthographié Vana dans « Les Étymologies » (BAN-), Brethiliand > Brethilian « Forêt de Brethil » (BERÉTH-), iðrind > iðrin « année » (RIN-), othlond > othlon « route pavée » (LOD-), tuilind > tuilin « hirondelle » (TUY-), Uinend > Uinen, nom d’une Maia, la femme d’Ossë (UY- ; mais Tolkien réexpliqua plus tard ce nom comme étant un emprunt au Valarin, sans étymologie elfique, cf. WJ, p. 404), et finalement ulund > ulun « monstre, créature déformée et hideuse » (ÚLUG-). Dans le cas Lhothland > Lhothlann « vaste et vide », nom d’une région (LAD- ; lire Loth- pour Lhoth- en sindarin), l’ancienne forme en –nd et l’étape suivante en –nn sont attestées, mais pas la forme « finale » #L(h)othlan.

Dans quelques cas, seules les formes en –nn sont mentionnées, mais pas la forme originale en –nd ni la forme plus tardive en –n, comme pour dadbenn « en descente, aisé, incliné à, enclin (à faire) » (mais le développement complet de sa contrepartie am-benn « en montée, ardu » est attesté, voir plus haut). Angolonn « Terre des Gnomes (Noldor) » est un autre exemple ; son équivalent quenya Ingolondë, cité dans la même entrée (ÑGÓLOD-), pointe vers une forme primitive #Ñ·golondê (avec un ñ syllabique). La forme « noldorine » / sindarine la plus ancienne serait #Angolond, la forme « finale » #Angolon. Dans le cas du nom Túrin, l’ancienne forme Túrinn est attestée (dans la mesure où ce nom est donné comme étant « Túrin(n) » dans l’entrée ID-), mais la plus ancienne forme #Túrind n’est pas mentionnée. (Contraster avec la série complète Húrind > Húrinn > Húrin ci-dessus, comprenant le même élément final ind « pensée intérieure, signification, cœur ».)

Nous avons ensuite, une longue série de cas où seule la forme « ancienne » en –nd est attestée, tandis qu’il n’est fait nulle mention des formes ultérieures en –nn puis en –n : anrand « cycle, âge » (cent années valiennes) (RAD-)18), Baragund (nom masc.) (BARAS-, KUND-Ū-), camland « paume de la main » (LAD-), Celebrond « Massue d’argent » (RUD-), Elulind (nom propre, « ? Chanteur du ciel ») (ȜEL-), Elrond « Dôme étoilé », « Voûte du ciel », nom du fils d’Eärendil (Earendel) (EL-, ROD-, ȜEL-), Felagund (nom masc., suggéré signifier « #Prince des cavernes » dans les Étym., mais Tolkien le réinterpréta plus tard) (KUND-Ū-, PHÉLEG-), talagand « harpiste » (ÑGAN- / ÑGÁNAD- ; aussi en tant que nom masculin Talagand). Il y a aussi le nom Nargothrond (ou Narogothrond) « Forteresse du Narog » (NÁRAK-, OS-, ROD-), que Tolkien utilisa dans l’Appendice E du SdA comme exemple d’un nom ancien qui conservait toujours le –nd final au Troisième Âge. Cette dernière catégorie peut être comparée aux noms véritablement sindarins (pas « noldorins ») que l’on trouve dans l’essai post-SdA « Quendi & Eldar » : en WJ, p. 414, nous avons Hadhodrond comme nom sindarin de Khazad-dûm ou Moria (c’est Hadhod, une adaptation gris-elfique du nanesque Khazâd « Nains » + rond « caverne »). Sur la même page, nous avons aussi othrond pour « place forte souterraine » (ost « forteresse », réduit en oth- devant r- + rond « caverne »). Tolkien n’écrivit pas **Hadhodron(n), **othron(n). Cela complète notre revue du zoo varié des formes attestées. Que doit alors faire le pauvre « régulariseur », cherchant à cristalliser une orthographe standard pour les gens intéressés à écrire en sindarin du Troisième Âge ?

Beren et le Silmaril (© Anke Katrin Eissmann)

Tous les noms propres mentionnés jusqu’ici devraient probablement être laissés plus ou moins tels quels. Dans le contexte de l’histoire imaginaire, les personnes qui disaient toujours Baragund disaient aussi Húrind — et lorsque ce dernier nom fut finalement réduit en Húrin, Baragund fut de même réduit en #Baragun. Au sens strict, il est certainement incohérent d’avoir (mettons) Baragund à côté de Húrin19). Cependant, l’incohérence orthographique peut fort bien s’accorder avec l’histoire interne que Tolkien imagina pour le Silmarillion (où ces noms apparaissent). Christopher Tolkien observe dans son Préambule : « Mon père vint à concevoir le Silmarillion comme une compilation, une narration condensée, faite longtemps après à partir de sources d’une grande diversité (poèmes, annales et contes oraux) qui auraient survécu dans une tradition millénaire. » Des sources de diverses époques et écrites par de nombreux auteurs différents présenteraient certainement des différences d’orthographe considérables — certains citant les noms plus ou moins comme ils avaient été prononcés au Premier Âge, d’autres les représentant de la manière dont ils vinrent à être prononcés en sindarin contemporain. Nous savons que Tolkien imagina différentes orthographes ; dans « Les Étymologies », entrée WEN- / WENED-, il indiqua que les noms Morwen et Eleðwen « ne présentent pas de –d, même dans une orthographe archaïque » comme preuve qu’ils ne pouvaient pas descendre de **Morwend, **Eleðwend. Par conséquent, l’« orthographe archaïque » conservait l’ancien –nd là où il avait jadis été présent et cela implique qu’il existait aussi une « orthographe moderne » qui ignorait le –d final, puisqu’il n’était plus prononcé de toute façon. Mais l’écriture peut aussi être très conservatrice, en particulier dans le cas des noms propres. Aussi, quand vous lisez, mettons, Baragund dans le Silmarillion, vous pouvez le considérer comme une « orthographe archaïque » d’un nom qui était en fait prononcé #Baragun au Troisième Âge — tandis que Húrin, Túrin sont des exemples d’orthographe « révisée » ou « moderne », prenant en compte qu’en fait, personne ne disait plus Húrind, #Túrind. (Ou peut-être la vraie orthographe « révisée » en tengwar était-elle plutôt Húrinn, Túrinn ; voir plus bas concernant l’orthographe d’aerlinn en tengwar. Dans ce cas, des noms comme Húrin et Túrin sont simplement transcrits selon la prononciation du Troisième Âge, de même que Tolkien employa dans le SdA la transcription Noldor plutôt que Ñoldor ou Ngoldor, parce que le ñ initial [sembable au ng de king] vint à se prononcer n au Troisième Âge — il ignora ainsi la distinction ñ / n qui était toujours maintenue en tengwar. Ignorer une distinction purement orthographique entre un n simple et un nn double serait encore moins dramatique.)

WJ, p. 5, où Tolkien utilise la perspective d’un analyste écrivant aux âges ultérieurs, est très intéressant à ce propos : « Le Beleriand est le nom du pays qui s’étendait de chaque côté de la grande rivière Sirion avant que ne finissent les Jours Anciens. Ce nom il porte dans les plus anciennes archives préservées et il est ici gardé sous cette forme, bien qu’il soit désormais appelé Belerian. »20) Ainsi l’emploi de la forme Beleriand est un archaïsme délibéré ; en sindarin contemporain ce nom était prononcé Belerian. Des noms comme Baragund, etc. seraient aussi des archaïsmes, tandis qu’une orthographe comme Húrin reflèterait la prononciation en vigueur dans les âges ultérieurs ; au Premier Âge, Húrin aurait dit qu’il s’appelait Húrind. Apparemment, les « orthographes archaïques » étaient toujours très fréquentes au Troisième Âge et dans le texte du SdA, cela se remarque dans des noms qui étaient toujours d’usage contemporain, comme Morthond, Merethrond ou Elrond. Lorsque de tels noms étaient utilisés dans une langue étrangère comme le westron, les gens auraient peut-être été incités à les prononcer exactement comme ils étaient écrits, réanimant le –d final qui avait en fait disparu du sindarin contemporain parlé par les Elfes21). Nous avons déjà décidé de laisser inchangés les noms propres dans notre forme régularisée de sindarin et d’utiliser l’orthographe que Tolkien lui-même employait. Concernant les formes comme othrond plutôt qu’#othron(n) qui figurent dans « Quendi & Eldar »22), il semblerait que Tolkien ait dans de nombreux cas délibérément cité une forme relativement archaïque de sindarin dans cet essai — peut-être parce que cela obscurcissait moins la dérivation ultime de ces mots. Noter que la même source cite aussi des mots contenant toujours la voyelle ö (écrite « oe », e.g. Eboennin en WJ, p. 387), quoique ö ait fusionné avec e en sindarin de la fin du Troisième Âge. Nous avons déjà cité un exemple des « Étymologies » qui semble indiquer que la forme de « noldorin » / sindarin qui possédait toujours œ = ö préservait aussi les –nd finaux : mœrilind comme mot pour « rossignol », ne devenant merilin que plus tard (voir TIN)23).

Húan & Lúthien dormant (© Anke Katrin Eissmann)

Les mots othrond et mœrilind / merilin nous amènent aux noms communs (par opposition aux noms propres) et pour de tels mots, il nous faut décider d’une orthographe standard. Récapitulons à nouveau ce que dit Tolkien dans l’Appendice E du SdA : « nd devint habituellement nn, […] mais demeura nd à la fin des monosyllabes pleinement accentués […] Au Troisième Âge, les nd finaux des mots longs étaient devenus n par l’intermédiaire de nn, comme dans Ithilien, Rohan, Anórien. » Ainsi les règles régissant le traitement des nd originaux sont comme suit : 1) restent tels quels à la fin des monosyllabes accentués ; 2) changés en n simple à la fin des mots « longs » ; 3) autrement changés en nn. La seule obscurité qui subsiste est alors de déterminer quelle est la longueur d’un mot « long ». Comme nous l’avons déjà indiqué, Tolkien inclut Rohan parmi ses exemples, ce qui semblerait indiquer qu’un mot de deux syllabes est suffisamment « long » (ou alors nous verrions **Rohann). « Long » signifie alors simplement « polysyllabique ». Mais l’exemple aerlinn de RGEO, p. 70 (une source postérieure au SdA !) semble montrer qu’un mot de deux syllabes n’est pas suffisamment long pour que nn soit réduit en n. Si nous définissons les mots « longs » comme étant des mots de trois syllabes ou plus, la forme aerlinn est exactement ce à quoi nous nous attendrions suivant les règles établies par Tolkien dans l’Appendice E.

Il se pourrait que Rohan soit un exemple relativement « mauvais ». De toute manière, ce n’est pas du sindarin pur, mais une adaptation gondorienne / westronne d’un nom sindarin (avec h pour ch ; l’Appendice E note aussi que ch « fut affaibli en h dans le parler de Gondor et ce changement a été reconnu dans quelques noms, comme Rohan, Rohirrim »). À la lumière de l’exemple aerlinn, nous pourrions nous demander si la forme sindarine normale serait Rochann, peut-être habituellement écrite Rochand du fait du conservatisme général de l’orthographe des noms propres par opposition aux noms communs (aerlinn étant un exemple de ceux-là) ? Juste avant de discuter le développement de nd, Tolkien écrivit : « Noter que les consonnes écrites deux fois, comme tt, ll, ss, nn, représentent des consonnes longues ou “doubles”. Elles étaient habituellement abrégées à la fin des mots de plus d’une syllabe : comme dans Rohan, dérivé de Rochann (anciennement Rochand). »24) Mais quelle langue est discutée ici, le sindarin ou le westron ? L’exemple donné, Rohan, est du sindarin westronisé25). En conservant à l’esprit le mot aerlinn (anciennement #aerlind), nous pouvons conclure que la vraie forme sindarine était Rochann ou anciennement Rochand. Au moins, c’est ainsi qu’il était écrit (en RGEO, p. 70, aerlinn est attesté en tengwar !), quoique le –nn de la fin des mots n’était peut-être plus prononcé différemment d’un –n normal. UT, p. 318, élabore un peu plus sur le nom Rohan :

« [La] forme [sindarine] correcte était Rochand […] et [elle était] orthographiée Rochand ou Rochan […] dans les archives du Gondor […] Dans Rochand, la terminaison sindarine –nd (-and, -end, -ond) était ajoutée ; elle était habituellement utilisée pour les noms de régions ou de pays, mais le –d tombait fréquemment à l’oral, en particulier dans les noms longs, comme Calenardhon, Ithilien, Lamedon, etc. »26)

(Grâce à cela, il est clair que lorsque le nom Rohan survient dans un contexte sindarin, il devrait probablement être orthographié Rochand, cela étant sa forme « normale ».) À nouveau, Tolkien insiste sur le fait que le développement complet —nd > -nn > -n était « particulièrement » caractéristique des mots « longs » et d’eux seuls, les exemples listés ici ayant trois ou quatre syllabes.

Éomer, Gandalf, Aragorn & Imrahil (© Anke Katrin Eissmann)

Il semble qu’il nous faille simplement établir audacieusement une sorte de règle pour régulariser les mots sindarins qui s’accorde au moins raisonnablement bien avec les exemples que Tolkien donna (il nous faut réaliser qu’aucune règle unique ne peut expliquer l’ensemble des orthographes dont il usa). La règle suggérée pour standardiser l’orthographe des mots polysyllabiques se terminant originellement en –nd serait de régulariser selon aerlinn et de laisser les anciens –nd se manifester sous la forme –nn à la fin des mots de deux syllabes. Seuls les mots effectivement « longs », de trois syllabes ou plus, devraient voir –nn être encore réduit en –n. Cela reflète aussi des considérations pratiques qui nous concernent en tant qu’utilisateurs potentiels du sindarin : si nous régularisions les -nd / -nn en –n simples à la fin de tous les polysyllabes, il nous faudrait mémoriser dans chaque cas si –n représente un ancien –nn ou était un –n simple tout du long, puisque le nn original serait préservé devant (disons) la terminaison du pluriel collectif –ath. S’il nous fallait donc régulariser aerlinn en **aerlin (pour aller avec Rohan plutôt que Rochann), il nous faudrait toujours nous souvenir que le pluriel collectif devrait être #aerlinnath avec un nn double intact. Avec une telle orthographe, nous aurions à nous demander si un mot comme aran « roi » représente un ancien #arann, auquel cas le pluriel collectif devrait être #arannath, ou s’il était simplement aran depuis le début, avec un pluriel collectif #aranath. (Les deux seraient prononcés assez différemment : accentués arANNath et ARanath, respectivement — la dernière option est probablement la bonne.) Aussi, pour rester simple, il semble préférable de conserver le nn double à l’écrit partout où nous ne nous écarterons pas trop loin des intentions de Tolkien en procédant ainsi. L’exemple aerlinn nous donne un précédent tolkienien postérieur au SdA auquel nous pouvons nous référer lorsque nous régularisons ses anciens matériaux. (Mais nous ne pouvons pas conserver –nn dans les mots de trois syllabes ou plus sans sortir des orthographes de Tolkien sanctionnées par le SdA ; par conséquent, il nous faudra écrire perian plutôt que #periann pour « semi-homme / hobbit » et il nous faudra simplement nous efforcer de retenir que le pluriel collectif est periannath plutôt que **perianath ! En effet, le nn de periannath représente probablement un ancien *nd, de sorte que ce mot est bien concerné par le présent article.)

Nous allons donner une liste complète des orthographes régularisées des mots (sans inclure les noms propres) discutés dans la section 4. Les orthographes attestées — parfois différentes, parfois identiques — sont données entre crochets, à côté de la source (entrée des « Étymologies » ou livre et page). Puisque les formes peuvent ainsi être immédiatement comparées, nous ne marquerons pas d’un astérisque nos orthographes révisées, même lorsqu’elles diffèrent de celles de Tolkien :

  • aerlinn « #chant sacré » ou possiblement « #chant de mer » [aerlinn ; RGEO, p. 70]
  • ambenn « en montée, ardu » [am-bend, am-benn, amben ; AM2- et PEN- / PÉNED-]
  • anrann (ou andrann ?) « cycle, âge » [anrand ; RAD- — l’élément and- « long » serait normalement préservé devant r-, mais d disparaît parce qu’il y a un autre d dans le mot27) — cependant, ce second d disparut ultérieurement dans le changement -nd > -nn et l’on ne sait si an- redeviendrait alors and-.]
  • camlann « paume de la main » [camland ; LAD-]
  • dadbenn « en descente, aisé, incliné à, enclin (à faire) » [dadbenn ; PEN- / PÉNED-]
  • dúlinn « rossignol » [dúlind, dúlin(n) ; DOȜ / DÔ-. dūlinn ; LIN2-]
  • idhrinn « année » [iðrind, iðrin ; RIN- — nous préférons le digraphe dh à la lettre spéciale ð, d’après l’orthographe utilisée dans le SdA]
  • merilin « rossignol » [mœrilind, mœrilinn, merilinn, merilin ; TIN- — puisque ce mot possède plus de deux syllabes, le –nd final est encore réduit en –n après être devenu –nn. Cf. perian, talagan ci-dessous.]
  • othlonn « route pavée » [othlond, othlon ; LOD-]
  • othronn « forteresse souterraine » [othrond ; WJ, p. 414 ; VT 46, p. 12]
  • perian « semi-homme » [perian ; SdA, deux fois dans le chapitre 8 du Livre V, « Les Maisons de Guérison »]
  • talagan « harpiste » [talagand ; ÑGAN- / ÑGÁNAD-]
  • tuilinn « hirondelle » [tuilind, tuilin ; TUY-]
  • ulunn « monstre, créature déformée et hideuse » [ulund, ulun ; ÚLUG-]

À cette liste, nous pourrions ajouter #mindonn « tour » ou « colline isolée », si ce mot devait être dérivé de *minitunda, comme dans l’entrée TUN- des « Étymologies » : nous aurions alors une forme ancienne #mindond et l’orthographe mindon de Tolkien serait juste une représentation alternative de la forme ultérieure #mindonn. D’un autre côté, mindon est dérivé de *minitaun dans l’entrée MINI- ; dans ce cas, l’orthographe mindon est bien appropriée, puisque selon ce scénario, ce mot ne se termina jamais par autre chose qu’un –n simple. Faites votre choix… mais si j’avais besoin d’un mot sindarin pour « tour », j’utiliserais plutôt barad ou minas, ces mots étant attestés dans le SdA et des sources ultérieures. Il se pourrait que Tolkien ait fini par considérer mindon comme un mot quenya plutôt que sindarin (il est attesté dans le poème Markirya : atalantië mindoninnar ou mindonnar, « sur des tours écroulées »28)).

Voir aussi

Sur Tolkiendil

Sur le net

1) Version originale : « nd became nn usually, as Ennor “Middle-earth”, Q. Endóre, but remained nd at the end of fully accented monosyllables such as thond “root” (cf. Morthond “Blackroot”), and also before r, as Andros “long-foam”. This nd is also seen in some ancient names derived from an older period, such as Nargothrond, Gondolin, Beleriand. In the Third Age final nd in long words had become n from nn, as in Ithilien, Rohan, Anórien. »
2) N.d.T. : Suite à une coquille dans la VO, Fauskanger estimait à tort que ce nom devait signifier « #tournoyant, tourbillonnant » ; cf. VT 46, p. 16.
3) N.d.T. : Le VT 46, p. 21, confirme le rejet de cette entrée. La glose a été modifiée pour tenir compte de la dernière version de celle-ci avant son rejet.
4) N.d.T. : À l’entrée LOD-, Tolkien mentionne aussi le nold. airlond « place aux cygne » comme équivalent au q. Alqalondë ; VT 45, p. 28.
5) SD, p. 129
6) N.d.T. : En fait, Tolkien indique dans le PE 17, p. 28, que Gondor dérive de la forme Gondo-ndor- ou Gon-ndor-, aussi la persistance du nd ne vient pas de ce que le n et le d appartenaient à deux morphèmes différents, mais du fait qu’il s’agissait d’une réduction d’un groupe plus complexe.
7) N.d.T. : Cet exemple tend au contraire à suggérer que le même changement nd > nn eut lieu dans les mots composés où le premier élément se termine par -n et le second début par –d que dans les polysyllabes où il s’agit d’un groupe unitaire. En effet, les contre-exemples cités par Fauskanger sont tous des noms propres, dont on peut supposer qu’ils se figèrent à une période donnée. Par ailleurs, l’étymologie du sind. randir semble plus complexe que celle des autres termes mentionnés. En effet, Tolkien fait dériver ce terme de RĂNĂ « errer » + ndir « homme » (PE 17, p. 60), ce qui sous-entend qu’en vieux sindarin, ce mot devait plutôt s’orthographier #ranndir. Inversement, Ennor étant un nom d’usage courant, dont la connotation était sûrement plus floue pour les habitants de la Terre du Milieu, il a pu être considéré comme un nom commun et subir un tel changement.
8) Version originale : « the name of the hidden city of King Turgon was devised by him in Quenya as Ondolindë (Quenya ondo = Sindarin gond, and lindë “singing, song”); but it was known always in legend in the Sindarin form Gondolin, which was probably interpreted as gond-dolen “Hidden Rock”. »
9) N.d.T. : Attesté en PE 17, p. 60.
10) N.d.T. : Comme indiqué précédemment, à l’exception du nold. rhandir, sind. randir, tous ces mots sont des noms propres, dont la survivance sous cette forme peut s’expliquer par le conservatisme mentionné par Tolkien.
11) N.d.T. : Cette suggestion est très certainement erronée. Comme l’a depuis indiqué le PE 17 (p. 42-43), le suffixe sindarin –ien(d) correspondait au pluriel de –ian(d), dérivé de yandē « une vaste région ou un pays » et servait fréquemment à désigner une région unique dotée d’une topographie variée, comme l’Anórien ou l’Ithilien de Gondor. Ainsi, Lhúndirien ou Luindirien désigne probablement la région des Ered Luin plutôt que la chaîne de montagnes en tant que telle.
12) Version originale : « in The Lord of the Rings is one of the cases of the somewhat random use of the names found in the older legends, now referred to as The Silmarillion, which escaped reconsideration in the final published form of The Lord of the Rings. This is unfortunate, since the name is now difficult to fit into Sindarin » ; PM, p. 379.
13) N.d.T. : Le PE 17, p. 17, confirme que findel « chevelure » était un terme archaïque plus tard orthographié finnel et « principalement préservé dans de vieux noms comme Glorfindel “Cheveux-dorés” ».
14) Version originale : « The Sindar […] adopted the names Lindi and Lindon, giving them the forms Lindil (sg. Lindel) […] and Lindon » ; WJ, p. 385.
15) Version originale : « loss of the medial d before a following d, as in the actual Sindarin name Thinrod “noble member of the Thindrim (Sindar)”. »
16) Version originale : « We have descended from the uprising of the Morthond […] you will not need to ask hereafter how comes its name: Blackroot men call it. »
17) N.d.T. : Cette entrée a été déplacée et amendée, les noms mœrilinn et merilinn n’étant pas présents dans la VO ; cf. VT 46, p. 19.
18) N.d.T. : Fauskanger ajoutait ici : « atland “penché, incliné” (TALÁT-) », mais le VT 46, p. 17, indique que ce mot s’orthographie en fait atlaud > aclod ; il n’est donc pas concerné par cette analyse et les mentions ultérieures de ce terme par Fauskanger sont omises silencieusement.
19) N.d.T. : Pas nécessairement. On peut supposer que le changement –nd > –nn (et même jusqu’à –n) ait eu lieu au cours de la vie de Húrin, notamment lors des bouleversements qui suivirent Nirnaeth Arnoediad : La divergence de forme pourrait aussi s’expliquer par une évolution plus ou moins rapide des dialectes parlés en Dorthonion, à Hithlum et dans le reste du Beleriand. Par ailleurs, l’histoire des langues européennes montre clairement que deux noms propres à priori similaires peuvent évoluer à des vitesses différentes, certains restants cristallisés sous une forme plus archaïque que d’autres. On peut même observer le même prénom coexister sous plusieurs formes successives à une époque donnée, comme par exemple les prénoms français Louis, Ludovic et Clovis. Néanmoins, il est vrai que les différentes indications concernant la période où eurent lieu ces changements paraissent quelques peu contradictoires.
20) Version originale : « Beleriand is the name of the country that lay upon either side of the great river Sirion ere the Elder Days were ended. This name it bears in the oldest records that survive, and it is here retained in that form, though now it is called Belerian. »
21) N.d.T. : Il n’est pas prouvé que le « sindarin contemporain » auquel il est fait allusion soit vraiment celui que parlaient les Elfes (réputés pour leur usage conservateur du westron) plutôt que le sindarin de Gondor. La Lettre du Roi, publiée dans Sauron Defeated et supposée avoir été rédigée par Aragorn au début du Quatrième Âge, contient d’ailleurs un certain nombre d’irrégularités par rapport aux autres textes sindarins attestés, lesquelles correspondent probablement à des particularités gondoriennes.
22) WJ, p. 414
23) N.d.T. : En fait, le VT 46, p. 19, montre que le changement œ > e eu lieu entre les changements nd > nn et nn > n.
24) Version originale : « Note that consonants written twice, as tt, ll, ss, nn, represent long or “double” consonants. At the end of words of more than one syllable these were usually shortened: as in Rohan from Rochann (archaic Rochand). »
25) N.d.T. : Plus exactement, on pourrait dire que Rohan appartient à la variété gondorienne du sindarin, qui se caractérise par un certain nombre d’innovations phonologiques tardives (on note aussi l’orthographe ered pour eryd « montagnes » ; cf. PE 17, p. 33, 89). Une alternative à l’hypothèse de Fauskanger serait de supposer que la simplification –nn > –n des mots « longs » n’avait lieu qu’en sindarin de Gondor, vu que tous les exemples cités sont des noms de régions ayant fait partie de ce royaume.
26) Version originale : « [The] proper [Sindarin] form was Rochand […] and [it was] spelt as Rochand, or Rochan […] in the records of Gondor […] In Rochand the Sindarin ending –nd (-and, -end, -ond) was added; it was commonly used in the names of regions or countries, but the -d was usually dropped in speech, especially in long names, such as Calenardhon, Ithilien, Lamedon, etc. »
27) VT 41, p. 9
28) MC, p. 222, cf. 215
 
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